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Review of the dissemination of intelligence on People’s Republic of China political foreign interference, 2018-2023: Report

Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023


Date de publication :

Modifications

En vertu de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR), l’Office de surveillance peut remettre au ministre concerné un rapport spécial portant sur tout enjeu relevant du mandat de l’OSSNR. Le ministre doit alors déposer le rapport spécial devant le Parlement dans les 15 jours de séance suivants.

Préalablement à la soumission d’un tel rapport, l’alinéa 52(1)(b) de la Loi sur l’OSSNR exige que l’Office de surveillance consulte les administrateurs généraux concernés pour veiller à ce que le rapport spécial ne contienne aucun renseignement dont la divulgation pourrait s’avérer préjudiciable pour la sécurité nationale, la défense nationale ou les relations internationales, ni aucune information qui soit protégée par le privilège lié au litige, le privilège du secret professionnel de l’avocat ou le secret professionnel de l’avocat et du notaire.

Le présent document est un rapport spécial que l’OSSNR a produit en application de l’article 40. Il s’agit d’une version révisée classifié qui a été remis au premier ministre le 5 mars 2024. En l’occurrence, les révisions apportées ont permis de retirer les informations pouvant s’avérer préjudiciables. Là où l’information pouvait simplement être retirée sans nuire à la lisibilité du document, l’OSSNR a remplacé le texte supprimé par une série de trois astérisques (***). Or, lorsqu’il a été nécessaire de contextualiser une suppression, l’OSSNR a modifié le texte en reformulant brièvement l’information qui avait été supprimée. Ces interventions sont signalées par l’ajout d’une série de trois astérisques au début et à la fin de la reformulation, et celle-ci est précédée et suivie de crochets (voir l’exemple ci-dessous).

EXEMPLE : [**Les parties révisées affichent des séries de trois astérisques qui précèdent et suivent la phrase, et la reformulation est entourée de crochets.**]

Liste des acronymes

Abbreviation Expansion
CEIPP Critical Election Incident Public Protocol
CTSN Canadian Top Secret Network
CST Centre de la sécurité des télécommunications
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
MDN Ministère de la Défense nationale
DM Deputy Minister
FI Foreign Interference
AMC Affaires mondiales Canada
HUMINT Human Intelligence
IAS Intelligence Assessment Secretariat
ISR Independent Special Rapporteur
MP Member of Parliament
NHQ National Headquarters
NSIA National Security and Intelligence Advisor
NSICOP National Security and Intelligence Committee of Parliamentarians
OSSNR Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement
BCP Bureau du Conseil privé
PRC People’s Republic of China
PMO Prime Minister’s Office
PSB Protective Security Briefing
SP Sécurité publique Canada
GRC Gendarmerie royale du Canada
RRM Rapid Response Mechanism
SIGINT Signals Intelligence
SITE TF Security and Intelligence Threats to Elections Task Force
TRM Threat Reduction Measure
UFWD United Front Work Department
Abréviation Développement
AC Administration centrale
AMC Affaires mondiales Canada
BCP Bureau du Conseil privé
CPM Cabinet du premier ministre
CPSNR Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement
CSNR Conseiller à la sécurité nationale et au renseignement
CST Centre de la sécurité des télécommunications
DER Direction de l’évaluation du renseignement
DTFU Département du travail du Front uni
GRC Gendarmerie royale du Canada
GT MSRE Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections
HUMINT Renseignement humain (Human Intelligence)
IE Ingérence étrangère
MDN Ministère de la Défense nationale
MRM Mesure de réduction de la menace
MRR Mécanisme de réponse rapide
OSSNR Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement
PPIEM Protocole public en cas d’incident électoral majeur
RCTS Réseau canadien Très secret
RPC République populaire de Chine
RSI Rapporteur spécial indépendant
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
SIGINT Renseignement électromagnétique (Signals Intelligence)
SISP Séance d’information sur la sécurité préventive
SM Sous ministre
SP Sécurité publique Canada

Sommaire

La collectivité de la sécurité et du renseignement admet unanimement que l’ingérence politique étrangère est une menace considérable pour le Canada et que la République populaire de Chine (RPC) constitue l’un des principaux auteurs de ce type de menace qui pèse sur tous les ordres de gouvernement. Pourtant, le présent examen – lequel porte sur la façon dont le renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la RPC a été diffusé entre 2018 et 2023 (période qui englobe les deux dernières élections fédérales) – indique que les éléments constitutifs de cette collectivité manifestent, en interne et entre eux, d’importants désaccords quant à savoir si, quand et comment il convient de diffuser les renseignements dont chacun dispose.

En outre, ces désaccords et ces disparités se fondent sur un enjeu qui concerne l’ensemble de la collectivité de la sécurité et du renseignement : comment doit on aborder cette « zone grise » où les activités d’ingérence politique étrangère en viennent à ressembler aux activités courantes des sphères politique et diplomatique? En l’occurrence, l’OSSNR a relevé un certain nombre d’éléments indicateurs de cet enjeu pendant le déroulement de l’examen, notamment dans les décisions visant à établir s’il y avait lieu de diffuser l’information et comment il convenait de caractériser ce qui devait être diffusé. Le risque de qualifier de menace des manifestations politiques ou diplomatiques qui seraient pourtant légitimes a amené certains membres de la collectivité du renseignement à éviter de considérer certaines activités comme des activités de menace. 

Intelligence is by its nature provisory. It does not constitute proof that the described activities took place, or took place in the manner suggested by the source(s) of the information. At the same time, the fact that it is ne contenait pas proof does not mean it should be withheld – by this standard, very little (if any) intelligence would ever be shared. What is required – between collection and dissemination – is an evaluation of the intelligence and a decision as to whether it should, or should not, be communicated in some way.

Pour ce qui a trait à la diffusion du renseignement concernant l’ingérence étrangère dans les élections, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a fait face à un dilemme. D’une part, l’information relative à l’ingérence étrangère dans les élections constituait une priorité pour le gouvernement, et le SCRS avait déployé son dispositif de collecte de sorte à mener son enquête sur le plan de l’ingérence politique étrangère. D’autre part, le SCRS reconnaissait la possibilité que la collecte et la diffusion de renseignement concernant les élections puissent également être interprétées comme des formes d’ingérence dans le processus électoral. Ainsi, une tension de fond demeure : toute mesure – notamment la diffusion de renseignement – prise par le SCRS avant ou pendant l’élection ne doit, ni en fait ni en apparence, influer sur celle ci. 

Au sein du SCRS, cette dynamique était bien connue, mais elle n’est formellement abordée ni dans la politique ni dans les lignes directrices. Comme il était difficile de savoir, surtout pour les responsables de la collecte de renseignement, quels étaient les motifs généraux ou les politiques appelés à orienter les mesures de diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère, il devenait tout aussi difficile de savoir comment ces motifs et ces politiques devaient orienter chacune des décisions. Globalement au sein du SCRS, on avait de plus en plus l’impression que les règles et les décisions étaient établies, voire modifiées, malgré l’absence d’une stratégie ou d’orientations qui soient cohérentes.

L’OSSNR recommande que le SCRS conçoive une politique et une stratégie complètes s’appliquant à tous les aspects de la façon dont le SCRS se mobilise – à savoir lorsqu’il enquête, produit des rapports et réagit aux menaces – contre l’ingérence politique étrangère. En outre, ces outils rehausseraient le niveau de cohérence au sein de l’organisation. Ils indiqueraient aux intervenants du gouvernement du Canada que le SCRS a attentivement pris en compte tous les aspects de l’ingérence politique étrangère, particulièrement les difficultés qu’elle pose, mais aussi qu’il établit des rapports et prodigue des conseils suivant des normes et des seuils rationnellement établis. 

Le SCRS est membre du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (MSRE) en compagnie du Centre de la sécurité des télécommunications (CST), de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d’Affaires mondiales Canada (AMC). L’une des principales fonctions du Groupe de travail est de remettre des rapports de renseignement coordonnés à un groupe de hauts fonctionnaires, à savoir le groupe responsable du Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM), pendant la période de l’élection. Ces deux organes ont pour objet de recevoir et d’analyser le renseignement provenant de la collectivité du renseignement relativement à l’ingérence politique étrangère dans les élections fédérales, mais aussi de réagir audit renseignement.

Les visées du Groupe de travail MSRE et du groupe responsable du PPIEM ont été définies dans le but de remédier au problème global et systématique d’une ingérence qui est principalement exercée en ligne (à l’instar de ce que nous avons pu observer durant l’élection présidentielle américaine de 2016). Or, ces organes n’ont pas été en mesure s’attaquer adéquatement aux sources traditionnelles et humaines de l’ingérence exercée dans les circonscriptions. Ainsi, l’OSSNR recommande que le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM fassent l’objet de mesures d’adaptation visant à leur permettre désormais de veiller à ce que les menaces liées à l’ingérence étrangère soient intégralement et adéquatement prises en charge.

En contexte non électoral, la collectivité du renseignement collecte régulièrement du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC. Ce renseignement est échangé horizontalement, au sein de la collectivité, ainsi que verticalement, avec les principaux décideurs, notamment les représentants élus.

Au cours de la période visée par l’examen, le SCRS n’a pas été en mesure de savoir exactement qui avait reçu et lu ses documents de renseignement. Cette absence de certitude est en partie attribuable à la multiplicité des systèmes de suivi interne qui sont employés par les ministères destinataires et qui n’ont possiblement pas été en mesure d’enregistrer ce type de données. Mais en définitive, c’est au destinateur de cette information sensible, en l’occurrence le SCRS, qu’il incombe de contrôler et de documenter les accès.

Le défaut de savoir ce qui a été reçu – et par qui – a eu des répercussions en donnant lieu, notamment, à la controverse autour du renseignement selon lequel la RPC ciblait un député en exercice.

Les médias et les propos du public concernant ce renseignement traitaient principalement de deux produits du SCRS : l’un émis en mai 2021, l’autre en juillet 2021. De fait, aucun des produits ne constituait le mécanisme par lequel le ministre et le sous ministre de la Sécurité publique devaient initialement être mis au courant des activités de menace que la RPC dirigeait contre ledit député et sa famille. Ce sont plutôt [**des renseignements du SCRS**] qui, [**avant mai 2021**], [**avaient**] trait au ciblage que la RPC exerçait à l’endroit du député en question. Le SCRS a envoyé [**ces renseignements**] des listes de destinataires, qui incluaient le sous ministre et le ministre de la Sécurité publique.

Sécurité publique a confirmé qu’au moins un [**expurgé**] avait été remis au Ministre [**avant mai**] 2021, probablement inséré dans une trousse de lecture produite hebdomadairement. Toutefois, le ministère n’a pas été en mesure de savoir ce qu’il était advenu [**expurgé**]. Or, cette situation est inadmissible. Ainsi, l’OSSNR recommande que soit mis en place un mécanisme élémentaire de responsabilisation par lequel le SCRS et Sécurité publique enregistreraient rigoureusement les données permettant de savoir qui a reçu les produits de renseignement et, le cas échéant, qui les a lus. 

Dans le même temps, le suivi des produits de renseignement jusqu’à leurs destinataires n’est pas une panacée. Les utilisateurs devraient avoir un intérêt réel pour le renseignement qu’ils reçoivent et comprendre dans quelle mesure ce renseignement peut leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités respectives.

En 2021, des analystes du Bureau du Conseil privé et du SCRS ont produit des rapports qui devaient présenter une synthèse des activités d’ingérence étrangère de la RPC, mais que la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement (CSNR) auprès du premier ministre a vus comme de simples comptes rendus d’activités diplomatiques courantes. Ce désaccord a joué un rôle dans le fait que certains des produits de renseignement ne se sont pas rendus à l’exécutif politique, notamment le premier ministre.

L’écart entre le point de vue du SCRS et celui du CSNR est important dans la mesure où cette question s’avère fondamentale. Or, le SCRS a produit des rapports suivant la collecte et l’analyse de renseignement concernant des activités dont il estimait qu’elles constituaient une menace envers la sécurité nationale. L’un des principaux utilisateurs de ces rapports (qui s’avère être l’intermédiaire par lequel le renseignement parvient au premier ministre) était en désaccord avec cette appréciation. En théorie, les engagements en matière d’intervention en cas d’ingérence politique étrangère sont relativement simples à comprendre. Mais en pratique, ils risquent de s’embrouiller si les divergences élémentaires quant à la nature de la menace deviennent monnaie courante au sein de la collectivité.

L’OSSNR recommande que les utilisateurs habituels du renseignement adoptent des mesures permettant d’accroître le niveau de compétence en matière d’exploitation du renseignement au sein de leurs ministères respectifs; il recommande également que la collectivité de la sécurité et du renseignement acquière une seule et même compréhension fonctionnelle de ce qui constitue de l’ingérence politique étrangère. Certes, le CSNR tient un rôle de coordonnateur au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, mais les attributions de ce rôle ne sont toujours pas définies. Ainsi, la portée de son influence dans les décisions concernant la distribution des produits de renseignement du SCRS n’est pas clairement établie. Par conséquent, l’OSSNR recommande que le rôle du CSNR, pour ce qui a trait notamment aux décisions en matière de diffusion du renseignement, soit décrit dans un instrument juridique.

Introduction

Fondements législatifs

Le présent examen a été réalisé en application des autorisations visées aux alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de la Loi sur l’Office de surveillance en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR).

Portée de l’examen

La portée de l’examen s’étend à tout le renseignement portant sur l’ingérence exercée par la République populaire de Chine sur les institutions et les processus démocratiques fédéraux, de 2018 à 2023. L’accent a été mis expressément sur le cheminement que ce renseignement a suivi au sein du gouvernement, c’est à dire depuis le travail de ceux qui ont collecté le renseignement jusqu’aux utilisateurs dudit renseignement (les « clients »), à savoir certains cadres supérieurs de la fonction publique ainsi que des représentants élus.

Le présent examen traite, notamment, des ministères et organismes suivants :

  • le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS);
  • le Centre de la sécurité des télécommunications (CST);
  • la Gendarmerie royale du Canada (GRC);
  • Affaires mondiales Canada (AMC);
  • Sécurité publique Canada (Sécurité publique, SP)
  • le Bureau du Conseil privé (BCP).

Il s’agit là des membres principaux de la collectivité de la sécurité et du renseignement qui exercent un mandat se rapportant à l’ingérence étrangère dans les institutions et les processus démocratiques du Canada. L’examen a également tiré parti d’informations qu’Élections Canada (EC) a fournies au sujet de ses relations avec les ministères et organismes énumérés plus haut, mais il a aussi tiré parti de renseignements qu’EC a reçus de ces ministères et organismes.

Méthodologie

L’OSSNR a recueilli de l’information suivant diverses modalités, que voici :

  • examen de documents (environ 17 000 documents);
  • neuf (9) séances d’information;
  • quatorze (14) entrevues;
  • vingt et une (21) demandes d’information,
    • notamment, des demandes de documents ainsi que des demandes de réponses écrites à diverses questions;
  • accès direct à la base de données opérationnelle et au répertoire organisationnel du SCRS;
  • accès direct à la base de données du CST contenant les rapports sur l’ingérence étrangère.

La Loi sur l’OSSNR autorise l’Office de surveillance à accéder à toute l’information, sauf aux documents confidentiels du Cabinet, dont dispose ou que contrôle l’entité visée par l’examen (ou l’entité examinée). De plus, cette loi autorise l’Office de surveillance à recevoir, de la part de l’entité examinée, tout document et toute explication qu’il juge nécessaire.

Au départ, l’OSSNR n’a pas demandé de recevoir les documents confidentiels du Cabinet dans la mesure où la portée de l’examen ne s’étendait pas aux réponses stratégiques du gouvernement en matière d’ingérence étrangère, se concentrant plutôt sur le cheminement de l’information au sein de l’appareil gouvernemental. Toutefois, dans son premier rapport public, le rapporteur spécial indépendant (RSI) sur l’ingérence étrangère, le très honorable David Johnston, a recommandé que l’OSSNR ait accès aux documents confidentiels du Cabinet qui lui avaient été remis aux fins de l’examen qu’il était chargé de réaliser. Dans la foulée de cette recommandation, l’OSSNR a écrit au premier ministre le 7 juin 2023 pour demander que tous les documents confidentiels du Cabinet se rapportant au sujet de son examen lui soient remis, et non seulement ceux reçus par le RSI. 

Le 13 juin 2023, un arrêté en conseil autorisait la remise, à l’OSSNR, des documents confidentiels du Cabinet examinés par le RSI. Or, il convient de rappeler que la portée et l’objet de l’examen de l’OSSNR diffèrent de ceux du rapport déposé le 23 mai 2023 par le RSI. Le rapport du RSI se concentrait sur le renseignement qui avait trait à l’ingérence étrangère exercée pendant les 43e et 44e élections générales fédérales et qui avait été rapporté dans les médias. Souhaitant préserver l’intégrité de ses examens et garantir son indépendance, l’OSSNR ne pouvait pas se pencher sur une partie des documents confidentiels du Cabinet (ceux remis au RSI) sans examiner tous les autres documents confidentiels du Cabinet s’avérant pertinents, compte tenu précisément de la portée et de l’objet de son examen. La demande concernant la totalité des documents pertinents est restée sans réponse de la part du premier ministre. Par conséquent, l’OSSNR a refusé de se pencher sur le sous-ensemble de documents confidentiels du Cabinet qui lui avait été fourni. En considération de la portée du présent examen, l’OSSNR estime néanmoins avoir reçu toute l’information nécessaire pour étayer solidement son analyse, ses conclusions et ses recommandations. 8. Conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la Loi sur l’OSSNR, l’Office de surveillance a coopéré avec le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) de sorte à éviter le double emploi s’agissant des travaux que les deux organismes réalisent dans le cadre de leurs examens respectifs sur l’ingérence étrangère.

Déclarations concernant l’examen

Le SCRS, le CST, la GRC, AMC et Sécurité publique ont répondu aux attentes de l’OSSNR sur le plan de la réactivité pendant le déroulement du présent examen. Quant au BCP, il n’a répondu aux attentes que partiellement en raison des retards qu’il a affichés lorsqu’il s’est agi de répondre aux demandes d’information de l’OSSNR.

Or, c'est conformément à ses attentes que l'OSSNR a été en mesure de vérifier l'information nécessaire au présent examen.

Renseignements généraux

À partir de l’automne de 2022, une série de reportages du journal The Globe and Mail et de Global News ont fait référence à des documents classifiés du SCRS portant sur l’ingérence étrangère de la RPC dans les institutions et les processus démocratiques du Canada, dans le cadre, en l’occurrence, des 43e et 44e élections fédérales. Ces reportages ont suscité des inquiétudes à l’égard de la réaction du gouvernement face à la menace que constitue l’ingérence étrangère, mais aussi quant à l’intégrité des institutions et processus démocratiques du Canada.

Le 9 mars 2023, l’OSSNR a annoncé qu’il amorcerait le présent examen portant sur la production et la diffusion du renseignement sur l’ingérence étrangère commise à l’occasion des 43e et 44e élections fédérales. L’examen devait se concentrer principalement sur le cheminement de cette information au sein du gouvernement, pour ensuite permettre de répondre à la question fondamentale : la collectivité de la sécurité et du renseignement a t elle adéquatement relayé l’information aux responsables de la protection des institutions et processus démocratiques du Canada contre les menaces d’ingérence étrangère? La granularité de cette question – laquelle requiert la comparaison entre les données brutes collectées et le renseignement ultérieurement diffusé dans les produits finis – se prêtait au mandat de l’OSSNR ainsi qu’aux accès que ce mandat procure, notamment l’accès direct aux systèmes du SCRS et la possibilité de discuter avec les agents de renseignement sur le terrain. On a jugé que certaines considérations générales d’ordre politique (par exemple, ce que les décideurs politiques ont fait ou décidé de ne pas faire de l’information qu’ils ont reçue) ne faisaient pas partie de la portée des travaux, mais qu’elles devraient être prises en compte par d’autres organismes chargés d’examiner les activités du présent domaine, notamment le CPSNR et la commission d’enquête dirigée par l’honorable Marie Josée Hogue. La question que pose l’OSSNR est fondamentale en cela qu’une réponse opérante nécessite une information qui soit adéquate.

Ingérence politique étrangère

L’ingérence étrangère comprend les activités secrètes, clandestines ou trompeuses que des acteurs étrangers mènent dans le but de promouvoir leurs intérêts, que ceux ci soient de nature stratégique, géopolitique ou économique, ou qu’ils relèvent de la sécurité. L’ingérence étrangère peut être exercée dans toutes les sphères de la société, notamment le secteur privé, le monde universitaire, les médias et le système politique. L’ingérence exercée dans cette dernière sphère, l’ingérence politique étrangère est un sous ensemble de ce que l’on conçoit plus généralement comme de l’ingérence étrangère.

Un exemple probant d’ingérence politique étrangère est la propagation, voire l’amplification de la désinformation dans les plateformes de médias sociaux, comme l’a fait la Russie pendant l’élection présidentielle américaine de 2016. Tout aussi répandues sont les formes « traditionnelles » (par des humains) d’ingérence qui comportent divers aspects, notamment : l’entretien de relations avec les personnalités politiques aux fins d’ingérence; le recrutement et la coercition de personnes travaillant dans le domaine politique (notamment le personnel ministériel); les dons en espèce versés illicitement, illégalement ou clandestinement à des politiciens ou à des partis politiques; et l’exercice de pressions sur les diasporas au moyen de menaces et de mesure d’intimidation.

Selon les propos tenus au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, le plus important auteur d’ingérence étrangère (politique ou autre) au Canada est la RPC. En effet, la RPC mène systématiquement de vastes opérations d’ingérence dans tous les ordres de gouvernement. Ces activités sont généralement l’œuvre du Département du travail du Front uni (DTFU), dont la mission est, notamment, de façonner et d’influencer, à l’échelle mondiale, les perceptions à l’égard de la RPC ainsi que les politiques la concernant. Cette influence peut prendre une diversité de moyens selon des approches ouvertes ou secrètes. Le DTFU existe depuis des décennies, mais l’on reconnaît généralement que ses activités se sont intensifiées depuis l’accession de Xi Jinping à la direction permanente de la RPC, intensification qui coïncide avec l’accroissement des tensions entre la RPC et les États occidentaux, notamment le Canada.

Le SCRS produit des rapports sur l’ingérence étrangère depuis qu’il a été créé, en 1984. À l’article 2 de la Loi sur le SCRS, on trouve une définition des termes « menaces envers la sécurité du Canada » et « activités influencées par l’étranger », qui constituent des « activités qui sont préjudiciables [aux intérêts du Canada], et qui sont de nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ».

Par le passé, les rapports du SCRS sur l’ingérence étrangère de la RPC ont déjà suscité la controverse au sein du public. Ce fut le cas en 2010, lorsque Richard Fadden, alors directeur du SCRS, a fait des déclarations publiques concernant l’ingérence politique de la RPC au Canada, selon lesquelles le SCRS enquêtait sur bon nombre de politiciens dont on croyait qu’ils étaient [traduction] « sous l’influence d’un gouvernement étranger ». Ces commentaires ont suscité de nombreuses critiques exprimées publiquement, notamment celle venant du Comité permanent de la sécurité publique et nationale qui concluait que « [l]es allégations du directeur du SCRS ont nui à l’image de la classe politique et à celle de la communauté chinoise canadienne » .  

Puis en, [**expurgé**], le SCRS a créé un bureau spécial appelé à enquêter sur l’ingérence étrangère de la RPC, [**Une phrase a été modifiée et une autre supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient l’organisation des enquête du SCRS.**]. Le SCRS a indiqué à l’OSSNR que le volume des activités d’ingérence étrangère était considérable, [**expurgé**].

Au cours des années suivantes, les enquêtes n’ont cessé d’évoluer sans compter que le niveau de sensibilité des enquêtes et des rapports concernant l’ingérence politique étrangère (comme le démontre la controverse entourant la déclaration de M. Fadden) demeure élevé. Cette tension – entre une tendance favorisant la progression des enquêtes en matière d’ingérence étrangère et une approche plutôt prudente tenant compte de la sensibilité des enjeux – est manifeste dans toutes les activités abordées dans le présent rapport. De par sa nature, le renseignement est transitoire. Il ne constitue pas en soi une preuve que les activités décrites ont eu lieu ou qu’elles ont eu lieu de la façon qui est décrite par les sources de l’information. Or, ce n’est pas parce qu’il a été collecté que le renseignement doit nécessairement être diffusé auprès des clients du gouvernement. En revanche, le fait qu’il ne constitue pas une preuve ne signifie pas pour autant qu’il devrait être ignoré – sinon, une infime partie du renseignement, voire aucun renseignement ne serait mis en commun. En définitive, il faudrait qu’entre la collecte et la diffusion, une évaluation du renseignement soit réalisée, permettant ainsi de prendre une décision éclairée quant à la diffusion ou à la non diffusion dudit renseignement et aux moyens de le diffuser, le cas échéant. Ce procédé de même que ce processus décisionnel s’avèrent essentiels aux fonctions de la collectivité de la sécurité et du renseignement. Ils sont au cœur du présent rapport d’examen.

Conclusions, analyse et recommandations

La présente section fait état des conclusions de l’examen, de l’analyse qui en a suivi et des recommandations de l’OSSNR :

  • La partie 1 s’attarde à la diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des 43e et 44e élections fédérales. En l’occurrence, le principal objectif était d’évaluer le cheminement du renseignement. L’OSSNR a choisi de procéder à une analyse approfondie de trois cas précis. Les détails de ces cas et d’autres informations complémentaires ont été examinés par l’OSSNR, ce qui a permis de formuler des conclusions générales ayant trait à la diffusion du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère de la RPC, puis d’émettre des recommandations générales à l’intention du SCRS concernant la gouvernance que le Service exerce dans ce domaine. 
  • Quant à la partie 2, elle aborde le rôle du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections (MSRE) et celui du groupe responsable du Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM). Ces deux organes ont été créés pour recevoir et analyser le renseignement provenant de la collectivité du renseignement en vue d’intervenir. L’analyse met en évidence les lacunes et donne lieu à des recommandations visant à permettre à ces organes de se positionner avantageusement et de réagir adéquatement à la menace que constitue l’ingérence politique étrangère.
  • Enfin, la partie 3 s’écarte du contexte des élections pour s’attarder plutôt au cheminement global qu’a suivi, de 2018 à 2023, le renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, ce qui comprend les fonctionnaires et les représentants élus. Une attention particulière est accordée aux méthodes de diffusion du SCRS ainsi qu’au rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement (CSNR) auprès du premier ministre. Cette analyse fait brièvement état de la diffusion du renseignement relatif aux activités de ciblage que la RPC a exercées à l’égard d’un député, et propose une évaluation de la diffusion de deux produits d’analyse approfondie du renseignement sur l’ingérence politique étrangère.

Une fois combinés, ces éléments apportent des éclaircissements sur les difficultés globales liées à la façon dont le renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC a cheminé au sein du gouvernement du Canada, pendant la période visée par l’examen.

Partie 1 : Collecte et diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des élections fédérales de 2019 et de 2021

L’OSSNR a examiné le renseignement produit par le SCRS, le CST, AMC, le BCP et la GRC relativement à l’ingérence étrangère exercée pendant la 43e et la 44e élections fédérales. Dans trois cas – un en 2019 et deux en 2021 –, l’OSSNR a examiné la façon dont le SCRS diffusait le renseignement aux entités concernées du gouvernement du Canada, ce qui comprend le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM.

Étude de cas 1 (élection de 2019)

L’étude de cas 1 concerne le renseignement qui a été collecté, en appui à un candidat à l’élection fédérale, sur les activités d’ingérence étrangère que la RPC a exercées.

Le renseignement lié à ce cas a été largement diffusé, notamment au Groupe de travail MSRE, au parti du candidat, à Élections Canada, au Bureau du commissaire aux élections fédérales, à de hauts fonctionnaires (notamment le groupe responsable du PPIEM), au ministre de la Sécurité publique et au premier ministre. Toutefois, dans certains cas, la diffusion de renseignement affichait des lacunes quant à la clarté et au caractère opportun.

Par exemple, le SCRS a diffusé, puis rappelé un produit d’analyse de renseignement clé concernant le cas avant l’élection. Le 1er octobre 2019, le SCRS a diffusé un document d’information en matière de sécurité nationale concernant les activités d’ingérence étrangères de la RPC se rapportant au cas en question. Le document d’information a été envoyé à une liste de destinataires comprenant de hauts fonctionnaires et des représentants du Groupe de travail MSRE. Dix jours plus tard, soit le 10 octobre, le SCRS a rappelé le produit et a demandé que tous les destinataires en détruisent les copies qui leur avaient été fournies. Cette décision a été prise par le directeur du SCRS à la suite d’une discussion avec le CSNR. Lorsque l’OSSNR lui a demandé d’expliquer les motifs pour lesquels le produit avait été rappelé, le SCRS a indiqué que ni le directeur ni le bureau du directeur ne pouvaient se souvenir des détails de la décision, si ce n’est que celle ci faisait suite à une demande du CSNR.

Dans le même temps, l’analyse ainsi que l’évaluation connexe incluses dans le produit ont été fournies (pas forcément avec le même détail ) dans des séances d’information verbales. Le 28 septembre, le SCRS (en sa qualité de membre du Groupe de travail MSRE et lors d’une réunion dirigée par le BCP) a informé les membres du parti du candidat concerné qui disposaient d’une cote de sécurité au niveau « Secret » au sujet du renseignement mettant au jour l’ingérence étrangère exercée par la RPC. Au bout de deux jours, soit le 30 septembre, le directeur du SCRS a fait part de ce renseignement et de l’évaluation réalisée par le SCRS au groupe responsable du PPIEM.

S’agissant du renseignement relatif à l’ingérence étrangère de la RPC associée au cas, le premier ministre n’en a pas été directement informé par le SCRS avant le mois de février 2021, soit seize mois après l’élection. Néanmoins, le premier ministre pourrait avoir été indirectement mis au courant du renseignement pertinent dont le SCRS disposait. Le BCP a indiqué qu’une séance d’information du BCP présentée au cabinet du premier ministre (CPM) et portant sur [traduction] « les enjeux liés à [l’étude de cas 1] avait probablement eu lieu à la fin de septembre ou au début d’octobre 2019 », sans pouvoir fournir à l’OSSNR quelque document que ce soit à ce sujet. De plus, certains éléments semblent indiquer que le 29 septembre, le premier ministre aurait été informé du contenu de la séance d’information offerte le 28 septembre par le SCRS.

En décembre 2019, le secrétaire adjoint à la Sécurité et au renseignement du BCP a préparé un mémoire au CSNR recommandant que celui ci informe le chef de cabinet du premier ministre concernant l’évaluation réalisée par le SCRS [**expurgé**]. Le dossier d’information aurait également fait part de vulnérabilités potentielles décelées dans le processus de nomination du candidat. Le BCP a indiqué qu’il n’y avait aucun document qui puisse confirmer que le mémoire avait été remis au CSNR (quoique le BCP était [traduction] « certain que [le CSNR] avait été mis au courant de l’information qu’il contenait »), ni aucun document indiquant que le CPM avait été informé conformément aux recommandations dudit mémoire. En qualité de membres du groupe responsable du PPIEM, le CSNR et le greffier du Conseil privé ont assisté à la séance d’information du 30 septembre 2019. En janvier 2020, le SCRS les a informés de nouveau sur le même sujet. Ensuite, en mars 2020, le SCRS a informé le ministre de la Sécurité publique relativement au cas.

Figure 1. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 1 : les dates clés

Figure 1. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 1 : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Les premiers rapports de renseignement sur les activités d’ingérence étrangère ayant trait au cas en question n’établissaient pas suffisamment de distinction entre les activités politiques courantes et l’ingérence étrangère constituant une menace. Certes, cette distinction était principalement implicite, mais en l’absence d’une compréhension claire de ce qui incitait le SCRS à croire que telle ou telle activité constituait de l’ingérence étrangère, il se pourrait que les utilisateurs du renseignement – particulièrement ceux qui étaient au fait des tactiques employées pendant les campagnes politiques – n’aient pas été en mesure d’apprécier l’apport du renseignement fourni.

Étude de cas 2 (élection de 2021)

L’étude de cas 2 concerne le renseignement collecté [**expurgé**] au sujet des activités d’ingérence étrangère réalisées par la RPC.

Le renseignement associé à l’étude de cas 2 a été acheminé [**expurgé**] au Groupe de travail MSRE, au groupe responsable du PPIEM et, peu après l’élection, au premier ministre.  

Cette diffusion tombait à point nommé, mais le SCRS a dérogé à ses pratiques de diffusion habituelles en limitant le nombre des rapports de renseignement. On ne sait trop si une décision d’application générale a été explicitement prise quant à la suspension de toute production de rapports de renseignement concernant l’étude de cas 2 pendant la période d’élection, ou si le faible nombre des rapports produits a été la conséquence logique de facteurs ponctuels propres à chacun des cas.

Le SCRS a envisagé plusieurs options permettant d’aborder et d’atténuer l’ingérence étrangère dans ce cas. [**expurgé**]. Le SCRS a réfléchi en vue de savoir si [**expurgé**] devrait avoir lieu avant ou après l’élection. En définitive, on a établi qu’il serait très imprudent [**expurgé**]. Notamment, le SCRS a indiqué que si ses efforts devaient être connus du public, le Service risquait d’être accusé d’ingérence dans le processus démocratique [**expurgé**].

[**Deux phrases ont été supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient le processus de communication du renseignement ayant trait aux activités d’ingérence étrangères de la RPC.**].

Figure 2. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 2 : les dates clés

Figure 2. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 2 : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Comme pour l’étude de cas 1, on note certaines difficultés sur le plan de la compréhension qu’ont les utilisateurs quant à l’importance prévue du renseignement fourni. Par exemple, un membre du groupe responsable du PPIEM a demandé des éclaircissements sur le côté « trompeur et clandestin » (éléments clés de la définition que le SCRS donne de la notion d’ingérence étrangère) des activités [**expurgé**]. Le SCRS a également indiqué que [**expurgé**] la RPC [**expurgé**] faisant ainsi fi de l’avis général qu’AMC avait transmis à toutes les missions diplomatiques au Canada et selon lequel [**tout apport**] direct ou indirect [**expurgé**] à l’élection était inapproprié.

Le renseignement collecté par le SCRS a été soumis aux entités concernées – notamment au groupe responsable du PPIEM [**expurgé**] – avant l’élection. En effet, selon ceux qui connaissent les travaux du groupe responsable, [**expurgé**] a été considéré comme un « succès » retentissant pour ce qui a trait à l’élection de 2021. Cette perception est généralement partagée par le SCRS [**expurgé**] informant les hauts fonctionnaires [**expurgé**].  

Néanmoins, le SCRS a dérogé à son processus habituel de diffusion en conséquence – en partie du moins – du sujet en question (ingérence politique étrangère). De plus, le fait que le SCRS n’a pas été en mesure de dire clairement si la décision d’éluder les produits de renseignement présentés par écrit avait été explicitement prise témoigne, en soi, d’un manque de clarté quant à la façon dont le renseignement sur l’ingérence politique étrangère devrait être traité, particulièrement pendant les élections.

Globalement, l’étude de cas 2 s’avère plus révélatrice, non pas en tant qu’exemple de diffusion lacunaire ou inadéquate du renseignement, mais plutôt comme une illustration des enjeux liés particulièrement à la diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère qui, lorsqu’on l’associe à d’autres exemples et d’autres cas, révèle des difficultés globales et systémiques dans la façon dont le SCRS communique l’information qu’il collecte au sujet des processus politiques.

