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Review of the Departmental Implementation of the Avoiding Complicity in Mistreatment by Foreign Entities Act for 2021: RCMP Responses

Date de publication :

Liste des acronymes

Abbreviation Expansion
2017 MD 2017 Ministerial Direction on Avoiding Mistreatment by Foreign Entities
ACA (ACMFEA, or “the Act”) Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères
ADM Assistant Deputy Minister
AMCC Avoiding Mistreatment Compliance Committee
ASFC Agence des services frontaliers du Canada
ARC Agence du revenu du Canada
CRCC Civilian Review and Complaints Commission for the RCMP
CST Centre de la sécurité des télécommunications
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
MPO Department of Fisheries and Oceans
MDN et FAC Department of National Defence / Canadian Armed Forces
EPPP Enhanced Passenger Protect Program
CANAFE Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada
FIRAC Foreign Information Risk Advisory Committee
FPNS Federal Policing National Security
AMC Affaires mondiales Canada
GATE Governance, Accreditation, Technical Security and Espionage
HOM Head of Mission (or Chargé)
HRR Human Right Report
ICCPR Pacte international relatif aux droits civils et politiques
ICE Integrated Collaborative Environment
INPL Intelligence Policy and Programs Division
IRCC Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
ISCG Information Sharing Coordination Group
LEAG Law Enforcement Assessment Group
LO Liaison Officer
MDCC Ministerial Direction Compliance Committee
NSICOP National Security and Intelligence Committee of Parliamentarians
OSSNR National Security Intelligence Review Agency
OiC Orders in Council
PPP Passenger Protect Program
SP Sécurité publique Canada
GRC Gendarmerie royale du Canada
DR Requests for Information
TBID Transports Canada
Abréviation Développement
AL Agent de liaison
AMC Affaires mondiales Canada
ARC Agence du revenu du Canada
ASFC Agence des services frontaliers du Canada
CANAFE Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada
CCDM Comité de conformité à la directive ministérielle
CCEMT Comité de conformité pour éviter les mauvais traitement
CCETP Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC
CCRIE Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger
CDM Chef de mission (ou chargé de mission)
CPSNR Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement
CST Centre de la sécurité des télécommunications
DC Décret en conseil
DI Demande d’information
ECI Environnement collaboratif intégré
GASE Gouvernance, accréditation, sécurité technique et espionnage
GCER Groupe de coordination d’échange de renseignements
GEAL Groupe d’évaluation de l’application de la loi
GRC Gendarmerie royale du Canada
IM-2017 Instructions du ministre de 2017 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères
INPL Direction des politiques et des programmes liés au renseignement
IRCC Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
Loi visant à éviter la complicité, la Loi Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères
MDN/FAC Ministère de la Défense nationale/Forces armées canadiennes
MPO Ministère des Pêches et des Océans
OSSNR Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement
PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques
PPP Programme de protection des passagers
PPP-A Programme de protection des passagers amélioré
RDP Rapport sur les droits de la personne
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
SMA Sous-ministre adjoint
SNPF Sécurité nationale et Police fédérale
SP Sécurité publique Canada
TBID Transports Canada

Sommaire

Le présent examen se concentre sur la mise en oeuvre, par les ministères, des instructions reçues par voie de décrets en conseil (DC) formulés au titre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (la Loi). Le présent rapport fait suite à la troisième évaluation annuelle de l’OSSNR portant sur la mise en oeuvre prescrite des directives émises au titre de la Loi.

Cette année, l’examen couvre l’année civile 2021 et se divise en trois sections. Dans la première section, l’examen aborde les obligations légales de tous les ministères. Ensuite, les sections deux et trois font état d’une analyse approfondie de la façon dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et Affaires mondiales Canada (AMC) ont mis en application les directives émises au titre de la Loi. Dans la mesure du possible, l’OSSNR s’est penché sur des études de cas qui permettent d’examiner la mise en application des dispositions de la Loi.

L’OSSNR note que pour une troisième année consécutive, aucun cas n’a été renvoyé au niveau de l’administrateur général de l’un ou l’autre des ministères. Il s’agit là d’une exigence énoncée dans les DC au cas où des responsables ne seraient pas en mesure d’établir si les risques sérieux peuvent être atténués. Les examens à venir se pencheront plutôt sur le traitement hiérarchisé (escalation) et le processus décisionnel au sein des ministères.

Dans le rapport intitulé Examen des cadres ministériels visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (2019-06), l’OSSNR recommandait ce qui suit : « la définition de “risque sérieux” devrait être codifiée dans la loi ou dans les instructions publiques. » Or, l’OSSNR note que certains ministères ont tenté de combler cette lacune en se fondant sur la définition du terme « risque sérieux » que l’on retrouve dans les instructions ministérielles de 2017. Compte tenu de l’examen prescrit devant porter sur la Loi de 2017 sur la sécurité nationale (projet de loi C-59) et de l’aspect central de la notion de « risque sérieux » pour le régime qui gouverne la Loi, l’OSSNR réitère sa recommandation de 2019 demandant que ladite notion soit codifiée dans la loi.

Pendant l’examen de l’an dernier, l’OSSNR a établi que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et Sécurité publique (SP) Canada n’avaient pas encore achevé leurs politiques respectives ayant trait à la Loi. Bien qu’ils aient réalisé des progrès sur ce plan, il faut admettre que l’ASFC et SP n’ont pas encore mis en oeuvre l’intégralité de leurs cadres relatifs à la Loi ni les politiques et procédures connexes.

La GRC dispose d’une cadre solide pour le tri et le traitement des cas ayant trait à la Loi. Or, la partie « analyse approfondie » du présent examen indique que la GRC ne dispose d’aucun système centralisé pour documenter les garanties et qu’elle n’effectue aucune surveillance ni aucune mise à jour régulière sur le plan de la fiabilité desdites garanties. L’OSSNR a également remarqué que la GRC ne s’était doté d’aucun mécanisme permettant, en temps opportun, de tenir à jour les profils de pays et d’entités, et que l’information collectée en cours d’opération par l’agent de liaison n’était pas consignée dans un registre central qui puisse servir de référence à l’occasion d’évaluations ultérieures.

Pendant l’analyse de l’un des dossiers du Comité consultatif sur les risques - Information de l’étranger (CCRIE) relevant de la GRC, l’OSSNR a estimé que les justificatifs invoqués par le commissaire adjoint pour décliner le conseil formulé par le CCRIE ne tenaient suffisamment compte ni des dispositions énoncées dans les décrets applicables. De fait, l’OSSNR juge que le commissaire adjoint avait erronément mis l’accent sur l’importance de la relation stratégique qu’il conviendrait de maintenir avec l’entité étrangère dans l’évaluation des risques de mauvais traitements de la personne concernée.

L’OSSNR a s’est penché sur les douze ministères en mettant l’accent sur l’examen des politiques et cadres stratégiques applicables qui ont été soumis par lesdits ministères. La GRC s’est montrée réactive aux intérêts de l’OSSNR en fournissant les documents et les séances d’information dans les temps convenus. En raison de contraintes de temps, l’OSSNR a principalement misé sur les documents papier qui lui ont été remis. AMC s’est montré disposé à fournir l’information demandée par l’OSSNR et a tout mis en oeuvre pour apporter des éclaircissements concernant les demandes. Au reste, AMC a répondu en temps voulu et a fait le nécessaire pour que le personnel et l’information demandés soient mis à la disposition de l’OSSNR.

L’OSSNR estime qu’AMC dépend largement du personnel opérationnel et des chefs de mission pour ce qui concerne la prise de décisions et la reddition de comptes au titre de la Loi. Il s’agit là d’un changement marqué par rapport aux conclusions de l’examen de 2019, selon lesquelles les décisions étaient plutôt prises par le Comité de conformité à la directive ministérielle (CCDM) à l’Administration centrale.

En outre, AMC n’a réalisé en interne aucun exercice de mise en correspondance visant à déterminer quels secteurs d’activités étaient les plus susceptibles d’être concernés par la Loi. Comme le nombre de cas est faible cette année, compte tenu de la taille d’AMC et puisque le personnel n’est pas tenu de suivre une formation sur la Loi, l’OSSNR craint que tous les secteurs prenant part aux échanges d’information au sein d’AMC ne soient pas adéquatement informés pour ce qui touche leurs obligations en vertu de la Loi.

L’OSSNR note également qu’AMC ne dispose d’aucun mécanisme de suivi ou de gestion de la documentation pour ce qui est des mises en garde et des garanties. Ce constat pose problème dans la mesure où les membres du personnel de mission occupent des postes permutants, ce qui empêche les intervenants de poser un jugement sûr, puisqu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur les mises en garde ou les garanties qui ont été déterminantes lors de précédents échanges d’information.

Au cours de l’examen, AMC s’est montré disposé à fournir l’information demandée par l’OSSNR et a tout mis en oeuvre pour apporter des éclaircissements concernant les demandes. AMC a fourni en temps raisonnable tous les documents demandés par l’OSSNR.

Le présent examen a évalué l’application concrète, par les ministères, des instructions reçues au titre de la Loi et des cadres connexes dans le but de répondre aux exigences de la Loi. À cet égard, le présent examen constitue la première analyse approfondie des répercussions de la Loi au sein de chacun des ministères.

Pouvoirs

Le présent examen a été réalisé au titre des dispositions visées au paragraphe 8(2.2) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR), lequel stipule que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) doit examiner, chaque année civile, la mise en œuvre des instructions données en vertu de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (la Loi).

Introduction

Le présent examen se concentre sur la mise en œuvre, par les ministères, des instructions reçues par voie de décrets en conseil formulés au titre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. Le but premier du présent examen est de déterminer si les ministères remplissent les obligations qui leur incombent au titre de la Loi et des instructions connexes. Au reste, l’OSSNR a pour mandat de réaliser ce type d’examen une fois l’an.

Renseignements généraux

Bon nombre de ministères et organismes du gouvernement du Canada échangent fréquemment de l’information avec des entités étrangères. Or, comme les échanges d’information avec les entités de certains pays posent le risque que de mauvais traitements soient infligés à des personnes, il incombe au gouvernement du Canada d’évaluer et, le cas échéant, d’atténuer les risques que présente ce type d’échange1. C’est le cas, en particulier, des échanges d’information ayant trait à la sécurité nationale et au renseignement où l’information en question a souvent trait à des allégations de participation à des actes terroristes ou à d’autres types d’activités criminelles.

Les Instructions du ministre de 2017 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères (IM 2017) définissent la notion de « risque sérieux » comme suit :

« […] un risque personnel, actuel et prévisible de subir de mauvais traitements. Pour pouvoir être qualifié de « sérieux », le risque doit être réel et ne pas être uniquement théorique ou spéculatif. Dans la plupart des cas, l’existence d’un risque sérieux est établie s’il est plus probable qu’improbable que de mauvais traitements soient infligés à une personne. Cependant, dans certains cas, en particulier lorsqu’une personne risque de subir un préjudice grave, l’existence du « risque sérieux » peut être établie à un niveau de probabilité inférieur. »

Le présent examen annuel constitue le troisième réalisé par l’OSSNR au sujet de la mise en œuvre des instructions émises au titre de la Loi. Il prend donc le relais des examens réalisés précédemment sur l’enjeu que représente le fait d’éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements. Le premier examen faisait suite à l’IM 2017, alors que le deuxième examen visait plutôt à évaluer les instructions émises au titre de la Loi tout en devant ne se pencher que sur les quatre mois qui ont suivi la transmission des instructions en fin d’année civile 2019. Ce troisième examen constitue le premier où l’OSSNR peut étudier une année complète depuis l’adoption des instructions émises au titre de la Loi pour l’année civile 2020.

L’OSSNR s’est concentré sur la réalisation d’entrevues approfondies visant à comprendre la façon dont les ministères mettent en œuvre les instructions conformément à la Loi. Cette approche permet de s’appuyer sur les connaissances acquises au cours des trois dernières années, mais aussi d’analyser les modalités d’application desdites instructions émises au titre de la Loi en misant sur des études de cas qui permettent d’évaluer concrètement les modalités d’application des divers cadres par les ministères.

L’examen couvre donc l’année civile 2021 et se divise en trois sections. La première section porte sur l’obligation légale suivant laquelle l’OSSNR doit réaliser des examens visant les activités que les ministères ont exercées pendant une année complète. Cette année, l’OSSNR a réalisé un examen approfondi des activités de deux ministères : l’examen des activités de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est présenté à la deuxième section, alors que celui qui a trait aux activités d’Affaires mondiales Canada (AMC) est présenté à la troisième section.

Méthodologie

Le paragraphe 7(1) de la Loi impose aux administrateurs généraux qui ont reçu des instructions l’obligation de soumettre un rapport au ministre concernant la mise en œuvre desdites instructions au cours de l’année civile précédente et de publier une copie du rapport qui soit accessible au public. Quant au ministre, il doit fournir la version classifiée du rapport à l’OSSNR.

Ces obligations qui incombent aux ministères sont également énoncées dans la Loi sur l’OSSNR. En vertu du paragraphe 8(2.2) de la Loi sur l’OSSNR, l’Office doit examiner, chaque année civile, la mise en œuvre des instructions données en vertu de la Loi. De plus, en vertu de son droit prévu par la loi, l’OSSNR peut examiner cette mise en œuvre au-delà des exigences stipulées par la Loi, et ce, en vertu de son mandat visant à examiner toute activité qu’un ministère exerce dans la sphère de la sécurité nationale ou du renseignement.

Les décrets en conseil (DC) qui ont été émis comportent une obligation d’information selon laquelle les décisions nécessitant un renvoi à l’administrateur général doivent être signalées au ministre, puis aux organismes d’examen3. Cette obligation crée des responsabilités additionnelles sur le plan de la prise de décisions par les ministères et permet à l’OSSNR de demeurer informé de toute difficulté pouvant survenir en dehors du cycle annuel visé par un rapport.

Le présent examen porte sur la mise en œuvre des instructions émises pour les 12 ministères à qui s’adressaient les décrets émis consécutivement à la Loi. La période visée par l’examen s’étend du 1er janvier au 31 décembre 2021. De plus, l’OSSNR a procédé à une analyse approfondie d’études de cas provenant de deux ministères : AMC et la GRC. Par ailleurs, l’OSSNR veillera à ce que les autres ministères fassent également l’objet d’examens au cours des prochaines années.

Pendant le présent examen, l’OSSNR a pris en compte les fondements légaux ainsi que les cadres de gouvernance. L’OSSNR s’est également appuyé sur des documents et de l’information obtenus à l’occasion de séances d’information tenues par les ministères.

Vérification de l'information et réactivité

L’OSSNR a réalisé un examen visant les 12 ministères en procédant à l’analyse des politiques et des cadres juridiques applicables, tels qu’ils ont été soumis par les ministères.

La GRC s’est montrée réactive aux demandes de l’OSSNR en fournissant les documents et les séances d’information selon les échéances convenues. Or, en raison de contraintes de temps, l’OSSNR a dû s’appuyer largement sur les documents papier qui lui ont été fournis. Dans le cadre du présent examen, l’OSSNR estime qu’en général, ses attentes sur le plan de la réactivité de la part de la GRC ont été comblées.

Pour sa part, AMC s’est montré disposé à fournir l’information demandée par l’OSSNR et a tout mis en œuvre pour apporter des éclaircissements concernant les demandes. Au reste, AMC a répondu en temps voulu et a fait le nécessaire pour que le personnel et l’information demandés soient mis à la disposition de l’OSSNR. L’OSSNR estime qu’en général, ses attentes sur le plan de la réactivité de la part d’AMC ont été comblées.

Tous les ministères

Actualisation des cadres et production de rapports

Conclusion No 1 : L’OSSNR constate que l’Agence des services frontaliers et Sécurité publique Canada n’ont pas encore mis en œuvre un cadre complet d’application de la Loi visant à éviter la complicité et que les politiques et procédures connexes sont encore en cours d’élaboration.

D’après le matériel fourni à l’OSSNR, dix ministères ont établi des cadres et politiques traitant de la question à savoir si la communication d’information à une entité étrangère pouvait poser le risque sérieux qu’un mauvais traitement soit infligé à une personne. Le matériel fourni à l’OSSNR par l’Agence du revenu du Canada (ARC), le ministère de la Défense nationale/les Forces armées canadiennes (MDN/FAC) et Transports Canada (TC) indique que ces trois ministères sont en train de perfectionner les cadres et les politiques qu’ils avaient déjà mis en place6. Dans son rapport de l’an dernier, l’OSSNR a noté que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et Sécurité publique (SP) Canada n’avaient pas encore achevé leurs politiques respectives ayant trait à la Loi.

Cadres

L’ASFC a indiqué qu’elle avait provisoirement approuvé un cadre suivant lequel on pouvait établir si une demande d’information provenant d’une entité étrangère posait le risque sérieux qu’un mauvais traitement soit infligé à une personne. L’ASFC a informé l’OSSNR qu’elle avait émis une directive visant à mener un examen interne dont l’objectif serait d’établir le degré de faisabilité d’une opération de mise en œuvre dans plusieurs secteurs de programmes.

Sécurité publique a indiqué qu’une série de mesure d’évaluation des risques était en cours d’élaboration et qu’on envisageait de tenir des séances d’information pour veiller à ce que les autres secteurs de programmes qui ne sont pas directement touchés par les dispositions de la Loi soient au courant des obligations s’appliquant aux échanges d’information. SP a également dit que le secteur de programmes touché par les instructions du ministre (les Instructions, les IM) avait opérationnalisé la politique tout en s’assurant que les procédures et les processus connexes s’harmonisaient avec les exigences énoncées dans la politique ministérielle, dans la Loi et dans les Instructions. Ces politiques sont entrées en vigueur au mois de janvier 2022, quoique « certains aspects » n’ont pas encore été peaufinés. Quant à l’ensemble des évaluations des risques, il est toujours en cours d’élaboration.

SP envisage également de tenir des séances d’information auprès de diverses sections du ministère qui, pour l’heure, n’auraient pas à appliquer les Instructions, mais devraient néanmoins en connaître la teneur, au cas où elles seraient appelées à élaborer de nouveaux programmes comportant un volet « échange d’information ».

En 2020, conformément aux termes de son mandat, AMC a amorcé un examen complet visant le Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (CCEMT)12. AMC a indiqué que des recommandations théoriques avaient été formulées pour aborder les lacunes relevées. Les recommandations portent, notamment, sur le moment opportun pour prendre des décisions, sur la question de l’obligation de diligence et sur la production de rapports sur le résultat des dossiers à la suite des décisions prises par le Comité.

L’OSSNR a appris que l’examen du Secrétariat du CCEMT serait achevé en 2022 et que le mandat serait mis à jour peu de temps après. En réponse aux demandes d’information de l’OSSNR concernant l’analyse des risques, AMC a indiqué qu’il avait créé, pendant la période d’examen, un nouveau formulaire d’évaluation des risques et qu’il était en train de préparer un guide d’orientation général ayant pour objectif d’appuyer les employés pendant les processus d’évaluation des risques et de prise de décision. Ces questions sont abordées en plus de détails dans la troisième section du présent rapport.

La GRC a noté quelques lacunes internes pour ce qui touche les évaluations de pays et l’inaptitude à tenir les rapports à jour sur une base régulière. Un cadre a été soumis à l’OSSNR concernant la façon dont la GRC envisage de combler ces lacunes de sorte à favoriser le processus du Comité consultatif sur les risques - Information de l’étranger (CCRIE).

Rapports

Le paragraphe 7(1) de la Loi exige que les administrateurs généraux soumettent au ministre compétent un rapport sur la mise en œuvre des Instructions qui leur ont été données l’année précédente par voie de décrets. La Loi visant à éviter la complicité stipule que les rapports doivent être soumis chaque année avant le 1er mars.

Les douze ministères ont rempli leurs obligations en soumettant leurs rapports à leurs ministres respectifs. Toutefois, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et TC ont soumis leurs rapports peu après l’échéance du 1er mars.

Le paragraphe 7(2) de la Loi exige également que les administrateurs généraux mettent à la disposition du public une version non classifiée du rapport, et ce, dès que possible après le dépôt devant le ministre. De fait, les douze ministères ont publié leurs rapports en temps voulu.

L’article 8 de la Loi exige que le ministre soumette une copie du rapport au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), à l’OSSNR et, s’il y a lieu, à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes (CCETP) relevant de la Gendarmerie royale du Canada.

Le tableau ci-dessous présente une synthèse des réponses ministérielles aux questions portant sur la mise en œuvre ainsi que des évaluations que l’OSSNR a faites de ces réponses. Les évaluations se sont fondées sur les détails pertinents fournis par les ministères en fonction du contexte dans lequel les informations ont été demandées. Les exigences non respectées ont été soulignées. Au reste, le nombre relativement faible de ces non-respects était lié aux ministères qui n’avaient pas répondu à certaines des obligations énoncées par la Loi pour ce qui a trait à la production de rapports.

Tableau synthèse 1.1 - Exigences au titre de la Loi
  ASFC ARC CST SCRS MPO MDN CANAFE AMC IRCC SP GRC TBID
Cas renvoyés à l’administrateur général? Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non
Le rapport a-t-il été soumis au ministre? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Le rapport a-t-il été rendu accessible au public? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Le ministre a-t-il remis une copie au CPSNR, à l’OSSNR et à la CCETP? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Tris et traitement hiérarchisé des cas

Conclusions No 2 : L’OSSNR constate que, tous ministères confondus, aucun cas régi par la Loi visant à éviter la complicité n’a été renvoyé à l’administrateur général entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021.

Les douze ministères ont indiqué qu’ils n’avaient renvoyé aucun cas à leur administrateur général pour décision. Il s’agit là d’une exigence énoncée par voie de décret pour traiter les cas où les fonctionnaires ne seraient pas en mesure d’établir si un risque sérieux peut être atténué. Par conséquent, toutes les exigences additionnelles en matière de production de rapports qui se rapporteraient à ce niveau décisionnel n’étaient pas applicables.

Tableau synthèse 1.2 - Cas examinés par la hiérarchie, par niveau d'approbation
  ASFC ARC CST SCRS MPO MDN CANAFE AMC IRCC SP GRC TBID
Niveau 1. (Superviseur/ chef adjoint) 0 634 236 (23) 780) 0 Not Known/Not Tracked 48 6 2 401 55 0
Niveau 2. (Gestionnaire/ chef) 0 325 176 (24) 243 0 Not Known/Not Tracked 48 6 2 401 55 0
Niveau 3. (Directeur/DGA) 8(25) 69
Niveau 4. (DG/comité/ groupe de travail) 0 63 1 (26) 81 0 7 48 0 0 0 55 0
Niveau 5. (SMA/commissaire adjoint/ L1) 0 0 0 (27) 0 0 2 0 0 0 0 55 0
Niveau 6. (Administrateur général) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

L’OSSNR note qu’il s’agit de la troisième année consécutive où aucun cas n’a été renvoyé au niveau de l’administrateur général, et ce, tous ministères confondus.

Les examens à venir pourraient être particulièrement attentifs aux questions du traitement hiérarchisé des cas et des processus décisionnels dans les ministères, puisque l’un des objectifs formels de l’OSSNR en matière d’examen des obligations liées à la Loi consiste à veiller à ce que l’évaluation des risques soit renvoyée au responsable hiérarchique compétent.

Mise en oeuvre des recommendations précédentes

Dans le cadre du présent examen, l’OSSNR a demandé de l’information concernant la mise en œuvre des recommandations qu’il avait formulées précédemment.

Dans le rapport intitulé Examen des cadres ministériels visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (2019-06), l’OSSNR recommandait ce qui suit : « la définition de “risque sérieux” devrait être codifiée dans la loi ou dans les instructions publiques. » Or, l’OSSNR note que certains ministères ont tenté de combler cette lacune en se fondant sur la définition du terme « risque sérieux » que l’on retrouve dans les instructions ministérielles de 2017. Compte tenu de l’examen prescrit devant porter sur la Loi de 2017 sur la sécurité nationale (projet de loi C-59) et de l’aspect central de la notion de « risque sérieux » pour le régime qui gouverne la Loi, l’OSSNR réitère sa recommandation de 2019 demandant que ladite notion soit codifiée dans la loi.

Le MDN/FAC a indiqué à l’OSSNR que consécutivement à ses recommandations, le ministère avait intégré une définition du terme « risque sérieux » dans le document Orientation fonctionnelle du Chef du renseignement de la Défense sur les activités d’échange d’information du MDN/FAC avec des entités étrangères. Toutefois, il convient de noter que le MDN/FAC a adopté d’autres définitions, notamment, pour l’adjectif « prévisible » (foreseeable). L’OSSNR avait déjà exprimé ses réserves dans l’annexe détaillée de 2019 sur l’application, par le MDN/FAC, des IM pour ce qui a trait à l’interprétation que le MDN/FAC fait de la notion de « prévisibilité ». Le MDN/FAC a également indiqué à l’OSSNR qu’il avait élaboré une méthodologie pour les profils relevant du MDN/FAC en tirant parti d’une méthodologie que d’autres organisations emploient pour évaluer les droits de la personne. Au reste, le MDN/FAC a ajouté qu’il prenait activement part aux activités de groupes de travail interministériels s’intéressant à la Loi dans le but de participer aux échanges sur la méthodologie, les procédures et les évaluations ayant trait aux droits de la personne et pour faire part de ses préoccupations.

Sur les douze ministères, l’ARC, l’ASFC, le SCRS, le MDN/FAC, SP et TC ont continué de peaufiner les cadres et les politiques à la suite des conclusions et des recommandations issues des examens précédents qui avaient eu trait à la Loi31. Bien que les recommandations n’aient pas visé de ministères en particulier, bon nombre de ceux-ci ont indiqué avoir pris ces recommandations en compte dans le but d’apporter certaines améliorations.

À titre d’exemple, en réaction à la recommandation no 1 de l’examen 2019 de l’OSSNR (concernant l’importance de réaliser périodiquement des examens internes), l’ARC a décidé de se pencher sur ses procédures d’échange d’information. En conséquence, l’ARC a apporté des modifications aux procédures en ce sens que les évaluations de risques censés être d’un niveau « faible » sont désormais approuvées au niveau des gestionnaires, alors qu’auparavant, l’échelon des directeurs représentait le niveau minimum d’approbation.

L’ASFC a provisoirement approuvé sa politique ayant trait à la Loi et est en train de réaliser des examens additionnels pour veiller à ce que ladite politique soit opérante dans plusieurs secteurs de programmes. L’ASFC a indiqué que la politique comprenait des conseils concernant la communication d’information, les demandes d’information et l’utilisation de l’information en situation pouvant poser des risques sérieux qu’un mauvais traitement soit infligé à une personne. Dans cette politique, l’ASFC a incorporé des procédures et des processus visant à évaluer les risques et à assurer une coordination avec le Comité de la haute direction sur l’évaluation des risques.

SP a également achevé son ébauche de politique pour faire suite à la conclusion que l’OSSNR avait formulée dans son rapport d’examen 2020 sur la Loi et selon laquelle SP n’avait pas encore mis au point ses cadres de politiques conformément aux Instructions reçues au titre de la Loi. SP a indiqué qu’une politique avait été approuvée et était entrée en vigueur le 1er janvier 2022. L’OSSNR a appris que certains ajouts à la politique étaient toujours en cours de mise en œuvre, notamment, l’élaboration d’outils d’évaluation des risques.

Enfin, TC a indiqué à l’OSSNR qu’il avait pris acte des commentaires formulés au sujet de la mise en œuvre des mesures relatives à la Loi depuis l’adoption de la politique ministérielle en août 2020. En outre, TC souligne que sa politique ministérielle est en cours de révision et qu’il conviendra, par conséquent, d’apporter quelques éclaircissements et de renforcer certains des éléments essentiels. TC a fait savoir qu’au nombre des modifications en cours, il fallait compter le perfectionnement des libellés, et ce, pour préciser les rôles, les exigences de programmes en matière de responsabilité et l’échéancier de la mise en œuvre. À ce titre, TC fournit de plus amples orientations quant aux exigences relatives au format et au contenu des rapports afin d’appuyer les programmes lorsqu’il s’agit d’établir les rapports annuels.

À l’échelle du programme, TC est en train d’examiner l’effet des modifications apportées à la politique (au cours de la dernière année) sur la structure fonctionnelle et les rôles connexes dans le contexte du Programme de protection des passagers (PPP). À ce jour, le PPP est la seule activité programmatique qui puisse, selon TC, poser des risques en rapport avec les dispositions de la Loi. Du reste, le PPP est en cours de transition vers l’établissement d’un cadre amélioré qui devrait être parfaitement opérant au mois de mars 2023.

L’OSSNR réitère sa recommandation précédente voulant que les ministères trouvent le moyen d’établir un seul outil normalisé pour l’évaluation des risques posés par les pays et les entités, ce qui permettrait d’uniformiser l’approche que les ministères adoptent lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent des préoccupations au regard de la Loi.

Gendarmerie royale du Canada

L’examen relatif à la Loi pour l’année 2021 représente le deuxième de l’OSSNR concernant l’aspect « mise en œuvre » de ladite Loi. Comme il a été dit à la rubrique « Contexte » du présent rapport, l’OSSNR a enrichi les connaissances qu’il avait acquises lors de l’examen annuel portant sur la Loi en procédant à une analyse approfondie de la mise en œuvre des Instructions. L’analyse approfondie met en évidence certaines des pratiques exemplaires que le gouvernement du Canada a adoptées, mais aussi certaines des difficultés posées par l’adoption des cadres. Cette année, la GRC et AMC ont été choisis. Figurant parmi les premiers ministères visés par les Instructions du ministre émises en 2011, la GRC a eu plus de dix ans pour élaborer, mettre en œuvre et perfectionner son propre cadre. En outre, AMC a été choisi parce que l’organisation a reçu des Instructions du ministre en 2017 et dans la mesure où AMC tient un rôle marquant en tant que principal élaborateur de rapports en matière de droits de la personne.

Mise en application de la Loi visant à éviter la complicité

Conclusion No 3 : L’OSSNR estime que la GRC a mis en place un cadre solide permettant de trier adéquatement les cas auxquels s’appliquent les dispositions de la Loi visant à éviter la complicité.

En 2011, la GRC a reçu des IM sur l’échange d’information avec des entités étrangères. Toutefois, les IM émises ne s’appliquaient qu’aux échanges d’information relative à la sécurité nationale. En réaction aux IM de 2011, la GRC a créé le Comité d’analyse des risques – Information de l’étranger (CARIE), lequel a été renommé Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger (CCRIE) après l’émission des IM de 2017.

La portée des IM de 2017 a été élargie de sorte à inclure tous les groupes et tout le personnel de la GRC, et le CCRIE a été l’objet d’une semblable mesure. Avec la promulgation de la Loi, le commissaire devait tenir compte des Instructions imposées par voie de décret. Or, les exigences opérationnelles sont demeurées les mêmes de 2017 à 2019. Au reste, la mise en œuvre des dispositions de la Loi par la GRC implique surtout les trois mécanismes suivants : le CCRIE, le Groupe d’évaluation de l’application de la loi (GEAL) et la production du rapport annuel.

Le CCRIE est un organe consultatif pour la haute direction. Il est responsable de fournir au personnel de la GRC un mécanisme permettant d’examiner les échanges d’information pouvant poser un risque sérieux de mauvais traitements. Le CCRIE est un élément essentiel du mécanisme de détermination du risque pour les cas concernés par les dispositions de la Loi. Le comité examine le contexte opérationnel de chacune des demandes, l’application de stratégies d’atténuation des risques ainsi que la solidité des garanties. Puis il formule des recommandations à l’intention du commissaire adjoint compétent.

Il importe de noter que le mandat du CCRIE a été mis à jour en décembre 2021, soit après la conclusion de la dernière réunion du CCRIE portant sur une étude de cas dont il est question plus loin. Le mandat précédent avait été rédigé après l’émission des IM de 2017 et énonçait ce qui suit : « dans les cas d’échange d’information où il existe clairement un besoin de procéder, mais aussi un risque substantiel de mauvais traitement, la décision sera renvoyée devant le commissaire aux fins d’approbation finale, conformément aux IM et à la politique opérationnelle. » Le mandat révisé indique que c’est au commissaire adjoint – ou au directeur exécutif – qu’il revient de décider si le risque sérieux de mauvais traitements peut être atténué. Ainsi, le mandat stipule explicitement que le commissaire adjoint – ou le directeur exécutif – constitue les seuls décideurs, alors que le CCRIE doit exercer la fonction de conseiller. Or, l’OSSNR tient à faire une mise en garde en faisant valoir que la délégation apparente ou perçue du pouvoir décisionnel au commissaire adjoint pose un risque de non-conformité au but et à l’objet de la Loi et des décrets connexes.

Le comité se compose de deux personnes assumant la présidence à tour de rôle et d’un certain nombre de membres issus de plusieurs divisions de la GRC. À la suite d’un examen interne, la GRC a modifié la constitution du CCRIE en s’assurant que les coprésidents ne prendraient pas de décisions relativement aux cas de leurs unités respectives, et ce, dans l’intention d’éliminer les situations où il pourrait y avoir un conflit d’intérêt réel ou apparent.