Étude de cas 3 (élection de 2021)

L’étude de cas 3 concerne le renseignement collecté au sujet de l’ingérence étrangère que la RPC a exercée dans plusieurs circonscriptions d’une région géographique particulière, mais aussi au sujet de campagnes plus globales qui avaient un lien avec cette région, ciblant l’élection de façon plus générale. On compte plusieurs éléments de renseignement : ayant trait à diverses activités; collectés à divers moments auprès de diverses sources; faisant l’objet de mises en garde et de considérations diverses; diffusées (ou non) à divers moments, dans divers formats et à divers destinataires. 

Les décisions prises quant au moment et à la façon de diffuser ce renseignement ont donné lieu à des désaccords, à de l’incertitude et à un manque de communication au sein du SCRS. Cette rupture survenait principalement entre les agents appelés à collecter le renseignement dans les régions et ceux responsables de la diffusion dudit renseignement depuis l’Administration centrale (AC) (l’AC englobe [**l’unité spécialisée qui, à l’AC, combine les capacités opérationnelles et analytiques (ci après désignée par le terme « unité spécialisée de l’AC »)**] et la haute direction du SCRS). Pour simplifier, les agents de renseignement ne comprenaient pas pourquoi une part du renseignement qu’ils collectaient n’était pas du tout diffusée ou diffusée après ce qu’ils percevaient comme des retards anormaux. En revanche, il est souvent arrivé que l’AC décide de ne pas diffuser (ou de retarder la diffusion) du renseignement pour des raisons – généralement liées au caractère unique de l’ingérence politique étrangère – qui n’ont pas été communiquées ou qui, en l’absence de critères ou de motifs standards, pouvaient sembler arbitraires.

Le renseignement portant sur l’ingérence étrangère de la RPC dans une circonscription particulière constitue un exemple typique. [**Une phrase supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase traitait de la date/des dates de collecte et des activités de menace décrites par le renseignement.**] Au bureau responsable de la collecte et de l’analyse de ce renseignement, on a cru bon d’inclure celui ci dans un rapport de renseignement destiné à la diffusion, d’autant plus qu’il avait trait directement à l’élection. À [**l’automne de 2021**], bon nombre de courriels ont été envoyés depuis la région vers [**l’unité spécialisée de l’AC**], dans lesquels on demandait d’expliquer pourquoi l’information n’avait pas été diffusée. Par la suite, le renseignement a été placé dans un rapport de renseignement ([**expurgé**]), puis il a été diffusé le [**expurgé**] 2021. Pour les responsables du bureau, ce retard ([**expurgé**]) a considérablement affaibli l’impact de l’information.  

D’autres renseignements concernant des occurrences ou des exemples distincts d’ingérence étrangère de la part de la RPC [**expurgé**] n’ont jamais été diffusés. En [**expurgé**] 2021, un analyste régional a rédigé un produit d’analyse incorporant ce renseignement, de sorte à produire [**expurgé**] d’ingérence étrangère de la RPC. Toutefois, un analyste principal [**de l’unité spécialisée de l’AC**] a estimé que la version préliminaire du produit ne contextualisait suffisamment [**expurgé**] l’ingérence étrangère de la RPC. Bien qu’au bureau régional, on ait reconnu [**expurgé**] on a néanmoins cru que les mises en garde d’usage (qui sont souvent incluses dans les rapports du SCRS [**expurgé**]) auraient suffisamment contextualisé l’information.  

[**À l’unité spécialisée de l’AC**], en revanche, on croyait plutôt [**expurgé**] rendait le renseignement problématique au point où, pour en faire rapport, il serait nécessaire de [traduction] « contextualiser [**expurgé**]. L’inquiétude vient du fait que l’information [**expurgé**] advenant qu’elle soit diffusée sans contexte ni caractérisation. Pour l’équipe régionale, cette apparente réticence à faire valoir l’information collectée semblait indiquer que des normes distinctes étaient appliquées au renseignement relatif à l’ingérence politique étrangère.

Il y a également eu des difficultés et des désaccords relativement au renseignement portant sur l’ensemble des campagnes d’ingérence. Après l’élection, un parti politique a envoyé au BCP une lettre dans laquelle on faisait état de ce que l’on croyait être de l’ingérence étrangère ciblant ses candidats dans 13 circonscriptions fédérales. L’une des principales préoccupations du parti était une campagne de désinformation dirigée contre lui.

Le Groupe de travail MSRE, plus précisément le SCRS et le mécanisme de réponse rapide (MRR) d’AMC, a consacré une importante analyse à cette campagne. En définitive, ni le SCRS ni le MRR n’ont été en mesure d’établir un lien direct avec la RPC. En décembre 2021, le Groupe de travail MSRE a achevé son rapport après action (RAA) sur l’élection de 2021, dans lequel il concluait que [**Une phrase a été modifiée pour en éliminer l’information préjudiciable. La phrase résumait la conclusion du Groupe de travail MSRE selon laquelle celui ci n’avait pas été en mesure d’établir un lien entre les propos tenus en ligne contre le parti politique et un acteur étatique étranger.**].

Toutefois, avant la publication de ce rapport, en [**expurgé**] 2021, le SCRS a collecté du renseignement [**expurgé**] la campagne de désinformation en ligne contre le parti politique.

Au sein du SCRS, on ne pouvait se mettre d’accord ni sur la façon de caractériser [**expurgé**] la campagne menée en ligne ni sur la question à savoir si [**expurgé**] devraient ou non être diffusés en tant que renseignement signalant une interférence étrangère exercée par la RPC. [**Deux phrases ont été supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases abordaient la question des perspectives concurrentes adoptées par la région et une unité spécialisée de l’AC au sujet de la façon de caractériser le renseignement relatif aux activités d’ingérence étrangère potentielles.**]

L’élément crucial de ces perspectives contradictoires était la divergence sur le plan des orientations et de l’appréciation à l’égard des questions délicates associées aux rapports portant sur l’ingérence politique étrangère, divergence qui s’est cristallisée dans les diverses attitudes quant au seuil à partir duquel il convient de faire rapport. [**Deux phrases ont été supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient les interprétations concurrentes au sein du SCRS quant à certains renseignements sur les activités d’ingérence étrangères possibles, de même que les différences d’opinions qui en découlent relativement à la diffusion desdits renseignements.**] Ainsi, on assurerait aux utilisateurs du renseignement que le SCRS ne fait pas simplement rapport sur les activités normales [**expurgé**] régulièrement part au processus politique, mais plutôt sur des activités posant une menace envers la sécurité nationale du Canada.  

L’ébauche d’un rapport de renseignement faisant état [**expurgé**] dans l’ingérence étrangère pendant l’élection de 2021 n’a pas été diffusée. Ce renseignement a plutôt été réinvesti dans un produit plus général portant sur l’ensemble des activités d’ingérence étrangère [**expurgé**]. En juillet 2022, [**l’unité spécialisée de l’AC**] a indiqué à la région qu’il avait reporté la publication de la version longue du produit de renseignement jusqu’à ce qu’on puisse obtenir [**expurgé**] lorsqu’il s’agit d’inclure du renseignement électromagnétique (SIGINT) [**expurgé**] dans une analyse. Au bureau régional, par contre, on avait le sentiment que le produit, tel qu’il était rédigé, faisait suffisamment état des activités de menace [**expurgé**] et devait, par conséquent, être diffusé immédiatement. Étant donné que le SCRS pouvait voir le renseignement électromagnétique [**expurgé**], le report de la diffusion et l’inclusion de cette information dans le produit semblent indiquer que le SCRS sentait le besoin de convaincre les utilisateurs de la pertinence de l’évaluation que le Service avait faite [**expurgé**] plutôt que de simplement fournir cette évaluation en sa qualité de service de renseignement de sécurité du Canada. [**L’unité spécialisée de l’AC**] a d’ailleurs indiqué que la direction du SCRS planifiait de discuter du produit avec de hauts dirigeants de l’extérieur du SCRS (notamment le CSNR et le greffier du Conseil privé) avant d’en produire la version définitive.

Figure 3. : Diffusion du renseignement *** dans l’élection de 2021 : les dates clés

Figure 3. : Diffusion du renseignement [**expurgé**] dans l’élection de 2021 : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Les discussions au sujet du produit se sont poursuivies au cours de l’hiver et du printemps de 2023, et ont abouti à la décision de publier ledit produit en juillet 2023 pour diffusion à l’intérieur du SCRS seulement. Au mois de novembre 2023, le renseignement du SCRS concernant la possible implication [**expurgé**] dans des activités d’ingérence étrangère ciblant le processus électoral de 2021 n’a toujours pas été diffusé (dans un produit de renseignement écrit) à l’extérieur du SCRS, et ce, [**expurgé**] années après avoir été collecté.

Évaluation de la diffusion du renseignement par le SCRS

Conclusion 1 : L’OSSNR a conclu que la diffusion, par le SCRS, du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère pendant la 43e et la 44e élections fédérales était incohérente. Plus précisément, il s’avère qu’en diverses occasions :

  • la justification des décisions à savoir si et comment il convenait de diffuser le renseignement n’était pas claire, ce qui a eu une incidence directe sur l’acheminement de l’information;
  • la menace posée par les activités d’ingérence politique étrangère n’a pas été clairement communiquée par le SCRS.

Conclusion 2 : L’OSSNR a conclu que la diffusion et l’utilisation, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence politique étrangère avaient été marquées par le souci selon lequel ce type d’action pourrait constituer ou sembler constituer une forme d’ingérence dans le processus démocratique.

Conclusion 3 : L’OSSNR a conclu que le SCRS avait fréquemment choisi de présenter des exposés verbaux plutôt que des produits écrits lorsqu’il s’agissait de diffuser du renseignement sur l’ingérence politique étrangère pendant les élections.

Conclusion 4 : L’OSSNR a conclu qu’au sein du SCRS, il y avait une rupture entre une région et l’Administration centrale quant à savoir si les rapports sur l’ingérence politique étrangère devaient être assujettis à un seuil élevé de confiance, de corroboration et de contextualisation avant la diffusion.

Au sein du SCRS, l’ingérence politique étrangère est considérée comme un sous ensemble de la sphère globale de l’ingérence étrangère, alors que les enquêtes portant sur les institutions et les processus démocratiques font partie de procédures générales qui régissent le traitement que le SCRS réserve aux institutions fondamentales canadiennes . Toutefois, le renseignement sur l’ingérence politique étrangère présente bon nombre de difficultés qui ne sont portant abordées ni dans la politique ni dans les lignes directrices.

Le SCRS a fait face à un dilemme fondamental. D’une part, l’information relative à l’ingérence étrangère dans les élections constituait une priorité pour le gouvernement, et le SCRS avait déployé son dispositif de collecte de sorte à enquêter sur l’ingérence politique étrangère. D’autre part, le SCRS reconnaissait la possibilité que la collecte et la diffusion de renseignement concernant les élections puissent également être interprétées comme des formes d’ingérence dans le processus électoral. Ainsi, une tension de fond demeure : toute mesure – notamment la diffusion de renseignement – prise par le SCRS avant ou pendant l’élection ne doit, ni en fait ni en apparence, influer sur celle ci. 

Cette dynamique est bel et bien reconnue au sein du SCRS, mais n’est exprimée ni dans la politique ni dans les lignes directrices. Or, il importe d’abord de souligner, en outre, que les considérations ou les critères spécifiques suivant lesquels le SCRS pourrait établir un juste équilibre entre ces deux impératifs concurrents sont difficiles à saisir. Lorsqu’elles ne sont pas clairement formulées, les décisions paraissent arbitraires. Comme il était difficile de savoir, surtout pour les responsables de la collecte de renseignement, quels étaient les motifs généraux ou les politiques appelés à orienter les mesures de diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère, il devenait tout aussi difficile de savoir comment ces motifs et ces politiques devaient orienter chacune des décisions. Il convient d’ailleurs de souligner que les lacunes sur le plan de la clarté ont été génératrices de frustration (comme l’illustre l’énoncé d’un courriel : [traduction] « à quoi sert la collecte si l’information que nous recueillons n’est ni traitée ni diffusée? »).

De plus, comme ils ne savaient trop sur quels motifs se fonder pour décider des mesures à prendre (ou pour relayer l’information à l’externe), les décideurs ont fini par développer une aversion naturelle au risque. Il va sans dire que cette situation a engendré de la frustration chez ceux qui doivent conseiller les décideurs. Enfin, comme les motifs demeuraient flous, il devenait impossible, au sein du SCRS, de tenir des discussions rationnelles et de débattre sur l’établissement d’un juste équilibre entre les impératifs concurrents (informer sans influencer), ou d’afficher quelque cohérence dans la façon de mettre en œuvre cet équilibre.

On a relevé plusieurs cas où le renseignement n’a pas été intégré dans les brefs rapports de renseignement brut, mais a plutôt été retenu pour intégration dans des produits analytiques plus élaborés. Cette dynamique particulière qui se manifeste lorsqu’il s’agit d’ingérence politique étrangère semble indiquer qu’en général, les produits d’analyse constituent les meilleurs vecteurs de communication de l’information collectée. D’après ce que l’on observe, les décisions semblent avoir été prises au cas par cas et pourraient laisser entendre qu’il y avait une certaine réticence à placer l’information dans les rapports de renseignement, ce qui contrevient pourtant aux pratiques habituelles du SCRS en matière de diffusion.

Ainsi, la préférence pour les exposés verbaux comme mode de diffusion pendant les élections constituait une dérogation aux pratiques de diffusion que le SCRS adopte généralement. Qu’elle soit justifiée ou non, cette dérogation porte à croire qu’il convient d’adopter des pratiques spéciales dans le cas de l’ingérence politique étrangère, et ce, même s’il n’y a aucune politique ni aucune procédure qui permettent de définir clairement ce que ces pratiques spéciales sont censées être. Mais en plus, cette dérogation, crée des difficultés lorsqu’il s’agit d’encadrer et de documenter la communication de l’information.

Cette nébulosité qui caractérise les processus se répercute également sur l’approbation des activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère. Bien que le pouvoir formel d’approbation d’une activité particulière puisse être exercé à un certain niveau (par exemple, celui du directeur général régional), on reconnaissait tout de même que le niveau informel d’approbation pour ce qui a trait aux activités liées à l’ingérence politique étrangère revenait à la haute direction, notamment au sous-directeur des Opérations, voire au directeur. Bien que la politique ne prévoie rien à cet égard, il est devenu normal de « sensibiliser » ou d’informer les représentants du BCP avant que le SCRS puisse entreprendre certaines activités de lutte contre l’ingérence étrangère.

Par exemple, avant l’élection de 2021, le SCRS a offert des séances d’information sur la sécurité préventive (SISP) ayant pour objet de sensibiliser les députés au sujet de la menace posée par l’ingérence étrangère. Un bureau régional a planifié une série de SISP à l’intention d’un nombre limité de députés que l’on estimait à risque d’être ciblés par des activités d’ingérence politique étrangère. Cependant, l’AC a exigé l’arrêt des SISP, le temps que [**l’unité spécialisée de l’AC**] prépare une stratégie nationale portant sur les SISP, laquelle visait les mêmes objectifs tout en misant sur les enseignements tirés d’une campagne semblable ayant eu lieu avant l’élection de 2019.

La campagne nationale a été conçue [**Une phrase a été modifiée et une autre supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient des méthodes et des tactiques employées par le SCRS.**] Advenant qu’elle soit dévoilée, cette intention pouvait être perçue comme une intervention inappropriée du SCRS dans le processus démocratique.

Probablement en raison de cet élément sensible, la campagne nationale a fait face à des complications causées par le vaste processus d’approbation, mais aussi par la décision de sensibiliser également les responsables du BCP et de Sécurité publique avant le procéder aux séances en tant que telles. En définitive, la complexité et les retards liés à la campagne nationale ont fait en sorte que celle ci n’a pu se dérouler comme prévu. Ainsi, la région a décidé de rencontrer le plus grand nombre possible des députés initialement visés par les SISP, et ce, avant le début de la période électorale. Tout contact avec les députés pendant la période électorale était jugé inapproprié.

Des éléments sensibles liés aux activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère ont également influé [**Une phrase a été modifiée et trois autres supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient les objectifs et la mise en œuvre d’une activité opérationnelle du SCRS.**]. Il s’agissait là [traduction] « d’un choix conscient […] en raison d’éléments sensibles sur le plan politique » qui, selon le SCRS, pourraient avoir atténué l’effet stratégique attendu de [**l’activité opérationnelle du SCRS**].  

Enfin, ces éléments sensibles ont également influé sur la diffusion de produits de renseignement particuliers. Principalement, comme il en a été question plus tôt, le renseignement collecté en [**expurgé**] 2021 a finalement été publié en juillet 2023, dans un produit de renseignement pour diffusion réservée au SCRS. Après une vaste consultation, une révision approfondie et de longs retards, un haut dirigeant du SCRS a décidé de ne pas diffuser le produit à l’extérieur du SCRS (voir l’étude de cas 3). 

Au cœur des questions abordées plus tôt, on retrouve le manque de clarté et la communication lacunaire qui caractérisent les enquêtes du SCRS sur l’ingérence politique étrangère. Globalement au sein du SCRS, on avait de plus en plus l’impression que les règles et les décisions étaient établies, voire modifiées, malgré l’absence d’une stratégie ou d’orientations qui soient cohérentes.

En soi, le renseignement ne constitue pas une preuve, mais il n’est pas non plus le fruit de spéculations, de conjectures ou de rumeurs. En théorie, le seuil ou la norme permettant de déterminer quel renseignement doit être diffusé devraient être uniformes pour l’ensemble des activités liées aux menaces. En pratique, toutefois, les cas examinés montrent qu’il y avait, à tout le moins, la perception selon laquelle des normes plus rigoureuses s’appliqueraient au renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère. Certes, un haut dirigeant du SCRS a indiqué à l’OSSNR que les normes s’appliquant au renseignement sur l’ingérence politique étrangère n’étaient pas différentes lorsqu’on les comparait au reste de l’information sur les menaces, mais il a également affirmé qu’il convenait de tenir compte de certains éléments sensibles lorsqu’il était question de diffuser du renseignement au sujet d’une personne évoluant dans la sphère politique. Par exemple, ce type d’information pourrait avoir une incidence sur la carrière de cette personne, notamment sur sa capacité à prendre part aux processus démocratiques.

Par ailleurs, des agents régionaux responsables de la collecte et de l’analyse croyaient que l’AC du SCRS ([**l’unité spécialisée de l’AC**] et la haute direction) cherchait trop à obtenir des preuves irréfutables lorsqu’il s’agissait d’établir des liens entre les activités et les acteurs étatiques.

La maximisation des éléments corroboratifs constitue une part essentielle du travail effectué dans la sphère du renseignement. Par définition, les normes doivent être uniformes et s’appliquer uniformément en toute circonstance. Or, la position voulant que la maximisation des éléments corroboratifs ou les normes de diffusion s’appliquent de la même façon à l’ingérence politique étrangère et aux autres types de rapports s’avère insoutenable, si l’on n’arrive pas à mettre clairement en évidence la façon dont les décisions sont concrètement prises. Tout refus de tenir compte du caractère distinct de l’ingérence politique étrangère mène à la confusion et à la consternation.

L’ingérence politique étrangère se produit souvent dans une « zone grise » se trouvant à la limite qui sépare les activités politiques et diplomatiques légitimes et ouvertes des activités d’ingérence secrète et clandestine. Bon nombre des utilisateurs du renseignement sur l’ingérence politique étrangère connaissent bien les activités des sphères politique (par exemple, les ministres, les députés et les partis politiques) et diplomatique (par exemple, les responsables d’AMC). Ce facteur engendre des difficultés pour le SCRS lorsqu’il s’agit d’exprimer clairement aux utilisateurs du renseignement les raisons pour lesquelles les rapports sont importants et liés à des menaces.

En résumé, le SCRS fait rapport sur des activités qui ont lieu dans le domaine de spécialité des clients qu’ils servent. Concrètement, cette situation fait en sorte que tout renseignement diffusé doit résulter d’une compréhension suffisante de ce qui distingue les activités légitimes des activités illicites. La limite est difficile à tracer, particulièrement lorsque l’on comprend que l’ingérence étrangère de la RPC se concrétise par une accumulation progressive d’activités et de pressions qui, en soi et sans contextualisation, pourraient paraître anodines, mais qui, une fois réunies, finissent par constituer une campagne visant à s’ingérer dans la démocratie du Canada. L’ingérence étrangère de la RPC s’apparente davantage à un grondement continu qu’à un retentissant coup de canon.

On compte de nombreuses lacunes déterminantes lorsqu’on se penche sur les mesures du SCRS en matière de diffusion et d’utilisation du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère. Premièrement, le SCRS n’a pas clairement défini sa tolérance au risque à l’égard des activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère. Une définition claire de la tolérance au risque permet à ceux qui approuvent les mesures de bien saisir les limites à l’intérieur desquelles le SCRS est en mesure de bien fonctionner.

Deuxièmement et dans le même ordre d’idées, le processus d’approbation relatif aux activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère ne reflète pas toujours ce qui se passe en pratique. À titre d’exemple, il y a peu de directives et d’attentes qui soient clairement exprimées dans la politique du SCRS concernant les occasions et les raisons qui justifient la consultation d’entités externes – comme Sécurité publique et le BCP – avant l’exécution de mesures ou d’activités, et il n’y a aucune directive ni aucune attente qui fasse état de la dynamique particulière qui s’applique aux activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère citées plus haut. Il convient de noter qu’en mai 2023, le ministre de la Sécurité publique a émis, pour le SCRS, les « Directives ministérielles sur les menaces à la sécurité du Canada dirigées contre le Parlement et les parlementaires », lesquelles font état des principes régissant les consultations dans ce contexte particulier. Toutefois, les DM n’abordent pas la question de l’ingérence politique étrangère dirigée contre les autres institutions démocratiques.

Troisièmement, le SCRS n’a pas explicitement proposé de seuil relativement aux mesures de production et de diffusion du renseignement en matière d’ingérence politique étrangère. C’est-à-dire, le niveau de confiance et de corroboration requis pour que l’information collectée soit incluse dans un produit de renseignement en plus du niveau de contextualisation, qui font en sorte que le produit pourra être diffusé auprès des clients du gouvernement du Canada. Les éléments sensibles associés à ce type de renseignement ainsi que les exigences correspondantes appelées à optimiser la confiance et la corroboration, par comparaison à d’autres types de renseignement de sécurité, devraient être reconnus. Par exemple, le SCRS pourrait envisager d’évaluer si [**expurgé**] critères [**expurgé**] s’appliquant à la production de rapports de renseignement sont adaptés aux particularités du renseignement sur l’ingérence politique étrangère .   

Ce qu’il faut, en définitive, c’est une politique et une stratégie détaillées portant sur tous les aspects de la façon dont le SCRS aborde (réalisation d’enquêtes, production de rapports et mise en œuvre de mesures) la menace que constitue l’ingérence politique. Ces outils rehausseraient le degré de cohérence entre les régions et l’AC, et amélioreraient, de façon plus générale, la compréhension et la communication entre les divers échelons de l’organisation, depuis les agents de renseignement et les analystes jusqu’aux membres de la haute direction. Par la même occasion, ces outils signifieraient aux intervenants du gouvernement du Canada, en particulier aux décideurs principaux, que le SCRS a attentivement pris en compte tous les aspects de l’ingérence politique étrangère, y compris les éléments sensibles qui la caractérisent, en plus de faire rapport et de formuler des conseils au sujet de cette menace en se fondant sur des normes et des seuils rigoureusement établis. 

Le Canada n’est pas le seul pays à faire face à l’ingérence politique étrangère. Au cours des dernières années, tous ses partenaires de la Collectivité des cinq (Australie, Nouvelle Zélande, États Unis et Royaume-Uni) ont publiquement reconnu la menace posée par l’ingérence étrangère que la RPC exerce à l’égard de leurs processus démocratiques respectifs. En l’occurrence, il conviendra profiter de l’occasion pour tirer parti de ces expériences communes et pour établir les pratiques exemplaires qui s’imposeront.

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le SCRS élabore, suivant des consultations auprès des parties intéressées du gouvernement, une politique complète appelée à encadrer ses interventions face à la menace que pose l’ingérence politique étrangère. Cette politique devrait :

  • indiquer précisément les seuils et les pratiques à respecter pour la communication et la diffusion du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère. Notamment, il faudrait indiquer les niveaux appropriés de confiance, de corroboration, de contextualisation et de caractérisation qui détermineront si le renseignement doit faire l’objet d’un rapport;
  • faire clairement état de la tolérance au risque que le SCRS peut appliquer lorsqu’il s’agit de prendre des mesures contre la menace que pose l’ingérence politique étrangère;
  • mettre en place des processus clairs d’approbation et de notification (ce qui inclut les consultations externes) pour toutes les activités ayant trait à la lutte contre l’ingérence politique étrangère;
  • faire clairement état de toute exigence ou procédure particulières pouvant s’appliquer, s’il y a lieu, pendant la période d’élection, ce qui comprend notamment les procédures permettant de diffuser en temps voulu le renseignement sur l’ingérence politique étrangère;
  • analyser les pratiques exemplaires des partenaires internationaux (particulièrement ceux de la Collectivité des cinq) en matière d’enquête et d’établissement de rapports concernant l’ingérence politique étrangère.

Partie 2 : Le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM

À la suite de l’ingérence étrangère russe dont il a été démontré qu’elle avait bel et bien eu lieu lors de l’élection présidentielle de 2016, aux États Unis, le gouvernement du Canada a instauré une série de mesure visant à protéger l’intégrité des élections fédérales. Trois de ces mesures s’avèrent pertinentes dans le cadre du présent examen :

  • Le groupe responsable du Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM). Établi suivant une Directive du Cabinet, le PPIEM s’utilise pendant la période électorale et est administré par un groupe de hauts fonctionnaires . Le groupe évalue l’information sur la sécurité et le renseignement dans le but d’établir s’il y a lieu d’annoncer publiquement [traduction] « qu’un incident ou une série d’incidents ont eu lieu et risquent de compromettre la capacité du Canada à tenir des élections qui soient libres et justes ». Or, le protocole n’a pas été utilisé – c. à d. qu’aucune annonce publique n’a été faite – lors des élections de 2019 ou de 2021.
  • Le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (MSRE). Le Groupe de travail MSRE se compose de représentants issus du SCRS, du CST, de la GRC et d’AMC. Le principal objectif du Groupe de travail est de fournir au groupe responsable du PPIEM des rapports de renseignement coordonnés concernant les menaces qui pèsent sur les élections.
  • Le mécanisme de réponse rapide (MRR) du G7. Créé à l’occasion de la réunion du G7 tenue à Charlevoix en 2018, le MRR du Canada relève d’AMC et s’attaque aux menaces étrangères qui planent sur les processus démocratiques, en procédant à l’analyse des menaces puis à la rédaction de rapports sur les activités de manipulation d’information menées en lignes par les acteurs étatiques étrangers. L’équipe du MRR tient lieu de représentant d’AMC au sein du Groupe de travail MSRE.

Ces entités ont tenu un rôle important pour ce qui concerne l’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC pendant les élections de 2019 et de 2021. Pour l’essentiel, le Groupe de travail MSRE a servi – ou était censé servir – de courroie de transmission pour le renseignement sur les menaces, alors que le groupe responsable du PPIEM devait recevoir cette information tout en étant investi d’un mandat particulier, celui de communiquer (ou décider de ne pas communiquer) au public canadien l’information qui lui avait été soumise.

Conclusion 5 : L’OSSNR a conclu que le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM n’avaient pas été conçus pour s’attaquer convenablement à l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine. Plus précisément :

  • Le Groupe de travail MSRE se concentre sur les activités de menace pendant la période électorale, mais il faut également savoir que l’ingérence étrangère a aussi lieu entre ces périodes.
  • La représentation d’Affaires mondiales Canada au sein du Groupe de travail MSRE se concentrait sur les activités d’ingérence étrangères menées en ligne.
  • Le seuil particulièrement élevé que le groupe responsable du PPIEM respecte pour ce qui concerne les annonces publiques risque très peu d’être atteint dans le cas de l’ingérence étrangère traditionnelle, puisque celle ci consiste surtout à cibler certaines circonscriptions.

La structure et l’orientation du Groupe de travail MSRE et du groupe responsable du PPIEM ont été façonnées par la nécessité de protéger les élections contre une ingérence étrangère généralisée et coordonnée qui sévit jusqu’au jour de l’élection inclusivement. En l’occurrence, il s’agit de protéger les élections canadiennes contre le type d’ingérence étrangère (principalement de la désinformation en ligne) dont on a été témoin aux États Unis et ailleurs dans le monde.

Par la même occasion, la collectivité de la sécurité et du renseignement a reconnu que l’ingérence d’origine humaine, que l’on dit « traditionnelle », avait été et continue d’être la plus importante menace envers les processus et les institutions démocratiques du Canada. Par exemple, dans l’aperçu qu’il a donné de la menace en 2021, le Groupe de travail MSRE a indiqué que les auteurs d’ingérence étrangère avaient principalement recours à des tactiques axées sur les interventions humaines [traduction] « en réaction, avant tout, à la façon dont le Canada organise ses élections […], mais aussi en raison du fait que les opérations d’influence HUMINT s’avèrent plus efficaces que les activités en ligne, compte tenu de la structure du système électoral canadien ». De fait, la prédominance de l’ingérence étrangère traditionnelle était connue avant 2019, et les expériences subséquentes n’ont fait que renforcer cette perception.

Malgré cette reconnaissance, les paramètres selon lesquels le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM fonctionnent ne correspondent pas à la nature de la menace qui émane de l’ingérence étrangère traditionnelle.

À l’occasion d’un bilan postélectoral, un membre du groupe responsable du PPIEM a indiqué qu’aucune campagne d’ingérence d’envergure fructueuse n’avait eu lieu, et que l’élection avait été exempte de menace, si l’on fait exception de quelques éléments mineurs. Selon l’un des membres du groupe responsable du PPIEM, l’ingérence étrangère qui a eu lieu dans une circonscription particulière [**expurgé**] [traduction] « était sans importance pour l’élection » et, par conséquent, ne faisait pas partie du mandat du groupe. Pendant la même réunion, le directeur du SCRS a fait valoir que le [traduction] « plus important cas » d’ingérence étrangère par la RPC pendant l’élection se résumait aux événements survenus dans cette circonscription. Le directeur a également déploré que [traduction] « la machine » (le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM) n’ait pas été conçue pour faire face à l’ingérence étrangère en dehors des périodes d’élections.

Contrairement aux opérations ponctuelles ou aux campagnes de grande envergure (notamment la désinformation en ligne menée à grande échelle), le renseignement sur l’ingérence étrangère traditionnelle dans les élections se veut plutôt granulaire et spécifique, et s’intéresse davantage aux activités que des particuliers mènent dans certaines circonscriptions. L’évaluation de l’incidence de ces activités au niveau des circonscriptions nécessite de recevoir et d’analyser continuellement tout le renseignement pertinent, ce qui est particulièrement difficile compte tenu de la brève période durant laquelle une élection se déroule.

De même, l’un des éléments centraux de l’ingérence étrangère traditionnelle est que celle ci se déroule sur le long terme et ne cantonne pas forcément aux périodes électorales. Bien que les activités du Groupe de travail MSRE se poursuivent l’année durant, sa capacité et son rythme de fonctionnement n’en sont pas moins réduits en dehors des périodes électorales. De plus, son principal centre d’intérêt demeure la période électorale ainsi que le résultat et l’intégrité du vote au jour du scrutin. En quelque sorte, la concentration sur ces aspects mine la capacité du Groupe de travail à s’attaquer à toutes les facettes d’une ingérence étrangère traditionnelle qui, pour sa part, ne se limite pas aux périodes électorales et menace les institutions démocratiques dans leur ensemble. 

Il convient également de prendre en compte la présence de l’équipe du MRR qui représente AMC au sein du Groupe de travail. Le MRR est conçu spécialement pour fonctionner en ligne dans le but de surveiller les médias sociaux et de détecter les activités pouvant constituer de l’ingérence étrangère, notamment la propagation et l’amplification de la désinformation. Par contre, la capacité d’AMC à analyser le renseignement ayant trait à l’ingérence étrangère traditionnelle et de concevoir des mesures d’intervention contre cette ingérence n’est pas suffisamment représentée au sein du Groupe de travail. L’ingérence étrangère traditionnelle s’exerce souvent par l’intermédiaire [**expurgé**]. AMC pourrait être appelé à tenir un rôle important sur le plan de l’intervention (par exemple, l’émission de protestations officielles ou l’expulsion de diplomates) et de l’interprétation (par exemple, pour ce qui concerne la distinction entre « ingérence étrangère » et « activité diplomatique légitime »), rôle qui s’étend au-delà des limites du mandat exercé actuellement par l’équipe du MRR.

Enfin, le seuil que le groupe responsable du PPIEM respecte relativement aux annonces publiques portant sur l’intégrité d’une élection est fonction de l’ingérence étrangère générale et systématique, à savoir celle qui est exercée dans le cadre de campagnes de désinformation en ligne ou d’autres types de cyberactivités. Concrètement, cela signifie que le public pourrait ne recevoir aucune communication de la part du groupe responsable du PPIEM, même si de l’ingérence étrangère d’une certaine ampleur devait avoir lieu, pour peu que ladite ingérence demeure en deçà de ce qui est pourtant reconnu comme un seuil étonnement élevé.

Le manque de communication publique – de transparence – risque d’engendrer de nombreuses difficultés et peut être interprété de multiples façons. Lorsque l’information concernant des tentatives particulières d’ingérence étrangère fait surface après l’élection, aucune communication transmise pendant l’élection ne peut être interprétée comme étant, de la part du gouvernement, une lacune sur le plan des mesures ou un manque de volonté à prendre des mesures. Lorsqu’aucune de ces informations ne fait surface et que l’on estime que l’intégrité de l’élection n’a aucunement été menacée par l’ingérence étrangère, on risque de se donner une fausse impression quant à l’ampleur de l’ingérence étrangère qui a eu lieu.

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande que le Groupe de travail MSRE définisse ses priorités en fonction des menaces réelles, notamment celles qui se concrétisent en dehors de la période électorale en tant que telle.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande qu’Affaires mondiales Canada (AMC) et le Bureau du Conseil privé (BCP) veillent à ce que la représentation d’AMC au sein du Groupe de travail MSRE tire parti de la capacité du ministère à analyser et à traiter l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine, et ce, à titre de complément au mandat de l’équipe du mécanisme de réponse rapide.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le Bureau du Conseil privé charge le groupe responsable du PPIEM d’élaborer de nouvelles stratégies permettant de réagir à l’intégralité des menaces qui se posent pendant les périodes électorales, notamment lorsque lesdites menaces se concrétisent dans des circonscriptions particulières.

Partie 3 : L’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC

La troisième et dernière section du présent rapport s’éloigne quelque peu du contexte électoral à proprement parler pour se pencher plutôt sur la question plus générale de l’acheminement du renseignement concernant l’ingérence étrangère de la RPC entre 2018 et 2023. Comme il a été dit, l’ingérence politique étrangère est chronique et omniprésente. La collectivité du renseignement recueille continuellement du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC. Ce renseignement est échangé horizontalement, au sein de la collectivité, ainsi que verticalement, avec les principaux décideurs, notamment les représentants élus.

Les échanges de renseignement effectués de façon responsable entre les organisations constituent une caractéristique importante de toute collectivité de la sécurité et du renseignement digne de ce nom. Certes, les éléments sensibles, notamment les sources et les méthodes de travail, rendent nécessaire la classification du matériel sans oublier que le principe du besoin de connaître restreint le nombre des personnes autorisées à voir certaines informations. Or, les échanges réciproques de renseignement entre les organisations renforcent la capacité de chacune à informer ses décideurs dans la mesure où ces échanges permettent à chaque entité de présenter son point de vue en fonction de son expertise et de son mandat.

Conclusion no 6 : L’OSSNR a conclu que la diffusion restreinte de certains renseignements du SCRS et du CST auprès des hauts responsables exclusivement avait réduit la capacité de la Gendarmerie royale du Canada, d’Affaires mondiales Canada et du Bureau du Conseil privé à tenir compte desdits renseignements au moment de procéder à leur analyse.

En ce qui a trait au renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC, les rapports provenant des principaux « collecteurs » (le SCRS et le CST) ont alimenté les analyses de renseignement faites par les autres organisations de la collectivité de la sécurité et du renseignement concernées par le présent examen (AMC, la GRC et le BCP).

Toutefois, ces échanges entre organisations n’ont pas eu que de bons côtés. Par exemple, une évaluation d’AMC datant de la fin d’août 2021 met en avant du renseignement du SCRS où il est question de l’ingérence politique de la RPC, mais omet de faire état d’autres renseignements du SCRS, qui sont pourtant pertinents pour l’évaluation d’AMC. Compte tenu de la sensibilité du renseignement, toutefois, le rapport de renseignement du SCRS qui était pertinent pour l’analyse d’AMC – mais qui n’avait pas été fourni – a été envoyé à un certain nombre de « destinataires désignés seulement », ce qui a fait que les hauts responsables d’AMC y ont eu accès, alors que les analystes de la Direction générale du renseignement d’AMC n’y ont pas eu accès. Cette dynamique caractérise bon nombre des rapports de renseignement qui ont été produits et diffusés au sujet de l’ingérence politique étrangère de la RPC, ce qui a parfois causé des difficultés aux organisations destinataires lorsqu’il s’agissait d’incorporer ledit renseignement dans leurs propres évaluations analytiques. 

Par exemple, [**expurgé**] dans le cas de l’expulsion de Zhao Wei, diplomate de la RPC, en mai 2023 , [**expurgé**]. (Dans le même temps, des désaccords ont persisté entre le SCRS et AMC s’agissant de savoir ce qui constitue ou non une « activité diplomatique légitime ».)

Une dynamique semblable caractérisait le renseignement électromagnétique (SIGINT) du CST sur l’ingérence étrangère de la RPC. En effet, plusieurs rapports produits finis – produits de renseignement standards du CST – étaient bel et bien incorporés aux analyses d’AMC, du BCP et de la GRC. Or, une partie du renseignement le plus pertinent était classifiée à un niveau tel que sa diffusion s’en trouvait considérablement restreinte, un facteur attribuable au niveau de sensibilité de la méthode de collecte. Ainsi, ce renseignement était réservé à un nombre limité de personnes (parmi les hauts responsables) qui, au sein du gouvernement, détenaient l’endoctrinement requis.

Il convient de trouver un juste équilibre entre, d’une part, la protection de l’information sensible par l’imposition de contrainte à la diffusion et, d’autre part, le fait de veiller à ce que toute information pertinente soit échangée en vue d’alimenter l’analyse du renseignement et d’apporter des éclaircissements quant aux mesures que le gouvernement devrait prendre. L’OSSNR n’a pas tenté de savoir si certains produits de renseignement étaient ou non « surclassifiés », mais a tout de même remarqué que les décisions en matière de classification avaient une incidence directe sur la diffusion.

Conclusion no 7 : L’OSSNR a conclu que le SCRS et Sécurité publique ne disposaient d’aucun registre permettant de savoir qui reçoit et qui lit certains produits de renseignement, une carence qui crée des lacunes sur le plan de la responsabilisation.

Au sein du gouvernement du Canada, le renseignement est échangé de diverses façons. Quant au renseignement du SCRS, il peut être échangé directement par l’envoi de courriels sécurisés ou par le téléversement des produits dans des systèmes comme le Réseau canadien Très secret (RCTS) ou le répertoire SLINGSHOT du CST . Des copies papier de produits peuvent être diffusées par l’intermédiaire du programme des agents des relations avec la clientèle (ARC) du CST, c’est à dire auprès d’agents intégrés au sein de divers ministères et organismes. Certains ministères, notamment AMC et Sécurité publique, disposent de leurs propres agents de diffusion du renseignement. Les courriels sécurisés auxquels sont joints des produits de renseignement contiennent des consignes indiquant, au destinataire, à qui (au sein du ministère) ledit produit doit parvenir (par exemple, aux sous ministres et aux ministres).

Pendant la période visée par l’examen, le SCRS n’avait pas les moyens de faire un suivi rigoureux permettant de savoir qui avait reçu le renseignement et qui en avait pris acte. Cette lacune était en partie attribuable aux systèmes de suivi interne des divers ministères destinataires, lesquels pourraient ne pas avoir intégralement saisi ces données. Or, à titre d’auteur de l’information sensible, le SCRS constitue l’entité à laquelle il incombe de contrôler et de documenter les accès.

Le renseignement concernant l’ingérence exercée par la RPC sur un député

Le fait de ne pas savoir qui a lu les documents a eu des conséquences qui se sont manifestées dans la controverse entourant le renseignement ayant trait au ciblage exercé par la RPC à l’endroit d’un député en exercice.

En mai 2023, des reportages médiatiques ont révélé que le gouvernement du Canada disposait de renseignement indiquant qu’un député et les membres de sa famille avaient fait « l’objet » de sanctions de la part de la RPC.

Le propos des médias et du public tournait autour de deux produits du SCRS. D’abord, une évaluation de renseignement du SCRS remontant à juillet 2021, [**Une phrase a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable. La phrase décrivait le contenu de l’évaluation de renseignement dans lequel il y avait du renseignement sur les activités d’ingérence étrangère de la RPC.**]. Le second intitulé [traduction] « Note de gestion des enjeux » (Issues Management Note) a été envoyé par le SCRS aux hauts responsables pour les aviser que le Service informerait deux députés (notamment le député en question) concernant les activités de menace exercées à leur endroit par la RPC.

Or, on a eu tort de mettre l’accent sur ces deux produits. Ni l’un ni l’autre ne constituait le mécanisme par lequel le ministre et le sous ministre de la Sécurité publique étaient censés être tenus au courant des menaces proférées par la RPC à l’endroit du député et des membres de sa famille.

Il convient plutôt de retourner [**avant mai 2021**] où on a vu [**du renseignement du SCRS**] sur l’incident où la RPC avait ciblé le député. [**Ce renseignement du SCRS a**] été envoyé à une liste de destinataires désignés, dans laquelle figuraient le sous ministre et le ministre de la Sécurité publique. [**Le renseignement du SCRS**] a été envoyé par courriel sécurisé directement aux destinataires et aux personnes ressources des divers ministères. Ces personnes ressources des divers ministères ont eu pour consigne de fournir l’information à certains hauts responsables désignés, notamment au ministre de la Sécurité publique, puisque ces hauts responsables n’auraient pas d’accès direct aux courriels sécurisés. Au nombre des autres destinataires désignés [**du renseignement du SCRS**], il faut compter le CSNR, le greffier du Conseil privé, le sous ministre de la Défense nationale, le conseiller en matière de politique étrangère et de défense, le chef du CST ainsi que d’autres hauts responsables provenant d’AMC, du BCP, du MDN, du CST et de Sécurité publique.

Le SCRS a diffusé [**expurgé**] 2021. [**Une phrase a été supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase résumait le renseignement du SCRS.**] Sécurité publique a indiqué à l’OSSNR que [**le renseignement du SCRS**] avait été diffusé en interne pendant la semaine [**expurgé**] 2021 et que [traduction] « la seule indication est qu’il a été envoyé à la haute direction ».  

Puis,[**expurgé**] 2021, le SCRS a diffusé [**expurgé**] contenant des renseignements selon lesquels [**Une phrase a été supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase résumait le renseignement du SCRS.**] Sécurité publique a indiqué à l’OSSNR que [**le renseignement du SCRS**] avait été diffusé en interne pendant la semaine [**expurgé**] 2021, et que [traduction] « la seule indication est qu’il a été envoyé au ministre ».

Enfin, le [**expurgé**] 2021, le SCRS a diffusé [**Une phrase a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase résumait le renseignement du SCRS.**] L’information était requise urgemment, car [**expurgé**]. Sécurité publique a indiqué qu’il ne disposait d’aucune preuve de réception de ce [**renseignement du SCRS**].

Figure 4. Diffusion du renseignement sur le ciblage d’un député fédéral : les dates clés

Figure 4. Key dates, dissemination of intelligence on targeting of a federal MP

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Comme il a été dit déjà, Sécurité publique a indiqué qu’au moins un [**segment de renseignement du SCRS**] avait été remis au ministre de la Sécurité publique, probablement inséré dans une trousse de lecture hebdomadaire produite vers la fin de mars 2021. Cet envoi aurait précédé de quelques mois la note de gestion des enjeux de mai 2021 et l’évaluation de renseignement de juillet 2021. Il n’y a aucune trace qui puisse indiquer que [**expurgé**] a été transmis au ministre, et ce, même si celui ci figurait dans la liste des destinataires désignés.

Or, le principal problème demeure le fait que Sécurité publique n’a pas été en mesure de retrouver [**expurgé**]. À la suite de la controverse publique de 2023, le SCRS et Sécurité publique ont établi la chronologie des événements marquants. Selon Sécurité publique, il se pourrait qu’une « erreur humaine » ait été à l’origine de cette absence dans les dossiers et que les fichiers correspondants aient été accidentellement supprimés. De plus, le directeur du SCRS et le CSNR ont demandé que la chronologie du SCRS et de SP rappelle que [traduction] « la distribution d’un document n’indique pas forcément que celui ci a été reçu ou lu par le destinataire ». Cette notion – voulant qu’un « trou noir » s’interpose entre l’envoi d’un produit crucial et sa réception par le destinataire – est la preuve évidente d’une situation inadmissible.

Il convient donc de conclure que c’est au SCRS qu’il incombe d’instaurer un système qui enregistre dans le détail les étapes de transmission et de réception de son propre renseignement, notamment – comme ce devrait être le cas pour certains renseignements prioritaires – le nom des personnes qui ont lu les produits en question. Le renseignement prioritaire pourrait comprendre le renseignement hautement sensible et particulièrement urgent ayant trait, par exemple, à la menace d’ingérence étrangère à l’endroit des élections ou encore des institutions et processus démocratiques essentiels.

Recommandation no 5 : L’OSSNR recommande que le SCRS et Sécurité publique se dotent d’un mécanisme élémentaire de responsabilisation permettant de suivre et de documenter rigoureusement la réception des produits de renseignement. Dans le cas du renseignement hautement sensible et particulièrement urgent, il conviendrait d’enregistrer également toute occurrence de lecture des produits de renseignement.

Dans le même temps, le suivi des produits de renseignement jusqu’à leurs destinataires n’est pas une panacée. Les consommateurs devraient avoir un intérêt réel pour le renseignement qu’ils reçoivent et comprendre dans quelle mesure ce renseignement peut leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités respectives.

Conclusion no 8 : L’OSSNR a conclu que la diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de 2018 à 2023 avait été plombée par un certain nombre de difficultés. Plus précisément :

  • les utilisateurs ne comprenaient pas toujours la portée du renseignement qu’ils recevaient ou la façon d’intégrer ce renseignement dans leurs analyses stratégiques et leurs processus décisionnels;
  • on a relevé des désaccords entre les sous sections du renseignement et les hauts fonctionnaires quant à savoir si les activités décrites dans certains produits de renseignement constituaient de l’ingérence étrangère ou si elles ne représentaient que des activités diplomatiques légitimes.

Conclusion no 9 : L’OSSNR a conclu qu’il y avait des désaccords entre les hauts fonctionnaires et le CSNR quant à savoir si les évaluations de renseignement devraient être mises à la disposition de l’exécutif politique. En définitive, les interventions du CSNR se sont soldées par le fait que deux produits ne se sont pas rendus à l’exécutif politique, notamment le premier ministre.

Conclusion no 10 : L’OSSNR a conclu que le rôle du CSNR quant aux décisions relatives à la diffusion des produits de renseignement du SCRS n’était pas clairement défini.

Dans plusieurs séances d’information et entrevues tenues dans l’ensemble de la collectivité, l’OSSNR a entendu parler de la difficulté à faire comprendre ce qu’il conviendrait de faire (so-what) de l’analyse de renseignement. Cette difficulté tient en partie à ce que d’aucuns appellent « l’écart sur le plan de la littératie », que l’on semble observer entre les collectivités du renseignement et des politiques. En d’autres mots, les analystes du renseignement auraient un faible niveau de littératie en matière de politique, alors que les analystes des politiques ou les décideurs politiques auraient un faible niveau de littératie en matière de renseignement. Tout compte fait, cet écart peut engendrer de la confusion lorsqu’il s’agit d’établir ce à quoi le renseignement doit servir et ce qu’il convient de faire au sujet des menaces décrites dans ce renseignement.

Il suffit de penser à l’accent mis sur le renseignement « exploitable » ou sur les « recommandations » de mesures que les utilisateurs souhaitent obtenir de la part de la collectivité du renseignement. Le renseignement ne vient pas toujours avec ce type de caractéristique. En effet, il est généralement fourni à des fins d’information et de sensibilisation seulement (notamment pour mettre en évidence les tendances majeures et les principales menaces). Les analystes du renseignement ont fait valoir qu’en définitive, c’est aux utilisateurs du renseignement que revient la responsabilité de prendre des mesures (notamment d’orienter les politiques stratégiques), alors que le rôle des analystes se cantonne à fournir une information permettant de choisir et appliquer les mesures qui s’imposent.

La fonction principale du processus s’appliquant au renseignement est de fournir des analyses de renseignement aux responsables des politiques. Les analyses approfondies – c. à d. le fait d’assembler des données disparates pour en faire un tout cohérent s’accompagnant d’appréciations et d’évaluations sur l’incidence de l’information présentée – constituent le principal élément du mandat exercé par certaines unités spécialisées au sein des organismes de sécurité et de renseignement, notamment la Direction de l’évaluation du renseignement (DER) du SCRS et le Secrétariat de l’évaluation du renseignement (SER) du BCP. C’est donc aux analystes qu’il revient de contextualiser, à l’intention des principaux utilisateurs, le renseignement collecté.

La diffusion de renseignement auprès de l’exécutif politique peut être faite verbalement, à l’occasion de séances d’information formelles ou informelles, par de hauts fonctionnaires, notamment les sous ministres ou, dans le cas du premier ministre, par le CSNR. Dans le même temps, les produits d’analyse écrits peuvent fournir à l’exécutif politique des analyses essentielles ainsi que les points prioritaires à retenir au sujet des menaces envers la sécurité du Canada.

« Rapport spécial » du BCP

À l’automne de 2021, le CSNR intérimaire a reçu une série de fiches d’information de la part du SER du BCP concernant l’ingérence étrangère de la RPC. Pour mieux comprendre l’enjeu, le CSNR intérimaire a commandé un « rapport spécial » qui allierait le renseignement étranger (le mandat traditionnellement exercé par le SER) et le renseignement de sécurité intérieure (le domaine du SCRS).

De façon générale, le rapport spécial avait pour objet de fournir [traduction] « une évaluation sommaire des activités d’ingérence étrangère (IE) exercées par la Chine, tant au Canada que dans le reste du monde ». Le rapport se fondait sur plus de [**expurgé**] rapports du SCRS, sur des rapports [**expurgé**] et sur des analyses de sources ouvertes. Les principales estimations indiquaient que [traduction] « la collectivité du renseignement du Canada s’entend sur le fait que la Chine pose la principale menace envers le Canada sur le plan de l’ingérence étrangère (IE) », que [traduction] « le Canada demeure [**expurgé**] aux efforts d’IE déployés par la Chine », mais aussi que [traduction] « les moyens investis par la Chine en matière d’IE sont sophistiqués, persistants et multidimensionnels. Or, l’ingérence dans les élections ne représente que l’un des nombreux moyens employés par la Chine en matière d’IE ».  

À la fin de novembre 2021, le SER a mis l’ébauche d’un rapport à la disposition du SCRS pour commentaires et rétroaction. Un haut responsable du SCRS a réagi favorablement au produit, a suggéré d’apporter quelques améliorations et a provisoirement approuvé la liste de diffusion proposée par le BCP en attendant que le directeur du SCRS ait également examiné le rapport. La liste comprend la « haute direction du CPM » ainsi que les sous ministres (ou leurs équivalents) des ministères concernés (Justice, AMC, MDN, Sécurité publique, SCRS et CST). En même temps, le SER du BCP a demandé à son équipe de production de fournir une copie du rapport au greffier du Conseil privé, au sous greffier et au CPM (tout en indiquant que le CSNR intérimaire en avait déjà reçu une copie).

Cette demande n’a eu aucune suite. Peu après que celle ci eut été acheminée par courriel, un employé responsable du SER a personnellement communiqué avec l’équipe de production pour lui demander de refuser de se plier à ladite demande de diffusion, car le SER avait [traduction] « établi que de la rétroaction et une discussion d’orientation devaient avoir lieu avec le CSNR intérimaire avant de mettre la dernière main au rapport et de le diffuser à plus grande échelle ». À la mi décembre, le CSNR intérimaire a formulé de nouveaux commentaires concernant le document, lesquels ont été ajoutés à une deuxième ébauche. Cette rétroaction portait sur le ton du document et apportait des éclaircissements quant à savoir si certains des éléments décrits dans ce document constituaient des activités diplomatiques normales.

En janvier 2022, un nouveau CSNR a été nommé. Le SER a avisé ce nouveau CSNR au sujet du rapport spécial et lui en a remis, ainsi qu’à d’autres hauts responsables de la Direction du CSNR, une copie papier assortie d’une note d’accompagnement. La note d’accompagnement a été envoyée par le secrétaire adjoint du SER (l’échelon le plus élevé du SER) et adressée au CSNR. Elle décrivait brièvement le contenu du rapport spécial et recommandait expressément que celui ci soit approuvé et [traduction] « remis aux sous ministres et membres du Cabinet désignés ».

En février 2022, aucune réunion bilatérale n’a été tenue entre le secrétaire adjoint du SER et le CSNR, et aucune nouvelle discussion n’a eu lieu concernant le rapport spécial. Le BCP a expliqué à l’OSSNR que pendant cette période, le convoi de la liberté (Ottawa) et l’invasion de l’Ukraine par la Russie constituaient les priorités absolues du gouvernement en matière de sécurité. Au début de mars 2022, des éléments du rapport spécial ont été ajoutés aux points de discussion préparés pour le CSNR avant la séance d’information. L’OSSNR n’a pas obtenu les documents permettant de savoir qui avait été informé par le CSNR à ce moment là, puisqu’ils avaient été retenus par le BCP en tant que documents confidentiels du Cabinet. En avril 2022, une version électronique du rapport spécial a été mise à la disposition du CSNR [**expurgé**], mais n’avait pas encore été consultée au moment [**expurgé**]. Le BCP n’a disposé d’aucun autre compte rendu de discussions pouvant avoir eu lieu concernant le rapport spécial, et ce, jusqu’à ce que certaines parties du rapport aient été publiées dans les médias au début de 2023, ce qui n’a pas manqué de raviver l’intérêt pour la question.

Figure 5. Le « rapport spécial » du BCP : les dates clés

Figure 5. Le « rapport spécial » du BCP : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

En définitive, le rapport spécial est demeuré à l’état d’ébauche et n’a donc été ni approuvé, ni finalisé, ni diffusé. Bon nombre de hauts fonctionnaires du SCRS et du BCP ont eu l’occasion de lire les versions provisoires du produit , mais celui ci ne s’est jamais rendu aux membres du Cabinet ou au CPM.

Le BCP a indiqué à l’OSSNR un certain nombre de raisons expliquant pourquoi le rapport spécial n’a jamais été diffusé. La partie suivante de sa réponse fournit l’essentiel de son argumentaire :

[Traduction] Le rapport n’a pas été diffusé pour diverses raisons. D’abord, il avait pour objet d’informer le CSNR intérimaire […] au sujet de l’ingérence étrangère, ce qui a été fait. [L]e CSNR intérimaire, le nouveau CSNR [à partir de janvier 2022] ainsi que d’autres hauts responsables du BCP ont largement tiré parti de l’analyse, dans la mesure où celle ci a été utile pour la préparation de conseils stratégiques en vue de pourparlers avec les homologues. De plus, le document a été rédigé tout juste avant l’avènement du « convoi de la liberté » et le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Le gouvernement, le CSNR et, dans une certaine mesure, le SER devaient consacrer la majeure partie de leur temps à ces priorités urgentes. De plus, la partie analyse intérieure de l’évaluation se fondait largement sur du matériel du SCRS qui avait déjà été publié et diffusé. Même s’il décrivait une situation plutôt alarmante, le rapport ne faisait d’aucune façon allusion à des enjeux particuliers qui auraient nécessité une décision ou une intervention tactique immédiate de la part du gouvernement. Ainsi, étant donné que le document avait atteint son objectif, que d’autres priorités urgentes avaient fait surface et que le CSNR avait encore quelques questions à poser ainsi que des commentaires à formuler concernant ledit document [le CSNR] n’a pas demandé [au secrétaire adjoint du SER] de le publier et [le secrétaire adjoint du SER] n’a pas cru bon de publier le produit ». Cette analyse de « cas type » – laquelle misait sur le renseignement intérieur et le renseignement étranger – a néanmoins été utile et a montré le potentiel que ce type d’évaluation pourrait avoir dorénavant.

Le BCP n’a pas indiqué à l’OSSNR en quoi consistaient les [traduction] « quelques questions à poser ainsi que [les] commentaires à formuler concernant ledit document », ni précisé de quelle façon ceux ci auraient pu influer sur la décision de ne pas achever le rapport et de ne pas l’acheminer à l’échelon politique. Le CSNR n’a pas non plus indiqué en vertu de quelle autorisation le secrétaire adjoint du SER serait habilité à diffuser le produit en contradiction avec une décision du CSNR. De plus, l’objet manifeste du rapport était de fournir un aperçu général de l’ingérence étrangère de la RPC, et non de fournir de l’information devant mener à [traduction] « une décision ou une intervention tactique immédiate de la part du gouvernement ». Autrement dit, il s’agissait précisément de décrire [traduction] « une situation alarmante » en vue de mettre les décideurs au courant.

En effet, les raisons (voir ci dessus) invoquées par le BCP prennent le contrepied de l’impression exprimée dans la correspondance interne du BCP, où les analystes et les gestionnaires discutent de l’importance du rapport spécial ainsi que du soutien et de l’approbation à l’égard de l’analyse de rapport qu’un dirigeant du SCRS et un analyste principal du renseignement du SCRS ont produite. Au sein du SER, on avait l’impression que le rapport s’avérerait particulièrement utile, compte tenu de l’aperçu complet qu’il donnait des activités d’ingérence étrangère de la RPC. Pendant ce temps, un dirigeant du SCRS indiquait que le produit était préparé [traduction] « pour être remis aux décideurs, afin que ceux ci puissent saisir la gravité de la situation ». Cette impression est exprimée dans la recommandation de janvier 2022 citée précédemment, voulant que le rapport spécial soit mis à la disposition des membres du Cabinet.

Document du SCRS sur « le ciblage »

Au début de 2021, un analyste du SCRS a produit un rapport à partir de renseignement SIGINT [**Une phrase a été modifiée et une autre supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases traitaient des méthodes de collecte et des systèmes techniques.**]. Le rapport faisait part d’une analyse des activités d’ingérence étrangère que la RPC avait dirigées contre des acteurs de la politique fédérale canadienne [**expurgé**]. En l’occurrence, il s’agissait de donner, aux responsables des politiques, un aperçu de la stratégie et des tactiques employées par la RPC pour « cibler » (à des fins d’influence ou d’ingérence) [**expurgé**]. Le SCRS a caractérisé le rapport comme étant [traduction] « l’analyse la plus complète et la plus détaillée réalisée à ce jour sur l’ingérence étrangère que la RPC exerce envers des acteurs politiques ».

Une dernière version du rapport – connue sous l’appellation de « document sur le ciblage » (Targeting Paper) – a été achevée en juin 2021. Selon le SCRS, le rapport était déjà parvenu à un nombre restreint de hauts responsables (bien que l’OSSNR ne puisse pas confirmer cette assertion, puisque rien ne l’atteste dans les registres de suivi du CST). Néanmoins, le produit est demeuré non publié et n’a pas été officiellement diffusé. 

Le SCRS a invoqué plusieurs raisons justifiant le fait que le rapport n’était allé nulle part à ce moment là, notamment les difficultés logistiques liées à la classification du matériel (ce qui rendait difficile la distribution), l’incidence de la COVID 19, le roulement des gestionnaires, les questions juridiques [**expurgé**] et l’aspect délicat de l’ensemble du contenu (ce qui nécessitait nombre de consultations concernant la distribution auprès des hauts responsables). Selon un haut responsable du SCRS, il n’a jamais été question d’empêcher la publication du rapport, puisqu’il s’agissait d’un produit considéré comme important. 

En octobre 2022, l’auteur du rapport a pris contact avec la gestion du SCRS afin de promouvoir la publication du produit, compte tenu de l’intérêt considérable que les fuites médiatiques avaient généré pour la question de l’ingérence étrangère. En novembre 2022, le SCRS a entrepris de coordonner [**expurgé**] la publication du rapport. Il a été envisagé de publier le rapport en tant que produit du SCRS, mais dans le répertoire SLINGSHOT du CST. Au cours des deux mois suivants, les discussions ont surtout porté sur la liste de diffusion et sur le « lancement » du rapport. Le SCRS a décidé de s’adresser d’abord aux hauts fonctionnaires et, peu après, à « l’échelon politique » (c. à d. les ministres concernés). Au début de février, la distribution à une poignée de hauts fonctionnaires a eu lieu. Le rapport a ensuite été publié dans SLINGSHOT, le 13 février 2023.

Neuf jours plus tard, le 22 février, le rapport est devenu inaccessible. Or, les registres système indiquent que le produit avait été vu par environ 40 fonctionnaires, notamment le CSNR, le greffier du Conseil privé et le directeur du SCRS, durant la période où il était encore accessible.

La décision de rendre le rapport inaccessible a été prise par le directeur du SCRS à la demande du CSNR. Lorsque l’OSSNR l’a questionné au sujet de sa décision, le directeur du SCRS a répondu [traduction] « si je me souviens bien, il a été décidé de [mettre le rapport sur la glace], car l’information était extrêmement sensible et qu’il était nécessaire de tenir de plus amples discussions concernant sa diffusion. La demande n’avait pas pour objet de limiter ou de censurer le rapport, mais bien de veiller à ce que le lectorat soit adéquatement choisi ». Plus spécifiquement, selon le directeur, le CSNR craignait que [traduction] « la liste de distribution soit trop exhaustive compte tenu du contenu du rapport ». En novembre 2023, aucune liste révisée n’a été approuvée, et le rapport est demeuré inaccessible.

Le BCP a confirmé que la demande du CSNR visant à mettre un frein au produit tenait au fait que le CSNR estimait que la liste de distribution initiale était trop large. Quoique [traduction] « le CSNR avait posé des questions au SCRS concernant les mesures qu’il conviendrait de prendre concernant le renseignement que le rapport contenait ». Pour sa part, le SCRS n’a fait aucune mention d’une telle demande dans ses réponses à l’OSSNR concernant le produit en question. Le plus étonnant, c’est que le BCP a expliqué que [traduction] « le CSNR était d’avis que les activités dont il était question dans le rapport ne correspondaient pas à ce que l’on conçoit normalement comme de l’ingérence étrangère, et qu’il s’agissait plutôt de pratiques diplomatiques courantes ». Le BCP avance également que cette position était soutenue par des sous-ministres dont l’identité n’a pas été révélée. Voilà qui contraste nettement avec la caractérisation que le SCRS a faite du rapport en disant qu’il contenait la plus complète et la plus détaillée des analyses portant sur l’ingérence étrangère dirigée contre les acteurs politiques canadiens par la RPC.

Le 24 février, une réunion s’est tenue au BCP pour discuter du produit. Participaient à la réunion le directeur du SCRS, le CSNR, le chef du CST, le greffier du Conseil privé, le SM de la Sécurité publique, le SM d’AMC et l’auteur du rapport (un analyste principal du SCRS). Selon le SCRS, au terme de cette réunion, le CSNR a demandé que soit produite une version abrégée et « expurgée » (c. à d. les noms [**expurgé**] ont été anonymisés) du rapport spécifiquement pour le premier ministre.

L’analyste du SCRS a achevé une version du rapport destinée au premier ministre le 9 mars 2023. Or, en novembre 2023, le premier ministre n’avait toujours pas accédé au produit; il ne l’avait donc ni vu ni lu. Le directeur du SCRS n’était pas au courant de ce fait. Pour ce qui est de la diffusion, l’analyste du SCRS (l’auteur du rapport) a indiqué qu’il devait recevoir une liste de distribution approuvée – liste que seuls le directeur et le CSNR pouvaient fournir – et qu’il n’était pas autorisé à disposer du rapport de sa propre initiative. Le SCRS a d’ailleurs ajouté que [traduction] « le personnel du bureau du directeur était au courant […] que rien ne pourrait advenir de la version destinée au premier ministre sans avoir reçu une nouvelle liste de distribution de la part [du directeur] et du CSNR », mais que [traduction] « en raison de priorités concurrentes qui se sont concrétisées au printemps et à l’été, le bureau du directeur n’a pas cru bon de soulever la question auprès du directeur ». Étant donné que [traduction] « ni le CSNR ni le bureau du CSNR n’ont fait de suivi auprès du directeur quant à l’état de la demande de préparation d’une version destinée au premier ministre », le directeur a eu l’impression [traduction] « que le premier ministre l’avait déjà vue ».

Figure 6. Document du SCRS sur le « ciblage » : les dates clés

Figure 6. Document du SCRS sur le « ciblage » : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Le SCRS a clairement signifié que cette version du rapport avait été préparée spécialement pour le premier ministre, mais le directeur a aussi ajouté que la décision visant à savoir si elle devait être remise ou non au premier ministre relevait du BCP. Toutefois, selon le BCP [traduction] « le rapport en question n’était pas spécifiquement destiné à n’être utilisé que par le premier ministre ». Or, cette déclaration illustre le contraste frappant qu’il y a entre la vision du SCRS et celle du BCP. Au SCRS, on semble convaincu que le résultat de la réunion du 24 février fut la formulation d’une directive voulant que le CSNR crée une version particulière du rapport sur les « cibles » destinée au premier ministre, ce qui est difficile à concilier avec la position de ce même CSNR, selon laquelle le même produit n’était pas spécifiquement destiné au premier ministre. De plus, d’après les dossiers de suivi du CST, aucun autre haut représentant – nommément le BCP et le CPM – n’a vu la version abrégée du produit. D’après le SCRS, [traduction] « cette version n’a été traitée d’aucune façon ».

Certes, le CSNR tient un rôle de coordonnateur au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, mais ce rôle n’est pas clairement circonscrit. Par ailleurs, comme il est proche du premier ministre, le CSNR doit composer avec le fait que sa position à l’égard de certaines mesures ou de certaines décisions peut avoir un poids considérable en sein de la collectivité. Ainsi, il demeure difficile de connaître la portée exacte de son influence sur les décisions s’appliquant à la diffusion des produits de renseignement du SCRS. Apparemment, la décision de « stopper » (22 février) la version initiale du document sur « le ciblage » aurait été prise par le directeur. Or, dans les faits, la décision semble plutôt avoir été prise par le CSNR (pensons, à titre de cas semblable, la demande suivant laquelle le CSNR a procédé au rappel d’un produit de renseignement du SCRS portant sur l’ingérence étrangère exercée pendant l’élection de 2019; à ce sujet, voir le paragraphe 27, plus haut).

Il convient de souligner que le rapport spécial du BCP et le document du SCRS sur « le ciblage » affichent certaines similitudes. En effet, les deux produits devaient être l’occasion de synthétiser les aperçus du renseignement disponible sur l’ingérence politique étrangère de la RPC. Au bout du compte, ni l’un ni l’autre des documents n’a été diffusé auprès de l’exécutif politique pour des motifs semblables. Ces rapports auraient pu être fournis aux responsables des politiques à des fins de planification stratégique, mais le CSNR les a plutôt traités en fonction de mesures à appliquer ou d’une marche à suivre à la lumière du renseignement fourni, et ne les a donc pas diffusés. 

Il a également été question de savoir si, de fait, les rapports décrivaient l’ingérence étrangère ou faisaient tout simplement état d’activités diplomatiques courantes, ce qui a donné lieu à un désaccord catégorique pour ce qui concerne le document sur les cibles. Lorsqu’il s’agit d’évaluer le renseignement, les désaccords et les débats sont importants et utiles. Pourtant, l’écart que l’on constate, en l’occurrence, entre le point de vue du SCRS et celui du CSNR est considérable, d’autant plus que la question est fondamentale. Le SCRS a collecté et analysé du renseignement et a fait rapport sur des activités considérées comme constituant d’importantes menaces envers la sécurité nationale. Or, l’un des principaux utilisateurs de ce type de rapport (et principal rapporteur du renseignement auprès du premier ministre) était manifestement en désaccord avec cette évaluation. En théorie, les engagements en matière de lutte contre l’ingérence politique étrangère sont simples à comprendre, mais ils seront difficiles à concrétiser si, au sein de la collectivité, on doit se buter constamment à des désaccords quant à la nature des menaces.

Recommandation no 6 : L’OSSNR recommande que Sécurité publique Canada, Affaires mondiales Canada, le Bureau du Conseil privé et les autres utilisateurs du renseignement accroissent le niveau de littératie en matière de renseignement au sein de leurs ministères respectifs.

Recommandation no 7 : L’OSSNR recommande que les membres de la collectivité de la sécurité et du renseignement acquièrent une compréhension et des pratiques communes à l’égard de l’ingérence politique étrangère.

Recommendation 8: L’OSSNR recommande que le rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre – notamment en ce qui a trait aux décisions concernant la diffusion du renseignement – soit défini dans un instrument juridique.

Conclusion

La collectivité de la sécurité et du renseignement admet unanimement que l’ingérence politique étrangère est une menace considérable pour le Canada et que la République populaire de Chine (RPC) constitue l’un des principaux auteurs de ce type de menace qui pèse sur tous les ordres de gouvernement. Pourtant, le présent examen – lequel porte sur la façon dont le renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la RPC a été diffusé entre 2018 et 2023 (période qui englobe les deux dernières élections fédérales) – indique que les éléments constitutifs de cette collectivité manifestent, en interne et entre eux, d’importants désaccords quant à savoir si, quand et comment il convient de diffuser les renseignements dont chacun dispose.

De fait, on a constaté trois schismes fondamentaux. Premièrement, au sein du SCRS : le Service a eu du mal à concilier les exigences concurrentes (faire rapport sans causer d’ingérence) en raison des éléments sensibles liés à l’ingérence politique étrangère, particulièrement à l’approche des élections, pendant les élections et peu après les élections. En l’occurrence, on a observé une dérogation aux pratiques normales de diffusion, ce qui a engendré une forme de consternation de la part de certains responsables de la collecte et de l’analyse du renseignement.