Le CCRIE se réunit aux deux semaines ou en fonction des besoins, particulièrement lorsque des cas urgents ou pressants surviennent. Or, les recommandations formulées par le comité sont non contraignantes. L’OSSNR a également noté qu’en avril 2022, le nombre des membres du comité devrait être accru.

Au cours de la dernière année, la GRC a amorcé des travaux d’amélioration du cadre et a créé des outils devant aider le personnel à interagir avec le CCRIE. On a mis en place le Groupe de coordination du CCRIE, une équipe chargée de mener des consultations auprès du personnel dans le but de favoriser le processus de tri des cas potentiels et d’établir le degré de mobilisation du CCRIE. La GRC a également élaboré un ensemble d’outils qui fait état, notamment, des définitions et des seuils à respecter, des stratégies d’atténuation ainsi que des exigences du CCRIE.

Le Groupe de coordination du CCRIE collabore avec le personnel et les membres de la GRC pour leur prêter main-forte pendant le processus d’évaluation des risques et pour déterminer si une évaluation du CCRIE est nécessaire. Le rôle et les responsabilités du Groupe de coordination ont été mis à jour suivant l’ajout d’un objectif, soit celui de fournir de l’orientation et du soutien aux membres pour étoffer la soumission des cas. De fait, le Groupe vise à améliorer la tenue des dossiers; à reconnaître les difficultés internes sur le plan stratégique; à mobiliser les partenaires fédéraux externes relativement aux questions intersectorielles de sorte à améliorer les processus et les pratiques; ainsi qu’à communiquer le résultat des réunions du CCRIE et du GEAL portant sur les cas particuliers, pour faire le point sur l’évaluation des entités étrangères.

La GRC en est également à l’étape finale de la mise à jour de son Manuel des opérations. Cette mesure a pour but de favoriser l’application uniforme des Instructions dans l’ensemble de la GRC. Cette mise à jour vise, notamment, à clarifier les rôles et les responsabilités, mais aussi les seuils et les déclencheurs qui font en sorte qu’un échange d’information doit être examiné par le CCRIE.

Comme nous le verrons plus loin dans le présent rapport, le décret de 2019 comporte une exigence voulant qu’un cas soit renvoyé au commissaire de la GRC pour décision dès lors que les responsables ne sont pas en mesure d’établir si le risque posé par l’échange d’information peut être atténué. De plus, en vertu du paragraphe 3(1) du décret, lorsque de l’information qui a été utilisée aurait possiblement été obtenue par une entité étrangère à la suite du mauvais traitement d’une personne, le commissaire de la GRC doit signaler et communiquer en temps opportun toute information prise en compte dans le processus de détermination ou de prise de décision à l’OSSNR, à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP) et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) de sorte à prévenir les pertes de vie ou les blessures corporelles importantes.

Le GEAL est chargé de préparer les profils d’évaluation des pays et de tenir à jour le portail de l’environnement collaboratif intégré où l’information est enregistrée et, s’il y a lieu, consultée par les agents. L’OSSNR a appris qu’au cours des dernières années, l’équipe du GEAL avait été gravement sous-financée et avait sérieusement manqué de ressources, faisant ainsi en sorte que plusieurs des profils de pays n’étaient plus à jour, sans compter que le tiers des pays n’avait été l’objet d’aucun rapport d’évaluation.

Un rapport annuel faisant état de la mise en œuvre de la Loi et des cas renvoyés devant le commissaire pour décision doit être acheminé au ministre de la Sécurité publique, à l’OSSNR, au CPSNR et à la CCETP. La GRC doit également communiquer toute information prise en compte dans le processus de détermination ou de décision. Pour voir une description complète des processus de la GRC, prière de consulter l’annexe A : Cadres ministériels.

La GRC continue d’améliorer les processus du CCRIE. Dernièrement, la GRC a pris les moyens nécessaires pour améliorer les produits servant à déterminer si les échanges d’information proposés posent des risques sérieux de mauvais traitements qui nécessiteraient des évaluations de la part du CCRIE. Au nombre de ces améliorations, il faut compter des outils de visualisation permettant de schématiser le processus décisionnel, des définitions de termes essentiels, des stratégies d’atténuation et les éléments déclencheurs appelant le CCRIE à procéder à une évaluation.

En outre, la GRC continue de réaliser des progrès considérables pour ce qui a trait à l’actualisation des ressources contenues dans le site SharePoint, le module de formation sur la Loi et la politique énoncée dans le Manuel des opérations de la GRC. Bien que ces initiatives continuent de progresser, l’OSSNR tient à saluer l’initiative de la GRC consistant à réaliser un examen interne du CCRIE et à faire le nécessaire pour résoudre les lacunes relevées.

Cadre d'échange de l'information et analyse des risques

Conclusion No 4 : L’OSSNR constate que les évaluations de risques réalisées par le CCRIE de la GRC comprennent des objectifs qui sont en sus des exigences énoncées dans les décrets en conseil, notamment, l’évaluation du risque de ne pas échanger de l’information.

Conclusion No 5 : L’OSSNR constate que le recours, par la GRC, à une procédure d’évaluation des risques en deux parties – l’une portant sur le profil de pays et l’autre sur la personne, de sorte à déterminer s’il y a un risque sérieux et à comprendre les circonstances particulières entourant la personne dont il est question dans l’évaluation des risques – constitue une pratique exemplaire.

Le cadre de la GRC s’appliquant aux échanges d’information assujettis à la Loi vise essentiellement à gérer le risque. Certes, cette activité s’appuie dans une large mesure sur la formulation de garanties et de mises en garde, mais il faut savoir que les enquêteurs misent sur l’évaluation que font les agents de liaison et les analystes déployés à l’étranger (AL/ADE) à l’égard du pays ou de l’entité étrangère en question. Dans le cadre de leurs fonctions, les AL et les ADE sont appelés à fournir de l’information à jour concernant les derniers rapports sur les pays et les entités ainsi que les relations établies avec certaines entités, mais aussi concernant les précédents sur le plan des échanges d’information impliquant la GRC et les antécédents en matière de droits de la personne. Les enquêteurs se servent de cette information pour orienter les mesures d’atténuation s’appliquant à une éventuelle demande/communication d’information.

Lorsqu’il procède à des évaluations et formule des recommandations pour le commissaire adjoint, le CCRIE prend en compte les aspects particuliers du cas visé par l’évaluation des risques (comprise dans la demande au CCRIE), l’évaluation du pays réalisée par le GEAL ainsi que les commentaires venant des agents de liaison et des analystes déployés à l’étranger (AL/ADE). Un compte rendu des décisions est rédigé après chaque réunion et met en évidence l’historique des échanges avec les entités concernées, les risques et les mesures d’atténuation envisagées ainsi que les recommandations finales du comité. Suivant l’information fournie dans le compte rendu des décisions et les recommandations du comité, le commissaire adjoint prend une décision.

Bien que la GRC n’ait pas encore formellement intégré l’Analyse comparative entre les sexes dans ses évaluations de risques concernés par la Loi, l’OSSNR note que les évaluations des risques par pays réalisées par la GRC reconnaissent les groupes vulnérables qui sont à risque de mauvais traitements en tenant compte des « préoccupations relatives aux droits de la personne pour des groupes spécifiques ». Dans le cas des personnes reconnues comme étant à risque devant une entité ou un pays désignés comme posant un niveau de risque modéré, une évaluation du CCRIE doit être réalisée avant tout échange d’information.

L’OSSNR s’est constitué un échantillon de vingt occurrences où le CCRIE a été convoqué. Cependant, on a relevé un certain nombre de cas où plusieurs réunions du CCRIE portaient sur un même dossier. Par exemple, [**expurgé**] lequel fait l’objet d’un examen approfondi dans le cadre de l’analyse des dossiers échantillonnés par l’OSSNR, comptait trois différentes réunions du CCRIE. Ainsi, les vingt interventions du CCRIE faisant partie de l’échantillon correspondent à seize cas distincts. Les demandes formulées par l’OSSNR ont employé la nomenclature du CCRIE, et la GRC a répondu aux demandes en fonction de ce qui était sollicité dans les demandes d’information. Il en résulte que l’OSSNR n’a été en mesure de visualiser l’information sur les dossiers d’enquête que lorsque lesdits dossiers constituaient des points de contact avec le processus du CCRIE; les dossiers d’enquêtes opérationnels n’ont pas pu être fournis dans leur intégralité.

L’OSSNR reconnaît que la GRC a rempli ses obligations lorsqu’il s’est agi de répondre à nos demandes d’information. Toutefois, lorsqu’il est devenu manifeste que l’OSSNR n’avait pas obtenu l’intégralité d’un cas, notamment, les dossiers d’enquête, le manque de temps a fini par empêcher l’OSSNR d’obtenir et d’analyser l’information manquante mais pertinente.

Communication d'information sortante

L’OSSNR a remarqué que dans au moins 35 % des cas du CCRIE qui ont été échantillonnés, la GRC a pris en compte, dans ses évaluations, la possibilité que le non-partage d’information ait des répercussions négatives. Ainsi, l’évaluation du CCRIE tient compte du risque de ne pas communiquer de l’information sortante, en mettant l’accent sur le maintien, l’établissement ou la préservation des relations avec les partenaires d’échange d’information. En outre, la GRC a indiqué à l’OSSNR qu’elle tiendrait également compte des risques potentiels pour la sécurité publique en cas de non-partage de l’information54. L’OSSNR comprend que la fiabilité des garanties et des mises en garde dépend largement des circonstances et du contexte entourant chacun des cas, mais encouragerait fortement la GRC à fonder les motifs servant à justifier les échanges d’information d’abord sur les risques encourus par la personne concernée. L’OSSNR note que les stratégies d’évaluation et d’atténuation des risques (pour minimiser les risques) constituent les outils à utiliser prioritairement lorsqu’il s’agit de déterminer si de l’information peut être échangée ou non. Or, ni la Loi ni les décrets ne permettent de jauger les facteurs externes comme la détérioration des relations découlant du non-échange d’information ou la sécurité publique en comparaison des risques pour la personne.

Mesures d'atténuation et d'assurance

Conclusion No 6 : L’OSSNR constate que la GRC ne dispose d’aucun système centralisé permettant de documenter les garanties et qu’elle ne surveille pas régulièrement ni ne met à jour les évaluations de la fiabilité desdites garanties

La GRC a laissé savoir à l’OSSNR que les garanties et les mises en garde, qu’elles aient été observées ou non, qui ont trait aux échanges d’information avec des entités étrangères sont enregistrées dans le dossier d’enquête. La GRC a d’ailleurs ajouté que l’information est échangée au cas par cas, par l’intermédiaire de l’agent de liaison compétent ou d’INTERPOL.

Les agents de liaison et les analystes déployés à l’étranger (AL/ADE) sont tenus d’enregistrer leurs interactions dans les notes qu’ils intègrent aux dossiers d’enquête. La GRC a indiqué à l’OSSNR que c’était dans ces notes que les occurrences de non-respect des garanties ou des mises en garde devaient être consignées.

La GRC a souligné qu’elle comptait sur son réseau à l’étranger pour surveiller la fiabilité des garanties et des mises en garde, et que le personnel rencontrait régulièrement les partenaires de l’application de la loi ainsi que les AL étrangers des pays alliés. La GRC a d’ailleurs ajouté que tout indice de détérioration des droits de la personne dans un pays et tout rapport particulier sur le mauvais traitement d’une personne feraient l’objet de discussions et seraient enregistrés dans le dossier d’enquête (opérationnel) de la GRC. En dernier lieu, ces éléments seraient inscrits au formulaire d’évaluation des risques du CCRIE de la GRC.

Comme il a été dit, en raison de contraintes de temps, l’OSSNR a reçu l’information relative aux réunions du CCRIE ainsi que les documents connexes, mais n’a pas été en mesure d’examiner les dossiers d’enquête opérationnels de la GRC. Lorsque l’OSSNR a demandé de produire les critères permettant d’évaluer la fiabilité des garanties et des mises en garde pour ce qui concerne les cas échantillonnés, l’Office a été renvoyé au formulaire d’évaluation des risques du CCRIE (que l’on appelle également le formulaire 6517) et s’est fait répondre ce qui suit :

[Traduction] « La note de bas de page met en évidence un certain nombre de dossiers d’enquête. Le rapport général et le rapport complémentaire ont été examinés en prévision de cette réponse. Aucun souci n’a été enregistré pour ce qui a trait aux garanties, alors qu’une seule occurrence semblait poser problème relativement à une mise en garde. À cet égard, le dossier [**expurgé**] fait état d’une occasion où un organisme partenaire n’avait pas respecté l’exigence d’une mise en garde voulant que les mesures soient coordonnées – aucune allégation de mauvais traitement n’a été documentée dans le dossier. Ce manquement a été signalé auprès de l’organisme partenaire, puis corrigé. »

L’OSSNR remarque que le dossier [**expurgé**] avait trait à une entreprise menant des activités en [**expurgé**], mais que l’information avait été demandée auprès [**expurgé**]. L’évaluation des risques du GEAL concernant [**expurgé**], un pays posant un risque modéré, ne fait aucunement mention d’un problème relativement à l’échange d’information ou à l’utilisation de mises en garde. Or, il faut savoir que cette évaluation n’a pas été mise à jour depuis août 201858. En l’occurrence, la GRC a indiqué ce qui suit :

[Traduction] « L’évaluation du GEAL concernant ce pays n’avait pas été mise à jour, mais en l’occurrence, on s’attendrait à ce que l’AL soulève cette question lors de consultations ultérieures avec les diverses équipes d’enquête qui envisageraient d’échanger de l’information avec cette entité. »

L’OSSNR tient à rappeler l’importance du suivi a posteriori des garanties et des mises en garde. L’OSSNR a d’ailleurs remarqué que l’émission d’une garantie ou d’une mise en garde pouvait parfois s’appuyer sur les garanties fournies par un responsable officiel (au sein d’une entité étrangère ou d’un pays étranger). En l’absence des documents requis, cette situation peut devenir problématique en raison du fait que des changements de position peuvent survenir et que les garanties pourraient ne plus être valides si la personne n’est plus en position voulue. Il convient donc de faire un suivi des garanties et de les renouveler pour veiller à ce qu’elles soient suivies advenant un changement d’employé.

Par ailleurs, aucun processus centralisé n’est prévu pour la documentation des garanties. On a plutôt recours à une documentation occasionnelle dans certains dossiers d’enquête, ce qui peut être problématique dans les situations où les AL ou les ADE n’occupent leur poste que pour une courte durée. Lorsque le dossier d’enquête est fermé, il se peut que le nouvel AL ou ADE ne soit pas au courant des situations où les garanties n’ont pas été respectées.

Recommendation no 1 : L’OSSNR recommande que la GRC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et, dans la mesure du possible, de vérifier et indiquer si lesdites mises en garde et garanties ont été respectées.

Profile des pays et des entités

Conclusion No 7 : L’OSSNR estime que la GRC n’effectue pas une mise à jour régulière ni ne planifie la mise à jour de ses évaluations de pays et d’entités. Dans nombre de cas, ces évaluations ont plus de quatre ans et misent, dans une large mesure, sur des agrégats de renseignements provenant de sources ouvertes.

Conclusion No 8 : L’OSSNR constate que l’information collectée par l’agent de liaison en cours d’opération n’est pas consignée dans un registre central. Ainsi, cette information ne peut pas être utilisée dans le cadre d’évaluations ultérieures.

En 2019, la GRC a réalisé un examen interne portant sur son cadre d’échange d’information de même que sur le GEAL et le CCRIE. À la suite de cet examen, l’OSSNR a recommandé, en 2019, que les ministères adoptent la pratique exemplaire voulant qu’ils réalisent des examens internes de leurs politiques et processus respectifs. Bien que l’intention ne soit pas de couvrir les éléments déjà identifiés dans le cadre d’un examen (en interne), l’OSSNR note tout de même que trois années se sont écoulées, et que les difficultés liées aux évaluations des pays et des entités persistent.

Sur les 90 évaluations dont la GRC se sert pour fonder ses évaluations des risques, 87 % n’ont pas été mis à jour depuis 2018, alors que les 13 % restant n’ont pas été mis à jour depuis 2019. Pendant l’année 2021, la GRC n’a mis à jour aucun de ses profils de pays. Or l’OSSNR a appris qu’en 2022, [**expurgé**] mais avait également indiqué que le manque de financement constituait un important problème.