Deuxièmement, dans l’appareil de la sécurité des élections : le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM s’étaient préparés à des activités d’ingérence systématique et vaste, et ne s’étaient donc pas adaptés à l’ingérence dite traditionnelle, celle là même qui a lieu à l’échelle des circonscriptions, et ce, malgré que l’on ait reconnu que ce type de menace était le plus répandu au Canada. Compte tenu du seuil appliqué par le groupe responsable du PPIEM, celui ci n’a rien communiqué au public canadien concernant l’ingérence étrangère qui avait été observée pendant les élections fédérales de 2019 et de 2021.

Troisièmement, entre les analystes du renseignement et les hauts fonctionnaires : les analystes du BCP et du SCRS ont produit des aperçus de ce qu’ils considéraient comme des activités d’ingérence étrangère de la part de la RPC (et, par conséquent, des menaces envers la sécurité nationale), alors que le CSNR considérait plutôt que ces activités étaient typiques du travail diplomatique standard. Cette divergence fondamentale a mené, du moins en partie, au fait que ces produits de renseignement ne sont pas parvenus à l’exécutif politique, notamment au premier ministre.

Ces désaccords et ces décalages sont le reflet d’une difficulté de fond, à savoir cette « zone grise » où l’ingérence politique étrangère peut étrangement ressembler à des activités politiques ou diplomatiques courantes. Cette difficulté était omniprésente dans les activités examinées. Elle a influé sur les décisions relatives à la diffusion ou à la non diffusion des produits et sur la façon de caractériser ce qui était communiqué. Elle a également mis en évidence les éléments sensibles liés à la production de rapports sur les activités qui meublent la sphère du politique et de la diplomatie. Le risque de caractériser les comportements politiques ou diplomatiques légitimes comme étant des menaces a incité des membres de la collectivité du renseignement à s’abstenir de considérer certaines activités comme des menaces. 

La collectivité de la sécurité et du renseignement a été aux prises avec ces difficultés pendant une période d’importants changements sur le plan géopolitique. La relation que le Canada entretient avec la RPC s’est détériorée depuis 2018. Ce n’est pas par hasard que l’on a observé, pendant la période visée par l’examen, une tendance vers une reconnaissance accrue, voir un consensus quant à l’ampleur de la menace posée par l’ingérence étrangère de la RPC. Toutefois, même si la collectivité évolue vers une meilleure coordination, il n’en demeure pas moins un certain nombre d’obstacles au cheminement de l’information concernant cette menace. D’ailleurs, les recommandations ici formulées visent à surmonter ces obstacles. Dans l’absolu, ces recommandations ont pour but de veiller à ce que ceux qui reçoivent le renseignement – les décideurs et les responsables des politiques appelés à veiller sur la sécurité du pays – soient en mesure de prendre les mesures qui s’imposent en toute circonstance.

Annexe A. Conclusions et recommandations

L’OSSNR a formulé les conclusions et les recommandations suivantes dans le cadre de son examen.

Partie 1 : Collecte et diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des élections fédérales de 2019 et de 2021

Conclusion no1 : L’OSSNR a conclu que la diffusion, par le SCRS, du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère pendant la 43e et la 44e élections fédérales était incohérente. Plus précisément, il s’avère qu’en diverses occasions :

  • la justification des décisions à savoir si et comment il convenait de diffuser le renseignement n’était pas claire, ce qui a eu une incidence directe sur l’acheminement de l’information
  • la menace posée par les activités d’ingérence politique étrangère n’a pas été clairement communiquée par le SCRS

Conclusion no2 : L’OSSNR a conclu que la diffusion et l’utilisation, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence politique étrangère avaient été marquées par le souci selon lequel ce type d’action pourrait constituer ou sembler constituer une forme d’ingérence dans le processus démocratique.

Conclusion no3 : L’OSSNR a conclu que le SCRS avait fréquemment choisi de présenter des exposés verbaux plutôt que des produits écrits lorsqu’il s’agissait de diffuser du renseignement sur l’ingérence politique étrangère pendant les élections.

Conclusion no4 : L’OSSNR a conclu qu’au sein du SCRS, il y avait une rupture entre une région et l’Administration centrale quant à savoir si les rapports sur l’ingérence politique étrangère devaient être assujettis à un seuil élevé de confiance, de corroboration et de contextualisation avant la diffusion.

Partie 2 : Le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM

Conclusion no 5 : L’OSSNR a conclu que le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM n’avaient pas été conçus pour s’attaquer convenablement à l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine. Plus précisément :

  • Le Groupe de travail MSRE se concentre sur les activités de menace pendant la période électorale, mais il faut également savoir que l’ingérence étrangère a aussi lieu entre ces périodes.
  • La représentation d’Affaires mondiales Canada au sein du Groupe de travail MSRE se concentrait sur les activités d’ingérence étrangères menées en ligne.
  • Le seuil particulièrement élevé que le groupe responsable du PPIEM respecte pour ce qui concerne les annonces publiques risque très peu d’être atteint dans le cas de l’ingérence étrangère traditionnelle, puisque celle ci consiste surtout à cibler certaines circonscriptions.

Partie 3 : L’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC

Conclusion no 6 : L’OSSNR a conclu que la diffusion restreinte de certains renseignements du SCRS et du CST auprès des hauts responsables exclusivement avait réduit la capacité de la Gendarmerie royale du Canada, d’Affaires mondiales Canada et du Bureau du Conseil privé à tenir compte desdits renseignements au moment de procéder à leur analyse.

Conclusion no 7 : L’OSSNR a conclu que le SCRS et Sécurité publique ne disposaient d’aucun registre permettant de savoir qui reçoit et qui lit certains produits de renseignement, une carence qui crée des lacunes sur le plan de la responsabilisation.

Conclusion no 8 : L’OSSNR a conclu que la diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de 2018 à 2023 avait été plombée par un certain nombre de difficultés. Plus précisément :

  • les utilisateurs ne comprenaient pas toujours la portée du renseignement qu’ils recevaient ou la façon d’intégrer ce renseignement dans leurs analyses stratégiques et leurs processus décisionnels;
  • on a relevé des désaccords entre les sous sections du renseignement et les hauts fonctionnaires quant à savoir si les activités décrites dans certains produits de renseignement constituaient de l’ingérence étrangère ou si elles ne représentaient que des activités diplomatiques légitimes.

Conclusion no 9 : L’OSSNR a conclu qu’il y avait des désaccords entre les hauts fonctionnaires et le CSNR quant à savoir si les évaluations de renseignement devraient être mises à la disposition de l’exécutif politique. En définitive, les interventions du CSNR se sont soldées par le fait que deux produits ne se sont pas rendus à l’exécutif politique, notamment le premier ministre.

Conclusion no 10 : L’OSSNR a conclu que le rôle du CSNR quant aux décisions relatives à la diffusion des produits de renseignement du SCRS n’était pas clairement défini.

Partie 1 : Collecte et diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des élections fédérales de 2019 et de 2021

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le SCRS élabore, suivant des consultations auprès des parties intéressées du gouvernement, une politique complète appelée à encadrer ses interventions face à la menace que pose l’ingérence politique étrangère. Cette politique devrait :

  • indiquer précisément les seuils et les pratiques à respecter pour la communication et la diffusion du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère. Notamment, il faudrait indiquer les niveaux appropriés de confiance, de corroboration, de contextualisation et de caractérisation qui détermineront si le renseignement doit faire l’objet d’un rapport;
  • faire clairement état de la tolérance au risque que le SCRS peut appliquer lorsqu’il s’agit de prendre des mesures contre la menace que pose l’ingérence politique étrangère;
  • mettre en place des processus clairs d’approbation et de notification (ce qui inclut les consultations externes) pour toutes les activités ayant trait à la lutte contre l’ingérence politique étrangère;
  • faire clairement état de toute exigence ou procédure particulières pouvant s’appliquer, s’il y a lieu, pendant la période d’élection, ce qui comprend notamment les procédures permettant de diffuser en temps voulu le renseignement sur l’ingérence politique étrangère;
  • analyser les pratiques exemplaires des partenaires internationaux (particulièrement ceux de la Collectivité des cinq) en matière d’enquête et d’établissement de rapports concernant l’ingérence politique étrangère.

Partie 2 : Le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande que le Groupe de travail MSRE définisse ses priorités en fonction des menaces réelles, notamment celles qui se concrétisent en dehors de la période électorale en tant que telle.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande qu’Affaires mondiales Canada (AMC) et le Bureau du Conseil privé (BCP) veillent à ce que la représentation d’AMC au sein du Groupe de travail MSRE tire parti de la capacité du ministère à analyser et à traiter l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine, et ce, à titre de complément au mandat de l’équipe du mécanisme de réponse rapide.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le Bureau du Conseil privé charge le groupe responsable du PPIEM d’élaborer de nouvelles stratégies permettant de réagir à l’intégralité des menaces qui se posent pendant les périodes électorales, notamment lorsque lesdites menaces se concrétisent dans des circonscriptions particulières.

Partie 3 : L’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC

Recommandation no 5 : L’OSSNR recommande que le SCRS et Sécurité publique se dotent d’un mécanisme élémentaire de responsabilisation permettant de suivre et de documenter rigoureusement la réception des produits de renseignement. Dans le cas du renseignement hautement sensible et particulièrement urgent, il conviendrait d’enregistrer également toute occurrence de lecture des produits de renseignement.

Recommandation no 6 : L’OSSNR recommande que Sécurité publique Canada, Affaires mondiales Canada, le Bureau du Conseil privé et les autres utilisateurs du renseignement accroissent le niveau de littératie en matière de renseignement au sein de leurs ministères respectifs.

Recommandation no 7 : L’OSSNR recommande que les membres de la collectivité de la sécurité et du renseignement acquièrent une compréhension et des pratiques communes à l’égard de l’ingérence politique étrangère.

Recommendation 8: L’OSSNR recommande que le rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre – notamment en ce qui a trait aux décisions concernant la diffusion du renseignement – soit défini dans un instrument juridique.

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Date de modification :

Review of the dissemination of intelligence on People’s Republic of China political foreign interference, 2018-2023: Notification Letter

Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023


Table des matières

Date de publication :

Lettre au Premier ministre

April 26, 2024

Le très honorable Justin Trudeau, P.C., député
Premier ministre du Canada
80, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A2

Monsieur le Premier ministre,

Au nom de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR), je suis heureuse de vous soumettre notre rapport spécial faisant suite à l’Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023.

Rappelons que cet examen a été réalisé en application des alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR).

L’examen nous a permis d’analyser la façon dont l’information a circulé au sein du gouvernement relativement aux activités d’ingérence étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023, période durant laquelle ont eu lieu deux élections générales fédérales. Conformément à ses attributions et à son mandat, l’OSSNR a notamment examiné ce qui suit : les pratiques du Service canadien du renseignement de sécurité en matière de diffusion de l’information; le fonctionnement d’entités clés établies par le gouvernement dans le but de protéger l’intégrité des élections du Canada; ainsi que le rôle tenu par de hauts fonctionnaires, notamment par le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du Premier Ministre, pour ce qui concerne la diffusion du renseignement. Vous avez reçu une version classifiée du présent rapport en date du 5 mars 2024.

Dès le début du processus d’examen, l’OSSNR a mené ses travaux indépendamment de ceux du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), mais a tout de même fait en sorte qu’il n’y ait aucune duplication inutile entre les deux organes de surveillance. Le 5 mars 2024, l’OSSNR a avisé le CPSNR ainsi que les responsables de l’enquête publique sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux et les institutions démocratiques que la version finale du rapport classifié de l’OSSNR vous avait été remise.

À ce moment, l’OSSNR vous a également indiqué qu’à son avis, il était dans l’intérêt public de faire rapport sur ce problème. Ainsi, en application de l’article 40 de la Loi sur l’OSSNR, nous vous remettons un rapport spécial pour dépôt au Parlement. Pendant une période s’échelonnant sur six semaines, l’OSSNR a tenu, conformément à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur l’OSSNR, des consultations auprès des administrateurs généraux des ministères et organismes concernés pour veiller à ce que le rapport spécial ne contienne aucun renseignement dont la divulgation pourrait s’avérer préjudiciable pour la sécurité nationale, la défense nationale ou les relations internationales, ni aucune information qui serait protégée par le privilège lié au litige, le privilège du secret professionnel de l’avocat ou le secret professionnel de l’avocat et du notaire.

Reconnaissant l’importance que revêt ce sujet pour les Canadiens, l’OSSNR a fait le nécessaire pour que le rapport soit rédigé en vue d’une diffusion à grande échelle. En outre, l’OSSNR a obtenu des explications quant aux expurgations qui ont été appliquées et estime que la présente version du rapport comporte toute l’information qu’il est possible de divulguer. Par ailleurs, les conclusions et les recommandations formulées dans le rapport classifié de l’OSSNR ne contenaient aucune information préjudiciable ou protégée. Ainsi, les conclusions et les recommandations qui accompagnent le rapport spécial sont exactement les mêmes que celles figurant dans le rapport classifié. 

Conformément aux obligations énoncées dans la Loi sur l’OSSNR, le présent rapport doit être déposé devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci. En guise de respect du privilège parlementaire, l’OSSNR s’abstiendra de commenter le contenu de son rapport tant que le rapport spécial n’aura pas été déposé au Parlement.

Le présent rapport contient huit recommandations. Nous demandons au gouvernement d’indiquer à l’OSSNR s’il est d’accord avec lesdites recommandations et, dans l’affirmative, de préciser comment il entend les mettre en œuvre. Une attention minutieuse et opportune devra être accordée aux recommandations de l’OSSNR si l’on souhaite que les efforts investis par l’OSSNR sur le plan de la responsabilisation des institutions gouvernementales donnent des résultats probants. De plus, l’OSSNR pourrait publier dans son site Web, si elles sont disponibles, les réponses du gouvernement aux recommandations formulées. Ces réponses pourraient alors accompagner la version du présent rapport et pourraient, le cas échéant, figurer dans un rapport annuel.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma très haute considération.

L’honorable Marie Deschamps, C.C.

Présidente // Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement

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Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023

Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023


Dernière mise à jour :

Statut :

Publié

Numéro de l'examen :

23-07

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Date de modification :

Review of Global Affairs Canada’s Global Security Reporting Program: Notification Letter

Examen de Programme d'établissement de rapports sur la sécurité mondiale d'Affaires mondiales Canada


Rapport

Date de publication :

NSIRA’s Letter to the Global Affairs Canada Minister

Government Response Letter

Global Affairs Canada Minister’s Letter to NSIRA

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Date de modification :

Review of Global Affairs Canada’s Global Security Reporting Program: Backgrounder

Examen de Programme d'établissement de rapports sur la sécurité mondiale d'Affaires mondiales Canada


Rapport

Fiche d'information

Cet examen porte sur le Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM ou le Programme) d’Affaires mondiales Canada (AMC). L’examen a été réalisé compte tenu du fait que le PERSM représente une composante importante de la présence d’AMC à l’étranger en matière de sécurité et de renseignement. En effet, une trentaine d’agents sont affectés à des postes répartis à travers le monde et financés dans le but de collecter de l’information ouvertement liée à la sécurité. Les clients du PERSM ont rapporté que le Programme était à la fois unique et utile pour le gouvernement du Canada. Le présent examen est le premier consacré au PERSM, mais aussi le premier que l’OSSNR consacre à AMC.

Bon nombre des États accréditaires où les agents du PERSM sont appelés à travailler ont un piètre bilan en matière de droits de la personne et/ou constituent des environnements où la surveillance des étrangers et des citoyens est monnaie courante. Ainsi, la façon dont ces États accréditaires perçoivent les activités du PERSM a une incidence directe sur les risques d’atteinte à la réputation du Canada et de ses alliés, à celle des ministères et organismes canadiens (notamment le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS]), à celle des agents du PERSM et, enfin, à celle des contacts locaux qui aident à la collecte d’information du Programme.

L’examen montre que certains aspects du Programme pourraient être améliorés, notamment, par le renforcement des structures de gouvernance et de responsabilisation, l’élargissement des moyens de contrôle et une sensibilisation accrue aux pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information.

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Review of Global Affairs Canada’s Global Security Reporting Program: Report

Examen de Programme d'établissement de rapports sur la sécurité mondiale d'Affaires mondiales Canada


Rapport

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Sommaire

Cet examen porte sur le Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM ou le Programme) d’Affaires mondiales Canada (AMC). L’examen a été réalisé compte tenu du fait que le PERSM représente une composante importante de la présence d’AMC à l’étranger en matière de sécurité et de renseignement. En effet, une trentaine d’agents sont affectés à des postes répartis à travers le monde et financés dans le but de collecter de l’information ouvertement liée à la sécurité. Les clients du PERSM ont rapporté que le Programme était à la fois unique et utile pour le gouvernement du Canada. Le présent examen est le premier consacré au PERSM, mais aussi le premier que l’OSSNR consacre à AMC

Bon nombre des États accréditaires où les agents du PERSM sont appelés à travailler ont un piètre bilan en matière de droits de la personne et/ou constituent des environnements où la surveillance des étrangers et des citoyens est monnaie courante. Ainsi, la façon dont ces États accréditaires perçoivent les activités du PERSM a une incidence directe sur les risques d’atteinte à la réputation du Canada et de ses alliés, à celle des ministères et organismes canadiens (notamment le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS]), à celle des agents du PERSM et, enfin, à celle des contacts locaux qui aident à la collecte d’information du Programme.

L’examen montre que certains aspects du Programme pourraient être améliorés, notamment, par le renforcement des structures de gouvernance et de responsabilisation, l’élargissement des moyens de contrôle et une sensibilisation accrue aux pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information.

Plus important, l’examen conclut que même si le PERSM est assujetti à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (CVRD), il fonctionne sans recourir à des conseils juridiques qui permettraient d’évaluer les activités exercées dans le cadre du Programme. De même, les agents du PERSM ne reçoivent pas de formation adéquate relativement à leurs obligations juridiques. En l’occurrence, les activités menées à l’étranger par certains agents du PERS suscitent des préoccupations voulant que certaines d’entre elles ne soient pas exercées selon les fonctions et obligations établies en vertu de la CVRD.

Même si les agents du PERSM se servent de la CVRD comme d’un bouclier destiné pour leurs actions, certains d’entre eux n’ont semblé ni apprécier les limites de cette immunité ni comprendre la portée réelle de leurs fonctions et obligations. De plus, il n’était pas certain que tous les agents comprennent qu’une fois déchus de leur immunité diplomatique, ils s’exposaient à des mesures de rétorsion de la part des États accréditaires. L’examen a relevé l’absence d’évaluations de risques, de protocoles de sécurité et de conseils juridiques à l’égard des contrôles accrus que les agents du PERSM peuvent susciter de par la nature de leurs priorités en matière de rapports.

En tant que partenaires gouvernementaux à l’étranger, le SCRS et le PERSM interagissent fréquemment entre eux, dans la mesure où leurs mandats respectifs se recoupent. On observe que la coordination entre les missions et les administrations centrales du SCRS et d’AMC sont lacunaires, ce qui donne lieu à une gouvernance incohérente lorsqu’il s’agit [caviardé].

L’examen a également permis de constater que le Programme ne s’était pas doté de mesures de protection apte à garantir la sûreté des contacts à l’étranger. Or, bien que la plupart des interactions entre les agents et les contacts soient sans graves conséquences, le Programme ne semble pas en mesure d’apprécier les risques liés à certaines de ces interactions. Significativement, l’examen a relevé quelques sources de préoccupation potentielles concernant la façon dont les renseignements identificateurs canadiens sont gérés. En conséquence, il est recommandé qu’AMC soumette le Programme à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

La création d’une entité de renseignement étranger au sein d’AMC, ou encore le consentement à un changement d’orientation de la mission du PERSM permettant de collecter secrètement de l’information, contreviennent aux principes de la CVRD. Par conséquent, l’OSSNR croit qu’il est important que le gouvernement réfléchisse aux questions soulevées par le présent examen et en vienne à prendre une décision quant aux moyens à privilégier pour la collecte de ce type d’information. L’OSSNR reconnaît que le présent enjeu ne relève pas de son champ de compétence et qu’il pourrait plutôt nécessiter l’attention du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR). Nous avons l’intention de mettre le présent rapport à la disposition de nos homologues en matière d’examen de sorte à amorcer la démarche de réflexion.

Pouvoirs

Le présent examen a été réalisé au titre des dispositions visées aux alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.

Introduction

Le Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM) d’Affaires mondiales Canada (AMC) collecte et dissémine de l’information en soutien aux priorités du Canada en matière de renseignement. Au fil de ses quelque vingt années d’existence, le Programme a considérablement évolué, et les produits du PERSM en sont venus à retenir l’attention non seulement des ministères et organismes du gouvernement du Canada (GC), mais aussi des États alliés.

Le présent examen était le premier que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) réalisait de façon autonome relativement à des activités exercées par AMC. D’ailleurs, pendant qu’il examinait les activités du programme unique et complexe que représente le PERSM, l’OSSNR a eu l’occasion de mieux connaître le mandat, les politiques et les autorisations juridiques d’AMC.

L’OSSNR s’est donné pour objectif d’établir si les activités du PERSM étaient menées conformément aux dispositions de la loi et des politiques ainsi qu’aux procédures en vigueur, et de déterminer si les activités étaient justes et nécessaires. De plus, l’examen de l’OSSNR avait également pour objet d’établir si les politiques et procédures du Programme étaient suffisamment élaborées pour soutenir des activités à l’étranger.

La période d’activité visée par la présente étude s’étend du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, quoique l’OSSNR s’est également penché sur de l’information concernant des éléments antérieurs ou postérieurs à cette période. L’OSSNR a aussi examiné un échantillon significatif des missions du PERSM, lequel a offert une diversité de perspectives quant à la nature et la portée des activités du Programme.

Compte tenu des circonstances particulières attribuables à la création récente de l’OSSNR et aux difficultés connexes sur le plan de la logistique et des procédures associées à cette transition, il convient de rappeler que le présent examen n’a été rendu possible que grâce au soutien du personnel d’AMC, plus particulièrement celui des membres de l’Unité de liaison avec les organismes de surveillance externe. De plus, l’OSSNR tient à remercier le SCRS et son équipe Examen externe et Conformité pour avoir facilité le déroulement de l’examen. En outre, le présent rapport devait être achevé au cours de l’été de 2020, mais l’échéance a été reportée en raison de la pandémie de COVID-19, laquelle a débuté au moment où l’OSSNR en était au stade initial d’établissement de la portée de l’examen.

Historique du PERSM

Pendant la Guerre froide, l’établissement des rapports de sécurité était intégré à la production des rapports politiques effectués par les diplomates Canadiens en poste à l’étranger,. Pour combler ses besoins en matière d’information en matière de sécurité, la collectivité de la sécurité et du renseignement (S et R) du Canada misait principalement sur ces rapports. Une fois la Guerre froide terminée, l’établissement des rapports de sécurité n’était plus régulièrement incorporé à la production des rapports politiques par les diplomates affectés à l’étranger. En outre, ce changement témoigne de ce qui suit :

« un ordre mondial en évolution et ponctué de défis de sécurité inédits; des priorités nouvelles et évolutives au niveau national et ministériel; une perte d’expertise se manifestant à mesure que les diplomates et les gestionnaires quittaient leurs postes ou partaient à la retraite; et d’importantes réductions de personnel dans la fonction publique conjuguées aux restrictions budgétaires strictes des années 1990 sont autant de facteurs qui ont eu une incidence sur les activités et les priorités d’AMC. »

Le PERSM a été créé peu après les événements du 11 septembre 2001. Dans sa forme actuelle, le Programme compte un personnel d’une trentaine de diplomates appelées à se consacrer ouvertement aux rapports fondés sur une seule source – à partir d’un réseau principalement constitué de contacts « non traditionnels » – portant sur des enjeux d’intérêt pour la collectivité canadienne de la sécurité, du renseignement, de la défense et des politiques étrangères. Les agents du PERSM (ou les agents) exercent leurs fonctions à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur des capitales des États hôtes, et se déplacent régulièrement vers les zones moins fréquentées par les diplomates. Depuis 2009, ces rapports (qui alimentent les décideurs canadiens et alliés) sont en phase avec les priorités du GC en matière de renseignement.

Les agents du PERSM se rapportent à la Direction d’analyses et de rapports de renseignement (INA), laquelle relève de la Direction générale du renseignement dont le responsable est le SMA, Sécurité nationale et affaires politiques. Le PERSM s’est doté d’une structure de gestion matricielle : au niveau de la mission, les agents relèvent du gestionnaire, Service de la politique étrangère et de la diplomatie (SPED) ou du chef de mission (CDM), alors que l’Administration centrale (AC) du PERSM détermine principalement les priorités s’appliquant aux agents en matière de collecte. De plus, l’AC du PERSM établit les attentes à l’égard du Programme.

Conclusions et recommendations

Utilité du PERSM

Le PERSM est le seul programme diplomatique canadien qui soit financé dans le but de collecter de l’information de sécurité officielle. Le PERSM fonctionne comme une ressource réservée dans la mesure où la majeure partie du temps (dans une proportion de 90 %), un agent se consacre à la production de rapports à une seule source. Aucun autre programme d’AMC ne consacre autant de ressources à la « collecte pure ».

Les clients du PERSM ont maintes fois indiqué que les rapports fournissaient de l’information pertinente qui répond aux besoins de leurs ministères ou organismes respectifs en matière de collecte. De fait, les rapports du PERSM offrent des perspectives « pragmatiques » produites par un groupe diversifié, ce qui est unique lorsqu’on compare ces rapports à ceux des autres modalités de collecte du GC. Les destinataires ont indiqué que les rapports fournissaient de l’information utile concernant les menaces et les tendances générales dans les nouveaux secteurs d’intérêt.

Des clients ont souligné que l’un des principaux atouts du PERSM était la priorité accordée à la formation linguistique, laquelle prévoit, dans certains cas, plus d’une année de formation comprenant des périodes d’immersion dans le pays en question. Les clients du PERSM ont remarqué que la maîtrise des langues était une valeur sûre pour le Programme.

De plus, les clients ont salué la capacité du Programme à affecter rapidement des agents à la couverture de questions, de secteurs ou d’événements particuliers qui sont d’une grande valeur pour le GC. Or, malgré ces avantages, un examen des documents du PERSM révèle le besoin d’améliorer les mécanismes de rétroaction sur les produits, ce qui permettrait d’établir dans quelle mesure les rapports répondent aux besoins des clients.

Fonctions et obligations en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques

Les fonctions que les missions diplomatiques sont légalement tenues d’exercer ainsi que les obligations incombant aux diplomates qui jouissent de privilèges et d’une immunité dans un État accréditaire sont établies en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (CVRD). En vertu du droit international coutumier, la CVRD est généralement acceptée en tant que codification du droit, des règlements et des pratiques en matière de diplomatie. Selon AMC, les fonctions du PERSM correspondent à celles qui sont exercées par les missions diplomatiques et qui sont décrites à l’article 3 de la CVRD. Conformément à l’énoncé de l’alinéa 3(1)d)17, il exerce une partie des fonctions de la mission diplomatique en s’informant par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution des événements dans l’État accréditaire et en faisant rapport à ce sujet au gouvernement de l’État accréditant. L’alinéa 3(1)d) exige précisément que les rapports diplomatiques soient produits « par des moyens licites ».

D’après le paragraphe 41(1) de la CVRD, les diplomates qui exercent les fonctions énumérées à l’article 3 et qui bénéficient des privilèges et immunités dans l’État accréditaire ont le devoir « de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire » et de « ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État ». Tout manquement à ces obligations constitue un abus de privilège ou d’immunité (ce que l’on appelle également abus des fonctions diplomatiques).

Recours applicables en cas d’abus de l’immunité diplomatique et des privilèges connexes

Tel qu’il est indiqué dans la CVRD, les recours en cas d’abus de privilège ou d’immunité comprennent les suivantes : informer l’État accréditant que le diplomate en question est persona non grata (article 9 de la CVRD) et, dans quelques cas extrêmes, rompre les relations diplomatiques, lesquelles sont établies par consentement mutuel, comme l’explique l’article 2 de la CVRD.

Il importe de noter qu’en pareil cas, l’État accréditeur n’est pas tenu de justifier le recours qu’il exerce. Ainsi, la perception d’abus peut constituer un motif d’expulsion d’un diplomate ou de rupture des relations diplomatiques tout autant que l’abus avéré. Dans l’affaire des otages détenus à Téhéran, la Cour internationale de justice a expliqué la discrétion qui est ancrée dans ce régime de la façon suivante :

L’article 9 […] de la convention […] tien[t] compte de la difficulté qu’il peut y avoir en pratique à prouver de tels abus dans chaque cas ou même à déterminer exactement quand l’exercice de la fonction diplomatique […] peut être considéré comme se traduisant par des actes d’« espionnage », ou d’« ingérence dans les affaires intérieures ». Le paragraphe 1 de l’article 9 prend en compte ce type de difficulté en déclarant expressément, dès la phrase initiale que « [l’]État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision », informer l’État accréditant que tout membre du personnel diplomatique de la mission est « persona non grata » ou n’est « pas acceptable. »En plus de ce moyen de remédier aux abus de la fonction diplomatique que peuvent commettre les membres d’une mission à titre individuel, l’État accréditaire dispose d’un remède plus radical si les abus prennent de graves proportions. C’est le pouvoir discrétionnairequ’a tout État accréditaire de rompre les relations diplomatiques avec un État accréditant et de demander la fermeture immédiate de la mission coupable. (Soulignement ajouté par l’OSSNR)

L’immunité dont jouissent individuellement les diplomates cesse « au moment où [ils] quittent le pays ou à l’expiration d’un délai raisonnable qui [leur] aura été accordé à cette fin […] ». En certaines circonstances, l’État accréditaire peut intenter une poursuite contre un diplomate en cas d’infraction à son droit interne, une fois que l’immunité personnelle du diplomate en question a cessé.

Les actes accomplis par un diplomate « dans l’exercice de ses fonctions comme membre de la mission » continuent de bénéficier de l’immunité même lorsque l’immunité personnelle du diplomate a cessé. Toutefois, les actes qui ne font pas partie des fonctions légitimes d’un diplomate ne continueront pas de bénéficier de l’immunité. En l’occurrence, le diplomate peut être passible de poursuites pour les infractions qu’il aurait commises en cours de mission s’il devait retourner dans le pays accréditaire sans avoir préalablement obtenu la protection de l’immunité diplomatique ou s’il omet de quitter le pays accréditaire avant l’expiration du délai raisonnable qui aurait été fixé.

Bien entendu, il y a d’autres moyens plus modérés dont dispose l’État accréditaire pour réagir aux abus de fonctions d’un diplomate, et ce, sur le plan tant juridique que politique. Hormis les risques plus improbables d’expulsion ou de rupture des relations diplomatiques, il existe plusieurs types de dommages à la réputation qui peuvent résulter des atteintes aux dispositions de la CVRD. L’OSSNR insiste sur le fait que les agents du PERSM devraient se montrer hésitants avant de placer un État accréditaire à exercer un recours.

Lorsque les activités du PERSM s’écartent du cadre juridique s’appliquant aux fonctions diplomatiques régies par le droit international, il conviendrait aussi de savoir si ces activités respectent le droit canadien. Les relations diplomatiques se poursuivent en vertu de la prérogative de la Couronne sur la conduite des relations internationales, laquelle est assujettie au droit international. L’on considère que les règles prohibitives du droit international coutumier, lesquelles englobent les règles prohibitives du droit diplomatique, sont intégrées dans la common law canadienne, à moins qu’une loi stipule le contraire. De même, la prérogative de la Couronne est partie intégrante de notre common law. Il faut donc prendre en compte la façon dont l’exercice de la prérogative de la Couronne se concilie avec ces règles prohibitives.

Perceptions

Fonctions diplomatiques vs fonctions du renseignement

Au sein de la Direction générale du renseignement d’AMC, les directives en matière d’établissement de rapports du PERSM découlent des priorités du Canada en matière de renseignement. Néanmoins, AMC présente le Programme à l’OSSNR comme une entité répondant aux normes habituelles en matière de production de rapports diplomatiques. En fait, l’OSSNR perçoit le Programme comme une entité naviguant en zone grise, pris entre deux éléments d’une même dichotomie.

Les agents du PERSM sont postés dans divers pays pour y collecter de l’information répondant aux priorités du GC en matière de renseignement. Ces pays se distinguent souvent par leurs piètres bilans en matière de droits de la personne; un haut degré de méfiance de la part des étrangers; ils se montrent généralement implacables en matière de sécurité interne; et ils tendent à recourir à des mécanismes de surveillance de masse à l’endroit des étrangers et citoyens. Voilà pourquoi la perception que les États accréditaires ont des activités du PERSM constitue un facteur que le Programme doit prendre en compte.

Lorsque l’OSSNR a demandé de quelle manière le Programme expliquait les écarts entre ce qui constitue des activités permises et les lois de l’État accréditaire, les agents du PERSM ont fait valoir qu’ils exerçaient leurs fonctions en vertu de la CVRD27. Même s’ils reconnaissaient avoir le droit d’exercer leurs fonctions au titre du droit diplomatique, les agents savaient très bien que l’État accréditaire pouvait percevoir leur rôle autrement. Certains agents ont indiqué qu’ils atténuaient ce risque en évitant de faire rapport sur des sujets sensibles.

Certes, le PERSM établit ses rapports en fonction des priorités en matière de renseignement et obtient de l’information de la part de contacts humains, mais les agents croient qu’ils se distinguent des praticiens du renseignement dans la mesure où ils agissent ouvertement à titre de membres accrédités d’une mission diplomatique et qu’ils ne rémunèrent ou ne préposent pas leurs contacts. En dépit de ces affirmations, la question de savoir si les actions d’un agent du PERSM sont « ouvertes » ou « secrètes » et si les agents rémunèrent les contacts ou les affectent à des tâches ou non est sans effet, lorsqu’il s’agit d’évaluer des allégations d’abus de privilège et d’immunité au titre de la CVRD. En fait, dans bon nombre de cas, les activités d’ingérence qui ont attiré l’attention des États accréditaires avaient manifestement été menées ouvertement.

Le risque

Les agents du PERSM doivent se montrer vigilants à l’égard de toute activité pouvant être perçue, par les États accréditaires, comme exclue des fonctions officielles d’une mission diplomatique. La présente partie de rapport fait brièvement état de certains des risques liés à ce facteur.

Risques encourus par le gouvernement du Canada et ses alliés

L’OSSNR s’attendait à découvrir un cadre de gouvernance du PERSM qui soit en mesure de faire clairement état des politiques internes et de fournir aux agents des directives sur la façon d’exercer leurs fonctions d’établissement des rapports diplomatiques. Or, le PERSM ne dispose pas d’un tel cadre.

Lorsqu’on l’a questionné au sujet de l’absence d’un cadre de gouvernance, le PERSM a indiqué qu’un ensemble de politiques n’était pas nécessaire puisque les agents [traduction] « font ce que les diplomates ont toujours fait ». Bien que la gestion du PERSM ait signifié que son personnel œuvrait à professionnaliser le Programme, la politique est actuellement :

established by the Head of the GSRP, exercising their judgement and discretion, and drawing on specialized expertise, including support from legal, human resources and finance divisions, and seeking formal or informal approval from senior executives as required and when appropriate.

Les orientations politiques fournies par le chef du PERSM sont communiquées aux agents par courriels. Il n’existe aucun registre central qui permette de gérer cette information. Outre l’insuffisance des structures de gestion de l’information, on note des lacunes sur le plan de la gestion de l’information dans d’autres secteurs. Entre autres, on a relevé des incompatibilités entre divers systèmes, sans compter les disparités qui persistent entre les missions sur le plan des accréditations de sécurité. Au reste, une partie de l’information est conservée à la mission exclusivement, ce qui limite la visibilité de l’AC et la capacité de celle-ci à suivre de près les activités des missions.

En conséquence de l’absence d’une structure de gouvernance adéquate, aux difficultés liées à la gestion de l’information et aux contraintes qui limitent la surveillance des activités des missions, le Programme n’a pas toujours été en mesure de gérer convenablement les risques.

À titre d’exemple, les responsables de l’examen ont relevé des cas où des alliés du Canada avaient mépris des agents du PERSM pour des représentants des services de renseignement canadiens.

Même si l’OSSNR n’a observé aucun cas où les agents du PERSM auraient intentionnellement induit les États accréditaires en erreur, il faut tout de même rappeler que dans un cas, le manque de compréhension concernant le mandat du Programme [caviardé].

Certains des destinataires des rapports du PERSM ont également indiqué que d’autres destinataires (particulièrement ceux dont les antécédents en matière de sécurité et de renseignement sont plutôt limités) n’ont pas vraiment compris que ces produits provenaient d’une seule source et qu’ils n’avaient été ni validés ni corroborés. En l’occurrence, cet élément est particulièrement pertinent, puisque par le passé, des agents du PERSM ont involontairement relayé de l’information dont on a ensuite conclu qu’il s’agissait de la mésinformation et de la désinformation40. Il convient de noter que le PERSM a produit un peu plus de cinq mille rapports pendant la période visée par le présent examen, parmi lesquels on a compté deux occurrences de désinformation avérée pour dix rapports. De plus, les destinataires ont maintes fois souligné la mésinformation se trouvant dans les rapports du PERSM, mais l’OSSNR n’a pas été en mesure de vérifier tous les rapports du programme pendant le déroulement de l’examen.

Comme il a été noté précédemment, l’une des difficultés qui se posent au Programme est l’absence d’une surveillance qui soit suffisante. À l’AC, quatre employés à temps complet sont responsables de la gestion d’environ trente agents, de la vérification d’approximativement deux mille rapports chaque année, de la communication informelle d’orientations en matière de politique et de l’exercice de mesures de liaison avec les intervenants concernés43. Cette charge de travail prive l’AC de la capacité d’appliquer des contrôles de qualité adéquats sur les activités des agents.

Constatation no 1 : L’OSSNR conclut que les structures de gouvernance et de responsabilisation du PERSM ne sont pas suffisamment élaborées.

Constatation no 2 : L’OSSNR conclut que les activités du PERSM comportent le potentiel de risque inutile d’atteinte à la réputation et de préjudice politique pour le gouvernement du Canada.

Constatation no 3 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne maintient pas adéquatement des registres centraux ou applique les des pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le PERSM se dote prioritairement d’un cadre de gouvernance.

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande qu’AMC applique, sur le plan de la conservation des données et de la gestion de l’information, les pratiques qui sont déjà énoncées dans les politiques du GC.

Partenariat opérationnel entre AMC et le SCRS

Le SCRS dispose d’un cadre qui énonce les attentes de l’État accréditaire sur le plan tant politique qu’opérationnel44. La Loi sur le SCRS fait état, à l’article 17, de la façon dont des ententes doivent être régies. De plus, il y a des Instructions ministérielles qui orientent la conduite du SCRS à l’étranger. Ce cadre de gouvernance structure les opérations du SCRS de sorte qu’elles respectent les lois nationales et internationales. Dans la plupart des cas, le SCRS préfère être le principal interlocuteur des partenaires étrangers de la sécurité et du renseignement, au même titre qu’AMC préfère être le principal allocutaire des représentants diplomatiques.

Dans au moins un cas, le PERSM – et non le SCRS – a constitué le principal point de contact auprès des services de renseignement de l’étranger. En l’occurrence, AMC a refusé d’approuver une relation au titre de l’article 17 entre le SCRS et [caviardé] en raison d’un dossier diplomatique sensible qui était toujours en cours. Toutefois, l’OSSNR n’a rien relevé qui puisse indiquer que d’autres relations concernant, entre autres, la GRC ou le PERSM aient été interdites de la sorte. Quoi qu’il en soit, bien qu’il arrive que le SCRS se voie refuser l’autorisation d’établir un lien avec un organe étranger en raison des termes d’une entente avec une entité étrangère, AMC n’impose pas ce genre de restriction.

En outre, il convient de rappeler que les obligations juridiques du SCRS et d’AMC au titre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (LECCMTIEE) sont exactement les mêmes, mais qu’elles risquent d’être appliquées différemment. À titre d’exemple, tandis que le SCRS peut exercer un contrôle sur ceux avec qui il peut ou ne peut pas assurer la liaison uniquement dans la mesure où les Instructions du ministre le permettent (c.-à-d. art. 17, Loi sur le SCRS), AMC n’est pas assujetti à de telles restrictions. AMC mise plutôt sur des processus d’atténuation interne lorsqu’il échange de l’information avec des entités étrangères, ce qui, pour le SCRS, n’est pertinent que si le ministre permet déjà au Service d’entrer en contact avec ladite entité.

Certes, la gestion du PERSM a affirmé qu’il ne revenait pas aux agents d’assurer la liaison avec les services étrangers de sécurité et de renseignement, mais il faut savoir que les agents du PERSM n’ont pas toujours exposé ce facteur à l’OSSNR. Par exemple, certains agents ont interagi avec des membres des services de renseignement locaux, pendant que d’autres considéraient que ces interactions ne faisaient pas partie de leurs fonctions.

En plusieurs occasions, des États accréditaires ont demandé au SCRS de fournir des éclaircissements concernant ce qu’il percevait comme étant des activités inappropriées de la part d’agents du PERSM. Dans ces cas de figure, le SCRS a tenté de rassurer ces partenaires en faisant valoir que le PERSM n’était pas un programme secret de collecte. L’OSSNR a également relevé certaines difficultés dans les régions où les activités du SCRS et celles du PERSM se chevauchent (p. ex. les répertoires de contacts).

L’OSSNR a entendu bon nombre d’agents du PERSM dire qu’ils trouvaient que les partenaires de mission issus du SCRS étaient généralement ouverts et enclins à prodiguer des conseils en matière de sécurité. Dans un autre cas, l’agent du PERSM a signalé une relation hostile avec son homologue du SCRS.

L’OSSNR a aussi remarqué plusieurs cas où rien ne semblait indiquer que les agents du PERSM avaient établi de relations suffisamment productives avec le SCRS au sein de la mission. En l’occurrence, même si les personnes se montraient cordiales les unes envers les autres, on s’en tenait à très peu d’interactions, et les agents du SCRS se montraient plutôt réservés. Certes, l’OSSNR comprend bien les protections juridiques s’appliquant aux échanges d’information auxquels le SCRS participe, mais tout indique qu’il y aurait des lacunes sur le plan de la coordination et des interactions entre le PERSM et le SCRS sur le terrain.

Lorsque l’OSSNR a soulevé la question de la coordination à l’étranger, la direction du PERSM a soutenu que sur ce plan, aucun mécanisme ne serait nécessaire dans la mesure où le SCRS était un client du Programme et non un partenaire. En effet, c’est bien en tant que client que le SCRS reçoit les rapports du PERSM, mais ce qui est dit plus haut indique clairement qu’à l’étranger, le PERSM et le SCRS exercent leurs fonctions en grande proximité, ce qui nécessite de gérer les facteurs qui complexifient la coexistence.

Le SCRS et AMC font partie d’une même équipe de cogestion (EC) dont les membres travaillent au niveau des directeurs généraux et des sous-ministre. Or, l’OSSNR constate que même si l’EC peut très bien servir d’organe de coordination, rien n’indique que les leçons tirées à ce jour auraient été mises à profit sur le plan de la collaboration entre le PERSM et le SCRS. De plus, l’EC ne se réunit que rarement, ce qui réduit considérablement l’influence qu’il peut avoir.

Constatation no 4 : L’OSSNR conclut que les mesures de coordination entre le SCRS et le PERSM sont insuffisantes, ce qui donne lieu à des incohérences sur le plan de la gouvernance lorsqu’il s’agit de traiter avec des entités étrangères.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande l’élaboration de lignes directrices claires en matière de coordination entre le SCRS et le PERSM. Il recommande également que le SCRS et le PERSM s’entendent sur l’approche à adopter lorsqu’il s’agit d’interagir avec des entités étrangères à l’extérieur du Canada.

Risques encourus par les agents

AMC a indiqué qu’il ne disposait d’aucune opinion juridique quant au cadre juridique s’appliquant au PERSM. L’OSSNR remarque qu’on n’a suffisamment établi ni la portée des fonctions exercées au titre de l’alinéa 3(1)d) au sein des missions diplomatiques ou au titre du paragraphe 41(1) de la CVRD ni les types d’activités suivant lesquels les agents du PERSM risquent d’être déclarés persona non grata par l’État accréditaire. Au nombre des éléments particulièrement ambigus, il faut compter la notion plutôt large d’ingérence diplomatique telle qu’elle figure au paragraphe 41(1), laquelle notion n’est pas clairement définie dans le contexte du droit diplomatique et mériterait qu’on s’y attarde plus avant. Plus le comportement d’un agent du PERSM est sensible, plus l’État accréditaire aura tendance à percevoir ce comportement comme de l’ingérence. D’autre part, le seuil de ce qui constitue de l’ingérence ne sera pas le même d’un État à un autre.

De même, lorsque leurs activités revêtent certains des aspects que l’on interprète généralement à l’espionnage, les agents du PERSM risquent d’outrepasser leur mandat, de violer les lois intérieures de l’État accréditaire et d’outrepasser les fonctions diplomatiques qu’ils sont légalement appelés à exercer en tant qu’agents du PERSM. L’équipe responsable des questions juridiques et stratégiques à AMC devra analyser ces risques en profondeur, comme l’expliquent les paragraphes qui suivent.

Les risques de ne pas créer des cadres juridique et stratégique pourrait porter atteinte à la réputation du Canada et de préjudice aux relations diplomatiques, sans compter les risques encourus par les agents du PERSM concernés. L’OSSNR a remarqué que plusieurs agents du PERSM se servaient régulièrement de la CVRD comme d’un bouclier protecteur de leurs actions. En effet, les agents n’ont pas eu l’air d’apprécier qu’un manquement aux obligations leur incombant au titre de la CVRD en vienne à constituer un abus de leur immunité et de leurs privilèges diplomatiques. L’alinéa 3(1)d) de la CVRD reconnaît les rapports fondés sur l’information obtenue par des moyens licites. Par conséquent, tout écart par rapport à cette exigence pose le risque que l’agent du PERSM ne jouisse plus d’aucune immunité dès lors que son affectation au poste diplomatique prend fin.

Le Code de conduite à l’étranger d’AMC reconnaît explicitement que les normes locales de l’État accréditaire doivent être respectées par les représentants du Canada et que les perceptions à l’égard de ces représentants peuvent avoir une incidence négative sur la réputation du Canada. En outre, les activités des agents du PERSM sont également régies par d’autres protocoles, lesquels portent notamment, sur les risques de catastrophes naturelles, les problèmes locaux en matière de santé, la criminalité et la sécurité matérielle de la mission.

Pour collecter de l’information pertinente, les agents du PERSM sont souvent appelés à se déplacer vers des régions dangereuses qui ne sont que rarement fréquentées par les autres diplomates. De plus, les agents du PERSM traitent également avec des contacts susceptibles de défendre des positions considérées comme étant délicates par les États accréditaires. À l’évidence, ces contacts n’auraient que peu de valeur pour le Programme si l’information qu’ils possèdent ou les points de vues qu’ils adoptent pouvaient être recueillis ailleurs. Certes, les diplomates sont d’emblée susceptibles d’attirer l’attention des autorités locales, mais il faut rappeler qu’en raison de la nature du mandat du PERSM, les agents du Programme courent un risque accru d’être surveillés par les États accréditaires.

Il semble y avoir une divergence entre l’AC du PERSM et la gestion de la mission. En effet, il semble n’y avoir aucune structure de responsabilisation qui soit partagée. Par conséquent, la prépondérance de l’un ou l’autre des groupes de gestion s’en trouve affaiblie. Par exemple, l’OSSNR a remarqué plusieurs cas où la structure hiérarchique n’était claire ni pour les partenaires du Programme ni pour la direction d’AMC. À titre d’exemple, le laps de temps qui s’est écoulé avant la réception de directives essentielles a placé un agent dans une situation où la poursuite des activités comportait désormais le risque d’être perçue comme une entorse aux dispositions de la CVRD.

Les formations ou les séances d’information que les agents du PERSM reçoivent concernant les paramètres qui déterminent les privilèges et les immunités diplomatiques ne sont pas adéquates. Ce manque de connaissance peut avoir des répercussions considérables sur l’aptitude des agents du PERSM à se conduire dans le respect du cadre de leurs fonctions diplomatiques. De plus, à partir du moment où l’immunité diplomatique d’un agent du PERSM prend fin, un État accréditaire pourrait vouloir imposer des mesures de représailles.

Étude de cas : acceptation et rapport concernant de l’information classifiée

À plusieurs reprises pendant le déroulement de l’examen, l’OSSNR a entendu les agents du PERSM dire qu’ils possédaient une bonne compréhension des balises juridiques qui régissent leurs actions. Cependant, un certain cas qui a eu lieu a mis en évidence la nécessité de veiller à ce les agents du PERSM soient suffisamment au fait de leurs obligations juridiques. En l’occurrence, un agent du PERSM a reçu, de la part de l’un de ses contacts, ce qui semblait être [caviardé] classifié [caviardé].

À l’instar du Canada, [caviardé] dispose de lois interdisant la divulgation d’information classifiée. Dès lors, les actions des agents du PERSM doivent être conformes à [caviardé]. De plus, l’article 41 de la CVRD stipule clairement que les diplomates sont tenus de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire. Or, l’OSSNR n’a rien remarqué qui puisse indiquer que des consultations auprès d’un conseiller juridique auraient eu lieu en rapport avec ce cas particulier.

Dans un autre cas, un agent du PERSM à [caviardé] a demandé et reçu ce qui était probablement de l’information classifiée de la part d’un contact. L’information reçue comprenait des [caviardé].

Dans les deux cas examinés plus haut, les deux agents du PERSM semblaient croire que leurs actions se distinguaient des activités des agents de renseignement au motif qu’ils n’offraient aucune rémunération en échange de l’information. Comme il a été dit précédemment, ce motif n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit de conformité aux dispositions de la CVRD. Qui plus est, les cas précités soulèvent des préoccupations quant aux abus de privilèges diplomatiques.

Les agents du PERSM ne disposent pas de lignes directrices claires sur la façon de procéder lorsqu’ils sont exposés à de l’information qui se trouve au-delà des limites qui circonscrivent la collecte diplomatique. L’OSSNR a relevé une occurrence où un agent du PERSM aurait reçu de l’information dont on soupçonnait qu’elle fût classifiée et l’aurait retournée à la source, comme il se devait. Toutefois, tout indique que le résultat était une conséquence du bon jugement affiché par l’agent plutôt que l’effet d’une directive explicite.

Constatation no 5 : L’OSSNR constate l’absence d’évaluation des risques et de protocoles portant précisément sur la surveillance accrue dont les agents du PERSM pourraient faire l’objet en raison de leurs priorités en matière d’établissement de rapports.

Constatation no 6 : L’OSSNR conclut que même s’il exerce ses fonctions en vertu de la CVRD, le PERSM agit sans tirer parti de conseils juridiques, lesquels lui permettraient d’évaluer les activités du Programme.

Constation no 7 : L’OSSNR conclut que les agents du PERSM ne reçoivent pas une formation adéquate sur leurs obligations juridiques.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore des protocoles sur les risques ainsi que des lignes directrices en matière de sécurité qui soient adaptés au PERSM

Recommandation 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise une évaluation juridique approfondie des activités du PERSM. Par la suite, les agents du PERSM devraient recevoir une formation consécutive aux résultats de ladite évaluation.

Risques encourus par les contacts

Comme il a été expliqué précédemment, plus les agents du PERSM agissent de façon sensible, plus leur conduite risque d’être perçue comme de l’ingérence par l’État accréditaire. C’est particulièrement vrai dans le cas des interactions entre les agents et les contacts. Il importe de souligner que les protections diplomatiques censément offertes par la CVRD aux agents du PERSM ne s’appliquent pas aux contacts. Ainsi, tout dépend a) de la mesure dans laquelle un contact est réellement libre de communiquer de l’information à un État étranger et b) de la mesure dans laquelle les activités d’un agent PERSM pourraient éveiller des soupçons importuns à propos de cette interaction.

Les agents du PERSM ont signalé diverses expériences vécues avec leurs contacts dans leurs environnements opérationnels respectifs, sur le plan du risque et de la sécurité. Compte tenu de la nature ouverte de la collecte, la plupart des agents du PERSM, tous environnements confondus, croyaient qu’il n’y avait pas vraiment lieu de se faire du souci pour les contacts. Dans les cas où ils reconnaissaient que certaines régions et/ou certaines circonstances posaient un risque élevé pour les contacts, les agents ont répondu que ces situations étaient fréquemment atténuées en suivant la piste proposée par le contact. En d’autres termes, comme le contact était celui qui connaissait le mieux l’environnement, l’agent du PERSM se rendait particulièrement attentif à ces aspects délicats.

Dans certains cas, des agents du PERSM ont exprimé leurs préoccupations quant à la sécurité de leurs contacts en raison de risques qu’il serait difficile d’atténuer. L’un des agents du PERSM a souligné, en cours d’entrevue, que son contact l’avait informé que leurs interactions attireraient une attention non voulue de la part des autorités locales. De même, un autre contact du PERSM a été mis en détention par les autorités locales et questionné concernant son interaction avec un agent du PERSM. En d’autres occurrences, des agents du PERSM ont évoqué un soulèvement politique ou un renforcement des mesures de sécurité pour expliquer pourquoi leurs contacts avaient abruptement cessé de leur parler.

Pendant le déroulement du présent examen, l’effet des distinctions entre contacts ouverts et sources clandestines a été omniprésent. À plusieurs égards, le désaccord de la gestion du PERSM sur le fait qu’un contact ne peut être perçu de la même façon qu’une source de renseignement est fondé. Certes, la plupart des interactions que les agents du PERSM peuvent avoir avec les contacts sont sans danger. Toutefois, compte tenu de la nature des exigences en matière de rapports dans le contexte du Programme, il y a eu des cas où les interactions entre le contact et l’agent ont comporté des risques considérables. À titre d’exemple, citons un cas où le PERSM [caviardé] s’est entretenu avec diverses personnes [caviardé].

Ces questions et ces régions ne sont pas reconnues comme étant hautement sensibles pour les États accréditaires, mais en revanche, elles correspondent largement aux enjeux par rapport auxquels on peut demander à une source secrète de collecter de l’information.

Le problème avec lequel le Programme doit composer sur le plan de la « gestion des contacts » est que tout ce qui, à première vue, s’apparente à ce qui relève d’un programme de « gestion des sources » prête le flanc aux critiques d’usage selon lesquelles les activités visées seraient associées de trop près aux rapports non diplomatiques. Par exemple, le Programme aurait certainement intérêt à s’inspirer des pratiques exemplaires s’appliquant à la gestion du HUMINT. Il n’en demeure pas moins que la possibilité de reconnaître les aspects qui comporteraient les plus grands avantages, spécialement dans le contexte d’un programme diplomatique, n’est pas évidente.

En l’absence d’une structure de gouvernance devant s’appliquer à la « gestion des contacts », les agents sont contraints de miser uniquement sur leur bon jugement pour savoir ce que ces interactions finiront par donner. Entre autres, l’agent doit déterminer qui il rencontrera, où la rencontre aura lieu et quels seront les protocoles de sécurité qu’il conviendra d’appliquer compte tenu des circonstances.

Il est arrivé que l’agent tente par ses propres moyens de renforcer la sécurité du contact, notamment, en décidant à la dernière minute de l’endroit de la rencontre, ce qui permet de réduire les risques qu’une tierce partie sache où la rencontre doit avoir lieu. Dans un autre exemple, l’agent a tenté de bloquer la localisation des dispositifs mobiles au moyen d’un sac Faraday.

Même si les mesures ont été prises dans l’intérêt des contacts rencontrés, les services de renseignement qui observent ces mesures pourraient avoir une tout autre perception quant à l’intention desdites mesures. Plus particulièrement, ce type de situation pose le risque que les contacts du PERSM soient perçus, par les États accréditaires, comme les éléments d’un service de renseignement hostile.

Quel que soit l’environnement ou le degré d’aisance avec le contact, on a remarqué des incohérences dans la façon dont les agents du PERSM donnaient des garanties à leurs contacts. Par exemple, certains agents garantissent à leurs contacts que les rapports du PERSM sont anonymisés ou confidentiels, alors que d’autres agents n’offrent aucune garantie de la sorte. Rien n’indiquait que les agents pouvaient montrer une compréhension commune quant aux garanties pouvant être offertes aux contacts ou que les contacts avaient une compréhension suffisante de ce qui pouvait advenir de l’information qu’ils fournissaient.

Les destinataires des rapports du PERSM ont maintes fois évoqué l’aisance avec laquelle ils étaient en mesure de reconnaître les contacts à partir des descriptions contenues dans les rapports. Fait à noter, la majorité des agents ont affirmé qu’ils produisaient des rapports à la suite de leurs rencontres avec des contacts canadiens. L’anonymisation de l’information sur les Canadiens est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de veiller à ce qu’AMC remplisse ses obligations au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou d’autres dispositions législatives applicables. L’OSSNR envisage de se pencher sur la question à savoir si le PERSM remplit ses obligations en matière d’échange d’information relativement aux contacts canadiens.

Constatation no 8 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne dispose pas de mesures qui permettent de protéger adéquatement les interactions avec les contacts à l’étranger.

Recommandation 6 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore, suivant une consultation auprès des conseillers juridiques d’AMC, un ensemble de pratiques exemplaires qu’il pourra appliquer aux interactions avec les contacts.

Recommandation 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC soumette le PERSM à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

Conclusion

Le PERSM évolue dans une zone clairement grise; la vision du PERSM, quant au Programme, prévoit [traduction] « une intégration accrue, au sein du PERSM, des normes et des pratiques exemplaires en vigueur au sein de la collectivité du renseignement, tout en continuant d’incarner les valeurs cardinales de la diplomatie ». Le défi qu’il conviendra de relever dans l’immédiat sera de concilier ces valeurs et ces principes, et de produire les modalités permettant de les appliquer efficacement sur le terrain.

Le principe de réciprocité est un élément important de la diplomatie. Or, les activités de certains agents du PERSM à l’étranger soulèvent des préoccupations quant au fait que des diplomates du Canada ne se comportent pas conformément au cadre de leurs fonctions et obligations au titre de la CVRD, ce qui peut, au passage, avoir une incidence sur la façon dont ces États étrangers exercent leurs activités au Canada.

Le renseignement étranger collecté par les Canadiens est très recherché. Or, les universitaires et les hauts responsables de divers ministères ont clairement indiqué que les alliés du Canada souhaitent vivement que le Canada s’implique davantage.

La création d’une entité de renseignement étranger au sein d’AMC, ou le fait de permettre au PERSM de modifier l’orientation de la mission vers cette sphère de collecte, irait à l’encontre des principes de la CVRD. Ainsi, il serait important que le GC prenne en compte les enjeux soulevés par le présent examen et en vienne à établir les moyens les plus appropriés de collecter ce type d’information. L’OSSNR estime que les enjeux soulevés en cours d’examen devront susciter une réflexion approfondie sur la pertinence d’un service canadien consacré exclusivement au renseignement étranger. Or, ne relevant pas du mandat de l’OSSNR, cet enjeu pourrait nécessiter l’attention du CPSNR.

Annexe A: Constatations et recommandations

Constatation no 1 : L’OSSNR conclut que les structures de gouvernance et de responsabilisation du PERSM ne sont pas suffisamment élaborées.

Constatation no 2 : L’OSSNR conclut que les activités du PERSM comportent le potentiel de risque inutile d’atteinte à la réputation et de préjudice politique pour le gouvernement du Canada.

Constatation no 3 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne maintient pas adéquatement des registres centraux ou applique les des pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information

Constatation no 4 : L’OSSNR conclut que les mesures de coordination entre le SCRS et le PERSM sont insuffisantes, ce qui donne lieu à des incohérences sur le plan de la gouvernance lorsqu’il s’agit de traiter avec des entités étrangères.

Constatation no 5 : L’OSSNR constate l’absence d’évaluation des risques et de protocoles portant précisément sur la surveillance accrue dont les agents du PERSM pourraient faire l’objet en raison de leurs priorités en matière d’établissement de rapports.

Constatation no 6 : L’OSSNR conclut que même s’il exerce ses fonctions en vertu de la CVRD, le PERSM agit sans tirer parti de conseils juridiques, lesquels lui permettraient d’évaluer les activités du Programme.

Constation no 7 : L’OSSNR conclut que les agents du PERSM ne reçoivent pas une formation adéquate sur leurs obligations juridiques.

Conclusion no 8 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne dispose pas de mesures qui permettent de protéger adéquatement les interactions avec les contacts à l’étranger.

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le PERSM se dote prioritairement d’un cadre de gouvernance.

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande qu’AMC applique, sur le plan de la conservation des données et de la gestion de l’information, les pratiques qui sont déjà énoncées dans les politiques du GC.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande l’élaboration de lignes directrices claires en matière de coordination entre le SCRS et le PERSM. Il recommande également que le SCRS et le PERSM s’entendent sur l’approche à adopter lorsqu’il s’agit d’interagir avec des entités étrangères à l’extérieur du Canada.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore des protocoles sur les risques ainsi que des lignes directrices en matière de sécurité qui soient adaptés au PERSM

Recommandation 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise une évaluation juridique approfondie des activités du PERSM. Par la suite, les agents du PERSM devraient recevoir une formation consécutive aux résultats de ladite évaluation.

Recommandation 6 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore, suivant une consultation auprès des conseillers juridiques d’AMC, un ensemble de pratiques exemplaires qu’il pourra appliquer aux interactions avec les contacts.

Recommandation 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC soumette le PERSM à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

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Examen de Programme d'établissement de rapports sur la sécurité mondiale d'Affaires mondiales Canada

Dernière mise à jour :

Statut :

Publié

Numéro de l'examen :

20-01

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Examen des communications d’information par les institutions fédérales au titre de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada en 2022 : Rapport

Examen des communications d’information par les institutions fédérales au titre de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada en 2022


Rapport

Date de publication :

Liste des acronymes

ASFC Agence des services frontaliers du Canada
CFIA Agence canadienne d’inspection des aliments
CNSC Commission canadienne de sûreté nucléaire
ARC Agence du revenu du Canada
CST Centre de la sécurité des télécommunications
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
MDN et FAC Ministère de la défense nationale/Forces armées canadiennes
CANAFE Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada
AMC Affaires mondiales Canada
GC Gouvernement du Canada
IRCC Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
OSSNR Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement
PHAC Agence de la santé publique du Canada
SP Sécurité publique Canada
GRC Gendarmerie royale du Canada
SAID Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada
TBID Transports Canada

Glossaire

Critère de contribution Le premier élément du seuil en deux parties à respecter avant qu’une institution puisse communiquer une information en vertu de la LCISC : celle-ci doit être convaincue que la communication aidera à l’exercice de la compétence ou des attributions de l’institution fédérale destinataire à l’égard d’activités portant atteinte à la sécurité du Canada [alinéa 5(1)a)].
Critère de proportionnalité Le second élément du seuil en deux parties à respecter avant qu’une institution puisse communiquer une information en vertu de la LCISC : celle ci doit être convaincue que l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée d’une personne sera limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances [alinéa 5(1)b)].

Sommaire

Cet examen fait un survol de la manière dont la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC) a été appliquée en 2022. Ce faisant, il répertorie le volume et la nature des communications effectuées au titre de la LCISC, évalue la mesure dans laquelle la Loi a été respectée et fait ressortir les tendances relatives à son application au sein des institutions fédérales et au fil du temps.

En 2022, au total, quatre institutions ont communiqué de l’information à 173 reprises à cinq institutions destinataires. Selon les observations de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR), dans la majorité des cas, les institutions se sont conformées aux exigences de la LCISC en matière de communication et de conservation de documents. Les cas de non conformité concernaient le paragraphe 9(3) relatif au délai de transmission des copies des documents à l’OSSNR, le paragraphe 5.1(1) relatif au délai de destruction ou de remise des renseignements personnels ainsi que le paragraphe 5(2) relatif à la déclaration d’exactitude de l’information et de fiabilité quant à la façon dont celle ci a été obtenue. Les cas de non conformité constatés n’ont pas mis en évidence de lacunes systémiques dans la mise en œuvre de la LCISC par les institutions fédérales.

L’OSSNR a également relevé des pratiques qui, bien que conformes à la LCISC, peuvent être améliorées. Ces conclusions concernaient :

  • le recours à des ententes de communication d’information
  • le format des documents préparés par les institutions et transmis à l’OSSNR, y compris la définition de ce qui constitue un document valable;
  • la nature de l’information fournie en vertu de l’alinéa 9(1)e) et utilisée dans le cadre des évaluations prévues au paragraphe 5(1);
  • la transmission des déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité de l’information qui ont été préparées en vertu du paragraphe 5(2);
  • la rapidité des processus administratifs à l’appui de la communication de l’information.

L’OSSNR a formulé six recommandations visant à accroître la normalisation au sein du gouvernement du Canada d’une manière qui soit conforme aux pratiques exemplaires des institutions et aux principes directeurs de la LCISC.

Dans l’ensemble, en comparaison avec les conclusions des rapports des années précédentes et au cours de son examen, l’OSSNR a observé des améliorations dans la rigueur des entités concernées. Parmi ces améliorations figurent les mesures correctives prises par les entités examinées en réponse aux demandes d’information de l’OSSNR dans le cadre de cet examen.

1. Introduction

Fondements législatifs

Cet examen a été effectué conformément à l’alinéa 8(1)b) et au paragraphe 39(1) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR)

Portée de l’examen

Cet examen fournit un aperçu de la façon dont la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC) a été appliquée en 2022. Ce faisant, l’examen :

  1. répertorie le volume et la nature des communications effectuées au titre de la LCISC;
  2. évalue la mesure dans laquelle les institutions fédérales ont respecté les exigences de la LCISC en matière de conservation de documents;
  3. évalue la mesure dans laquelle les institutions fédérales ont respecté les exigences de la LCISC en matière de communication, y compris la destruction ou la remise des renseignements personnels, le cas échéant;
  4. fait ressortir les tendances relatives à l’application de la LCISC au sein des institutions fédérales et au fil du temps.

La portée de l’examen a été définie à partir des documents fournis à l’OSSNR conformément au paragraphe 9(3) de la LCISC (voir l’annexe A pour une copie des obligations des institutions au titre de l’article 9 de la Loi). Par conséquent, l’évaluation de la conformité s’est limitée aux sept institutions fédérales désignées dans ces documents comme des fournisseurs ou des destinataires (ASFC, CST, SCRS, MDN/FAC, AMC, IRCC et la GRC) et aux situations où ces institutions se sont prévalues de la LCISC pour communiquer de l’information. L’examen a également intégré Sécurité publique Canada (SP) en sa qualité de gestionnaire du Centre de coordination stratégique sur la communication d’information, lequel fournit des orientations stratégiques et de la formation relatives à la LCISC dans l’ensemble du gouvernement du Canada (GC). 

L’examen répond à l’exigence de l’article 39 de la Loi sur l’OSSNR selon laquelle l’OSSNR doit faire rapport au ministre de la Sécurité publique sur les communications d’information effectuées au titre de la LCISC au cours de l’année civile précédente.

Méthodologie

Les documents fournis à l’OSSNR par les institutions qui fournissent ou qui reçoivent de l’information en vertu de la LCISC, paragraphe 9(3), constituent la principale source d’information utilisée pour la réalisation de l’examen. L’OSSNR a également sélectionné un échantillon ciblé de communications pour lesquelles il a demandé et évalué tous les documents connexes fournis par l’institution qui communique et l’institution qui reçoit de l’information. Ces renseignements ont été étoffés par un examen des documents relatifs aux politiques et procédures des institutions se rapportant à la LCISC, ainsi que par des explications à ce sujet.

L’OSSNR a évalué la conformité administrative avec les obligations de conservation de documents prévues par la LCISC pour toutes les communications mentionnées dans les documents fournis à l’OSSNR en vertu du paragraphe 9(3) (N=173). Lorsque ces documents étaient incomplets, l’OSSNR a donné aux institutions la possibilité de fournir les renseignements manquants. L’OSSNR a également tenu compte des documents fournis tardivement dans son évaluation de la conformité au titre des paragraphes 9(1) et 9(2).

L’OSSNR a évalué la conformité substantielle aux exigences de la LCISC en matière de communication par rapport à l’échantillon de communications (n=19). L’échantillon a été constitué de manière à refléter une utilisation générale et non représentative de la LCISC, en accordant une attention particulière aux domaines où le risque de non conformité est le plus élevé. Les communications retenues pour l’échantillon ont été sélectionnées en fonction du contenu des documents fournis à l’OSSNR en vertu du paragraphe 9(3), selon des paramètres définis (voir l’annexe B, Échantillon de communications).

Déclarations concernant l’examen

Dans l’ensemble, l’OSSNR a conclu que le CST, le SCRS, le MDN/FAC, AMC, IRCC, SP et la GRC avaient répondu à ses attentes en matière de réactivité au cours de l’examen. En revanche, l’ASFC a partiellement répondu à ces mêmes attentes, car il a fallu un suivi répété pour que l’ASFC fournisse l’information demandée.

L’OSSNR a été en mesure de vérifier l’information fournie dans le cadre de cet examen d’une manière qui répondait à ses attentes.

2. Contexte

Afin de protéger le Canada contre toute activité susceptible de compromettre sa sécurité, la LCISC confère un pouvoir explicite et autonome de communication d’information aux institutions fédérales. Son objectif officiel consiste donc à encourager et à faciliter de telles communications.

L’article 9 de la LCISC impose des obligations en matière de conservation de documents à toutes les institutions qui (1) communiquent ou (2) reçoivent de l’information en vertu de la Loi. Chaque alinéa des paragraphes 9(1) et 9(2) précise les éléments particuliers qui doivent figurer dans les documents préparés et conservés par chaque institution (voir l’annexe A). Le paragraphe 9(3) énonce que ces documents doivent être fournis à l’OSSNR dans les 30 jours suivant la fin de chaque année civile.

Subsection 5(1) of the SCIDA authorizes GC institutions to disclose information – subject to any prohibitions or restrictions in other legislation or regulations – to designated recipient institutions, if the disclosing institution is satisfied that (a) the information will contribute to the exercise of the recipient institution?s jurisdiction or responsibilities in respect of activities that undermine the security of Canada (the ?contribution test?); and (b) the information will not affect any person?s privacy interest more than is reasonably necessary in the circumstances (the ?proportionality test?).

Le paragraphe 5(2) impose aux institutions qui communiquent de l’information en vertu du paragraphe 5(1) de fournir également, au moment de la communication, des renseignements sur l’exactitude de l’information et la fiabilité quant à la façon dont celle ci a été obtenue.

Lorsqu’une institution fédérale reçoit de l’information en vertu de la Loi, le paragraphe 5.1(1) exige que cette institution détruise ou remette les renseignements personnels superflus le plus tôt possible après les avoir reçus.