L’une des principales conclusions de l’examen interne de la GRC traite de la composition des profils en disant qu’ils [Traduction] « […] ne représentent pas suffisamment l’expérience opérationnelle de la GRC ». Dans le rapport d’examen, on peut lire ce qui suit : [Traduction] « Les profils de pays et d’entités du GEAL sont principalement fondés sur de l’information de sources ouvertes plutôt que sur des données fournies par les groupes opérationnels […] ». Pendant la durée de l’examen, la GRC a insisté sur le rôle et l’importance de l’agent de liaison pendant le processus du CCRIE, en faisant valoir que c’est l’agent de liaison qui est le mieux placé pour combler les lacunes que peuvent présenter les profils de pays et d’entités. L’OSSNR observe que l’examen interne met en évidence certaines des difficultés avec lesquelles les agents de liaison sont aux prises, notamment, en faisant allusion aux responsabilités supplémentaires liées aux processus du GEAL et du CCRIE qui les empêchent, dans une certaine mesure, d’exercer leurs fonctions normales.

L’OSSNR note que la GRC investit des efforts considérables dans l’amélioration des mesures de suivi après les opérations. L’OSSNR se réjouit donc de pouvoir examiner les progrès réalisés au cours de la prochaine année quant aux mesures prises par la GRC pour actualiser les profils de pays et d’entités, et pour mettre en place des mécanismes de surveillance automatisée des médias et de suivi des échanges d’information avec INTERPOL Ottawa.

Étude de cas : [**expurgé**]

[**expurgé**] la GRC a tenté d’obtenir l’approbation d’une entrevue avec [**expurgé**]

La GRC a cherché [**expurgé**] entrevue après [**expurgé**] dans le but d’évaluer le risque actuel ou la menace [**expurgé**] pour le Canada et les citoyens canadiens, [**expurgé**] La GRC a indiqué que [Traduction] « […] une entrevue fructueuse ferait progresser l’enquête [**expurgé**] , et permettrait d’améliorer considérablement la capacité à reconnaître la menace et les risques [**expurgé**] pour la sécurité [**expurgé**] . »

Au reste, la GRC croit que [Traduction] « les échanges avec [**expurgé**] pourraient mener à [**expurgé**] l’information ainsi qu’aux éléments de preuve [**expurgé**]

[**expurgé**]

En interne, le profil de pays que la GRC applique [**expurgé**]est associé à un risque élevé (ROUGE). En effet, ce profil fait état d’allégations graves d’atteinte aux droits de la personne [**expurgé**][**expurgé**] des incidents de torture [**expurgé**] – où les individus soupçonnés [**expurgé**] doivent régulièrement subir des procès inéquitables. La GRC avait émis quelques réserves en indiquant que [Traduction] « [s]i [**expurgé**] risquerait de se faire torturer ou de subir de mauvais traitements [**expurgé**]. » Suivant l’application des dispositions de la politique, le cas a été renvoyé au Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger (CCRIE).

a) FIRAC [**redacted**]

[**expurgé**],le CCRIE s’est réuni et a discuté de la demande visant à mener une entrevue avec [**expurgé**]. [**expurgé**] Comité a estimé qu’il y avait un risque sérieux de mauvais traitements dans le cas [**expurgé**] qu’aucune des mesures en place ne pouvait atténuer suffisamment les risques soulevés. Le CCRIE a indiqué [**expurgé**]

Le CCRIE a toutefois indiqué [Traduction] « que des efforts devraient être consentis pour que l’emplacement des entrevues à venir soit plus judicieusement choisi. » On a d’ailleurs noté que [**expurgé**] devait [Traduction] « permettre à la GRC de surveiller les résultats et les garanties qui ont été l’objet de discussions sur le plan stratégique, [**expurgé**].

En conséquence, le CCRIE a recommandé que la GRC [Traduction] « entame des discussions [**expurgé**] relativement [**expurgé**], la possibilité [**expurgé**]. Le commissaire adjoint [**expurgé**] a approuvé cette recommandation.

Évènements survenus [**expurgé**]

Consécutivement à recommandation du CCRIE, les [**expurgé**] de la GRC, [**expurgé**].

[**expurgé**]

Consécutivement à recommandation du CCRIE, les [**expurgé**] de la GRC, [**expurgé**].

[**expurgé**]

D’après les propos tenus [**expurgé**] l’équipe des enquêtes a demandé au CCRIE de permettre [**expurgé**] de plus amples discussions [**expurgé**] pour permettre à la GRC [**expurgé**] entrevue avec [**expurgé**] et d’obtenir les garanties assurant [**expurgé**].

Évènement survenus [**expurgé**]

[**expurgé**] de la GRC à [**expurgé**] a repris pris contact avec [**expurgé**] de la GRC [**expurgé**] réaliser une entrevue avec [**expurgé**].

[**expurgé**]

[**expurgé**]

[**expurgé**]

[**expurgé**]

[**expurgé**]

La GRC [**expurgé**] renvoyé au CCRIE la demande d’entrevue avec [**expurgé**] ainsi que des mesures d’atténuation additionnelles.

[**expurgé**]

[**expurgé**]

Le CCRIE a tenu une réunion visant à discuter de la demande de communication de renseignements personnels sur [**expurgé**].

Le comité a conclu [**expurgé**] risquait sérieusement de s’exposer à de mauvais traitements advenant que l’information soit échangée et que les risques relevés ne puissent pas être atténués au moyen de mises en garde et de garanties. En conséquence, le comité a recommandé que l’information ne soit pas échangée. En outre, cette recommandation se fondait sur plusieurs sources d’inquiétude :

  • [**expurgé**]
  • la reconnaissance d’un risque sérieux de mauvais traitements qui n’aurait pas pu être atténué [**expurgé**]
  • l’incapacité à garantir [**expurgé**]
  • des préoccupations sur le plan de la sécurité selon l’information pouvant ressortir de l’entrevue;
  • [**expurgé**]
  • [**expurgé**]
  • les garanties ont été jugées insuffisantes pour atténuer les risques, [**expurgé**] ce qui empêchait d’évaluer adéquatement la confiance qu’il serait convenu d’avoir dans lesdites garanties.

Le CCRIE a recommandé [**expurgé**] se penche sur d’autres options permettant de réduire le risque de mauvais traitements et se présente de nouveau devant le Comité pour réexamen de la situation. Parmi ces options, le Comité a proposé [**expurgé**].

[**expurgé**], le commissaire adjoint [**expurgé**] a rejeté la recommandation du CCRIE et a autorisé l’échange d’information. Cette décision était fondée sur les éléments suivants :

  1. [**expurgé**] la GRC devrait prendre en compte les conséquences d’un refus d’échanger [**expurgé**] dans la mesure où ce refus porterait atteinte à la relation suivant laquelle [Traduction] « la relation [**expurgé**] serait propice à l’obtention d’information et à l’exercice d’une certaine influence ».
  2. [**expurgé**]
  3. L’importance, pour la GRC, de maintenir une relation solide [**expurgé**].

Le commissaire adjoint en vient à conclure que [Traduction] « le défaut de procéder à l’échange pose un risque qui ne peut pas être géré [**expurgé**]. Même si elle ne donne aucune garantie quant à l’exercice de quelque influence que ce soit, cette option est tout de même la meilleure selon moi. »

Un courriel envoyé ultérieurement par le commissaire adjoint [**expurgé**] faisait part de nouveaux éléments ayant influé sur la décision de rejeter les recommandations du CCRIE. Ces éléments portaient sur le risque de ne pas procéder à l’échange d’information. En l’occurrence, ces renseignements additionnels mettaient l’accent sur des considérations d’ordre stratégique et opérationnel. [**expurgé**]. Le commissaire adjoint a précisé que le manque d’engagement [**expurgé**]. Sur le plan stratégique, le commissaire adjoint a indiqué que la relation risquait de se détériorer advenant que l’information ne soit pas échangée. Il a également précisé que [Traduction] « à défaut de fournir [**expurgé**] et à consentir les efforts d’atténuation énoncés ci-dessous, la relation [**expurgé**] risque de se détériorer, [**expurgé**] . »

Le commissaire adjoint poursuit sa réflexion en ajoutant qu’il conviendrait de procéder à une analyse des besoins relativement aux difficultés [**expurgé**] et de prendre en compte l’importance de l’information à tirer de l’entrevue ainsi que l’importance de la relation [**expurgé**]. Ajoutons que le commissaire adjoint estime que [**expurgé**] établissement d’une relation solide [**expurgé**] favoriserait les mesures d’atténuation du risque le plus important tout en permettant de gérer les risques qui pèsent actuellement sur les Canadiens se trouvant [**expurgé**]. En conclusion de son courriel, le commissaire adjoint tenait à indiquer qu’il estimait que l’échange d’information était requis pour atténuer le risque de mauvais traitements pouvant être infligé [**expurgé**] qu’en l’occurrence, toute réticence à répondre favorablement pourrait engendrer un risque encore plus important.

Analyse

Conclusion No 9 : L’OSSNR constate que les membres du CCRIE avaient conclu que l’échange d’information engendrerait un risque sérieux de mauvais traitements qui ne pourrait pas être atténué. Or, le commissaire adjoint a établi que le risque pouvait bel et bien être atténué. Ces positions divergentes ont donc donné lieu à un désaccord entre les responsables ou à ce qu’il convient de considérer comme une situation où « les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque ».

La Loi et les décrets connexes interdisent formellement tout échange d’information posant le risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements. À moins que les « fonctionnaires concluent que le risque peut être atténué, notamment par la formulation de réserves ou l’obtention de garanties et que les mesures d’atténuation appropriées sont prises », l’information ne peut pas être communiquée. Le paragraphe 1(2) du décret ajoute ce qui suit : « Si les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque, le commissaire veille à ce que la question lui soit renvoyée pour décision.

La décision du commissaire adjoint voulant que l’information soit échangée contrairement à la recommandation du CCRIE s’appuie sur le paragraphe 1(2) du décret et conclut que dans la mesure où le CCRIE est responsable de formuler une recommandation à l’intention du commissaire adjoint, c’est celui-ci qui constitue le décideur final. Le commissaire adjoint [Traduction] « a établi que le risque pouvait être atténué ». En l’occurrence, le commissaire adjoint a considéré que sa décision finale n’allait à l’encontre ni du processus décrit dans le mandat du CCRIE ni des dispositions énoncées dans les décrets. Or, les décrets sont clairs : lorsque « les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque, le dossier doit être renvoyé au commissaire […]101 ». Ainsi, s’appuyant sur les termes du paragraphe 1(2) du décret, l’OSSNR soutient que ce dossier aurait dû être renvoyé au commissaire pour décision.

Conclusion No 10 : L’OSSNR estime que les arguments sur lesquels s’appuie la décision du commissaire adjoint de rejeter le conseil du CCRIE ne tenaient pas suffisamment compte des dispositions stipulées dans les décrets en conseil. L’OSSNR estime surtout que dans son évaluation des risques de mauvais traitements de la personne concernée, le commissaire adjoint avait erronément mis l’accent sur l’importance de la relation stratégique qu’il conviendrait de maintenir avec l’entité étrangère.

[**expurgé**]

Un certain nombre d’hypothèses sous-tendent la justification formulée par le commissaire adjoint pour autoriser la communication de l’information demandée.

[**expurgé**]. Toutefois, cette analyse fait fi [**expurgé**]. Cela prend le contrepied des rapports [**expurgé**] de la GRC [**expurgé**] et des comptes rendus de décisions du CCRIE selon lesquels [**expurgé**]. De la même façon, le commissaire adjoint n’a pas tenu compte de la possibilité [**expurgé**].

Par ailleurs, le commissaire adjoint s’appuie sur [**expurgé**] depuis un certain temps, mais ne se soucie pas de savoir dans quelle mesure les risques [**expurgé**] pourraient s’accroître [**expurgé**].

En second lieu, l’analyse du commissaire adjoint s’appuyait sur [**expurgé**].

Le commissaire adjoint ne tient pas compte des préoccupations du CCRIE concernant [**expurgé**] l’insuffisance des mesures d’atténuation. Il considère plutôt [**expurgé**] un risque plus important advenant que l’information ne soit pas communiquée, mais n’explique pas comment il en arrive à cette conclusion. Le commissaire adjoint de tient pas compte non plus des préoccupations du CCRIE [**expurgé**].

De plus, la décision du commissaire adjoint insistait sur l’importance de la relation entre la GRC [**expurgé**]. D’un autre côté, le CCRIE a fait valoir [**expurgé**] garanties seraient respectées. Ainsi, le raisonnement du commissaire adjoint se concentre sur l’importance de [**expurgé**] cette relation [**expurgé**].

Comme il a été dit plus tôt, selon la GRC :

[Traduction] « […] certes, la Loi visant à éviter la complicité et les décrets connexes n’abordent pas les éléments externes. Or, il n’est pas exclu que l’analyse globale prenne en compte les considérations stratégiques, encore que des risques puissent être encourus par la personne concernée, ni que les partenariats stratégiques puissent être considérés en soi comme des mesures d’atténuation. Il importe de noter que la Loi visant à éviter la complicité et les décrets connexes ne l’emportent pas sur les obligations qui nous incombent en vertu de la Loi sur la GRC. »

[Traduction] « […] ainsi, toute action ou inaction peut donner lieu à des conséquences indésirables. Il est dès lors prudent d’en faire état lorsqu’il s’agit de faire montre de diligence raisonnable et de prouver que tous les aspects d’une mesure ont été pris en compte. Les relations stratégiques ou à plus forte raison les mesures qui mettent en péril les relations stratégiques, comme dans le cas présent, peuvent causer d’importants dommages. C’est d’ailleurs ce que le commissaire adjoint a indiqué. »

L’OSSNR note que l’évaluation portant sur les mauvais traitements doit se limiter à savoir si la communication pourrait donner lieu au risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements et si ledit risque peut être atténué. Ainsi, l’OSSNR tient à mettre en garde contre le recours à des considérations parallèles, notamment les relations stratégiques, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe bel et bien un risque sérieux.

Il convient de noter que le commissaire adjoint a proposé des mesures d’atténuation additionnelles pour analyse. Toutefois, ces mesures s’appliquaient toutes [**expurgé**]. Or, les mesures n’exigeaient aucunement que l’obtention de garanties et l’application des mesures d’atténuation proposées par le CCRIE constituent des conditions préalables à l’échange d’information.

Recommendation No 2 : L’OSSNR recommande que dans les cas où le commissaire adjoint de la GRC est en désaccord avec une recommandation du CCRIE selon laquelle une information ne devrait pas être échangée, le dossier soit automatiquement renvoyé au commissaire.

Recommendation No 3 : L’OSSNR recommande que l’évaluation du risque sérieux ne porte que sur les termes énoncés dans le décret en conseil – à savoir sur le risque sérieux de mauvais traitements et sur la possibilité d’atténuer ledit risque – et que les objectifs externes, notamment, la promotion des relations stratégiques n’aient aucune incidence sur les décisions à rendre.

Enfin, dans le cas qui nous concerne ici, le commissaire adjoint chargé d’approuver les recommandations du CCRIE était celui qui devait encadrer le secteur d’activité concerné. En 2019, l’OSSNR a recommandé que « [l]es ministères devraient faire en sorte que, dans les cas où le risque de mauvais traitements se rapproche du niveau « sérieux », les décisions soient prises indépendamment des employés des secteurs opérationnels ayant un intérêt particulier dans le résultat. » Comme il a été dit au paragraphe 61, la GRC a modifié, en 2021, le processus du CCRIE de telle sorte que le CCRIE mise dorénavant sur des co-présidents. Ainsi, l’ajout d’un poste de président (co-président) permet de s’assurer que le président qui surveille un cas particulier du CCRIE n’est pas celui qui est responsable du secteur d’activité dont ledit cas relève. Considérant le cas présent, on constate qu’il serait nécessaire de reproduire ce type de structure au niveau de la haute direction de sorte à garantir que le processus décisionnel sera impartial et à veiller à ce que la gestion du cas repose surtout sur le risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés à la personne en question, plutôt que sur des considérations parallèles d’ordre stratégique.

Recommendation No 4 : L’OSSNR estime que les recommandations du CCRIE devraient être renvoyées à un commissaire adjoint qui n’est pas le responsable de la sous-direction dont le cas est issu.

Affaires mondiales Canada

Pendant la période d’examen, soit du 1er janvier au 31 décembre 2021, on a recensé six cas qui ont été renvoyés à la Direction des politiques et des programmes liés au renseignement (INPL) pour évaluation113. Tous les cas qui ont été soumis à l’OSSNR avaient trait à la « sécurité de la mission ». En l’occurrence les missions devaient miser sur l’assistance des autorités locales dans des situations où le personnel de l’ambassade ou du consulat étaient potentiellement exposés à certaines menaces. Lorsqu’on l’a interrogé au sujet du faible nombre de cas, AMC a répondu à l’OSSNR que les échanges (avec des entités étrangères) de renseignements permettant d’identifier une personne étaient très rares dans le contexte de la Loi.