Les principes directeurs de la Loi soulignent l’importance de l’efficacité et de la responsabilité dans le contexte des activités de communication. Il convient de noter que l’alinéa 4c) précise que les ententes de communication d’information sont appropriées dans des circonstances particulières.

3. Conclusions, analyse et recommandations

Volume and Nature of Disclosures

En 2022, au total, quatre institutions ont communiqué de l’information à 173 reprises à cinq institutions destinataires (voir le tableau 1). Dans 79 % (n=136) des cas, la communication a été sollicitée par l’institution destinataire. Les 21 % (n=37) restants ont été effectuées de manière proactive par l’institution qui communique l’information.

Tableau 1 : Nombre de communications effectuées au titre de la LCISC en 2022, par institution qui communique l’information et institution destinataire [toutes les communications (communications proactives)]

    Designated Recipient Institutions
Ministère d’origine   ASFC CFIA CNSC ARC CST SCRS MDN et FAC Finance CANAFE AMC Health IRCC PHAC PSC GRC TBID TOTAL (proactive)
ASFC 4
(3)
4
(3)
AMC 39
(18)
2
(2)
12
(12)
53
(32)
IRCC 59
(0)
56
(2)
115
(2)
GRC 1
(0)
1
(0)
TOTAL (proactive) 59
(0)
95
(20)
2
(2)
1
(0)
16
(15)
173
(37)

Le nombre total de communications effectuées au titre de la LCISC depuis sa mise en œuvre reflète une légère tendance à la baisse, le nombre de communications demandées par rapport aux communications proactives demeurant relativement stable pour les années au cours desquelles ces données ont été recueillies (voir la figure 1).

Figure 1 : Nombre de communications effectuées au titre de la LCISC au fil du temps

En 2022, ces échanges ont eu lieu entre des institutions qui avaient chacune communiqué ou reçu de l’information, selon le cas, au cours d’au moins deux années d’examen antérieures (voir l’annexe C, Aperçu des communications faites au titre de la LCISC au cours des années antérieures).

Conclusion no1 : L’OSSNR a constaté que le CST, le SCRS, AMC et IRCC font régulièrement usage de la LCISC d’une manière qui justifie la conclusion d’ententes de communication d’information, comme l’encourage l’alinéa 4c) de la LCISC.

Le CST, le SCRS, AMC et IRCC ont été les utilisateurs les plus fréquents de la LCISC en 2022. Le nombre de communications entre ces institutions était comparable à celui observé par l’OSSNR au cours des années précédentes (voir l’annexe C), ce qui dénote l’existence d’un échange régulier au fil du temps.

L’OSSNR a également observé une régularité dans l’objet et la nature de l’information échangée entre ces institutions en 2022, comme le décrit le tableau 2. Ces échanges n’étaient pas régis par des ententes de communication d’information à jour.

Tableau 2 : Nature de l’information échangée entre les utilisateurs les plus fréquents de la LCISC

D’AMC au SCRS (N=39) D’IRCC au SCRS (N=56) D’IRCC au CST (N=59)
  • Information détenue par AMC concernant les menaces pour la sécurité du Canada.
  • Souvent (85 %) en réponse directe aux demandes du SCRS ou à la suite de celles ci.
  • Information détenue par IRCC concernant les menaces pour la sécurité du Canada.
  • Presque toujours (96 %) en réponse aux demandes du SCRS.
  • Confirmation par IRCC du statut de citoyen canadien des personnes d’intérêt nommées, indispensable pour garantir la légalité des opérations du CST.
  • Toutes (100 %) en réponse aux demandes du CST.

L’OSSNR a déjà recommandé que les ententes de communication d’information soient mises à jour (pour AMC et le SCRS) ou créées (pour IRCC et le CST) afin de régir certains échanges d’information effectués au titre de la LCISC .

Recommandation 1 : L’OSSNR recommande que des ententes de communication d’information soient utilisées pour régir les communications régulières faites au titre de la LCISC entre AMC et le SCRS, entre IRCC et le SCRS et entre IRCC et le CST.

Tenue de dossiers

Envoi de copies à l’OSSNR : paragraphe 9(3)

Conclusion no 2 : L’OSSNR a constaté que l’ASFC, le MDN/FAC et IRCC ont contrevenu au paragraphe 9(3) de la LCISC, car ils ne lui ont pas fourni tous les documents produits en vertu des paragraphes 9(1) et 9(2) dans les délais prescrits par la Loi.

En raison des demandes d’information formulées par l’OSSNR au cours de l’examen, l’ASFC, le MDN/FAC et IRCC ont fourni en retard des documents supplémentaires relatifs aux alinéas des paragraphes 9(1) et 9(2) (voir le tableau 3).

Tableau 3 : Nombre [et alinéas pertinents du paragraphe 9(1) ou 9(2)] de documents tardifs entraînant la non-conformité au paragraphe 9(3), par motif

Erreur administrative Retard dans la préparation des documents
ASFC 2 [alinéa 9(1)e)]
MDN et FAC 2 [alinéas 9(2)e à g)]
IRCC 6 [alinéa 9(1)e)] 1 [alinéas 9(2)e à g)]

L’ASFC et IRCC ne se sont pas conformés au paragraphe 9(3) en raison d’une erreur administrative; les documents qu’ils ont transmis en bout de ligne existaient au moment de la date limite de dépôt des rapports, mais aucune copie n’avait été fournie à l’OSSNR, contrairement à ce qui était exigé.

L’OSSNR s’attendait à ce que tous les documents soient préparés dans les 30 jours suivant la fin de l’année civile afin de satisfaire à l’exigence du paragraphe 9(3) de fournir une copie de ces dossiers à l’OSSNR dans ce délai.

Le MDN/FAC et IRCC ne se sont pas conformés au paragraphe 9(3) en raison du retard dans la préparation des documents; ils n’ont en effet pas préparé les documents mentionnés dans le tableau 3 dans les 30 jours suivant la fin de l’année civile, ce qui explique qu’ils n’en aient pas fourni une copie à l’OSSNR dans les délais prescrits par la Loi.

L’OSSNR souligne l’importance de la précision administrative et du respect des délais dans la préparation des documents et l’envoi des copies à son intention.

Format des documents

Conclusion no 3 : L’OSSNR a constaté une amélioration des résultats en matière de conformité dans les cas où les ministères ont préparé des tableaux sommaires des communications présentant un aperçu des documents, conformément aux paragraphes 9(1) et 9(2) de la LCISC. Ces tableaux présentaient les caractéristiques suivantes :

  • une ligne pour chaque communication faite ou reçue;
  • des colonnes explicitement liées à chacun des alinéas de l’article 9;
  • des colonnes supplémentaires pour saisir des détails administratifs pertinents tels que le fait de savoir si la communication a été demandée ou faite de façon proactive, la date de la demande (le cas échéant) et tout numéro de référence de dossier applicable.

La LCISC ne précise pas de format pour les documents préparés aux fins de l’article 9. Par conséquent, en 2022, les institutions fédérales se sont acquittées de leurs obligations en matière de conservation de documents de différentes manières.

La plupart des institutions ont fourni à l’OSSNR un aperçu de chaque communication faite ou reçue. Ces aperçus ont été transmis à l’OSSNR sous forme de tableaux sommaires des communications qui reprenaient généralement les éléments d’information requis dans les documents visés par les paragraphes 9(1) et 9(2).

La plupart des institutions ont également fourni à l’OSSNR une copie de la communication proprement dite et une série de documents connexes. Ces documents comprenaient souvent des échanges de courriels avec les services juridiques, des lettres de demande de communication et d’autres correspondances entre les institutions qui communiquent l’information et celles qui la reçoivent. La portée des demandes d’information au cours de l’examen a été réduite dans les cas où les institutions avaient fourni ces documents.

Le MDN/FAC et IRCC (pour son seul récépissé de communication) ont été les seules institutions à fournir à l’OSSNR une copie de la communication originale, accompagnée des détails relatifs au mode de transmission, en l’absence d’un résumé ou d’autres documents connexes .

L’OSSNR a observé que le choix du MDN/FAC en ce qui concerne le format des documents pour ces communications a contribué à leur non conformité avec les exigences du paragraphe 9(3) indiquées dans le tableau 3. L’information demandée en vertu des alinéas 9(2)e) à g) ne peut pas, par définition, figurer dans une copie de la communication elle même, puisqu’elle concerne les mesures prises par les institutions destinataires après réception de la communication. Une copie de la communication n’est donc pas suffisante pour satisfaire à toutes les exigences du paragraphe 9(2).

Avec respectivement deux et une communications, le MDN/FAC et IRCC ont reçu peu de communications en vertu de la LCISC en 2022. Chacun des destinataires les plus fréquents de renseignements (CST, SCRS et GRC) a inclus des colonnes explicites dans ses tableaux sommaires des communications pour indiquer si et, le cas échéant, quand les renseignements personnels ont été détruits ou remis, conformément aux exigences des alinéas 9(2)e) à g).

L’OSSNR a également constaté que le choix de l’ASFC et d’IRCC en matière de format des documents a contribué à leur non conformité aux exigences du paragraphe 9(3) en raison d’une erreur administrative. Ces institutions n’ont pas tenu compte de l’ensemble des renseignements requis en vertu de l’alinéa 9(1)e) dans les tableaux utilisés pour la présentation des dossiers.

Les renseignements utilisés pour convaincre l’institution qui communique l’information qu’une communication est autorisée en vertu de la Loi ne doivent pas obligatoirement figurer dans la communication proprement dite. Par conséquent, un tableau sommaire des communications énumérant tous les documents visés est un moyen efficace de s’assurer que les renseignements correspondants sont documentés et transmis à l’OSSNR avant la date limite fixée par la Loi.

Le tableau sommaire des communications utilisé par la GRC pour donner un aperçu des documents a été particulièrement efficace pour démontrer la conformité à la Loi. Le tableau comprenait des colonnes explicitement liées aux paragraphes visés à l’article 9 ainsi que des champs supplémentaires limités aux renseignements administratifs de la GRC, tels que les numéros de référence des dossiers et des bases de données.

Les tableaux sommaires des communications ainsi conçus permettent aux institutions de s’auto évaluer efficacement par rapport aux exigences de la Loi. Ils facilitent également le travail de contrôle en établissant une correspondance claire entre les renseignements fournis et les exigences correspondantes de la LCISC, et en regroupant les informations communiquées et reçues d’une manière propice à la vérification.

Recommandation 2 : L’OSSNR recommande à toutes les institutions fédérales de préparer un aperçu des documents afin de s’assurer de répondre aux exigences des paragraphes 9(1) et 9(2) de la LCISC et de le lui faire parvenir accompagné d’une copie de la communication proprement dite et, s’il y a lieu, d’une copie de la demande.

Préparation et conservation de documents : paragraphes 9(1) et 9(2)

Conclusion no 4 : L’OSSNR a constaté que toutes les institutions fédérales se sont conformées à leur obligation de préparer et de conserver des documents qui contiennent les renseignements prescrits par les paragraphes 9(1) et 9(2) de la LCISC.

Conclusion no 5 : L’OSSNR a constaté que plus de la moitié des descriptions fournies par l’ASFC et IRCC au titre de l’alinéa 9(1)e) de la LCISC ne faisaient pas explicitement état de leur certitude que la communication avait été autorisée en vertu de l’alinéa 5(1)b), c’est à dire qu’elle satisfaisait au critère de proportionnalité.

Même s’il s’attendait à une déclaration expresse décrivant les renseignements sur lesquels l’institution qui communiquait l’information s’était appuyée pour conclure que la communication était autorisée en vertu de la LCISC, l’OSSNR a tenu compte, dans le cadre de son examen, de tous les documents qui démontraient qu’une telle évaluation avait été effectuée.

IRCC n’a pas fait de déclaration expresse précisant que les communications demandées par le SCRS, qui représentent 57 % (n=54) de l’ensemble de ses communications, lui semblaient satisfaisantes du point de vue du critère de proportionnalité. En revanche, IRCC a fourni des copies des lettres de demande et de l’information communiquée en guise de réponse, ce qui confirme que la communication était manifestement conforme aux besoins précis de la demande (et donc témoigne d’une évaluation de la proportionnalité).

L’ASFC n’a pas fourni de déclaration expresse concernant sa satisfaction au regard du critère de proportionnalité pour 75 % (n=3) de ses communications. Elle a plutôt démontré qu’elle tenait compte du principe de proportionnalité en fournissant divers documents justificatifs, y compris de la correspondance interne.

Le tableau sommaire des communications utilisé par AMC pour donner une vue d’ensemble de ses documents a été particulièrement efficace pour répondre aux exigences de l’alinéa 9(1)e). L’analyse détaillée qu’il a consignée en ce qui concerne les critères de contribution et de proportionnalité lui a permis de remplir ses obligations en matière de conservation des dossiers et de démontrer qu’elle respectait en substance le paragraphe 5(1).

Recommandation 3 : L’OSSNR recommande que les institutions qui communiquent de l’information tiennent compte explicitement des exigences des alinéas 5(1)a) et 5(1)b) dans les documents qu’elles préparent au titre de l’alinéa 9(1)e) de la LCISC.

Communication d’information

Critères de contribution et de proportionnalité : alinéas 5(1)a) et b)

Conclusion no 6 : L’OSSNR a constaté, dans l’échantillon des communications à l’étude, que les institutions qui communiquent de l’information ont montré qu’elles ont satisfait aux critères de contribution et de proportionnalité, conformément au paragraphe 5(1) de la LCISC.

Conclusion no 7 : L’OSSNR a constaté qu’AMC s’était assuré du respect du critère de contribution de l’alinéa 5(1)a) de la LCISC sur la base d’une mauvaise compréhension du mandat de sécurité nationale du destinataire dans deux cas.

Pour que le paragraphe 5(1) soit respecté, il faut que l’institution qui communique l’information soit convaincue du respect des critères de contribution et de proportionnalité avant de procéder.

En ce qui concerne les deux communications proactives faites au MDN/FAC, AMC a fourni une justification de la contribution de l’information au mandat de sécurité nationale du MDN/FAC. Après avoir reçu l’information, le MDN/FAC n’a toutefois pas accepté l’évaluation faite par AMC; il a jugé que la LCISC n’était pas un mécanisme de communication approprié dans les circonstances.

Un échange informel entre ces institutions aurait pu permettre au MDN/FAC et à AMC de résoudre ce problème avant la communication. Lorsque de telles communications ont lieu, il est important qu’elles se limitent à l’information nécessaire pour confirmer que l’information contribue au mandat du destinataire en ce qui a trait aux activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada .

Recommandation 4 : L’OSSNR recommande aux institutions fédérales qui envisagent d’avoir recours à des communications proactives en vertu de la LCISC de contacter l’institution destinataire avant de procéder afin d’éclairer leurs évaluations au titre du paragraphe 5(1).

Déclarations concernant l’exactitude et la fiabilité : paragraphe 5(2)

Conclusion no 8 : L’OSSNR a constaté, dans l’échantillon des communications à l’étude, que l’ASFC et AMC (dans une et deux communications, respectivement) n’avaient pas respecté l’exigence prévue au paragraphe 5(2) de la LCISC, qui consiste à fournir une déclaration concernant l’exactitude et la fiabilité.

Conclusion no 9 : L’OSSNR a constaté, en ce qui concerne les autres communications faisant partie de l’échantillon, qu’AMC, IRCC et la GRC incluaient leurs déclarations concernant l’exactitude et la fiabilité dans le corps des communications, tandis que l’ASFC fournissait ses déclarations dans les lettres d’accompagnement des communications.

Providing the statement on accuracy and reliability in a cover letter for the disclosure satisfies the Act’s requirement to provide the statement at the time of disclosure. However, separating the statement from the information disclosed increases the risk that the information may be subsequently used without awareness of relevant qualifiers. The location of the statement on accuracy and reliability – and not just its contemporaneous provision to the recipient – is therefore relevant to its value added.

Recommandation 5 : L’OSSNR recommande à toutes les institutions qui communiquent de l’information d’inclure les déclarations concernant l’exactitude et la fiabilité dans le document où se trouve l’information communiquée.

Destruction ou remise des renseignements personnels : paragraphe 5.1(1)

Conclusion no 10 : L’OSSNR a constaté que le MDN/FAC a détruit des renseignements personnels au titre du paragraphe 5.1(1) de la LCISC, mais n’a pas respecté l’exigence selon laquelle cela doit être fait « dès que possible après leur réception ».

DND/CAF determined, upon receipt of the two disclosures it received from GAC, that the personal information contained within the disclosures should not be retained. The information, however, was not destroyed until April 2023 – 12 days following a request for information from NSIRA to provide a copy of records that set out whether and when the information had been destroyed or returned. The date of destruction was 299 and 336 days following DND/CAF?s receipt of each disclosure.

Compte tenu du temps écoulé entre la réception des renseignements personnels et leur destruction, ainsi que de la conclusion en temps opportun du MDN/FAC selon laquelle ces renseignements ne devaient pas être conservés, la destruction de ces renseignements par le MDN/FAC n’était pas conforme à l’exigence qui consiste à détruire les renseignements personnels « dès que possible après leur réception ». Le délai à cet égard était aussi incompatible avec l’utilisation et la gestion responsables de l’information.

Le MDN/FAC est la seule institution à avoir identifié des communications contenant de l’information qui a été détruite ou remise au titre du paragraphe 5.1(1) en 2022. L’OSSNR n’a trouvé aucune autre communication dans l’échantillon où des renseignements personnels communiqués auraient dû être détruits ou remis.

Objet et principes : communication d’information responsable et efficace

Conclusion no 11 : L’OSSNR a constaté des retards, en relation d’au moins 20 % des communications (n=34), entre le moment où une communication a été autorisée et le moment où la personne désignée par le responsable de l’institution destinataire l’a reçue.

Parmi ces 34 communications, 29 présentent un écart entre les dates indiquées par les institutions qui communiquent l’information et les institutions destinataires dans leurs documents au titre de l’article 9. Quant aux cinq autres communications, le SCRS a indiqué à la fois la date de réception administrative au sein de l’institution et la date ultérieure de réception par la personne désignée par le responsable pour la recevoir (c’est à dire l’unité opérationnelle concernée .

L’OSSNR attribue la plupart de ces retards à la dynamique attendue dans la communication d’information classifiée : la personne qui autorise la communication n’est pas toujours la même que celle qui procède à l’envoi administratif au destinataire, et la personne qui procède à la réception administrative de la communication n’est pas toujours la même que celle désignée par le responsable pour la recevoir.

Les retards observés étaient pour la plupart inférieurs à une semaine. Dans neuf des cas, ils variaient toutefois de 30 à 233 jours.

Such delays mean that information is not processed and actioned within the recipient institution until long after it was sent – or intended to be sent – by the individual authorizing the disclosure. While these delays do not amount to non-compliance with the SCIDA, they are inconsistent with the Act?s purpose and guiding principles.

Recommandation 6 : L’OSSNR recommande aux institutions fédérales de revoir leurs processus administratifs pour l’envoi et la réception de communications d’information au titre de la LCISC, en plus de modifier leurs pratiques qui entraînent des retards.

4. Conclusion

Les exigences imposées par la LCISC en lien avec la communication d’information et la conservation de documents s’appliquent à la fois aux institutions qui communiquent et aux institutions destinataires dans tous les cas où la LCISC est invoquée comme mécanisme de communication. Le présent examen a permis d’évaluer la conformité des institutions fédérales aux exigences en matière de conservation de documents, et ce, pour l’ensemble des 173 communications d’information faites et reçues en 2022. La conformité aux exigences en matière de communication d’information a été évaluée à l’aide d’un échantillon ciblé de 19 communications.

L’OSSNR a constaté que les institutions ont respecté les exigences imposées par la LCISC en lien avec la communication d’information et la conservation de documents dans le cadre de la plupart des communications. La non-conformité des institutions fédérales au paragraphe 9(3) est attribuable aux irrégularités dans la déclaration de 11 communications. Trois communications ont été jugées comme non conformes aux exigences de fond prévues au paragraphe 5(2), tandis que deux communications ont été jugées comme non conformes au paragraphe 5.1(1). Ces cas de non conformité ne font ressortir aucune lacune systémique dans la mise en œuvre de la LCISC par les institutions fédérales.

Dans ce contexte, l’OSSNR a observé des améliorations sur le plan du rendement des institutions visées par l’examen, soit en comparaison avec les conclusions présentées dans les rapports des années précédentes, soit en cours d’examen. Il convient de noter que les demandes d’information présentées par l’OSSNR à l’appui du présent examen ont donné lieu à la prise de mesures correctives par l’ASFC, le MDN/FAC et IRCC; autrement, d’autres cas de non conformité aux exigences prévues à l’article 9 auraient pu être observés.

L’OSSNR a également observé plusieurs pratiques qui, bien que conformes à la LCISC, pourraient être améliorées. Les recommandations formulées par l’OSSNR dans le cadre du présent examen visent à accroître la normalisation au sein du GC d’une manière conforme aux pratiques exemplaires des institutions et aux principes directeurs de la LCISC. 

Annexe A. Conservation de documents – obligations de l’institution qui communique et de l’institution destinataire

Obligation : institution fédérale qui communique Obligation : institution fédérale destinataire 
9(1) L’institution fédérale qui communique de l’information en vertu de la présente loi prépare et conserve des documents qui contiennent les renseignements suivants : (2) L’institution fédérale qui reçoit de l’information en vertu de la présente loi prépare et conserve des documents qui contiennent les renseignements suivants :
a) une description de l’information communiquée; a) une description de l’information communiquée;
b) le nom de la personne physique qui a autorisé la communication; b) le nom de l’institution fédérale qui l’a communiquée;
c) le nom de l’institution fédérale destinataire; c) le nom ou le poste du responsable de l’institution fédérale destinataire, ou de la personne désignée par lui, qui a reçu l’information;
d) la date de la communication; d) la date à laquelle l’information a été reçue par l’institution fédérale destinataire;
e) une description des renseignements sur lesquels l’institution fédérale s’est fondée pour conclure que la communication était autorisée par la présente loi; e) si l’information a été détruite ou remise au titre du paragraphe 5.1(1) ou non;
f) si l’information a été détruite au titre du paragraphe 5.1(1), la date de la destruction;
g) si l’information a été remise au titre du paragraphe 5.1(1) à l’institution fédérale qui l’a communiquée, la date de la remise;
f) tout autre renseignement précisé par règlement. h) tout autre renseignement précisé par règlement.

Copie à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement

Dans les trente jours suivant la fin de chaque année civile, chaque institution fédérale qui a communiqué de l’information au titre de l’article 5 durant l’année et chaque institution fédérale qui l’a reçue fournit à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement une copie des documents préparés en application des paragraphes (1) ou (2) à l’égard de l’information.

Annexe B. Échantillon des communications d’information

Les communications faisant partie de l’échantillon ont été sélectionnées sur la base du contenu des documents fournis à l’OSSNR au titre du paragraphe 9(3), selon les paramètres suivants :

  • au moins deux communications par paire « institution qui communique et institution destinataire », le cas échéant;
  • au moins une communication proactive par institution qui communique, le cas échéant;
  • au moins une communication demandée par l’institution destinataire, le cas échéant;
  • toutes les communications qui, selon l’institution destinataire, contiennent des renseignements personnels qui ont été détruits ou remis au titre du paragraphe 5.1(1) de la LCISC;
  • toutes les communications associées à un écart important entre les documents de l’institution qui communique et ceux de l’institution destinataire (c’est à dire une note de réception, mais aucune note de communication; une non correspondance importante dans la description de l’information; un écart de plus de sept jours entre la date d’envoi et la date de réception; une date de réception antérieure à la date d’envoi);
  • toutes les communications faites par une institution qui ne figure pas à l’annexe 3 de la LCISC;
  • toutes les communications reçues par les institutions ajoutées à l’annexe 3 au cours de l’année précédente.

Annexe C. Aperçu des communications faites au titre de la LCISC au cours des années antérieures

S’appuyant sur l’information publiée dans les rapports antérieurs de l’OSSNR, le tableau 5 présente un résumé du nombre et de la répartition des communications d’information au titre de la LCISC qui ont eu lieu au cours des années précédentes.

Tableau 5 : Nombre de communications au titre de la LCISC, par institution qui communique et par institution destinataire, de 2019 à 2021

    Designated Recipient Institutions
  Ministère d’origine ASFC CFIA CNSC ARC CST SCRS MDN et FAC Finance CANAFE AMC Health IRCC PHAC PSC GRC TBID TOTAL (proactive)
2021 MDN et FAC 2 2
AMC 41 1 2 44
IRCC 68 79 2 149
TOTAL 68 122 2 1 2 195
2020 ASFC 1 3 4
AMC 1 25 1 13 40
IRCC 60 61 37 1 159
GRC 1 3 5 9
TBID 2 2
Autres 1 1
TOTAL 61 88 1 3 6 55 1 215
2019 ASFC 1 2 3
AMC 23 3 1 15 42
IRCC 5 17 1 36 59
GRC 4 1 3 1 9
TBID 1 1
TOTAL 4 5 41 1 1 3 4 1 54 114

Annexe D. Conclusions et recommandations

Constatations

L’OSSNR a constaté que le CST, le SCRS, AMC et IRCC font régulièrement usage de la LCISC d’une manière qui justifie la conclusion d’ententes de communication d’information, comme l’encourage l’alinéa 4c) de la LCISC.

L’OSSNR a constaté que l’ASFC, le MDN/FAC et IRCC ont contrevenu au paragraphe 9(3) de la LCISC, car ils ne lui ont pas fourni tous les documents produits en vertu des paragraphes 9(1) et 9(2) dans les délais prescrits par la Loi.

L’OSSNR a constaté une amélioration des résultats en matière de conformité dans les cas où les ministères ont préparé des tableaux sommaires des communications présentant un aperçu des documents, conformément aux paragraphes 9(1) et 9(2) de la LCISC. Ces tableaux présentaient les caractéristiques suivantes :

  • une ligne pour chaque communication faite ou reçue;
  • des colonnes explicitement liées à chacun des alinéas de l’article 9;
  • des colonnes supplémentaires pour saisir des détails administratifs pertinents tels que le fait de savoir si la communication a été demandée ou faite de façon proactive, la date de la demande (le cas échéant) et tout numéro de référence de dossier applicable.

L’OSSNR a constaté que toutes les institutions fédérales se sont conformées à leur obligation de préparer et de conserver des documents qui contiennent les renseignements prescrits par les paragraphes 9(1) et 9(2) de la LCISC.

L’OSSNR a constaté que plus de la moitié des descriptions fournies par l’ASFC et IRCC au titre de l’alinéa 9(1)e) de la LCISC ne faisaient pas explicitement état de leur certitude que la communication avait été autorisée en vertu de l’alinéa 5(1)b), c’est à dire qu’elle satisfaisait au critère de proportionnalité.

L’OSSNR a constaté, dans l’échantillon des communications à l’étude, que les institutions qui communiquent de l’information ont montré qu’elles ont satisfait aux critères de contribution et de proportionnalité, conformément au paragraphe 5(1) de la LCISC.

L’OSSNR a constaté qu’AMC s’était assuré du respect du critère de contribution de l’alinéa 5(1)a) de la LCISC sur la base d’une mauvaise compréhension du mandat de sécurité nationale du destinataire dans deux cas.

L’OSSNR a constaté, dans l’échantillon des communications à l’étude, que l’ASFC et AMC (dans une et deux communications, respectivement) n’avaient pas respecté l’exigence prévue au paragraphe 5(2) de la LCISC, qui consiste à fournir une déclaration concernant l’exactitude et la fiabilité.

L’OSSNR a constaté, en ce qui concerne les autres communications faisant partie de l’échantillon, qu’AMC, IRCC et la GRC incluaient leurs déclarations concernant l’exactitude et la fiabilité dans le corps des communications, tandis que l’ASFC fournissait ses déclarations dans les lettres d’accompagnement des communications.

L’OSSNR a constaté que le MDN/FAC a détruit des renseignements personnels au titre du paragraphe 5.1(1) de la LCISC, mais n’a pas respecté l’exigence selon laquelle cela doit être fait « dès que possible après leur réception ».

L’OSSNR a constaté des retards, en relation d’au moins 20 % des communications (n=34), entre le moment où une communication a été autorisée et le moment où la personne désignée par le responsable de l’institution destinataire l’a reçue.

Recommandations

  1. L’OSSNR recommande que des ententes de communication d’information soient utilisées pour régir les communications régulières faites au titre de la LCISC entre AMC et le SCRS, entre IRCC et le SCRS et entre IRCC et le CST.
  2. L’OSSNR recommande à toutes les institutions fédérales de préparer un aperçu des documents afin de s’assurer de répondre aux exigences des paragraphes 9(1) et 9(2) de la LCISC et de le lui faire parvenir accompagné d’une copie de la communication proprement dite et, s’il y a lieu, d’une copie de la demande.
  3. L’OSSNR recommande que les institutions qui communiquent de l’information tiennent compte explicitement des exigences des alinéas 5(1)a) et 5(1)b) dans les documents qu’elles préparent au titre de l’alinéa 9(1)e) de la LCISC.
  4. L’OSSNR recommande aux institutions fédérales qui envisagent d’avoir recours à des communications proactives en vertu de la LCISC de contacter l’institution destinataire avant de procéder afin d’éclairer leurs évaluations au titre du paragraphe 5(1).
  5. L’OSSNR recommande à toutes les institutions qui communiquent de l’information d’inclure les déclarations concernant l’exactitude et la fiabilité dans le document où se trouve l’information communiquée.
  6. L’OSSNR recommande aux institutions fédérales de revoir leurs processus administratifs pour l’envoi et la réception de communications d’information au titre de la LCISC, en plus de modifier leurs pratiques qui entraînent des retards.
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Date de modification :

Examen des communications d’information par les institutions fédérales au titre de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada en 2022

Examen des communications d’information par les institutions fédérales au titre de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada en 2022


Dernière mise à jour :

Statut :

Publié

Numéro de l'examen :

23-03

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Date de modification :

Review of Departmental Implementation of the Avoiding Complicity in Mistreatment by Foreign Entities Act for 2020: Report

Examen de 2020 portant sur la mise en oeuvre par les ministères de la loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères


Date de publication :

Sommaire

La Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (la Loi) et les instructions connexes visent à empêcher que de mauvais traitements soient infligés à un individu à la suite d’un échange de renseignements entre un ministère du gouvernement du Canada et une entité étrangère. Les instructions reposent en grande partie sur la question consistant à savoir s’il existe un risque sérieux et, le cas échéant, si ce risque peut être atténué. Pour ce faire, une série d’exigences à respecter et à mettre en oeuvre lors de la manipulation de renseignements sont énoncées dans la Loi et les instructions. Le présent examen couvre la période de mise en oeuvre des instructions envoyées à douze ministères et organismes, soit du 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur des instructions, au 31 décembre 2020, date de fin de l’année civile. L’examen a été réalisé en application du paragraphe 8(2.2) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi de L’OSSNR), selon lequel l’OSSNR doit examiner, chaque année civile, la mise en oeuvre des instructions énoncées dans la Loi.

La présente fait état du premier examen en lien avec la Loi portant sur une année civile complète. Bon nombre des ministères faisant l’objet de l’examen ont indiqué que la pandémie avait eu une incidence sur leurs activités d’échange de renseignements, donc sur le nombre de dossiers nécessitant un examen approfondi au titre de la Loi. Par conséquent, l’OSSNR a constaté qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, aucun dossier relatif à la Loi n’a été acheminé à l’administrateur général d’un ministère.

L’OSSNR était satisfait des mesures prises par bon nombre des nouveaux ministères visés par la Loi pour établir leurs cadres. Toutefois, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et Sécurité publique Canada (SP) n’ont pas achevé leurs cadres de politique à l’appui des instructions données au titre de la Loi pour la période visée par l’examen.

Dans le cadre de l’examen, l’OSSNR a examiné les processus de tri des dossiers pour les douze ministères. L’OSSNR a constaté que, certes, les ministères avaient recours à des méthodes et à des sources d’information semblables pour déterminer si le dossier d’un pays à risque devait être acheminé ou non à un échelon supérieur. Toutefois, l’OSSNR a également constaté que pour un même pays à risque, les évaluations faites par chacun des ministères pouvaient mener des conclusions et à des niveaux d’approbation divergents.

L’OSSNR a examiné le dossier d’une demande envoyée à AMC et au SCRS pour en déterminer les répercussions en considération de la Loi. Même si, au bout du compte, les renseignements n’ont pas été communiqués à l’entité étrangère requérante, l’OSSNR a tout de même estimé que le risque de mauvais traitements était sérieux et que la décision aurait dû être renvoyée au sous-ministre des Affaires étrangères, qui était la personne compétente dans le cas de cette demande.

Les mesures d’atténuation auxquelles les ministères ont eu recours ont également été examinées dans le cadre du présent examen, puisqu’elles font partie intégrante du processus d’échange de renseignements des ministères. L’OSSNR a constaté qu’il existait des lacunes quant à la capacité des ministères de vérifier si un pays ou une entité a respecté les réserves ou les garanties, puisqu’il était difficile d’assurer le suivi du respect des mesures d’atténuation.

L’OSSNR estime maintenant être en mesure de mener des études de cas approfondies sur le respect de la Loi et des instructions par chaque ministère, peu importe si un ministère a renvoyé des dossiers à son administrateur général. Enfin, d’autres examens suivront sur la mise en oeuvre des recommandations antérieures de l’OSSNR.

Conformément à son Rapport annuel de 2020 – qui mettait l’accent sur l’adoption d’une approche selon laquelle il convient de « faire confiance, mais aussi de vérifier » lorsqu’il s’agit d’évaluer l’information fournie dans le cadre d’un examen –, l’OSSNR continue d’élaborer diverses stratégies de vérification en collaboration avec l’appareil canadien du renseignement. Toutefois, compte tenu des contraintes liées à la pandémie de COVID-19, la mise en oeuvre de processus de vérification n’a pas été possible au sein des douze ministères visés par la Loi. Cependant, l’information fournie par les ministères a été vérifiée de manière indépendante par l’OSSNR par le biais d’analyses de documents et, le cas échéant, de réunions avec des experts ministériels. D’autres travaux sont en cours afin de poursuivre l’élaboration d’un modèle d’accès pour la vérification indépendante des informations assujetties aux termes la Loi.

Pouvoirs

Le présent examen a été réalisé en application du paragraphe 8(2.2) de la Loi sur l’OSSNR, selon lequel l’OSSNR doit examiner, chaque année civile, la mise en oeuvre des instructions données en vertu de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (la Loi).

Introduction

Mise en contexte de l’examen

Des ministères et des organismes du gouvernement du Canada échangent couramment de l’information avec diverses entités étrangères. Toutefois, de telles pratiques peuvent parfois entraîner un risque de mauvais traitements infligés, entre autres, à des personnes faisant l’objet de ces échanges. Par conséquent, il incombe au gouvernement du Canada d’évaluer et d’atténuer les risques que cet échange comporte.

En 2011, le gouvernement du Canada a mis en oeuvre un cadre général pour gérer les risques de mauvais traitements lors de l’échange de renseignements avec des entités étrangères. Ce cadre visait à établir une approche cohérente et uniforme à l’échelle du gouvernement, lorqu’il sagit de transmettre ou de recevoir des renseignements dans le cadre d’échanges avec des entités étrangères. Une directive ministérielle a ensuite été publiée en 2011, à l’intention des ministères concernés (Échange de renseignements avec des entités étrangères), puis a été suivie d’une autre en 2017 (Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères).