Mise en application de la Loi visant à éviter la complicité

Conclusion No 11 : L’OSSNR estime qu’AMC en est arrivé au point où il dépend largement du personnel opérationnel et des chefs de mission lorsqu’il s’agit de prendre des décisions et de s’acquitter de ses responsabilités au titre de la Loi visant à éviter la complicité

Le 14 décembre 2017, AMC a reçu les Instructions du ministre : Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères (IM 2017). Or, AMC n’avait pas reçu les Instructions du ministre sur l’échange d’information avec des organismes étrangers (IM 2011) qui avaient été transmises à un certain nombre de ministères.

Le ministère gère un réseau mondial encadrant plus de 175 missions dans 110 pays, il dispose d’un effectif d’environ 12 000 personnes et il exerce son mandat grâce à un budget de plus de 7 milliards de dollars.

Lorsqu’on l’a questionné au sujet de la façon dont le ministère met la Loi en pratique, AMC a évoqué ses programmes de mobilisation et de formation. En outre, AMC a indiqué à l’OSSNR que ses programmes de formation ciblaient des membres particuliers du personnel afin de favoriser la sensibilisation et la conformité aux dispositions de la Loi. Les formations font état des rôles et des responsabilités dans le contexte de la Loi et des décrets connexes. De plus, elles fournissent aux employés une définition de la notion de « risque sérieux » ainsi les coordonnées de personnes-ressources à l’Administration centrale

En 2021, l’OSSNR s’est engagé à analyser de près les mesures de tri et les processus décisionnels s’appliquant au contexte de la Loi, et ce, en réalisant un examen visant AMC et la GRC. Dans le cadre de l’examen de 2020, l’OSSNR a constaté des écarts considérables entre les ministères pour ce qui a trait aux évaluations des risques et au niveau d’approbation requis. Plus particulièrement, l’OSSNR a noté des lacunes dans les procédures d’AMC en matière d’évaluation des risques, lacunes qui auraient nécessité l’intervention du sous-ministre.

Lorsqu’on a demandé si AMC avait commencé à apporter des correctifs ou encore à modifier les cadres ou les politiques pour faire suite aux conclusions et aux recommandations des examens précédents, AMC a répondu que des correctifs avaient été apportés au cadre grâce à la création du formulaire d’évaluation du risque de mauvais traitements (FERMT). AMC a expliqué que le formulaire favoriserait l’uniformisation des seuils à appliquer lorsqu’il s’agit de renvoyer un cas à un niveau hiérarchique plus élevé aux fins de décision et qu’il permettrait de normaliser la façon dont les cas sont documentés. Or, en date du 31 août 2022, AMC n’avait toujours pas commencé à utiliser ledit formulaire.

Actuellement, le chef de mission (CDM) produit la première évaluation en déterminant si le risque que la personne subisse de mauvais traitements peut être atténué au point d’atteindre un niveau inférieur au seuil du risque dit « sérieux ». Ce n’est que dans les situations où il constate une source de préoccupation concernant l’adéquation des mesures d’atténuation ou des évaluations que le CDM demande conseil en envoyant un courriel à la boîte générique de la Direction des politiques et des programmes liés au renseignement (INPL).

L’INPL peut prêter main-forte à la mission en réalisant une évaluation des risques. À cette étape, si l’on établit qu’il existe un risque sérieux de mauvais traitements qui ne peut pas être atténué et s’il est prévu que la mission ait tout de même lieu, le directeur général de la région concernée peut demander que le Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (CCEMT) se réunisse. Ainsi, le CCEMT fait part de sa décision au CDM. En outre, AMC a indiqué que le rôle du CCEMT :

[Traduction] « […] est de recommander des stratégies d’atténuation des risques, de solliciter de plus en plus des discussions de haut niveau et l’approbation des décisions au besoin, y compris par le sous-ministre des Affaires étrangères, et de documenter la façon dont chaque cas est géré. Le Comité est convoqué ponctuellement pour examiner de possibles cas de divulgation de demande ou d’utilisation de renseignements qui appellent l’application des instructions établies par décret. Des structures semblables à celle du Comité sont en place dans d’autres ministères et organismes assujettis au décret. »

En 2020 et 2021, AMC a amorcé un examen visant le Secrétariat du CCEMT, anciennement connu sous le nom de Comité de conformité à la directive ministérielle (CCDM). AMC a indiqué que des recommandations théoriques avaient été formulées de sorte à améliorer les méthodes de travail du comité et à mettre à jour le texte du mandat, tout en expliquant que le caractère opportun des décisions du comité, la prise en compte des questions liées au devoir de diligence et la production de rapports terminaux sur les résultats des décisions du comité faisaient l’objet d’un examen. Il est attendu que l’examen visant le Secrétariat du CCEMT sera achevé en 2022 et que le mandat sera mis à jour un peu plus tard.

Dans les six cas soumis pendant la période d’examen, l’OSSNR a remarqué que la décision finale visant à établir s’il convenait de communiquer l’information aux autorités locales reposait sur le CDM. Un exemple probant de ce type d’occurrence est le cas HANOI, où la mission a été avisée :

[Traduction] « […] de noter qu’en pareille situation, le pouvoir décisionnel est exercé en dernière instance par la mission/le responsable géographique. Le rôle de l’INPL – en tant que principal point de contact pour ce qui concerne la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères – se résume à donner des conseils sur les considérations pertinentes et non à donner des autorisations. »

D’après la correspondance entre l’INPL et l’équipe de mission en poste à Hanoï, il semble y avoir un besoin d’apporter des précisions concernant les rôles décisionnels pour ce qui concerne la Loi. De fait, l’INPL a indiqué à l’équipe de mission que [Traduction] « en effet, il incombe à la mission de déterminer s’il y a un risque sérieux de mauvais traitements ou non. »

La centralisation de la responsabilité entre les mains du CDM plutôt que de l’Administration centrale constitue un changement important sur le plan de la mise en œuvre depuis l’examen approfondi visant AMC, que l’OSSNR a réalisé en 2019. En effet, à l’occasion des examens précédents, on a noté que les cas pouvant poser un risque sérieux de mauvais traitements devaient être renvoyés au CCDM (par l’intermédiaire de l’INPL). En dernière analyse, c’est le comité qui devait établir si les mesures d’atténuation proposées étaient suffisantes et si la communication d’information devrait avoir lieu. Cette modification des modalités de mise en œuvre met en péril l’indépendance du processus par rapport à ceux qui, pour des motifs opérationnels, pourraient tirer parti des résultats de l’échange d’information.

Recommendation No 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que la responsabilité en matière de conformité à la Loi visant à éviter la complicité incombe clairement au Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements.

Cadres d'échange de l'information

Conclusion No 12 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas démontré que tous ses secteurs d’activités étaient intégrés à son cadre assujetti à la Loi visant à éviter la complicité.

AMC ne dispose d’aucune entente pour les échanges d’information avec des entités étrangères dans le contexte de la Loi. Or, lorsqu’on a demandé de quelle façon AMC surveillait ses échanges d’information, on a obtenu la réponse suivante :

[Traduction] « Un certain nombre de divisions d’AMC reçoivent de l’information qui pourrait avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements. Or, comme elles exercent des mandats différents, les divisions reçoivent divers types d’information et doivent donc appliquer des processus/des cadres distincts pour tenter de reconnaître les informations qui pourraient avoir été obtenues à la suite de mauvais traitements. Par conséquent, AMC n’est pas en mesure d’appliquer un seul et même ensemble de processus à toutes les divisions qui cherchent d’emblée à reconnaître et à étiqueter l’information entrante qui pourrait avoir été le résultat de mauvais traitements. »

Or, AMC n’a réalisé aucun exercice interne de description des processus qui eût permis d’établir quels secteurs d’activités sont assujettis à la Loi. Compte tenu du faible nombre de cas pour la présente année, mais aussi de la taille d’AMC et puisque la formation sur la Loi n’est pas obligatoire pour les membres du personnel, l’OSSNR soulève quelques réserves quant au fait que tous les secteurs d’AMC impliqués dans les échanges d’information n’ont pas été adéquatement informés de leurs obligations en vertu de la Loi.

Lorsqu’on a demandé de plus amples précisions concernant la nature des échanges d’information assujettis à la Loi, AMC a répondu ce qui suit :

[Traduction] « Les échanges d’information ont lieu sans entente formelle avec les entités étrangères, et la majeure partie de l’information échangée n’a rien à voir avec des personnes. Chaque situation où de l’information est échangée est unique et se déroule en fonction des relations et des pays concernés. »

Chacun des échanges d’information est traité au cas par cas et est renvoyé au niveau hiérarchique compétent selon les circonstances de l’échange en question.

Il importe de noter que lorsqu’une évaluation établit qu’il n’y a PAS de risque sérieux de mauvais traitement, mais que l’échange d’information implique directement ou indirectement des renseignements permettant d’identifier une personne ET que l’entité ou le pays étranger ne sont pas des partenaires de confiance sur le plan des droits de la personne, les employés d’AMC doivent tout de même enregistrer, dans un formulaire d’évaluation des risques, les justificatifs sur lesquels on se base pour conclure qu’il n’y a PAS de risque sérieux de mauvais traitement. Il convient alors de monter un dossier bien étoffé.

Conclusion No 13 : L’OSSNR constate qu’AMC n’a pas rendu la formation sur la Loi visant à éviter la complicité obligatoire pour le personnel des secteurs d’activité concernés. De ce fait, les membres du personnel pourraient prendre part à des échanges d’information sans avoir reçu la formation requise et sans connaître adéquatement les dispositions auxquelles les échanges sont assujettis au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

Lorsqu’il s’agit d’établir s’il y a des risques de mauvais traitement, les employés d’AMC tirent parti des rapports sur les droits de la personne ainsi que de tout renseignement pertinent ayant trait au pays ou à l’entité associée à l’information à échanger. Le profil de risque de la personne dont les renseignements font partie d’un échange est également pris en compte lorsqu’il est question de déterminer si un risque de mauvais traitements existe. En l’occurrence, il s’agit de recourir à un ensemble d’information visant à alimenter les évaluations et les décisions, plutôt que de ne miser que sur un seul outil.

La formation n’est obligatoire que pour les employés travaillant dans des missions ou des fonctions à risque élevé, alors qu’elle est simplement proposée au reste du personnel des missions et de l’Administration centrale. AMC s’est engagé à créer, dans Internet, une page consacrée à la Loi et à diffuser des communications de sensibilisation. Or, les employés sont encouragés à consulter ces ressources, mais n’y sont pas tenus.

AMC s’est doté de formations et d’un programme de sensibilisation visant à tenir le personnel des missions à l’étranger et de l’Administration centrale au courant de leurs obligations au titre de la Loi. En outre, les éléments essentiels de cette Loi sont intégrés au programme d’AMC en matière de sensibilisation à la Gouvernance, l’accréditation, la sécurité technique et l’espionnage (GASE), aux cadres juridique et stratégique sur l’échange d’information, et à un module de formation préalable à l’affectation des chefs de mission134. Ces formations font état des rôles et des responsabilités des fonctionnaires relativement aux obligations découlant de la Loi et des décrets connexes. De plus, elles proposent une définition de la notion de « risque sérieux » et fournissent les coordonnées des personnes-ressources à l’Administration centrale. Il importe de noter que le programme de sensibilisation GASE et les segments de formation portant sur la Loi ne sont pas considérés comme des formations fondamentales, mais plutôt comme des outils de mobilisation ayant pour objet d’amener le personnel canadien à l’étranger à prendre connaissance de la situation pour ce qui a trait à la sécurité de l’information et aux sujets relatifs au renseignement. Pour sa part, la formation fournie par le ministère de la Justice constitue la formation de base destinée au personnel.

Lorsqu’on a posé des questions concernant la formation pour la Direction générale des opérations consulaires, AMC a semblé n’en avoir qu’une connaissance superficielle et a indiqué avoir appris, d’après le Rapport annuel de 2021 (sur l’application des Instructions contenues dans le décret : Instructions visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères), que les instructions relatives à la Loi étaient abordées dans la séance de formation offerte par la Direction générale des opérations consulaires.

Les employés visés par la formation à l’Administration centrale sont les agents de sécurité de la mission, les agents de gestion consulaire, les gestionnaires du programme de préparation, les agents du Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale et les chefs de mission, sans oublier tous les membres de la Direction générale du renseignement. Pour ce qui touche les missions, la formation est fournie à tout le personnel canadien à l’étranger, y compris aux employés d’autres ministères affectés aux missions. Ce n’est que tout récemment qu’AMC a commencé à faire le suivi du nombre d’employés qui ont reçu la formation sur la Loi. En l’occurrence, on estime à au moins 300 le nombre des employés d’AMC qui ont suivi cette formation depuis 2020.

Lorsqu’on l’a interrogé au sujet des chiffres relatifs aux formations fournies, AMC a avancé qu’il n’y avait qu’un faible pourcentage des agents d’AMC à l’étranger qui pourrait devoir composer avec des décisions ayant trait à la Loi. Comme la formation n’est obligatoire que pour une partie de l’effectif, l’OSSNR craint, compte tenu du nombre des échanges d’information et de la multiplicité des secteurs d’activités concernés, qu’il y ait un risque que lesdits échanges d’information soient traités ou erronément initiés par des personnes qui ne disposent pas des connaissances requises.

Il arrive qu’AMC traite avec des entités étrangères aux antécédents douteux en matière de respect des droits de la personne, et ce, dans des contextes d’instabilité. C’est pourquoi l’OSSNR se dit extrêmement préoccupé par le fait qu’AMC n’a toujours pas été en mesure de montrer qu’il avait mis en œuvre les termes du cadre lié à la Loi dans l’ensemble de ses secteurs d’activités.

Recommandation No 6 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise en interne un exercice formel de schématisation des processus d’autres secteurs d’activité potentiellement concernés, de sorte à s’assurer que les obligations qui lui incombent en vertu de la Loi visant à éviter la complicité soient respectées.

Recommendation No 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC rende obligatoire la formation sur la Loi visant à éviter la complicité, et ce, pour tout le personnel permutant.

Rapport sur les droits de la personne

Conclusion No 14 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas tenu régulièrement à jour ses rapports sur les droits de la personne. Certes, bon nombre de ces rapports ont été mis à jour pendant l’année d’examen 2021, mais plus de la moitié n’a pas été mise à jour depuis 2019. Cette situation pose de sérieux problèmes dans la mesure où les ministères et les organismes s’appuient en grande partie sur ces rapports lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

AMC élabore des rapports classifiés en matière de droits de la personne, qui sont mis à la disposition d’un certain nombre de partenaires internes du gouvernement du Canada. Chacun d’entre eux vise à faire un état de la situation en matière de droits de la personne pour un pays donné. En outre, ces rapports alimentent les processus décisionnels en matière d’engagement et de programmation orientés vers l’international, ce qui touche les politiques étrangères, le développement, le commerce, la sécurité et les activités consulaires. Les rapports à jour en matière de droits de la personne (après 2019) comportent une section particulière qui traite de la Loi et des décrets connexes, mais qui fait également état des circonstances entourant les mauvais traitements dans le pays en question.

L’entrée en vigueur de la Loi et l’émission des décrets connexes ont fait en sorte qu’un nombre important de ministères se sont trouvés assujettis à des instructions visant à éviter les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. Or, plusieurs de ces ministères ne disposaient d’aucun cadre d’application ni d’aucune évaluation de pays permettant de respecter ces obligations. En outre, cette situation a fait augmenter le nombre des demandes pour des rapports d’AMC sur les droits de la personne.

Avant que la Loi reçoive la sanction royale, AMC fournissait des rapports sur les droits de la personne aux ministères qui étaient visés par les Instructions du ministre émises en 2017. AMC collabore également avec des partenaires dans le but d’intégrer aux rapports les rétroactions sur les droits de la personne. De plus, AMC prend en compte les commentaires sur les pays d’intérêt en vue des prochains cycles de production de rapports. Il importe également de noter qu’AMC ne tient aucune statistique sur la nature des rapports ou sur la fréquence à laquelle ceux-ci ont été demandés ou consultés par les partenaires internes.

L’OSSNR reconnaît qu’en 2021, AMC venait de mettre en place une liste de priorités quant à la mise à jour des rapports sur les droits de la personne, et que pendant la période d’examen, d’importants progrès avaient ensuite été réalisés sur ce plan, comme en témoigne la mise à jour de 25 % des profils de pays. En l’occurrence, les profils de plusieurs pays à risque élevé ont été mis à jour de sorte à tenir compte des plus récents événements. Par contre, bon nombre de rapports demeurent périmés puisqu’environ 60 % des 133 rapports sur les droits de la personne n’ont pas été mis à jour depuis 2019. Par exemple, les rapports sur le Pakistan, la Somalie, l’Ukraine et le Yémen n’ont pas été actualisés depuis 2019, alors que ceux portant sur l’Afrique du Sud et le Bélarusse n’ont pas été retouchés depuis 2015.

La mise à jour régulière des rapports permettra de veiller à ce que les décisions prises au titre de la Loi se fondent sur une information essentielle et fiable pour ce qui a trait aux droits de la personne. Cette mise à jour est d’autant plus capitale dans la mesure où les autres ministères tirent parti des rapports d’AMC en matière de droits de la personne lorsqu’il leur incombe de réaliser leurs évaluations des risques. L’OSSNR note que le Groupe de coordination d’échange de renseignements dirigé par Sécurité publique Canada continue de travailler sur la priorisation et sur les questions liées aux échanges de rapports sur les droits de la personne entre les ministères146. Il convient de rappeler que les rapports d’AMC sur les droits de la personne sont considérés comme des compléments à ce que les ministères collectent déjà aux fins de leurs propres évaluations. Par conséquent, AMC ne fournit aucun jugement évaluatif sur les risques dans ses rapports sur les droits de la personne. De fait, AMC n’indique pas si un pays ou une entité pose un risque élevé ou faible, ce qui laisse les ministères libres de réaliser leurs propres évaluations fondées sur l’information qu’ils ont collectée dans l’exercice de leurs mandats respectifs.

L’OSSNR a appris que la liste des priorités par pays d’AMC avait été élaborée en collaboration avec des ministères et organismes partenaires ainsi qu’avec certaines divisions d’AMC. Cette liste s’appuie sur une évaluation des besoins opérationnels des ministères et organismes fédéraux du Canada. L’OSSNR est au fait des effets de la pandémie sur les opérations, particulièrement sur les missions à l’étranger, mais encourage tout de même AMC à maintenir le cap et à continuer de travailler avec les autres ministères et organismes de sorte que les rapports sur les droits de la personne soient mis à jour aussi fréquemment que possible.

Élaboration des rapports sur les droits de la personne

AMC produit des rapports sur les droits de la personne en collaboration avec ses missions. Coordonnés par le Bureau des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion d’AMC, les rapports sont utilisés pour alimenter les évaluations des risques, mais aussi pour faciliter l’orientation des décisions en matière de politique et de programmation.

Les missions sont responsables de tenir à jour leurs rapports sur les droits de la personne et, s’il y a lieu, sont liées par les accords sur la mesure du rendement des missions. Le personnel des missions collabore avec les directions générales géographiques pour ce qui est de la préparation des rapports. Bien que l’Administration centrale soit responsable de l’attribution et de la coordination des tâches liées à la production des rapports, c’est le chef de mission qui est appelé à approuver lesdits rapports. Ceux-ci comprennent de l’information contextuelle et générale sur les droits de la personne dans le pays en question ainsi qu’une analyse des événements importants qui ont touché la question des droits de la personne et qui ont eu lieu pendant la période d’examen150. En règle générale, les rapports rassemblent de l’information provenant de sources diverses, notamment, des rapports de source ouverte, des consultations auprès d’organismes de défense des droits de la personne et de partenaires de la société civile, et des prises de contact avec les autorités et les intervenants gouvernementaux.

Recommendation No 8 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que les rapports sur les droits de la personne soient régulièrement mis à jour pour chaque pays, ce qui permettra auxdits rapports de rendre fidèlement compte de l’évolution des enjeux en matière de droits de la personne.

Garanties

Conclusion No 15 : L’OSSNR estime qu’AMC n’utilise pas une approche normalisée et centralisée pour le suivi des documents relatifs aux garanties.

AMC a indiqué qu’aucune approche normalisée n’avait été mise en place pour évaluer la fiabilité ou pour assurer la documentation des garanties reçues de la part d’entités étrangères. Les évaluations des risques sont réalisées au cas par cas. Au moment d’être interrogé au sujet de la gestion des garanties, AMC a déclaré qu’il n’y avait aucune disposition législative ni aucun règlement devant s’appliquer aux garanties diplomatiques, mais que les responsables affectés à chacun des cas prenaient en compte la crédibilité et les antécédents des entités étrangères, l’expérience des partenaires partageant le même point de vue ainsi que la faisabilité des mesures de surveillance des garanties et des mises en garde qu’il convient de communiquer à l’occasion des échanges. Or, c’est à la mission qu’il incombe d’assurer un suivi et une surveillance qui permettent de savoir si les garanties et les mises en garde sont respectées.

Dans le cas ATHENS fourni par AMC, l’OSSNR a remarqué que l’on s’était coordonné pour veiller à ce que les garanties et les mises en garde soient en place avant que l’information soit communiquée aux autorités locales. Selon l’OSSNR, la mission était au fait de ses obligations au titre de la Loi et des instructions connexes, et a tenté de garantir le mieux-être de la personne détenue par les autorités. [**expurgé**] les membres de la mission ont eu recours à des mesures correctives visant à faire en sorte que ladite personne ne risque pas de subir de mauvais traitements.

Dans le cas ATHENS, [**expurgé**] Or, l’OSSNR a remarqué qu’aucun mécanisme formel de suivi ou de documentation n’avait été mis en place pour faire le suivi des mises en garde et des garanties. Cette situation effective pose problème dans la mesure où le personnel de la mission est permutant, ce qui l’empêche souvent de savoir si les mises en garde et les garanties sont fondées sur des occurrences d’échange qui auraient eu lieu antérieurement

Recommendation No 9 : L’OSSNR recommande qu’AMC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et de documenter toute occurrence de non-conformité, et ce, dans le but d’appuyer les évaluations de risques devant être réalisées ultérieurement.

Appendices I: Conclusions et recommendations

Conclusion No 1 : L’OSSNR constate que l’Agence des services frontaliers et Sécurité publique Canada n’ont pas encore mis en œuvre un cadre complet d’application de la Loi visant à éviter la complicité et que les politiques et procédures connexes sont encore en cours d’élaboration.

Conclusions No 2 : L’OSSNR constate que, tous ministères confondus, aucun cas régi par la Loi visant à éviter la complicité n’a été renvoyé à l’administrateur général entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021.

Conclusion No 3 : L’OSSNR estime que la GRC a mis en place un cadre solide permettant de trier adéquatement les cas auxquels s’appliquent les dispositions de la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 4 : L’OSSNR constate que les évaluations de risques réalisées par le CCRIE de la GRC comprennent des objectifs qui sont en sus des exigences énoncées dans les décrets en conseil, notamment, l’évaluation du risque de ne pas échanger de l’information.

Conclusion No 5 : L’OSSNR constate que le recours, par la GRC, à une procédure d’évaluation des risques en deux parties – l’une portant sur le profil de pays et l’autre sur la personne, de sorte à déterminer s’il y a un risque sérieux et à comprendre les circonstances particulières entourant la personne dont il est question dans l’évaluation des risques – constitue une pratique exemplaire.

Conclusion No 6 : L’OSSNR constate que la GRC ne dispose d’aucun système centralisé permettant de documenter les garanties et qu’elle ne surveille pas régulièrement ni ne met à jour les évaluations de la fiabilité desdites garanties

Conclusion No 7 : L’OSSNR estime que la GRC n’effectue pas une mise à jour régulière ni ne planifie la mise à jour de ses évaluations de pays et d’entités. Dans nombre de cas, ces évaluations ont plus de quatre ans et misent, dans une large mesure, sur des agrégats de renseignements provenant de sources ouvertes.

Conclusion No 8 : L’OSSNR constate que l’information collectée par l’agent de liaison en cours d’opération n’est pas consignée dans un registre central. Ainsi, cette information ne peut pas être utilisée dans le cadre d’évaluations ultérieures.

Conclusion No 9 : L’OSSNR constate que les membres du CCRIE avaient conclu que l’échange d’information engendrerait un risque sérieux de mauvais traitements qui ne pourrait pas être atténué. Or, le commissaire adjoint a établi que le risque pouvait bel et bien être atténué. Ces positions divergentes ont donc donné lieu à un désaccord entre les responsables ou à ce qu’il convient de considérer comme une situation où « les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque ».

Conclusion No 10 : L’OSSNR estime que les arguments sur lesquels s’appuie la décision du commissaire adjoint de rejeter le conseil du CCRIE ne tenaient pas suffisamment compte des dispositions stipulées dans les décrets en conseil. L’OSSNR estime surtout que dans son évaluation des risques de mauvais traitements de la personne concernée, le commissaire adjoint avait erronément mis l’accent sur l’importance de la relation stratégique qu’il conviendrait de maintenir avec l’entité étrangère.

Conclusion No 11 : L’OSSNR estime qu’AMC en est arrivé au point où il dépend largement du personnel opérationnel et des chefs de mission lorsqu’il s’agit de prendre des décisions et de s’acquitter de ses responsabilités au titre de la Loi visant à éviter la complicité

Conclusion No 12 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas démontré que tous ses secteurs d’activités étaient intégrés à son cadre assujetti à la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 13 : L’OSSNR constate qu’AMC n’a pas rendu la formation sur la Loi visant à éviter la complicité obligatoire pour le personnel des secteurs d’activité concernés. De ce fait, les membres du personnel pourraient prendre part à des échanges d’information sans avoir reçu la formation requise et sans connaître adéquatement les dispositions auxquelles les échanges sont assujettis au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 14 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas tenu régulièrement à jour ses rapports sur les droits de la personne. Certes, bon nombre de ces rapports ont été mis à jour pendant l’année d’examen 2021, mais plus de la moitié n’a pas été mise à jour depuis 2019. Cette situation pose de sérieux problèmes dans la mesure où les ministères et les organismes s’appuient en grande partie sur ces rapports lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 15 : L’OSSNR estime qu’AMC n’utilise pas une approche normalisée et centralisée pour le suivi des documents relatifs aux garanties.

Recommendation no 1 : L’OSSNR recommande que la GRC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et, dans la mesure du possible, de vérifier et indiquer si lesdites mises en garde et garanties ont été respectées.

Recommendation No 2 : L’OSSNR recommande que dans les cas où le commissaire adjoint de la GRC est en désaccord avec une recommandation du CCRIE selon laquelle une information ne devrait pas être échangée, le dossier soit automatiquement renvoyé au commissaire.

Recommendation No 3 : L’OSSNR recommande que l’évaluation du risque sérieux ne porte que sur les termes énoncés dans le décret en conseil – à savoir sur le risque sérieux de mauvais traitements et sur la possibilité d’atténuer ledit risque – et que les objectifs externes, notamment, la promotion des relations stratégiques n’aient aucune incidence sur les décisions à rendre.

Recommendation No 4 : L’OSSNR estime que les recommandations du CCRIE devraient être renvoyées à un commissaire adjoint qui n’est pas le responsable de la sous-direction dont le cas est issu.

Recommendation No 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que la responsabilité en matière de conformité à la Loi visant à éviter la complicité incombe clairement au Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements.

Recommandation No 6 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise en interne un exercice formel de schématisation des processus d’autres secteurs d’activité potentiellement concernés, de sorte à s’assurer que les obligations qui lui incombent en vertu de la Loi visant à éviter la complicité soient respectées.

Recommendation No 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC rende obligatoire la formation sur la Loi visant à éviter la complicité, et ce, pour tout le personnel permutant.

Recommendation No 8 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que les rapports sur les droits de la personne soient régulièrement mis à jour pour chaque pays, ce qui permettra auxdits rapports de rendre fidèlement compte de l’évolution des enjeux en matière de droits de la personne.

Recommendation No 9 : L’OSSNR recommande qu’AMC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et de documenter toute occurrence de non-conformité, et ce, dans le but d’appuyer les évaluations de risques devant être réalisées ultérieurement.

Appendice II : Cadre et contexte de a Loi visant à éviter la complicité

Il importe de savoir à quel point les cadres juridiques ont évolué au cours des dix dernières années. Pour ce qui touche le droit international, l’État du Canada est partie à un certain nombre d’instruments internationaux, notamment, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT). En général, les interdictions relatives aux mauvais traitements sont désormais considérées comme faisant partie du droit international coutumier. D’ailleurs, ces engagements internationaux ont été intégrés au droit interne canadien, entre autres, l’interdiction eu égard à la torture, qui est clairement définie et codifiée dans le Code criminel, à l’article 269.1.

En 2010, le gouvernement du Canada a mis en place un cadre général visant à « [a]tténuer le risque de mauvais traitements lorsque de l’information est échangée avec des entités étrangères ». Il s’agissait là des premières instructions transmises par le gouvernement à plusieurs ministères et organismes relativement aux questions ayant trait aux échanges d’information et aux mauvais traitements.

Après l’établissement des cadres, deux Instructions du ministre ont été émises dans le menu détail aux ministères et organismes en 2011 et en 2017. L’IM de 2017 a été remise à sept ministères et organismes, et comportait des interdictions eu égard aux échanges d’information pouvant donner lieu à des risques sérieux de mauvais traitements qui ne peuvent pas être atténués. Les IM contenaient également des paramètres clairement définis concernant l’utilisation de l’information qui aurait pu être obtenue à la suite de mauvais traitements. Ainsi, la portée des IM s’en trouvait élargie dans la mesure où ces IM ne portaient plus exclusivement sur les enjeux de sécurité nationale, puisqu’elles abordaient désormais la question des échanges d’information avec les entités étrangères.

Le 12 juillet 2019, la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères est entrée en vigueur. Cette Loi codifie et consacre l’engagement du Canada à respecter les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les lois internationales interdisant la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’objectif premier de l’intégration de ces principes par voie législative plutôt que par l’intermédiaire d’instructions du ministre, comme c’était le cas, était de veiller à ce que l’engagement du Canada envers ces principes soit permanent plutôt que de fluctuer au gré des ministres ou des gouvernements au pouvoir. La Loi fournit un fondement législatif permettant au gouverneur en conseil (GEC) d’émettre des Instructions par l’intermédiaire des décrets en conseil. En outre, la Loi impose au GEC l’obligation d’émettre des décrets à au moins sept des ministères concernés. En septembre 2019, 12 décrets ont été transmis aux ministères et organismes appelés à échanger de l’information avec des entités étrangères.

Les décrets en conseil interdisent la communication d’information aux entités étrangères dès lors que cette communication pourrait donner lieu au risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements. Ces décrets interdisent également de demander à des organismes étrangers de l’information dès lors que ces demandes pourraient donner lieu au risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements. De plus, les décrets émis imposent certains paramètres à l’utilisation de l’information possiblement obtenue à la suite du mauvais traitement d’une personne, entre autres, en interdisant son utilisation là où il y aurait un risque sérieux de nouveaux mauvais traitements – notamment en tant qu’élément de preuve dans des procédures judiciaires, administratives ou autres – là où il y aurait un risque de porter atteinte aux droits et libertés de ladite personne (à moins que l’administrateur général ait décrété que cette utilisation serait nécessaire pour empêcher des pertes de vies ou des blessures corporelles importantes).

Instructions du ministre (2011)

  • Transmises au SCRS, au CST, à l’ASFC et à la GRC.
  • Le MDN a préparé en interne des instructions semblables, mais n’a pas reçu d’instructions de la part du ministre (directives fonctionnelles).
  • Les principales critiques déploraient que les ministères n’eussent pas le loisir de mesurer la valeur de l’information par rapport au risque de mauvais traitements.

Instructions du ministre (2017)

  • Ajout d’AMC et du MDN (au groupe formé par le SCRS, le CST, la GRC et l’ASFC).
  • Un certain nombre de changements ont été apportées, notamment, l’interdiction de communiquer ou de demander de l’information, ainsi que les nouvelles limites s’appliquant à l’utilisation de l’information (obtenue à la suite de mauvais traitements).
  • Exigences voulant que les ministères établissent et conservent des politiques et procédures permettant d’évaluer les risques.
  • Exigences en matière de coopération interinstitutions.

Décrets promulgés au titre de la Loi de 2019 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères

  • Transmis à douze ministères et organismes, dont six n’avaient jamais reçu d’instructions formelles concernant les échanges d’information avec des entités étrangères (SP, CANAFE, TC, IRCC, ARC et MPO).
  • Codification de bon nombre des dispositions des IM de 2017.