Le 13 juillet 2019, la Loi est entrée en vigueur. Le préambule de la Loi reconnaît les engagements du Canada à l’égard de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que les obligations juridiques internationales du pays pour ce qui est de prévenir les actes de torture et autres traitements cruels et inhumains. La Loi reconnaît également la nécessité d’échanger des renseignements pour permettre au gouvernement de s’acquitter de sa responsabilité fondamentale de protéger la sécurité nationale et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes.

Le 4 septembre 2019, conformément à l’article 3 de la Loi, le gouverneur en conseil a donné des instructions écrites (décrets ou instructions) aux administrateurs généraux de douze ministères et organismes, dont six nouvelles entités canadiennes qui se sont ajoutées à celles qui avaient déjà reçu les directives de 2011 et de 2017.

Le présent rapport constitue le premier rapport de l’OSSNR pour une année complète sur la mise en oeuvre des instructions délivrées en vertu de la Loi en 2020. L’examen se fonde sur deux examens antérieurs ayant porté sur la complicité dans les cas de mauvais traitements. Le premier visait les directives ministérielles de 2017 et l’autre, les instructions transmises en vertu de la Loi, mais seulement sur une période de quatre mois, de la date d’entrée en vigueur des instructions à la fin de l’année 2019.

La Loi et les instructions

La Loi et les instructions connexes visent à éviter que de mauvais traitements soient infligés à un individu à la suite d’un échange de renseignements entre un ministère ou un organisme du gouvernement du Canada et une entité étrangère. La Loi et les instructions visent également à limiter l’utilisation de renseignements vraisemblablement obtenus à la suite de mauvais traitements infligés à un individu par une entité étrangère.

Conformément au paragraphe 3(1) de la Loi, les instructions données aux douze ministères et organismes sont formulées de la même façon et portent sur les trois aspects de la manipulation des renseignements dans le cadre des interactions avec une entité étrangère : la transmission de renseignements, la demande de renseignements et l’utilisation des renseignements reçus.

En ce qui concerne la transmission de renseignements, les instructions données prévoient ce qui suit :

[L’administrateur général] veille, à l’égard de tout renseignement dont la communication à une entité étrangère entraînerait un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés à un individu, à ce que les fonctionnaires [du ministère] ne communiquent le renseignement que s’ils concluent que le risque peut être atténué, notamment par la formulation de réserves ou l’obtention de garanties, et que si les mesures d’atténuation indiquées sont prises.

En ce qui concerne les demandes de renseignements, les instructions données prévoient ce qui suit :

[L’administrateur général] veille à ce que les fonctionnaires [du ministère] ne fassent de demande de renseignements, à une entité étrangère, qui entraînerait un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés à un individu, que s’ils concluent que le risque peut être atténué, notamment par la formulation de réserves ou l’obtention de garanties, et que si les mesures d’atténuation indiquées sont prises.

[L’administrateur général] veille à ce que les fonctionnaires [du ministère] ne fassent de demande de renseignements, à une entité étrangère, qui entraînerait un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés à un individu, que s’ils concluent que le risque peut être atténué, notamment par la formulation de réserves ou l’obtention de garanties, et que si les mesures d’atténuation indiquées sont prises.

[L’administrateur général] veille à ce que les renseignements vraisemblablement obtenus par suite de mauvais traitements infligés à un individu par une entité étrangère ne soient utilisés par [le ministère] :
a) ni de façon à engendrer un risque sérieux de mauvais traitements additionnels;
b) ni comme éléments de preuve dans des procédures judiciaires, administratives ou autres;
(c) ni de façon à priver une personne de ses droits ou libertés, sauf si [l’administrateur général] ou, dans des circonstances exceptionnelles, un haut fonctionnaire [du ministère] qu’il désigne juge cette utilisation nécessaire pour éviter des pertes de vie ou des lésions corporelles et l’autorise à cette fin.

Le paragraphe 3(1) de la Loi et les instructions reposent en grande partie sur la question consistant à savoir s’il existe un risque sérieux. Pour décider s’il transmet ou demande des renseignements, un ministère doit établir s’il existe un risque sérieux et, le cas échéant, si le risque peut être atténué. Comme indiqué dans les examens antérieurs sur l’échange de renseignements, il n’y a aucune définition de « risque sérieux » dans la Loi. Lorsqu’ils effectuent des évaluations en vertu de la Loi, les ministères doivent prendre comme point de départ une définition énoncée dans les instructions de 2017. En l’occurrence, celles-ci définissent le terme « risque sérieux » comme suit :

qu’une personne court un risque personnel, actuel et prévisible de subir de mauvais traitements. Pour pouvoir être qualifié de « sérieux », un risque doit être réel et ne pas être uniquement théorique ou spéculatif. Dans la plupart des cas, l’existence d’un risque sérieux est établie s’il est plus probable qu’improbable que de mauvais traitements soient infligés à une personne. Cependant, dans certains cas, en particulier lorsqu’une personne risque de subir un préjudice grave, l’existence du « risque sérieux » peut être établie à un niveau de probabilité inférieure.

Suivant le résultat des analyses, on peut décider d’approuver ou de rejeter un dossier ou encore de le porter à l’attention de l’administrateur général aux fins d’examen. Il importe également de déterminer s’il existe un risque sérieux lors de l’utilisation de renseignements obtenus d’une entité étrangère. Si l’on estime que les renseignements auraient vraisemblablement été obtenus à la suite de mauvais traitements infligés à un individu, le ministère est tenu de s’abstenir d’utiliser lesdits renseignements dans la mesure où ceux-ci poseraient le risque sérieux que d’autres mauvais traitements soient infligés.

Conformément aux instructions, on doit vérifier l’exactitude et la fiabilité de tous les renseignements traités, ainsi que les limites se rattachant à leur utilisation, et ce, tout au long du processus visant à déterminer si les renseignements seront communiqués ou utilisés.

En outre, les exigences en matière de rapports figurent aux articles 7 et 8 de la Loi, de même que dans les instructions. Elles prévoient, notamment, que le ministre compétent soit tenu, dès que possible, de fournir une copie du rapport sur la mise en oeuvre des instructions au cours de l’année civile précédente à l’OSSNR, au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) et, le cas échéant, à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada. Selon les exigences énoncées dans les instructions, les décisions prises en considération par l’administrateur général pour ce qui a trait à la communication ou à la demande de renseignements qui priveraient une personne de ses droits et libertés ou à l’autorisation de l’utilisation de tels renseignements doivent être signalées dès que possible au ministre compétent, à l’OSSNR et au CPSNR.

Objectifs et méthodologie de l’examen

L’examen portait sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2020. L’examen avait pour objectif :

  • d’assurer un suivi de la mise en oeuvre par les ministères des instructions reçues en vertu de la Loi;
  • d’évaluer l’opérationnalisation par les ministères des cadres et des processus leur permettant de s’acquitter des obligations énoncées dans la Loi et les instructions;
  • d’évaluer la coordination et l’uniformité de la mise en oeuvre au sein des ministères concernés.

En outre, l’OSSNR a évalué les cadres de « tri des dossiers » des douze ministères visés par la Loi (c.-à-d. une combinaison de critères d’évaluation stratégiques et d’un processus de renvoi pour les dossiers qui doivent être approuvés à des échelons supérieurs de la direction). Voir les annexes B à M pour obtenir de plus amples renseignements concernant le processus de tri des dossiers de chaque ministère. Enfin, l’OSSNR a examiné l’utilisation de mesures d’atténuation par les ministères et les politiques à cet égard.

CONCLUSIONS

Le point sur les rapports et les cadres

Conformément à la Loi, les douze ministères se sont acquittés de leur obligation de faire rapport à leurs ministres respectifs et à l’OSSNR sur les progrès réalisés quant à l’opérationnalisation des cadres et à la détermination des dossiers acheminés au niveau de l’administrateur général.

Les neuf ministères qui, l’année précédente, avaient avisé l’OSSNR de l’achèvement de leurs cadres respectifs ont continué de perfectionner leurs protocoles d’évaluation au cours de la période visée par l’examen de 2020. Selon l’information fournie à l’OSSNR, Transports Canada (TC) a élaboré une politique générale pour mettre en évidence les exigences du ministère liées à la Loi11. Toutefois, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et Sécurité publique Canada (SP) n’ont pas encore achevé leur politique relative à la Loi. Par conséquent, il se peut que les employés n’aient pas accès à des lignes directrices appropriées et actualisées concernant la façon de prendre des décisions qui soient conformes à la Loi.

Conclusion no 1 : L’OSSNR constate qu’au cours de la période visée par l’examen, l’ASFC et SP n’ont pas achevé leurs cadres de politique respectifs, contrairement aux instructions reçues au titre de la Loi.

Renvois à l’administrateur général

Il est indiqué dans les instructions que lorsque des représentants du ministère ne sont pas en mesure de déterminer si le risque de mauvais traitements découlant de la transmission ou de l’obtention de renseignements peut être atténué, le cas doit être renvoyé à l’administrateur général. Toujours selon les instructions, l’administrateur général (AG) ou le haut fonctionnaire que l’AG désigne en situations exceptionnelle doit déterminer si l’utilisation de renseignements vraisemblablement obtenus à la suite de mauvais traitements infligés à un individu par une entité étrangère priverait une personne de ses droits ou libertés, et si cette utilisation est nécessaire pour éviter des pertes de vie ou des lésions corporelles. En 2020, aucun cas n’a été acheminé à l’échelon de l’administrateur général. L’OSSNR a demandé des précisions sur l’absence de revois, et les ministères ont pour la plupart expliqué, d’une part, que la situation était attribuable au fait que les risques associés aux dossiers avaient été atténués avant que l’intervention de l’administrateur général ne soit requise et, d’autre part, que le nombre d’échanges de renseignements avec des entités étrangères avait diminué de manière générale en raison de la pandémie.

Conclusion no 2 : L’OSSNR constate qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, aucun dossier visé par la Loi n’a été renvoyé aux administrateurs généraux des ministères.

Tri des dossiers

Généralement, lorsque les ministères prennent des décisions relatives au champ d’application de la Loi, ils utilisent divers processus de tri des dossiers (c.-à-d. une combinaison de critères d’évaluation stratégiques et d’un processus prédéterminé d’acheminement aux échelons supérieurs pour les dossiers qui doivent être évalués à des échelons supérieurs de la direction). L’OSSNR a évalué soigneusement les cadres de tri des dossiers des douze ministères visés par la Loi (voir les annexes B à M). Dans le cadre de ces travaux, l’OSSNR a constaté certains problèmes dans la mise en oeuvre des systèmes de tri; par exemple, il est arrivé qu’il n’y ait pas de système de tri en place ou que l’information ne soit pas à jour.

L’OSSNR a constaté qu’il existait deux principaux types de processus de tri initial des dossiers : le tri selon les cas, suivant lequel il appartient à un fonctionnaire du niveau opérationnel de rendre la première décision en s’appuyant sur les outils d’évaluation de la politique, la formation pertinente et l’expérience individuelle; et la cote d’évaluation des pays, selon laquelle on se fie initialement au niveau de risque attribué à un pays pour déterminer si un dossier doit être renvoyé à un échelon supérieur. La cote d’évaluation d’un pays représente le risque évalué de mauvais traitements associé à ce pays, déterminé en fonction d’un certain nombre de critères et souvent selon différentes sources.

Première catégorie du tri initial des dossiers : le cas par cas

Tous les ministères ont recours aux fonctionnaires du niveau opérationnel pour déterminer s’il existe un risque de mauvais traitements. Lorsque l’évaluation d’un fonctionnaire du niveau opérationnel ne permet pas de déterminer s’il existe un risque sérieux de mauvais traitements, la décision est renvoyée à un échelon supérieur de la direction. L’OSSNR a créé la Figure 1 pour représenter ce type de processus de tri suivant lequel le fonctionnaire du niveau opérationnel consulte les outils d’évaluation à sa disposition pour déterminer s’il existe un risque sérieux de mauvais traitements.

Figure 1: Case by Case Triage Diagram

Deuxième catégorie du tri initial des dossiers : selon la cote d’évaluation du pays

Le SCRS, le CST, le CANAFE et la GRC exigent que les employés de niveau opérationnel se servent de la cote d’évaluation du pays pour déterminer si le dossier doit être renvoyé à un échelon supérieur. L’OSSNR a créé la Figure 2 pour représenter ce type de processus de tri, selon lequel les cotes d’évaluation des pays peuvent nécessiter que le dossier soit renvoyé à un échelon supérieur.

Acheminement du dossier à un échelon supérieur

En plus des deux catégories de cadres de tri des dossiers susmentionnés, tous les ministères, sauf le CANAFE, SP, le CST et TC, disposent de groupes de consultation et de comités de la haute direction chargés de la prise de décisions en interne, qui interviennent lorsqu’il est établi que des dossiers doivent faire l’objet de consultations ou être acheminés à un échelon supérieur (p. ex. des groupes de travail et des secrétariats de comités de la haute direction). Les divers groupes de Page 13 de 53 consultation des ministères qui peuvent prendre des décisions relatives à la Loi sont présentés dans le tableau ci-dessous.

L’objectif général des groupes de consultation est de servir de point de contact pour les employés qui ont besoin d’aide pour évaluer les activités d’échange de renseignements avec des entités étrangères ou pour interpréter les politiques et les procédures. Les comités de la haute direction chargés de la prise de décision prennent des décisions sur l’échange de renseignements. Ils détiennent le pouvoir décisionnel final avant l’acheminement à l’administrateur général. L’OSSNR a constaté que le fait de tirer parti de l’expertise globale de ces groupes peut aider les fonctionnaires à appliquer les critères d’évaluation de manière uniforme et accroître la surveillance des échanges de renseignements avec des entités étrangères.

Mise en oeuvre uniforme dans l’ensemble des ministères

Depuis l’entrée en vigueur des directives ministérielles de 2017 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères, les ministères doivent tenir à jour des politiques et des procédures sur l’évaluation des risques liés aux relations d’échange de renseignements avec des entités étrangères. Les ministères continuent d’évaluer les entités et les pays, une pratique encouragée par l’OSSNR, même s’il ne s’agit pas d’une exigence précisée dans la Loi ou dans les instructions. L’OSSNR a déjà soulevé des préoccupations concernant l’absence d’une approche normalisée et unifiée pour les évaluations des pays réalisées par les ministères. À cet égard, il était indiqué dans la réponse collective aux recommandations de l’année dernière dirigée par le Bureau du Conseil privé (BCP) que :

[Traduction] Les activités d’échange de renseignements de ces organisations servent à des fins administratives, d’exécution de la loi ou de renseignement, et ont toutes des profils de risque, des préoccupations liées à la protection des renseignements personnels et des pouvoirs juridiques différents. Chaque ministère et organisme doit établir des critères ou des déclencheurs précis dans son cadre d’échange de renseignements qui correspondent à son contexte opérationnel. Le gouvernement du Canada est d’avis qu’il n’est pas nécessairement pratique ou essentiel que toutes les organisations appliquent les mêmes critères pour déclencher, évaluer et acheminer les dossiers dans le but de s’assurer que les ministères et les organismes mènent leurs activités conformément à la Loi.

Pour traiter les questions soulevées par les divergences quant à l’application des critères, l’OSSNR a demandé aux ministères de classer les échanges de renseignements bilatéraux avec des partenaires étrangers selon le volume, excluant les échanges avec [***exemple d’un échange de renseignements avec une entité étrangère***]. Neuf des douze ministères ont désigné ████████ comme étant une entité étrangère d’échange de renseignements. Or, il est largement reconnu que ce pays pose une part de risque en matière de protection des droits de la personne.

NSIRA then selected only those departments that initially utilize country assessment ratings as a triage method (i.e. FINTRAC, RCMP, CSIS and CSE). [***description of how departments determined foreign entity example***]. Nonetheless, in carrying out this analysis, NSIRA observed that all four departments relied on a combination of open source human rights reports and consultations with other departments. Additionally, RCMP, CSIS and CSE utilize classified intelligence sources.

However, although these departments utilize a similar approach when assessing a country, the assigned rating for ████ was not consistent. CSIS assigned █████████████; FINTRAC and RCMP assigned a [***description of department’s specific ratings***] ; and finally, CSE assigned a ██████ rating.

L’OSSNR a évalué dans quelle mesure les cotes de pays avaient une incidence sur le niveau d’approbation requis pour un échange de renseignements. Puisque le CST a attribué la cote ██████ lorsqu’il reçoit une demande ███████ un représentant du CST pourrait devoir obtenir [***description des facteurs utilisés pour déterminer le niveau d’approbation approprié***] Le CST a reconnu que ses [traduction] « études d’impact sur les droits de la personne ne correspondent pas nécessairement au niveau de risque attribué à un échange » et qu’elles ne [traduction] « correspondent pas nécessairement aux niveaux d’approbation ou aux restrictions en matière d’échange. [***description des facteurs utilisés pour déterminer le niveau d’approbation approprié***]

À l’inverse, selon le cadre et la méthodologie de la GRC, un échange avec l’une des autorités █████ figurant sur la liste d’évaluation des entités et des pays de la GRC pourrait donner lieu à [***description des notes spécifiques attribuées par les ministères***] puisque ███████ s’est fait attribuer la cote d’évaluation de pays █████ Si une entité a une cote jaune, l’employé doit déterminer s’il existe un risque de mauvais traitements en se fondant sur une liste de critères. Si l’un ou plusieurs des critères sont présents, l’employé doit renvoyer le cas à un comité de la haute direction. L’OSSNR a constaté que dans les situations où la GRC avait attribué la cote rouge à un pays, l’employé du niveau opérationnel devait acheminer le dossier à un comité de la haute direction. Par conséquent, contrairement au CST et au SCRS, les cotes de pays attribuées par la GRC ont une incidence directe sur les niveaux d’approbation requis.

Dans son rapport précédent sur la Loi 37, l’OSSNR a recommandé aux ministères de trouver le moyen de mettre en place des outils harmonisés et normalisés d’évaluation des risques que présentent les pays et les entités afin de soutenir l’adoption d’une approche uniforme par les ministères lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent présentent des risques. Même si le BCP n’est pas d’accord avec cette recommandation, l’OSSNR persiste à croire qu’il y a lieu de se préoccuper des divergences sur le plan des évaluations du risque et des pays.

Conclusion no 3 : L’OSSNR constate que même si les ministères se fondent sur des sources d’information et des méthodes similaires pour déterminer si un dossier concernant le même pays suscitant des préoccupations doit être acheminé à un échelon supérieur, il existe d’importantes différences dans l’évaluation du risque et le niveau d’approbation requis qui en découlent.

À la suite du présent examen, l’OSSNR a l’intention d’examiner plus en profondeur les processus utilisés par AMC et la GRC pour ce qui concerne la prise de décision et le tri en considération de la Loi.

L’étude de cas présentée dans l’Encadré 1 démontre l’incompatibilité entre les évaluations de risques dans une situation où deux ministères envisageaient de répondre à la même demande présentée par une entité étrangère.

Encart 1 : Processus décisionnels divergents

[***description of the case study***] The foreign entity provided this information to GAC and CSIS and requested confirmation [***description of the information sharing request***]

Pour déterminer s’il allait répondre à la demande, AMC a établi que les antécédents en matière de droits de la personne du pays en question de manière générale, et de l’entité étrangère précisément, faisaient en sorte que la demande était préoccupante. Le Comité de la haute direction sur l’évaluation des risques d’AMC a travaillé en fonction du principe voulant que la personne fût détenue à ce moment, et a tenté de déterminer si la communication de cette information [traduction] « n’augmenterait pas considérablement le risque que de mauvais traitements soient infligés à la personne détenue. » Le Comité de la haute direction sur l’évaluation des risques a déterminé qu’il était permis de confirmer si la personne avait déjà travaillé au sein d’AMC, selon la décision du SCRS.

En définitive, la décision du SCRS a été prise au niveau de directeur général et, puisque l’entité étrangère était considérée comme étant un partenaire faisant l’objet de restrictions, les renseignements n’ont pas été communiqués.

The assessment by GAC’s senior decision-making committee is of concern. The Act and the Directions impose that departments consider whether disclosing or requesting information “would result in a substantial risk of mistreatment.” [***legal advice to department***]

L’OSSNR est d’accord avec cette interprétation de la Loi, mais n’est pas d’accord avec son application par AMC dans cette situation. AMC a déterminé que le fait de répondre à la demande [traduction] « n’aggraverait pas » le risque de mauvais traitements41. À l’inverse, l’OSSNR estime que, peu importe les renseignements demandés, les antécédents en matière de droits de la personne de l’entité étrangère et du pays étaient préoccupants, et AMC présumait que la personne pourrait déjà avoir subi de mauvais traitements. Même si les mauvais traitements qui auraient pu être infligés plus tôt n’avaient pas été attribuables à la communication de renseignements par AMC, le fait de répondre à la demande, compte tenu des faits du dossier, aurait entraîné un risque sérieux de mauvais traitements. Par conséquent, le dossier aurait dû être renvoyé au sous-ministre des Affaires étrangères aux fins d’examen.

L’OSSNR a également constaté que ce dossier a été renvoyé à des niveaux différents par AMC et par le SCRS. Dans le cadre du processus de tri d’AMC, la décision selon laquelle la communication était permise a été prise par un comité de la haute direction chargé de la prise de décision. En comparaison, le processus de prise de décision du SCRS était achevé avant d’atteindre le comité de direction et a donné lieu au résultat opposé. Les différents niveaux de prise de décision et les différents résultats démontrent une incohérence problématique dans la façon dont les organisations tiennent compte des mêmes renseignements à communiquer à la même entité étrangère. En outre, même si un ministère responsable des renseignements peut consulter d’autres ministères pour déterminer si la communication des renseignements est permise, celui-ci ne peut déléguer la responsabilité et la décision à prendre à un autre ministère.

Conclusion no 4 : L’OSSNR relève une lacune importante sur le plan des procédures, notamment, lors de l’analyse d’une demande de divulgation de renseignements. En l’occurrence, aucun renseignement n’a finalement été divulgué, mais il s’avère que le risque de mauvais traitements était sérieux et que le cas aurait dû être renvoyé au sous-ministre compétent, en l’occurrence, le sous-ministre des Affaires étrangères.

Mesures d’atténuation

Prise de mesures d’atténuation

Pour diminuer le risque de mauvais traitements, les ministères ont recours à des mesures d’atténuation (réserves, garanties, expurgation et caviardage). Les mesures d’atténuation les plus fréquemment utilisées sont les réserves et les garanties. Les réserves prennent la forme de conditions précises jointes aux renseignements dans le but de limiter ou d’interdire certaines utilisations des renseignements, sauf autorisation contraire par le ministère émetteur. Par exemple, de nombreux ministères ont recours à des réserves de tierces parties qui limitent la diffusion des renseignements à d’autres ministères (canadiens et étrangers), à moins de consulter le ministère d’origine au sujet de la demande de communication.

Les garanties ne sont pas propres à un seul échange de renseignements. Il s’agit plutôt d’ententes établies avec les entités étrangères (officielles ou non) 45 visant à s’assurer qu’une certaine entité étrangère comprenne la position du Canada à l’égard des droits de la personne et que l’entité, à son tour, accepte d’adopter le comportement attendu. Par exemple, au moment d’élaborer une stratégie d’atténuation du risque relativement à un échange de renseignements, les ministères doivent tenir compte des garanties verbales ou écrites et de la personne ayant fourni la garantie (c.-à-d. un employé du niveau opérationnel ou un dirigeant de l’organisme), et déterminer si la garantie est considérée comme étant crédible et fiable.

En outre, le SCRS, le CST et AMC ont soulevé un certain nombre de différences entre les types de garanties demandés, notamment des méthodes officielles et informelles. Par exemple, des employés de divers niveaux peuvent demander des garanties verbales, des garanties officielles prévues et des garanties écrites ponctuelles.

In a related issue, NSIRA observed that there are [***description and an example of a Department’s ability to track compliance***] CSIS, GAC, and CSE indicated that there is ████████████████████████████████████████████████████████████ is not specific to the ACA but is nonetheless key ████████████ when exchanging information with the Government of Canada.

Puisqu’aucun dossier n’a été acheminé au niveau de l’administrateur général, le recours aux stratégies d’atténuation à un niveau inférieur au sein des ministères joue un rôle important dans la prise de décisions. Dans le cadre d’un prochain examen, l’OSSNR a l’intention d’examiner plus en profondeur les politiques sur l’utilisation et le suivi des mesures d’atténuation.

CONCLUSION

Puisqu’aucun dossier n’a été acheminé au niveau de l’administrateur général, le recours aux stratégies d’atténuation à un niveau inférieur au sein des ministères joue un rôle important dans la prise de décisions. Dans le cadre d’un prochain examen, l’OSSNR a l’intention d’examiner plus en profondeur les politiques sur l’utilisation et le suivi des mesures d’atténuation.

Le premier examen de l’OSSNR sur la mise en oeuvre par les ministères de la Loi et des instructions visait seulement une période de quatre mois (de septembre à décembre 2019). Par conséquent, le présent examen est le premier examen de la Loi réalisé sur une période complète d’un an. L’OSSNR estime maintenant être en mesure de mener des études de cas approfondies sur le respect de la Loi et des instructions par chaque ministère, peu importe si un ministère a renvoyé des dossiers à son administrateur général. En outre, d’autres examens suivront sur la mise en oeuvre des recommandations antérieures de l’OSSNR.

Annexe A : Conclusions

Conclusion no 1 : L’OSSNR constate qu’au cours de la période visée par l’examen, l’ASFC et SP n’ont pas achevé leurs cadres de politique respectifs, contrairement aux instructions reçues au titre de la Loi.

Conclusion no 2 : L’OSSNR constate qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, aucun dossier visé par la Loi n’a été renvoyé aux administrateurs généraux des ministères.

NSIRA Finding #3: NSIRA found that even when departments employ similar methodologies and sources of information to inform their determination of whether or not a case involving the same country of concern should be escalated, significant divergences in the evaluation of risk and the required level of approval emerge.

Conclusion no 4 : L’OSSNR relève une lacune importante sur le plan des procédures, notamment, lors de l’analyse d’une demande de divulgation de renseignements. En l’occurrence, aucun renseignement n’a finalement été divulgué, mais il s’avère que le risque de mauvais traitements était sérieux et que le cas aurait dû être renvoyé au sous-ministre compétent, en l’occurrence, le sous-ministre des Affaires étrangères.

Annexe B : Agence des services frontaliers du Canada

Annex B: Canada Border Services Agency Framework

Modifications apportées au cadre : En 2018, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a publié un document de politique de haut niveau en réaction à la DM de 2017. Depuis lors, l’ASFC a amorcé la mise à jour de ses politiques et procédures. Cette mise à jour est toujours en cours.

Groupe de travail : Groupe de travail visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements (GTECMT) de l’ASFC.

Comité de la haute direction : Comité de la haute direction sur l’évaluation des risques (CHDER). Ce comité se réunit ponctuellement pour évaluer les cas pouvant poser un risque de mauvais traitements.

[***description du processus décisionnel de l’ASFC***]

Évaluation des pays : L’élaboration d’un modèle interne d’attribution des cotes de risque est toujours en cours.

Mesures d’atténuation : L’ASFC est en train de travailler au renforcement de son cadre officiel et des procédures connexes permettant d’établir si le risque sérieux de mauvais traitements posé par une demande donnée peut être atténué.

Annexe C : Agence du revenu du Canada

Annex C: Canada Revenue Agency Framework

Modifications apportées au cadre : L’Agence du revenu du Canada (ARC) a indiqué qu’aucune modification n’avait été apportée à son cadre depuis la réponse de l’année précédente. Le ministère continue de perfectionner ses processus et a élaboré les procédures d’échange d’information de l’Agence du revenu du Canada en considération de la Loi.

[***documents confidentiels du Cabinet***]

Groupe de travail : L’ARC a mis sur pied un Groupe de travail sur l’évaluation des risques (GTER) qui a élaboré une méthode visant à évaluer les antécédents en matière de respect des droits de la personne de ses partenaires d’échange de renseignements, de sorte que la haute direction puisse procéder une évaluation rigoureuse des risques de mauvais traitements.

Le Canada dispose d’un vaste réseau de partenaires internationaux ayant conclu 94 conventions fiscales et 24 accords d’échange de renseignements fiscaux. Le Canada est également l’un des 144 signataires de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. En outre, ces accords juridiques internationaux permettent à l’ARC d’échanger des renseignements sur demande et spontanément, voire automatiquement. Chacun des accords juridiques comprend des dispositions relatives au secret (restrictions de diffusion) qui régissent les modalités d’utilisation et de divulgation. De plus, les membres du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales sont cycliquement soumis à des examens par les pairs, notamment, en matière de confidentialité et de protection des données.

Comité de la haute direction : Comité de la haute direction : Pendant la période d’examen, aucun comité de la haute direction n’était en place. Toutefois, il existait un processus formel de transmission aux échelons supérieurs allant du directeur, au directeur général (DG), puis au sous-commissaire, Direction générale des programmes d’observation (DGPO), qui est responsable de l’administration de la Loi.

Par ailleurs, en juillet 2021, l’ARC a adopté un cadre de gouvernance relatif à la Loi. Ce cadre s’appuie sur un comité d’experts, un comité consultatif de la haute direction appelé à soutenir les évaluations de risques et des mécanismes de rapports de même que sur l’énonciation de recommandations et de priorités. Le comité d’experts se compose actuellement des DG et des directeurs issus de la DGPO et de la Direction générale des politiques législatives et des affaires réglementaires. Également en juillet 2021, l’ARC a mis sur pied un comité de la haute direction appelé à analyser et à formuler des recommandations relatives aux engagements à l’égard des divers cas ainsi qu’à reconnaître les difficultés, pour ensuite formuler les directives appropriées. Le comité est formé de directeurs provenant de plusieurs directions de l’ARC, qui gèrent les programmes directement touchés par les échanges de renseignements avec d’autres entités compétentes.

Tri : L’évaluation initiale est réalisée par un employé du niveau opérationnel et nécessite l’approbation d’un directeur ou d’une personne de niveau hiérarchique supérieur. Le cas peut être renvoyé à un DG, puis au commissaire adjoint et ainsi de suite dès lors qu’un doute est soulevé quant à l’atténuation des risques.

Dans certains cas où le risque avait été cerné, mais où des difficultés avaient été rencontrées pendant la réalisation d’évaluations complètes visant à établir si les risques étaient sérieux, l’ARC a choisi de reporter la divulgation des renseignements jusqu’à ce que l’évaluation soit terminée. Cette situation était en grande partie attribuable aux contraintes liées à la COVID-19. Ainsi, les dossiers qui auraient normalement été renvoyés à un autre palier ont été temporairement mis de côté, et aucune mesure n’a été prise pendant la période d’examen.

L’ARC a avisé l’OSSNR que le financement annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne de novembre 2020 avait été affecté à la création d’une équipe spécialisée dans les évaluations de risques. Il est prévu que la préparation et la tenue à jour des évaluations à l’échelle nationale ainsi que la préparation des évaluations des risques à chacun des niveaux relèveront de cette nouvelle équipe spécialisée faisant partie de la DGPO, et ce, dès l’été de 2021.

L’équipe sera également responsable de ce qui suit :

  • créer et officialiser le cadre régissant les consultations avec la haute direction de l’ARC et avec d’autres ministères et organismes du gouvernement;
  • aviser les responsables de l’ARC qui recourent aux échanges de renseignements (ER);
  • reconnaître les mesures d’atténuation et les autres facteurs qui s’appliquent aux types de renseignements que l’ARC est appelée à échanger et qui pourraient avoir des répercussions sur l’évaluation des risques;
  • préparer le rapport annuel ainsi que les autres rapports exigés par la Loi et par les instructions reçues;
  • offrir des séances de sensibilisation et de formation;
  • favoriser la constante amélioration de la documentation, des politiques, des orientations et de procédures.

Évaluation des pays et des entités : En janvier 2020, l’ARC a réalisé sa propre série d’évaluations des risques de mauvais traitements pour chacun des échanges potentiels de renseignements – ce qui concerne également l’utilisation des renseignements que l’ARC peut recevoir de la part de ses partenaires d’échange de renseignements – en consultation avec d’autres partenaires du gouvernement du Canada.

L’ARC a recours à un code couleur pour désigner les niveaux de risque associés aux pays : vert, jaune et rouge. Toutefois, dans le cas de certains échanges spontanés de renseignements, l’ARC procède, en guise de complément à l’évaluation portant sur un pays particulier, à une analyse s’appuyant sur les particularités du dossier en question.

Mesures d’atténuation : Les mesures d’atténuation, y compris les mises en garde (les mesures de protection des données et les dispositions en matière de confidentialité) sont intégrées dans tous les instruments juridiques qui régissent et autorisent les échanges d’information de l’ARC, alors que les examens réalisés par les pairs relativement au cadre juridique s’appliquant aux diverses compétences et aux pratiques administratives permettent de s’assurer que les partenaires d’échange se conforment aux normes internationales lorsqu’il s’agit de communiquer des renseignements fiscaux. Selon l’ARC, tous les renseignements qui ont été échangés pendant la période d’examen ont été assujettis à ces mesures d’atténuation. Or, en raison de la pandémie de COVID-19, l’ARC a suspendu, pendant la durée de l’examen, tous les échanges dont on a estimé qu’ils pourraient entraîner des risques résiduels, et possiblement importants, de mauvais traitement, et ce, jusqu’à ce qu’un processus et des mesures d’atténuation aient été mis en place, notamment, le caviardage de l’information. Toutefois, pour ce qui est des échanges qui ont eu lieu pendant cette période et suivant l’application de mesures d’atténuation des risques, l’ARC a régulièrement procédé au caviardage des renseignements personnels dans la mesure où ce type de contrôle ne devait avoir aucune répercussion sur l’essentiel de l’information échangée.

Annexe D : Centre de la sécurité des télécommunications

Annex D: Communications Security Establishment Framework

Modifications apportées au cadre : Aucune modification n’a été apportée au cadre en 2020. Les procédures sont demeurées inchangées par rapport à l’année précédente.

Groupe de travail : Selon la DI, aucun groupe de travail n’est affecté à l’évaluation des risques de mauvais traitements. En l’occurrence, le processus d’évaluation des risques de mauvais traitements suit une procédure qui a été régulièrement perfectionnée depuis sa création en 2012. Plus le niveau de risque est élevé (faible, modéré, élevé ou sérieux), plus le niveau d’approbation exigé pour l’échange ou l’utilisation des renseignements est élevé.

Comité de la haute direction : Il n’y a aucun comité de la haute direction. Tel qu’il a été exposé plus précédemment, le CST mise sur une échelle de pouvoir d’autorisation conçue en fonction du niveau de risque (de faible à sérieux). Les cadres supérieurs prennent part au processus lorsque le niveau de risque des cas est modéré ou élevé. En l’occurrence, il faut obtenir l’approbation d’un directeur (modéré) ou d’un directeur général/d’un chef adjoint (élevé).

Tri : Un responsable du CST réalise une première analyse en consultant l’évaluation des risques de mauvais traitements (ERMT) – qui prend en compte les questions relatives à l’équité; à la géolocalisation et aux renseignements sur l’identité; à la protection des droits de la personne; au risque de détention –, mais aussi en prenant acte du profil des destinataires faisant état de leurs pratiques en matière de protection des droits de la personne.

Faible (États à risque faible)

Lorsque l’ERMT indique un niveau de risque faible, le responsable doit obtenir l’approbation d’un superviseur [***nom d'une unité spécifique***], pour être en mesure de procéder à l’échange ou à l’utilisation des renseignements.