Comme il en avait été question dans l’introduction, le cadre juridique qui gouverne les échanges d’information avec des entités étrangères s’applique à l’information ayant trait à tous les particuliers, qu’ils soient en détention ou non. Actuellement, on remarque qu’il n’y a aucune politique qui s’applique à l’ensemble du gouvernement dans le contexte de la Loi. Toutefois, les décrets qui ont été promulgués formulent des orientations quant au seuil à respecter pour les échanges d’information et aux niveaux hiérarchiques appelés à donner leur approbation lorsque l’incertitude plane sur les mesures d’atténuation et, le cas échéant, sur leur aptitude à suffisamment réduire le risque sérieux de mauvais traitement. En 2018, Sécurité publique Canada a mis sur pied un Groupe de coordination d’échange de renseignements dont l’objectif est de favoriser la diffusion des pratiques exemplaires entre les ministères et organismes.

Chaque ministère élabore son propre cadre interne et ses propres politiques pour la mise en application de la Loi. Certains ministères qui ont reçu précédemment des IM visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par les entités étrangères ont tiré parti de circonstances propices à la création de processus, de procédures et de politiques internes permettant de reconnaître les pratiques d’échange d’information qui pourraient poser un risque sérieux de mauvais traitements. Ces ministères ont développé non seulement des approches structurées visant à enregistrer les garanties (verbales ou écrite) reçues de la part des entités étrangères concernées, mais aussi des mesures d’atténuation qu’il conviendrait d’appliquer de sorte qu’une menace soit ramenée sous le seuil du risque sérieux de mauvais traitements.

Appendice III : Recommandations précédentes

Conclusions et recommandations des années précédentes
Rapport pour l'année 2018 Rapport pour l'année 2019 Rapport pour l'année 2020
Conclusion No 1 : Avantages des examens internes des processus d’échange d’information. L’OSSNR a constaté que les examens internes périodiques des politiques et des processus en matière d’échange d’information aident à en assurer le bon fonctionnement à long terme. Conclusion No 1 : L’OSSNR a constaté que plusieurs ministères qui n’étaient pas au fait auparavant des visées de la Loi ont décrit les progrès considérables qu’ils ont faits, pendant la période d’examen et après celle-ci, en vue d’élaborer des cadres officiels pour soutenir sa mise en œuvre. Conclusion no 1 : L’OSSNR constate qu’au cours de la période visée par l’examen, l’ASFC et SP n’ont pas achevé leurs cadres de politique respectifs, contrairement aux instructions reçues au titre de la Loi
Recommandation no 1 : Les ministères devraient effectuer des examens internes périodiques de leurs politiques et de leurs processus en matière d’échange d’information avec des organismes étrangers afin de repérer les lacunes et les éléments qui ont besoin d’être améliorés. Constatation no 2 : L’OSSNR a constaté que les ministères qui effectuent peu d’échanges de renseignements avec des entités étrangères n’ont pas encore pleinement reconnu l’importance de mettre en place un cadre d’échange d’information officiel. Conclusion no 2 : L’OSSNR constate qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, aucun dossier visé par la Loi n’a été renvoyé aux administrateurs généraux des ministères.
Conclusion No 2 : L’indépendance du processus décisionnel varie d’un ministère à un autre. L’OSSNR a examiné la distance qui est mise entre les employés opérationnels qui pourraient porter un intérêt particulier à l’échange et la responsabilité de la prise de décisions à risque élevé. Dans certains ministères, les décideurs ont un intérêt opérationnel direct dans l’échange d’information, ce qui crée un risque de conflit entre les impératifs opérationnels et les obligations du ministère conformément à la DM. Plus particulièrement, l’OSSNR a noté que :
  • le CST et la GRC ont les processus les plus indépendants;
  • le processus d’échange d’information mis en place par AMC jusqu’ici enlève aux employés de première ligne la responsabilité de la prise de décisions à risque élevé;
  • au SCRS ainsi qu’au MDN et aux FAC, les décideurs ont habituellement un intérêt opérationnel direct dans l’échange d’information;
  • l’ASFC n’a pas encore opérationnalisé ses processus d’échange d’information.
Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que tous les ministères qui reçoivent des instructions en vertu de la Loi disposent d’un cadre officiel garantissant qu’ils peuvent pleinement soutenir la mise en œuvre de ces dernières. Conclusion No 3 : L’OSSNR constate que même si les ministères se fondent sur des sources d’information et des méthodes similaires pour déterminer si un dossier concernant le même pays suscitant des préoccupations doit être acheminé à un échelon supérieur, il existe d’importantes différences dans l’évaluation du risque et le niveau d’approbation requis qui en découlent.
Recommandation No 2 : Les ministères devraient faire en sorte que, dans les cas où le risque de mauvais traitements se rapproche du niveau « sérieux », les décisions soient prises indépendamment des employés des secteurs opérationnels ayant un intérêt particulier dans le résultat. Conclusion No 3 : L’OSSNR a constaté que la variabilité des cadres ministériels et les différences observées entre ces derniers témoignent du manque de coordination jusqu’à présent entre tous les ministères concernés et démontrent la nécessité de définir les pratiques exemplaires. Conclusion No 4 : L’OSSNR relève une lacune importante sur le plan des procédures, notamment, lors de l’analyse d’une demande de divulgation de renseignements. En l’occurrence, aucun renseignement n’a finalement été divulgué, mais il s’avère que le risque de mauvais traitements était sérieux et que le cas aurait dû être renvoyé au sous-ministre compétent, en l’occurrence, le sous-ministre des Affaires étrangères.
Conclusion No 3 : Les évaluations des risques associés aux échanges d’information ne sont pas uniformisées. En vertu de la DM de 2017, AMC, le SCRS, le CST et la GRC ont tous leur propre série de profils de pays étrangers ou d’entités étrangères, tandis que le MDN et les FAC sont en train d’établir les leurs. L’existence de multiples évaluations différentes constitue un dédoublement inutile. Elle pourrait également introduire des incohérences, les ministères arrivant parfois à des conclusions très différentes sur les bilans des pays étrangers et des entités étrangères en matière de droits de la personne ainsi que sur les risques associés à l’échange d’information. Recommandation No 2 : L’OSSNR recommande que les ministères coordonnent leurs activités afin de déterminer les pratiques exemplaires liées à toutes les composantes essentielles des cadres d’échange d’information et que le GCER soit mobilisé pour s’assurer que ces pratiques sont communiquées, dans la mesure du possible, à l’ensemble des ministères concernés de manière à soutenir la mise en œuvre de la Loi.
Recommandation No 3 : Les ministères devraient :
  • se doter d’un ensemble unifié d’évaluations de la situation des droits de la personne dans les pays étrangers, notamment d’un niveau uniforme de classification du risque de mauvais traitements pour chaque pays;
  • des évaluations normalisées des risques de mauvais traitements liés à l’échange de renseignements avec des entités étrangères, dans la mesure où plusieurs ministères traitent avec les mêmes entités au sein d’un pays donné. Examen 2019-06 de l’OSSNR.
Constatation No 4 : L’OSSNR a constaté un manque d’uniformité entre les ministères en ce qui a trait à l’application des cadres d’échange d’information existants, plus particulièrement en ce qui concerne les seuils d’évaluation de l’information et le renvoi des cas au palier supérieur aux fins de décision par les cadres supérieurs.
Conclusion No 4 : Le concept de « risque sérieux » de mauvais traitements n’est pas défini. Comme la DM de 2017, la Loi et les instructions qui en découlent interdisent les échanges d’information qui entraîneraient un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés. Cependant, ni la Loi ni les instructions connexes ne comprennent une définition du terme « risque sérieux », malgré le rôle central que ce concept joue dans le régime. Le terme « risque substantiel » était défini dans les DM de 2011 et de 2017. L’absence d’une telle définition suscite des inquiétudes sur l’interprétation qui sera donnée à ce critère à l’avenir. Recommandation No 3 : L’OSSNR recommande aux ministères d’établir des seuils uniformes pour déclencher l’application de leurs cadres d’échange d’information, notamment en ce qui concerne les évaluations initiales au regard des préoccupations soulevées dans la Loi, l’acheminement des cas au palier suivant du processus décisionnel et la façon dont tout ceci est documenté.
Recommendation No 4 : La définition de « risque sérieux » devrait être codifiée dans la loi ou ans les instructions publiques. Constatation No 5 : L’OSSNR a constaté un manque d’harmonisation et de normalisation en ce qui a trait aux évaluations des pays et des entités utilisées par les ministères, ce qui entraîne un manque d’uniformité dans l’approche ou la position adoptée par tous les ministères concernés lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent des préoccupations au regard de la Loi.
Recommandation No 4 : L’OSSNR recommande aux ministères de trouver un moyen d’établir des outils harmonisés et normalisés d’évaluation des risques que présentent les pays et les entités afin de soutenir l’adoption d’une approche uniforme par les ministères lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent des préoccupations au regard de la Loi.

Annexe A : Cadres ministériels

Gendarmerie royale du Canada

Après avoir reçu les IM de 2017, la GRC a mis sur pied un nouveau Groupe d’évaluation de l’application de la loi (GEAL). Le GEAL dispose d’un mandat détaillé qui fait état des membres du groupe ainsi que des rôles et responsabilités qui incombent à ces membres. La principale fonction du GEAL est d’évaluer les pays et les entités d’application de la loi de l’étranger sur le plan des risques de mauvais traitements. Lorsqu’il procède à une évaluation, le GEAL prend en compte un certain nombre de facteurs, notamment, les antécédents du pays en matière de protection des droits de la personne, l’implication de certaines entités étrangères dans le contexte d’atteinte aux droits de la personne, l’historique des services locaux d’application de la loi sur le plan du respect des mises en garde, ainsi qu’une évaluation, par pays, des risques encourus par les personnes eu égard aux opinions politiques, à la religion, à l’identité ethnique, à l’orientation sexuelle, etc. Ainsi, le GEAL [Traduction] « tient un rôle prépondérant quant au processus décisionnel du CCRIE, lorsqu’il s’agit d’établir s’il convient d’échanger de l’information avec des services étrangers d’application de la loi. »

À l’heure actuelle, la GRC a ventilé entre ces catégories 146 profils de pays approuvés, dont 20 sont à risque élevé, 69 à risque modéré et 57 à risque faible. Cinquante et une évaluations de pays sont toujours en suspens. Pour le moment, le GEAL a l’intention de mettre ses profils à jour tous les deux ans, bien qu’il soit conscient qu’il devra mettre certains rapports à jour plus fréquemment en fonction des exigences opérationnelles. Jusqu’ici, il a été estimé que des mises à jour périodiques étaient hautement prioritaires pour 40 pays étant donné le volume des échanges d’information effectués.Actuellement, la GRC a catégorisé 146 profils de pays qui ont été approuvés, dont 20 sont associés à un risque élevé, 69 à un risque modéré, et 57 à un risque faible. On compte toujours 51 évaluations de pays qui n’ont pas été réalisées. Le GEAL envisage de mettre à jour la majorité de ses profils tous les deux ans, alors que certains seront mis à jour plus fréquemment en fonction des exigences opérationnelles. À ce jour, on compte 40 pays dont le profil doit absolument être mis à jour périodiquement en raison du volume des échanges d’information auxquels ces pays prennent part.

Graphic of FIRAC Process

Processus

Lorsqu’il reconnaît la nécessité d’échanger de l’information avec une entité étrangère, l’agent de la GRC doit suivre une procédure déjà établie :

[Traduction] « L’agent doit d’abord consulter un certain site intranet de la GRC, lequel a été créé par le GEAL. Ce site énumère les pays et leur attribue un code de couleur. Lorsqu’un pays arbore le code de couleur « vert », l’agent peut procéder à l’échange d’information. Or, lorsqu’un pays arbore le code de couleur « rouge » – ou encore le code de couleur « jaune » et que le contexte de l’échange proposé comporte des aspects et des facteurs associés aux cas énumérés – le dossier doit être renvoyé au CCRIE ».

Lorsque l’apport du CCRIE est requis, l’agent remplit un formulaire normalisé. Ce formulaire rempli doit être approuvé par un agent compétent des Enquêtes criminelles (EC) ou par un autre agent d’approbation. Le formulaire comprend un résumé de l’information à échanger, le type d’échange (demande, communication ou utilisation), le contexte opérationnel, les risques posés par l’échange d’information, la valeur de l’information pour l’enquête, les stratégies d’atténuation possibles et, s’il y a lieu, le libellé de l’information qui sera communiquée ou utilisée.

Le Secrétariat du CCRIE crée une trousse d’information qui comprend le formulaire de l’agent, le profil de pays du GEAL ainsi que les documents à l’appui soumis par le DG. La trousse d’information est ensuite envoyée aux membres du CCRIE en prévision de la réunion.

Une réunion du CCRIE est convoquée, puis la demande y est analysée et les stratégies d’atténuation sont prises en compte. C’est au président qu’il incombe de prendre la décision finale pour ce qui concerne les recommandations du CCRIE, mais la grande majorité des dossiers sont réglés à l’unanimité. Les opinions divergentes sont enregistrées dans le compte rendu des décisions. Or, une fois que le CCRIE a enregistré ses recommandations, le compte rendu des décisions et la note d’information afférente sont acheminés au commissaire adjoint pour décision finale.

Quant aux dossiers à l’égard desquels le CCRIE n’est pas en mesure d’établir si un risque sérieux de mauvais traitements peut être atténué, le commissaire adjoint compétent remet le compte rendu des décisions au sous-commissaire, qui demandera au commissaire de rendre une décision.

Affaires mondiales Canada

Actualisation du cadre

Affaires mondiales Canada (AMC) a indiqué qu’aucune modification n’avait été apportée à son cadre pendant la période visée par le présent examen.

Annex I: Global Affairs Canada Framework

Processus

Tri

AMC ne compte pas sur un ensemble unique de processus permettant d’établir si l’information utilisée par le ministère pourrait avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements infligés à une personne par une entité étrangère. Lorsqu’il juge qu’il est probable que l’information reçue a été obtenue à la suite de mauvais infligés à une personne par une entité étrangère, mais souhaite tout de même utiliser ladite information, le responsable est tenu, conformément à ce qu’il a appris lors de sa formation, de s’enquérir auprès d’un gestionnaire des programmes de l’Administration centrale. S’il n’est pas en mesure de prendre une décision quant à établir si l’utilisation respecte les dispositions de la Loi, ce gestionnaire doit consulter le groupe des politiques ministérielles concerné ainsi que les Services juridiques.

Comités de la haute direction

Les réunions du Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (CCEMT) portent principalement sur les éléments suivants :

  • L’information que l’on envisage d’utiliser est-elle susceptible d’avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements?
  • Quelles sont les mesures proposées pour atténuer les risques? Quelle est la probabilité que ces mesures atteignent leur objectif?
  • Il conviendra de prendre en compte les justificatifs et l’ampleur de toute éventuelle implication avec l’entité ou l’État étranger, qui pourrait donner lieu à un mauvais traitements.

Le Secrétariat du CCEMT crée un compte rendu des décisions et le fait parvenir aux membres du CCEMT pour commentaires. Une fois que l’information est colligée, celle-ci est conservée par le Secrétariat pour d’éventuels rapports. Le Secrétariat du CCEMT assure un suivi auprès du responsable demandeur pour faire le point concernant le résultat de la situation et pour lui demander une dernière mise à jour dès lors que la situation est réglée.

Chacun des rapports sur les droits de la personne produits par Affaires mondiales Canada se fonde sur des données probantes pour faire un état de la situation en matière de droits de la personne dans un pays donné. Cet aperçu rapporte les événements importants qui touchent la question des droits de la personne tout en décrivant les tendances et les faits nouveaux. De plus, il comprend une section portant sur la question des mauvais traitements. Au reste, aucun score n’est attribué aux pays, et c’est aux responsables qu’il revient d’évaluer les risques à partir de l’information contenue dans les rapports.

Mesures d’atténuation

L’Unité des services juridiques ou la Direction des politiques et des programmes liés au renseignement fournissent des orientations concernant les restrictions et les interdictions s’appliquant à l’utilisation des renseignements obtenus à la suite de mauvais traitements. Ils sont également en mesure de proposer d’éventuelles mesures d’atténuation, notamment l’aseptisation des renseignements, lorsque l’un des risques suivants se concrétise : infliction de mauvais traitements à un individu; atteinte aux droits et aux libertés d’un individu; utilisation de renseignements à titre de preuves dans toute forme de procédures judiciaires, administratives ou autres.