Faible (États qui ne sont pas à risque faible)

Lorsque l’ERMT indique un niveau de risque faible, le responsable doit obtenir l’approbation d’un gestionnaire [***nom d'une unité spécifique***], pour être en mesure de procéder à l’échange ou à l’utilisation des renseignements.

Modéré

Lorsque l’ERMT indique un niveau de risque modéré, le responsable doit obtenir l’approbation du directeur, Divulgation et échange de renseignements pour être en mesure de procéder à l’échange ou à l’utilisation des renseignements.

Élevé

Lorsque l’ERMT indique un niveau de risque élevé, le responsable doit obtenir l’approbation du directeur général, Divulgation, politiques et examen ou du chef adjoint (CA), PolCom pour être en mesure de procéder à l’échange ou à l’utilisation des renseignements.

Substantiel

If the MRA indicates a substantial level of risk, the official may not proceed with the information exchange or use.

Évaluation des pays : Le CST réalise ses propres évaluations des pays (que le CST désigne comme étant les études d’impact sur les droits de la personne [EIDP]) en utilisant des renseignements provenant d’autres ministères fédéraux, de ses propres rapports et de sources ouvertes. Les ententes avec les entités étrangères sont révisées tous les ans. Ces EIDP font partie des ERMT du CST.

Il existe deux types d’ERMT : les annuelles et les ponctuelles. Les ERMT annuelles concernent les entités étrangères avec lesquelles le CST échange des renseignements régulièrement, [***description des entités étrangères avec lesquelles le CST échange de l’information***] Quant aux ERMT ponctuelles, elles sont réalisées en réponse à une demande particulière. Les ERMT ponctuelles concernent souvent des individus et des activités d’échange de renseignements. Il existe aussi des ERMT abrégées, qui forment une sous-catégorie des ERMT ponctuelles et sont menées dans le cas des États à risque limité. Ces États sont considérés, par le CST, comme étant à risque faible.

Aux fins des ERMT, le CST procède comme suit :

  • évaluer l’objet de l’échange de renseignements;
  • vérifier si des mesures de gestion des risques de mauvais traitements ont été prévues par les ententes conclues aux fins des échanges de renseignements;
  • examiner les dossiers internes du CST sur l’entité étrangère concernée;
  • consulter d’autres évaluations et rapports du gouvernement du Canada ayant trait à l’entité étrangère;
  • évaluer l’efficacité attendue des mesures d’atténuation des risques;
  • évaluer, en fonction des renseignements disponibles, le niveau de respect des garanties que l’entité a affiché par le passé.

Le CST consulte AMC, le MDN, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense nationale dans le cas de certaines ERMT, généralement des ERMT ponctuelles. Le CST peut également consulter AMC pour obtenir, dans certains cas, des conseils en matière de respect des droits de la personne.

Mesures d’atténuation : Le CST analyse nombre de facteurs d’atténuation, notamment, le risque de détention, [***déclaration concernant les obligation des partenaires quant à l’échange d’information***] les réserves, les garanties formelles et les relations bilatérales. Or, la principale mesure d’atténuation employée par le CST est l’assurance par les organismes de deuxième part. [***déclaration concernant les obligation des partenaires quant à l’échange d’information***]

Données de reconnaissance et de sensibilisation : Le DG, Divulgation, politiques et examen ou le CA, PolCom examinent les cas où le niveau de risque est élevé. 303 demandes d’échange de renseignements ont été évaluées sous l’angle du risque de mauvais traitements : 10 d’entre elles (3 %) ont été renvoyées au directeur, Divulgation et échange de renseignements. Pour la période de l’examen 2020, le chef adjoint, PolCom était responsable de la reddition de comptes et de l’assurance de la qualité pour ce a trait à la Loi.

Annexe E : Service canadien du renseignement de sécurité

[***Infographie démontrant le processus d’évaluation du risque du SCRS***]

Modifications apportées au cadre : Aucune modification n’a été apportée pendant la période visée par l’examen 2020, mais le SCRS a néanmoins modifié ses procédures en janvier 2021. Parmi les changements importants, notons que les cas ne seront renvoyés au CEEI que lorsque le DG ne sera pas en mesure de déterminer si le risque sérieux peut être atténué. De plus, le SCRS [***déclaration concernant des procédures internes***] Le SCRS a actualisé ses procédures relatives aux garanties à l’égard des droits de la personne pour en faire une politique autonome. Cette politique exige que les postes du SCRS obtiennent des garanties [***déclaration concernant des procédures internes***] en matière de coordination relativement au CEEI ont été réattribuées à ███████████████ Ce faisant, le █████ est devenu président du CEEI.

Tri : Les responsables opérationnels du SCRS se chargent de l’évaluation initiale. Cette évaluation nécessite que ledit responsable établisse si un ou plusieurs des quatre critères de risque s’appliquent. Ces critères sont les suivants :

  • [Traduction] « Selon les informations dont on dispose concernant l’entité étrangère, si les renseignements sont divulgués ou demandés, y aura-t-il des probabilités que l’entité étrangère se livre à des actes de torture ou à d’autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant sur des individus? »
  • [Traduction] « Si les renseignements sont divulgués ou demandés, y a-t-il des probabilités que l’entité étrangère retransmette lesdits renseignements à une tierce partie selon des moyens non autorisés, donnant ainsi lieu à la possibilité que la tierce partie se livre à des actes de torture ou à d’autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant sur des individus? »
  • [Traduction] « Si les renseignements sont divulgués ou demandés, y a-t-il des probabilités que l’entité étrangère procède au transfert arbitraire d’individus, donnant ainsi lieu à la possibilité que lesdits individus soient torturés ou assujettis à des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants? »
  • [Traduction] « Si les renseignements sont divulgués ou demandés, y a-t-il des probabilités que l’entité étrangère ou d’autres entités de sécurité du pays procèdent à l’exécution extrajudiciaire d’individus? »

Quatre scénarios pourraient avoir lieu avant qu’un cas soit renvoyé devant le CEEI :

[***description de quatres scénarios possibles et des critères d’évaluation utilisés pour déterminer les mesures d’atténuation du risque et/ou d’escalade appropriés***]

Groupe de travail : Il y a un comité de la haute direction, mais il n’y a pas de groupe de travail du côté des opérations.

Comité de la haute direction : Le CEEI est le comité d’examen de la haute direction du SCRS qui s’intéresse aux activités d’échange de renseignements. Il se compose de membres de la haute direction du SCRS ainsi que de représentants du ministère de la Justice et d’AMC. Ce comité est chargé d’établir si un cas pose un risque sérieux et s’il peut être atténué. Lorsque le CEEI n’est pas en mesure d’établir si le risque sérieux peut être atténué, le cas est renvoyé au directeur. Il convient de noter qu’AMC et le ministère de la Justice ne sont plus des membres votants du CEEI, mais continuent d’exprimer leur point de vue et de formule des conseils.

Évaluation des pays : Le SCRS réalisé ses propres évaluations des pays. Chaque entente sur les échanges de renseignements avec une entité étrangère dispose d’un profil d’entente (PE). Les PE contiennent un résumé faisant brièvement état des droits de la personne.

Mesures d’atténuation : Le SCRS peut compter sur quelques mesures d’atténuation. D’abord, le SCRS a fréquemment recours à des « formulations », lesquelles comprennent les réserves. Ensuite, le SCRS a recours à des garanties (assurances) et mise sur des modèles normalisés, qui sont remis aux entités étrangères. Le SCRS peut également adapter les garanties en fonction d’enjeux particuliers, notamment les exécutions extrajudiciaires.

Données de reconnaissance et de sensibilisation : Au SCRS, c’est ███████ qui est responsable du cadre régissant les échanges de renseignements. Or, c’est [***nom d’une unité spécifique***] qui est officiellement responsable de la gestion de la politique. Les secteurs de programmes concernés sont tenus d’appliquer les politiques et procédures en vigueur pour ce qui a trait aux activités soumises à la Loi.

Annexe F : MPO

Annex F: DFO Framework

Modifications apportées au cadre : Pêches et Océans Canada (MPO) n’a apporté aucune modification à l’approche préconisée l’année précédente.

Tri : L’évaluation initiale est réalisée par la personne qui reçoit la demande d’échange de renseignements ou qui obtient en premier les renseignements reçus de la part d’une source étrangère. Le niveau de risque est établi au cas par cas.

L’analyste/l’agent du secteur concerné effectue l’évaluation initiale et s’appuie sur les évaluations d’autres ministères pour déterminer le niveau de risque. En outre, il établit le niveau de risque en fonction des particularités du cas en question. Quant au niveau hiérarchique apte à donner une approbation, il sera établi en fonction du fait qu’il existe, ou non, un risque sérieux. Lorsque l’analyste/l’agent estime qu’il n’existe aucun risque, le cas peut suivre son cours. Selon le schème de décision et les informations reçues, cette étape ne requiert aucune approbation de la part des gestionnaires ou de la haute direction.

Advenant que l’analyste/l’agent croie qu’il existe un risque sérieux ou qu’il soit simplement incertain quant à l’existence d’un tel risque, le Comité d’examen interne (CEI) de la haute direction doit obtenir l’approbation du SM.

Groupe de travail : Comité d’examen interne.

Comité de la haute direction : Le MPO fait appel à un schème décisionnel et au CEI tel qu’il est indiqué plus haut. On ignore si le MPO a élaboré des directives permettant aux responsables et aux gestionnaires d’établir précisément et uniformément les risques de mauvais traitements.

Évaluation des pays : Le MPO mise sur les évaluations des pays réalisées par AMC (de même que par les services juridiques du MPO, la GRC et le SCRS, s’il y a lieu) pour établir sa position sur le plan des mauvais traitements.

Mesures d’atténuation : Le MPO a indiqué qu’il avait recours à des réserves et à des garanties lorsque c’était nécessaire. En revanche, il n’a pas encore cherché à obtenir de garanties. Or, aucun mécanisme n’a été mis en place pour effectuer un suivi à cet égard. Par contre, le ministère est en mesure de déterminer rétroactivement quand, comment et pourquoi une décision a été prise, et ce, grâce à son système de conservation des dossiers. Un processus a été mis en place pour enregistrer le détail de chacun des cas et le processus d’évaluation ainsi que les mesures et les décisions qui en résultent.

Annexe G : Ministère de la Défense nationale/Forces armées canadiennes

Annex G: Department of National Defence/Canadian Armed Forces Framework

Modifications apportées au cadre : Le ministère de la Défense nationale (MDN) a indiqué qu’aucune modification n’avait été apportée à son cadre depuis la réponse de l’année précédente.

Tri : Le processus d’évaluation des risques est principalement le même pour les trois types d’échanges de renseignements. Ce processus comprend un examen des conditions des droits de la personne et des recherches auprès de certaines entités partenaires, notamment, tous les rapports ayant trait aux mauvais traitements. Les renseignements de nature défavorable à l’égard des partenaires étrangers sont examinés par le Groupe de travail sur l’échange de renseignements de la Défense (GTERD), et des recommandations sont formulées à l’intention des intervenants N1 concernés quant à la façon dont il convient de gérer les activités d’échange de renseignements (demande, divulgation, utilisation). Il n’y a aucune distinction qui soit faite entre les mesures d’atténuation employées dans l’un ou l’autre des types d’échanges de renseignements. Le principal document de gouvernance auquel doivent se soumettre les officiers de diffusion et de divulgation (ODD) et les autorités de diffusion et de divulgation (ADD) est la Directive fonctionnelle provisoire du chef du renseignement de la Défense sur l’échange de renseignements avec certains États étrangers et leurs entités.

Groupe de travail : Le Groupe de travail sur l’échange de renseignements de la Défense (GTERD) est un comité de niveau opérationnel qui est dirigé par le Bureau de coordination de la diffusion et de la divulgation (BCDD) – lequel relève du COMRENSFC – et qui sert d’organe consultatif auprès de commandants des opérations menées dans le cadre d’enjeux ayant trait à la Loi. Ce groupe de travail existe à titre de plateforme favorisant le dialogue ouvert sur les ententes et les transactions en matière d’échange de renseignements. Ce groupe se réunit mensuellement et, s’il y a lieu, ponctuellement.

Comité de la haute direction : Le Comité d’évaluation des échanges de renseignements de la Défense (CEERD) est présidé par le Chef du renseignement de la Défense (CRD) / Commandant COMRENSFC. La fonction première du CEERD est d’agir en tant que comité consultatif auprès du sous-ministre et du Chef d’état-major de la Défense lorsqu’il est question de prendre des décisions concernant les enjeux ayant trait à la Loi.

Évaluation des pays : En outre, le BCDD a dressé une liste des États à risque faible, que les intervenants N1 peuvent consulter. Les États étrangers inscrits à cette liste sont ceux avec lesquels le CRD peut échanger des renseignements en toute confiance et sans risque sérieux de mauvais traitements. De plus, le BCDD met à l’essai une nouvelle méthode de préparation des profils d’États en matière de droits de la personne. Cette méthode catégorise les États selon une échelle de risque (faible, modéré, élevé), mais jusqu’à présent, elle n’a servi à préparer ce type de profil que pour quelques États dont le niveau de risque était établi à modéré ou élevé. En outre, la méthode n’a pas encore été officiellement approuvée. Ces profils seront employés par les intervenants N1 pour préparer les évaluations d’entités partenaires et pour alimenter l’évaluation globale des risques liés à l’échange de renseignements avec des entités étrangères.

Gestion de l’information : Il n’existe aucun système ou dépôt commun qui soit utilisé par tous les ODD. En l’occurrence, les décisions informationnelles sont enregistrées par les ODD au sein de chacune des unités. Dans certains cas, les transactions sont consignées dans un chiffrier et devraient comprendre tous les détails ayant trait à la collecte, à la conservation, à la diffusion ou à la destruction des renseignements, mais les formats employés diffèrent les uns des autres. Le COMRENSFC est en voie de normaliser les journaux produits par les ODD dans l’ensemble du MDN/FAC. Sur le plan de la gestion de l’information, aucun changement n’a été apporté depuis le rapport de l’année précédente. Les comptes rendus de discussions de toutes les réunions du GTERD sont conservés dans un dépôt central au sein du BCDD/COMRENSFC, et il est possible de déterminer rétroactivement comment et pourquoi une décision ou une recommandation ont été formulées.

Mesures d’atténuation : Le MDN a recours à des mesures d’atténuation visant à réduire le risque de mauvais traitements. Par exemple, le MDN applique des mesures comme l’aseptisation de l’information, l’ajout de réserves ou les demandes de garanties, entre autres pour les cas à risque faible, par simple mesure de précaution.

Annexe H : CANAFE

Annex H: FINTRAC Framework

Modifications apportées au cadre : Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) n’a apporté aucune modification à son cadre pendant l’examen portant sur 2020.

Tri : C’est le niveau de risque associé à l’État qui permet de choisir l’intervenant appelé réaliser l’évaluation initiale. Pour le niveau dont la couleur est le vert, c’est l’analyste du renseignement (AR) qui procède à l’évaluation. Quand c’est le jaune, l’évaluation est faite par le chef d’équipe de l’AR. Dans le cas du rouge, un responsable de niveau supérieur doit faire l’évaluation. Par ailleurs, les risques de toutes les catégories doivent être ultimement approuvés par un responsable de niveau supérieur.

Partenariats et groupes de travail : Le CANAFE a recours à des organisations externes, notamment le groupe Egmont, pour veiller à ce que les organisations membres observent les normes mondiales en matière de mauvais traitements. Lorsqu’il s’avère que l’un de ces groupes est exclu pour avoir enfreint son obligation de diligence, le CANAFE cesse d’échanger des renseignements jusqu’à ce que le problème ait été résolu. Le CANAFE établit des protocoles d’entente (PE) avec des États qui souhaitent échanger des renseignements. Pour ce faire, chaque État est évalué en fonction de critères visant à établir leur cote de risque et à savoir si un PE devrait être conclu.

Par ailleurs, le CANAFE participe régulièrement à des réunions du CGSI en compagnie d’autres ministères.

Comité de la haute direction : Contrairement à d’autres ministères, le CANAFE ne dispose d’aucun comité de la haute direction qui puisse établir les niveaux de risque. Le CANAFE mise plutôt sur la haute direction et sur le directeur pour prendre les décisions finales pour chacun des cas.

Évaluation des pays : Le CANAFE procède à ses propres évaluations des pays. Ce type d’évaluation implique de collecter des informations pertinentes sur la situation des droits de la personne dans un pays donné et de se servir d’indicateurs pour évaluer le niveau du risque de mauvais traitements pour chacun des pays. Pendant l’élaboration du processus d’évaluation des pays, le CANAFE a consulté d’autres ministères et organismes gouvernementaux touchés par la Loi.

Le responsable des relations internationales est chargé de surveiller et d’évaluer le profil en matière des droits de la personne des États avec lesquels le CANAFE a établi des PE.

Mesures d’atténuation : Les réserves et les garanties sont établies à la signature d’un PE et sont rappelées dès lors qu’il y a lieu d’échanger des renseignements avec une entité étrangère. Les échanges de renseignements ne sont pas permis tant qu’aucun PE n’a été signé.

Annexe I : Affaires mondiales Canada

Annex I: Global Affairs Canada Framework

Modifications apportées au cadre : Affaires mondiales Canada (AMC) a indiqué qu’aucune modification n’avait été apportée à son cadre pendant la période visée par le présent examen.

Tri : AMC ne compte pas sur un ensemble unique de processus permettant d’établir si l’information utilisée par le ministère pourrait avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements infligés à une personne par une entité étrangère. Lorsqu’il juge qu’il est probable que l’information reçue a été obtenue à la suite de mauvais infligés à une personne par une entité étrangère, mais souhaite tout de même utiliser ladite information, le responsable est tenu, conformément à ce qu’il a appris lors de sa formation, de s’enquérir auprès d’un gestionnaire des programmes de l’Administration centrale. S’il n’est pas en mesure de prendre une décision quant à établir si l’utilisation respecte les dispositions de la Loi, ce gestionnaire doit consulter le groupe des politiques ministérielles concerné ainsi que les Services juridiques.

Groupe de travail : The Ministerial Direction Compliance Committee Secretariat

Senior Management Committees: Pendant ses réunions, le Comité de conformité à la directive ministérielle (CCDM) se penche sur les éléments suivants :

  • L’information que l’on envisage d’utiliser est-elle susceptible d’avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements?
  • Quelles sont les mesures proposées pour atténuer les risques? Quelle est la probabilité que ces mesures atteignent leur objectif?
  • Il conviendra de prendre en compte les justificatifs et l’ampleur de toute éventuelle implication avec l’entité ou l’État étranger, qui pourrait donner lieu à un mauvais traitements.

Le Secrétariat du CCDM créera un compte rendu des décisions et le fera circuler afin de recueillir les commentaires des membres du CCDM. Lorsqu’elle sera prête, la version finale du document sera conservée au Secrétariat pour l’établissement de rapports ultérieurs. Le Secrétariat du CCDM effectue un suivi en demandant aux fonctionnaires demandeurs de faire le point sur les résultats de la situation. Il demande ensuite une mise à jour définitive de la part de ces fonctionnaires demandeurs une fois que la situation est revenue à la normale. Actuellement, le Secrétariat du CCDM ne compte qu’une seule personne.

Évaluation des pays : Chacun des rapports sur les droits de la personne produits par Affaires mondiales Canada se fonde sur des données probantes pour faire un état de la situation en matière de droits de la personne dans un pays donné. Cet aperçu rapporte les événements importants qui touchent la question des droits de la personne tout en décrivant les tendances et les faits nouveaux. De plus, il comprend une section portant sur la question des mauvais traitements. Au reste, aucun score n’est attribué aux pays, et c’est aux responsables qu’il revient d’évaluer les risques à partir de l’information contenue dans les rapports.

Mesures d’atténuation : L’Unité des services juridiques ou la Direction des politiques et des programmes liés au renseignement fournissent des orientations concernant les restrictions et les interdictions s’appliquant à l’utilisation des renseignements obtenus à la suite de mauvais traitements. Ils sont également en mesure de proposer d’éventuelles mesures d’atténuation, notamment l’aseptisation des renseignements, lorsque l’un des risques suivants se concrétise : infliction de mauvais traitements à un individu; atteinte aux droits et aux libertés d’un individu; utilisation de renseignements à titre de preuves dans toute forme de procédures judiciaires, administratives ou autres.

Annexe J : IRCC

Annex J: IRCC Framework

Modifications apportées au cadre : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a indiqué qu’aucune modification n’avait été apportée à ses procédures s’appliquant à la divulgation de renseignements à des entités étrangères.

Tri : L’évaluation initiale est réalisée par l’employé/l’agent qui reçoit une demande de divulgation. Les agents disposent d’un outil d’évaluation des pays qui fournit une évaluation des risques par pays. Lorsqu’un pays est considéré comme posant un risque faible et que l’employé estime qu’il n’y a aucun risque de mauvais traitement, cet employé peut procéder à l’échange et en enregistrer les détails (c.-à-d. la teneur de l’information échangée, les pays ayant pris part à l’échange, etc.) dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC). Lorsque le pays représente un risque élevé ou encore lorsque l’agent estime qu’il y a un risque de mauvais traitement et souhaite donner suite au cas, cet agent est tenu de renvoyer ce cas à GRI et Admissibilité pour que le risque posé par l’échange soit évalué.

Comité de la haute direction : IRCC peut compter sur le Comité d’évaluation visant à éviter la complicité. Ce comité est composé de cadres qui représentent les directions générales des politiques, des opérations, des services juridiques et de la protection des renseignements personnels au sein du ministère. L’objet du Comité est de réévaluer si les circonstances entourant le cas correspondent à ce que l’on conçoit comme un « risque sérieux » et d’établir si des mesures d’atténuation suffisamment efficaces pourraient être appliquées pour permettre l’échange. Lorsque le Comité n’est pas en mesure de déterminer unanimement si le risque peut être atténué et que subsiste le besoin de divulguer les renseignements à l’entité étrangère ayant soumis une demande, le cas est renvoyé au sous-ministre pour décision finale.

Évaluation des pays : Les agents d’IRCC ont pour consigne de s’en remettre à un outil d’évaluation initiale des États lorsqu’ils envisagent une divulgation ou encore une demande de renseignements provenant d’une entité étrangère. Cet outil produit une évaluation globale des risques liés à un État donné. Si l’État en question est considéré comme posant un risque élevé, l’agent est tenu de soumettre une demande de consultation avant de divulguer, de demander ou d’utiliser des renseignements. Lorsque l’État est reconnu comme présentant un risque modéré, on recommande que l’agent soumette une demande de consultation.

Mesures d’atténuation : Pour peu qu’elles existent, les mesures d’atténuation s’appliquant à un cas pour lequel un risque sérieux de mauvais traitements a été reconnu seraient énoncées dans l’évaluation de la demande de consultation et, s’il y a lieu, dans la recommandation du Comité d’évaluation visant à éviter la complicité. Dans un cas comme dans l’autre, les mesures d’atténuation sont enregistrées manuellement dans le dossier de cas, d’où elles peuvent être ultérieurement rappelées, puis inscrites au Rapport annuel.

Annexe K : Sécurité publique

Annex K: Public Safety Framework
Annex K: Public Safety Framework Image 2

Prière de noter que les organigrammes qui précèdent sont des versions préliminaires qui n’ont pas encore été approuvées.

Modifications apportées au cadre : Sécurité publique (SP) ne dispose pas encore d’un cadre décisionnel permettant d’établir si un échange d’information avec une entité étrangère pourrait donner lieu à un risque sérieux de mauvais traitements d’un individu. SP fait toutefois remarquer qu’une politique ministérielle a été rédigée pour appuyer la mise en place, au sein du ministère, de diverses directives qui, en revanche, n’ont pas encore été approuvées par la haute direction.

Tri : On s’attend à ce que les représentants de SP qui travaillent dans la sphère opérationnelle établissent si la divulgation de renseignements ou une demande de renseignements pourrait poser un risque sérieux de mauvais traitements à l’endroit d’un individu. Avant la divulgation ou la demande de renseignements impliquant une entité étrangère, les représentants de SP doivent, suivant la version préliminaire de la politique, procéder à ce qui suit :

  • examiner les évaluations de risques et les ententes/les accords d’échange de renseignements dans le but d’établir la nature et l’ampleur des risques;
  • faire état des mesures d’atténuation, s’il y a lieu;
  • obtenir l’approbation d’un DG relativement à la divulgation ou à la demande de renseignements, attendu que le DG est appelé établir si les risques peuvent ou non être atténués et si le cas devrait être renvoyé devant le SM pour analyse et décision.
  • C’est aux représentants de SP oeuvrant dans la sphère opérationnelle qu’il revient d’établir si des renseignements que l’on envisage d’utiliser auraient été obtenus à la suite du mauvais traitements d’individus. Selon la version provisoire de la politique, il est attendu que les représentants de SP s’acquittent de ce qui suit :
  • réaliser une évaluation visant à établir la probabilité que les renseignements aient été obtenus à la suite du mauvais traitements d’un individu – dans le cas où ladite évaluation n’aurait pas été effectuée par d’autres représentants de SP ou par un autre ministère – et lui accorder la cote appropriée en se fondant sur l’analyse faite au niveau de la DG;
  • évaluer et caractériser le niveau d’exactitude et de fiabilité des renseignements;
  • aviser leurs DG respectifs des circonstances, attendu que le DG est appelé à établir si les renseignements pourraient être utilisés en considération de l’article 3 des directives et renvoyer la décision au SM qui sera appelé à établir si l’utilisation des renseignements pourrait, de quelque façon, porter atteinte aux droits et libertés d’individus, ce qui est nécessaire pour empêcher toute perte de vie ou tout dommage corporel important.

Pour les autres secteurs de programme de SP où les responsabilités en matière de prestation de programmes sont réparties dans plusieurs ministères du gouvernement du Canada, les représentants de SP ont la possibilité d’utiliser des évaluations d’exactitude et de fiabilité que d’autres ministères du gouvernement du Canada ont expressément réalisées à l’égard de l’échange de renseignements en question. Dans de tels cas, dès lors que SP ne dispose pas de renseignements suffisants (notamment quant à la source de l’information) pour mener une évaluation, les ministères du gouvernement du Canada doivent attester avoir réalisé ladite évaluation. Le même principe s’applique aux évaluations des risques et aux évaluations visant à établir la probabilité que les renseignements aient été obtenus à la suite du mauvais traitement d’un individu.

Groupe de travail : Le Groupe de coordination d’échange de renseignements (GCER) est le principal forum interministériel appuyant la collaboration et l’échange de renseignements entre les ministères membres – à qui s’applique les dispositions de la Loi et les directives – dans la mesure où ceux-ci y sont régulièrement présents.

SP prend part au GCER de trois façons, à titre :

  1. de président, de coordonnateur et de responsable de l’élaboration des politiques de SP;
  2. de secteur responsable de la mise en oeuvre de la Loi;
  3. de représentant de l’État et de conseiller juridique.

SP a aussi réalisé des progrès suivant les conseils du GCER. Or, en raison des contraintes liées à la COVID-19, le GCER n’a pas été en mesure d’organiser les réunions jugées utiles.

Comité de la haute direction : SP a aussi réalisé des progrès suivant les conseils du GCER. Or, en raison des contraintes liées à la COVID-19, le GCER n’a pas été en mesure d’organiser les réunions jugées utiles.

Évaluation des pays : Pour l’heure, SP ne dispose d’aucune évaluation des pays et envisage d’utiliser les évaluations réalisées par d’autres ministères. Or, selon la version provisoire de sa politique, SP s’attend à inscrire les évaluations de pays et d’entités au nombre des mesures prévues par le processus annuel d’évaluation des risques. Le processus d’évaluation des risques permettra de veiller à ce qu’une entente soit conclue avec une entité étrangère avant tout échange de renseignements; d’évaluer les risques et les évaluations d’États réalisées par les organismes du portefeuille (p. ex. le SCRS) et d’autres ministères (p. ex. AMC); et de prendre en compte les rapports sur l’état des droits de la personne provenant d’organisations non gouvernementales.

L’unité de la PPER assurera annuellement la coordination des évaluations des risques. Pour ce faire, elle pourrait, par exemple, examiner les rapports sur l’état des droits de la personne produits par Affaires mondiales Canada (AMC), les évaluations des pays préparées par les organismes du portefeuille (p. ex. le SCRS), les rapports sur l’état des droits de la personne réalisés par les organisations non gouvernementales, de même que les documents portant sur des entités ou des États particuliers.

Mesures d’atténuation : SP a préparé la version provisoire d’une politique encadrant les mesures d’atténuation et les réserves. Cette version provisoire comptera des orientations destinées à faciliter la tâche des représentants qui seront appelés à évaluer les risques et à appliquer les mesures d’atténuation, mais elle énoncera les niveaux d’approbation et les responsabilités en matière d’évaluation des pays.

Dès lors qu’un risque de mauvais traitements a été relevé, le représentant de SP est tenu d’entreprendre une analyse des mesures d’atténuation avant de demander les renseignements. Les mécanismes approuvés pour l’atténuation des risques sont :

  • l’énonciation de réserves concernant les renseignements;
  • l’obtention de garanties (assurance);
  • la divulgation partielle des renseignements.

La politique énonce également les exigences s’appliquant à l’utilisation des mécanismes d’atténuation connexes, dont l’utilisation coordonnée parviendrait à réduire les risques en question.

Annexe L : Gendarmerie royale du Canada

Annex L: Royal Canadian Mounted Police Framework

Modifications apportées au cadre : Aucune modification n’a été apportée au cadre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en 2020. La GRC a entrepris un certain nombre d’examens du cadre régissant ses échanges de renseignements et continue de perfectionner/d’optimiser les processus connexes.

Or, la GRC a également indiqué qu’elle était sur le point de mettre en ligne une formation conçue spécialement pour l’application des dispositions de la Loi.

Tri : Le processus associé au Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger (CCRIE) peut être enclenché lorsqu’un échange de renseignements implique un pays dont le niveau de risque est établi à modéré ou élevé. Un cas dont le niveau de risque est faible n’y serait assujetti que si le représentant croit qu’il existe une certaine probabilité que de mauvais traitements aient eu lieu.

Tous les membres du personnel de la GRC sont tenus de prendre en compte le risque de mauvais traitements avant de demander, de divulguer ou d’utiliser des renseignements. En outre, ils doivent faire appel au CCRIE lorsqu’ils ont relevé que l’État participant à l’échange pouvait poser un risque pour un ou plusieurs individus.

Un employé est presque toujours appelé à réaliser l’évaluation initiale des risques. Lorsqu’une entité a le code de couleur vert, l’employé peut échanger ou utiliser les renseignements sans avoir à consulter le CCRIE, à moins qu’il entretienne des doutes. Dans le cas d’une entité dont le code de couleur est jaune, l’employé doit établir s’il existe un risque sérieux de mauvais traitements en consultant la liste des critères applicables (semblablement au SCRS). Lorsqu’au moins l’un des critères s’applique, l’employé doit renvoyer le cas au CCRIE. Dans le cas d’une entité dont le code de couleur est rouge, l’employé doit renvoyer le cas au CCRIE pour l’évaluation initiale, sauf lorsqu’aucun renseignement personnel n’est échangé.

Groupe de travail : Groupe d’évaluation de l’application de la loi (GEAL). Une évaluation complète du GEAL comprend des renseignements classifiés issues d’autres ministères et organismes du gouvernement fédéral. Le portail du CCRIE a été préparé de sorte à permettre aux employés de la GRC d’accéder aux évaluations et de favoriser la conformité aux directives en vigueur.

Comité de la haute direction : Le CCRIE a été mis sur pied pour favoriser l’examen systématique et cohérent des dossiers de la GRC de sorte à veiller à ce que les renseignements à échanger n’aient pas été obtenus à la suite du mauvais traitement d’une ou plusieurs personnes.

C’est au CCRIE qu’il incombe de déterminer s’il existe des risques sérieux. Advenant que ces risques existent bel et bien, le CCRIE doit formuler des recommandations relativement aux mesures d’atténuation et à la possibilité que celles-ci parviennent de facto à atténuer les risques en question.

Suivant les conseils du Comité, les recommandations du CCRIE sont formulées par la présidence à l’intention du commissaire adjoint/du directeur exécutif responsable du secteur opérationnel qui envisage de divulguer, de demander ou d’utiliser des renseignements.

Le CCRIE détermine si le risque peut être atténué ou non. Dans l’affirmative, le cas est réacheminé au commissaire adjoint. Dans la négative, le CCRIE rejette la demande d’échange ou d’utilisation des renseignements.

Évaluation des pays : Un modèle d’évaluation des pays a été préparé en interne.

La liste énumère en ordre alphabétique les États de même qu’un certain nombre d’entités étrangères (c.-à-d. des services de police, des unités militaires, etc.) qui ont été évaluées. Chacun des éléments de la liste reçoit un code de couleur établissant son niveau de risque (rouge-élevé, jaune-modéré, vert-faible) et s’accompagne des types de crimes et des conditions qui le caractérisent.

Mesures d’atténuation : La GRC s’appuie sur les PE qui ont été établis avec certains partenaires dans le but d’atténuer, du moins partiellement, les risques sous-jacents, particulièrement lorsque des normes bilatérales sont en vigueur en matière de droits de la personne et lorsque les réserves sont généralement respectées. De la même façon, les représentants collaborent avec les agents de liaison de sorte à relever les garanties pertinentes ou encore les stratégies, les facteurs ou les conditions propices à la prévention des mauvais traitements liés aux échanges, aux demandes ou aux utilisations de renseignements.

Toutes les mesures d’atténuation appliquées peuvent être suivies par l’intermédiaire du CCRIE. En l’occurrence, il faut remplir le formulaire de demande du CCRIE. Rappelons que le processus exige de documenter les mesures d’atténuation et les réserves qui ont été employées.

Annexe M : Transport Canada

Hormis le Programme de protection des passagers (PPP), Transports Canada ne dispose d’aucun cadre ministériel régissant l’évaluation des éléments assujettis à la Loi.

Modifications : En septembre 2020, Transports Canada (TC) a préparé une politique ministérielle faisant état des besoins, des rôles et des responsabilités du ministère en lien avec la Loi. TC continue d’être un participant actif du cadre de SP.

Tri : TC se réfère au cadre de SP pour le Programme de protection des passagers.

En cas de problème concernant une demande de renseignements issue d’un partenaire étranger, TC consulte d’autres organismes comme le SCRS ou AMC.

Groupe de travail : TC est un membre votant du Groupe consultatif du PPP, mais ne porte aucune responsabilité pour ce qui a trait à la préparation des mémoires (de cas). À chacune des réunions du Groupe consultatif du PPP, TC a veillé à ce que tous les autres membres votants aient pris acte des responsabilités législatives qui lui incombent en vertu de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens pour ce qui a trait, notamment, à la diffusion de la Liste auprès des transporteurs aériens nationaux ou étrangers, mais aussi des responsabilités connexes énoncées dans la Loi.

Comité de la haute direction : TC ne dispose d’aucun comité de la haute direction qui soit en mesure d’examiner plus avant les cas pouvant poser un risque de mauvais traitements.

Évaluation des pays : TC mise sur l’expertise d’autres ministères gouvernementaux. TC s’en remet aux évaluations produites par d’autres organismes gouvernementaux comme SP et AMC.

Mesures d’atténuation : Le cadre a été mis en place par Sécurité publique (SP) suivant des consultations auprès des partenaires du PPP (GRC, SCRS, ASFC). TC a travaillé avec SP pour l’intégration de mesures d’atténuation dans les procédures et protocoles opérationnels des partenaires du PPP.

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