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Review of the Departmental Implementation of the Avoiding Complicity in Mistreatment by Foreign Entities Act for 2021: Minister of Foreign Affairs Responses

Examen de 2021 portant sur la mise en oeuvre par les ministères de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères


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Date de modification :

Review of the Departmental Implementation of the Avoiding Complicity in Mistreatment by Foreign Entities Act for 2021: Report

Examen de 2021 portant sur la mise en oeuvre par les ministères de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères


Rapport

Date de publication :

Liste des acronymes

Abbreviation Expansion
2017 MD 2017 Ministerial Direction on Avoiding Mistreatment by Foreign Entities
ACA (ACMFEA, or “the Act”) Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères
ADM Assistant Deputy Minister
AMCC Avoiding Mistreatment Compliance Committee
ASFC Agence des services frontaliers du Canada
ARC Agence du revenu du Canada
CRCC Civilian Review and Complaints Commission for the RCMP
CST Centre de la sécurité des télécommunications
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
MPO Department of Fisheries and Oceans
MDN et FAC Department of National Defence / Canadian Armed Forces
EPPP Enhanced Passenger Protect Program
CANAFE Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada
FIRAC Foreign Information Risk Advisory Committee
FPNS Federal Policing National Security
AMC Affaires mondiales Canada
GATE Governance, Accreditation, Technical Security and Espionage
HOM Head of Mission (or Chargé)
HRR Human Right Report
ICCPR Pacte international relatif aux droits civils et politiques
ICE Integrated Collaborative Environment
INPL Intelligence Policy and Programs Division
IRCC Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
ISCG Information Sharing Coordination Group
LEAG Law Enforcement Assessment Group
LO Liaison Officer
MDCC Ministerial Direction Compliance Committee
NSICOP National Security and Intelligence Committee of Parliamentarians
OSSNR National Security Intelligence Review Agency
OiC Orders in Council
PPP Passenger Protect Program
SP Sécurité publique Canada
GRC Gendarmerie royale du Canada
DR Requests for Information
TBID Transports Canada
Abréviation Développement
AL Agent de liaison
AMC Affaires mondiales Canada
ARC Agence du revenu du Canada
ASFC Agence des services frontaliers du Canada
CANAFE Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada
CCDM Comité de conformité à la directive ministérielle
CCEMT Comité de conformité pour éviter les mauvais traitement
CCETP Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC
CCRIE Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger
CDM Chef de mission (ou chargé de mission)
CPSNR Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement
CST Centre de la sécurité des télécommunications
DC Décret en conseil
DI Demande d’information
ECI Environnement collaboratif intégré
GASE Gouvernance, accréditation, sécurité technique et espionnage
GCER Groupe de coordination d’échange de renseignements
GEAL Groupe d’évaluation de l’application de la loi
GRC Gendarmerie royale du Canada
IM-2017 Instructions du ministre de 2017 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères
INPL Direction des politiques et des programmes liés au renseignement
IRCC Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
Loi visant à éviter la complicité, la Loi Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères
MDN/FAC Ministère de la Défense nationale/Forces armées canadiennes
MPO Ministère des Pêches et des Océans
OSSNR Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement
PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques
PPP Programme de protection des passagers
PPP-A Programme de protection des passagers amélioré
RDP Rapport sur les droits de la personne
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
SMA Sous-ministre adjoint
SNPF Sécurité nationale et Police fédérale
SP Sécurité publique Canada
TBID Transports Canada

Sommaire

Le présent examen se concentre sur la mise en oeuvre, par les ministères, des instructions reçues par voie de décrets en conseil (DC) formulés au titre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (la Loi). Le présent rapport fait suite à la troisième évaluation annuelle de l’OSSNR portant sur la mise en oeuvre prescrite des directives émises au titre de la Loi.

Cette année, l’examen couvre l’année civile 2021 et se divise en trois sections. Dans la première section, l’examen aborde les obligations légales de tous les ministères. Ensuite, les sections deux et trois font état d’une analyse approfondie de la façon dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et Affaires mondiales Canada (AMC) ont mis en application les directives émises au titre de la Loi. Dans la mesure du possible, l’OSSNR s’est penché sur des études de cas qui permettent d’examiner la mise en application des dispositions de la Loi.

L’OSSNR note que pour une troisième année consécutive, aucun cas n’a été renvoyé au niveau de l’administrateur général de l’un ou l’autre des ministères. Il s’agit là d’une exigence énoncée dans les DC au cas où des responsables ne seraient pas en mesure d’établir si les risques sérieux peuvent être atténués. Les examens à venir se pencheront plutôt sur le traitement hiérarchisé (escalation) et le processus décisionnel au sein des ministères.

Dans le rapport intitulé Examen des cadres ministériels visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (2019-06), l’OSSNR recommandait ce qui suit : « la définition de “risque sérieux” devrait être codifiée dans la loi ou dans les instructions publiques. » Or, l’OSSNR note que certains ministères ont tenté de combler cette lacune en se fondant sur la définition du terme « risque sérieux » que l’on retrouve dans les instructions ministérielles de 2017. Compte tenu de l’examen prescrit devant porter sur la Loi de 2017 sur la sécurité nationale (projet de loi C-59) et de l’aspect central de la notion de « risque sérieux » pour le régime qui gouverne la Loi, l’OSSNR réitère sa recommandation de 2019 demandant que ladite notion soit codifiée dans la loi.

Pendant l’examen de l’an dernier, l’OSSNR a établi que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et Sécurité publique (SP) Canada n’avaient pas encore achevé leurs politiques respectives ayant trait à la Loi. Bien qu’ils aient réalisé des progrès sur ce plan, il faut admettre que l’ASFC et SP n’ont pas encore mis en oeuvre l’intégralité de leurs cadres relatifs à la Loi ni les politiques et procédures connexes.

La GRC dispose d’une cadre solide pour le tri et le traitement des cas ayant trait à la Loi. Or, la partie « analyse approfondie » du présent examen indique que la GRC ne dispose d’aucun système centralisé pour documenter les garanties et qu’elle n’effectue aucune surveillance ni aucune mise à jour régulière sur le plan de la fiabilité desdites garanties. L’OSSNR a également remarqué que la GRC ne s’était doté d’aucun mécanisme permettant, en temps opportun, de tenir à jour les profils de pays et d’entités, et que l’information collectée en cours d’opération par l’agent de liaison n’était pas consignée dans un registre central qui puisse servir de référence à l’occasion d’évaluations ultérieures.

Pendant l’analyse de l’un des dossiers du Comité consultatif sur les risques - Information de l’étranger (CCRIE) relevant de la GRC, l’OSSNR a estimé que les justificatifs invoqués par le commissaire adjoint pour décliner le conseil formulé par le CCRIE ne tenaient suffisamment compte ni des dispositions énoncées dans les décrets applicables. De fait, l’OSSNR juge que le commissaire adjoint avait erronément mis l’accent sur l’importance de la relation stratégique qu’il conviendrait de maintenir avec l’entité étrangère dans l’évaluation des risques de mauvais traitements de la personne concernée.

L’OSSNR a s’est penché sur les douze ministères en mettant l’accent sur l’examen des politiques et cadres stratégiques applicables qui ont été soumis par lesdits ministères. La GRC s’est montrée réactive aux intérêts de l’OSSNR en fournissant les documents et les séances d’information dans les temps convenus. En raison de contraintes de temps, l’OSSNR a principalement misé sur les documents papier qui lui ont été remis. AMC s’est montré disposé à fournir l’information demandée par l’OSSNR et a tout mis en oeuvre pour apporter des éclaircissements concernant les demandes. Au reste, AMC a répondu en temps voulu et a fait le nécessaire pour que le personnel et l’information demandés soient mis à la disposition de l’OSSNR.

L’OSSNR estime qu’AMC dépend largement du personnel opérationnel et des chefs de mission pour ce qui concerne la prise de décisions et la reddition de comptes au titre de la Loi. Il s’agit là d’un changement marqué par rapport aux conclusions de l’examen de 2019, selon lesquelles les décisions étaient plutôt prises par le Comité de conformité à la directive ministérielle (CCDM) à l’Administration centrale.

En outre, AMC n’a réalisé en interne aucun exercice de mise en correspondance visant à déterminer quels secteurs d’activités étaient les plus susceptibles d’être concernés par la Loi. Comme le nombre de cas est faible cette année, compte tenu de la taille d’AMC et puisque le personnel n’est pas tenu de suivre une formation sur la Loi, l’OSSNR craint que tous les secteurs prenant part aux échanges d’information au sein d’AMC ne soient pas adéquatement informés pour ce qui touche leurs obligations en vertu de la Loi.

L’OSSNR note également qu’AMC ne dispose d’aucun mécanisme de suivi ou de gestion de la documentation pour ce qui est des mises en garde et des garanties. Ce constat pose problème dans la mesure où les membres du personnel de mission occupent des postes permutants, ce qui empêche les intervenants de poser un jugement sûr, puisqu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur les mises en garde ou les garanties qui ont été déterminantes lors de précédents échanges d’information.

Au cours de l’examen, AMC s’est montré disposé à fournir l’information demandée par l’OSSNR et a tout mis en oeuvre pour apporter des éclaircissements concernant les demandes. AMC a fourni en temps raisonnable tous les documents demandés par l’OSSNR.

Le présent examen a évalué l’application concrète, par les ministères, des instructions reçues au titre de la Loi et des cadres connexes dans le but de répondre aux exigences de la Loi. À cet égard, le présent examen constitue la première analyse approfondie des répercussions de la Loi au sein de chacun des ministères.

Pouvoirs

Le présent examen a été réalisé au titre des dispositions visées au paragraphe 8(2.2) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR), lequel stipule que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) doit examiner, chaque année civile, la mise en œuvre des instructions données en vertu de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (la Loi).

Introduction

Le présent examen se concentre sur la mise en œuvre, par les ministères, des instructions reçues par voie de décrets en conseil formulés au titre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. Le but premier du présent examen est de déterminer si les ministères remplissent les obligations qui leur incombent au titre de la Loi et des instructions connexes. Au reste, l’OSSNR a pour mandat de réaliser ce type d’examen une fois l’an.

Renseignements généraux

Bon nombre de ministères et organismes du gouvernement du Canada échangent fréquemment de l’information avec des entités étrangères. Or, comme les échanges d’information avec les entités de certains pays posent le risque que de mauvais traitements soient infligés à des personnes, il incombe au gouvernement du Canada d’évaluer et, le cas échéant, d’atténuer les risques que présente ce type d’échange1. C’est le cas, en particulier, des échanges d’information ayant trait à la sécurité nationale et au renseignement où l’information en question a souvent trait à des allégations de participation à des actes terroristes ou à d’autres types d’activités criminelles.

Les Instructions du ministre de 2017 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères (IM 2017) définissent la notion de « risque sérieux » comme suit :

« […] un risque personnel, actuel et prévisible de subir de mauvais traitements. Pour pouvoir être qualifié de « sérieux », le risque doit être réel et ne pas être uniquement théorique ou spéculatif. Dans la plupart des cas, l’existence d’un risque sérieux est établie s’il est plus probable qu’improbable que de mauvais traitements soient infligés à une personne. Cependant, dans certains cas, en particulier lorsqu’une personne risque de subir un préjudice grave, l’existence du « risque sérieux » peut être établie à un niveau de probabilité inférieur. »

Le présent examen annuel constitue le troisième réalisé par l’OSSNR au sujet de la mise en œuvre des instructions émises au titre de la Loi. Il prend donc le relais des examens réalisés précédemment sur l’enjeu que représente le fait d’éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements. Le premier examen faisait suite à l’IM 2017, alors que le deuxième examen visait plutôt à évaluer les instructions émises au titre de la Loi tout en devant ne se pencher que sur les quatre mois qui ont suivi la transmission des instructions en fin d’année civile 2019. Ce troisième examen constitue le premier où l’OSSNR peut étudier une année complète depuis l’adoption des instructions émises au titre de la Loi pour l’année civile 2020.

L’OSSNR s’est concentré sur la réalisation d’entrevues approfondies visant à comprendre la façon dont les ministères mettent en œuvre les instructions conformément à la Loi. Cette approche permet de s’appuyer sur les connaissances acquises au cours des trois dernières années, mais aussi d’analyser les modalités d’application desdites instructions émises au titre de la Loi en misant sur des études de cas qui permettent d’évaluer concrètement les modalités d’application des divers cadres par les ministères.

L’examen couvre donc l’année civile 2021 et se divise en trois sections. La première section porte sur l’obligation légale suivant laquelle l’OSSNR doit réaliser des examens visant les activités que les ministères ont exercées pendant une année complète. Cette année, l’OSSNR a réalisé un examen approfondi des activités de deux ministères : l’examen des activités de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est présenté à la deuxième section, alors que celui qui a trait aux activités d’Affaires mondiales Canada (AMC) est présenté à la troisième section.

Méthodologie

Le paragraphe 7(1) de la Loi impose aux administrateurs généraux qui ont reçu des instructions l’obligation de soumettre un rapport au ministre concernant la mise en œuvre desdites instructions au cours de l’année civile précédente et de publier une copie du rapport qui soit accessible au public. Quant au ministre, il doit fournir la version classifiée du rapport à l’OSSNR.

Ces obligations qui incombent aux ministères sont également énoncées dans la Loi sur l’OSSNR. En vertu du paragraphe 8(2.2) de la Loi sur l’OSSNR, l’Office doit examiner, chaque année civile, la mise en œuvre des instructions données en vertu de la Loi. De plus, en vertu de son droit prévu par la loi, l’OSSNR peut examiner cette mise en œuvre au-delà des exigences stipulées par la Loi, et ce, en vertu de son mandat visant à examiner toute activité qu’un ministère exerce dans la sphère de la sécurité nationale ou du renseignement.

Les décrets en conseil (DC) qui ont été émis comportent une obligation d’information selon laquelle les décisions nécessitant un renvoi à l’administrateur général doivent être signalées au ministre, puis aux organismes d’examen3. Cette obligation crée des responsabilités additionnelles sur le plan de la prise de décisions par les ministères et permet à l’OSSNR de demeurer informé de toute difficulté pouvant survenir en dehors du cycle annuel visé par un rapport.

Le présent examen porte sur la mise en œuvre des instructions émises pour les 12 ministères à qui s’adressaient les décrets émis consécutivement à la Loi. La période visée par l’examen s’étend du 1er janvier au 31 décembre 2021. De plus, l’OSSNR a procédé à une analyse approfondie d’études de cas provenant de deux ministères : AMC et la GRC. Par ailleurs, l’OSSNR veillera à ce que les autres ministères fassent également l’objet d’examens au cours des prochaines années.

Pendant le présent examen, l’OSSNR a pris en compte les fondements légaux ainsi que les cadres de gouvernance. L’OSSNR s’est également appuyé sur des documents et de l’information obtenus à l’occasion de séances d’information tenues par les ministères.

Vérification de l'information et réactivité

L’OSSNR a réalisé un examen visant les 12 ministères en procédant à l’analyse des politiques et des cadres juridiques applicables, tels qu’ils ont été soumis par les ministères.

La GRC s’est montrée réactive aux demandes de l’OSSNR en fournissant les documents et les séances d’information selon les échéances convenues. Or, en raison de contraintes de temps, l’OSSNR a dû s’appuyer largement sur les documents papier qui lui ont été fournis. Dans le cadre du présent examen, l’OSSNR estime qu’en général, ses attentes sur le plan de la réactivité de la part de la GRC ont été comblées.

Pour sa part, AMC s’est montré disposé à fournir l’information demandée par l’OSSNR et a tout mis en œuvre pour apporter des éclaircissements concernant les demandes. Au reste, AMC a répondu en temps voulu et a fait le nécessaire pour que le personnel et l’information demandés soient mis à la disposition de l’OSSNR. L’OSSNR estime qu’en général, ses attentes sur le plan de la réactivité de la part d’AMC ont été comblées.

Tous les ministères

Actualisation des cadres et production de rapports

Conclusion No 1 : L’OSSNR constate que l’Agence des services frontaliers et Sécurité publique Canada n’ont pas encore mis en œuvre un cadre complet d’application de la Loi visant à éviter la complicité et que les politiques et procédures connexes sont encore en cours d’élaboration.

D’après le matériel fourni à l’OSSNR, dix ministères ont établi des cadres et politiques traitant de la question à savoir si la communication d’information à une entité étrangère pouvait poser le risque sérieux qu’un mauvais traitement soit infligé à une personne. Le matériel fourni à l’OSSNR par l’Agence du revenu du Canada (ARC), le ministère de la Défense nationale/les Forces armées canadiennes (MDN/FAC) et Transports Canada (TC) indique que ces trois ministères sont en train de perfectionner les cadres et les politiques qu’ils avaient déjà mis en place6. Dans son rapport de l’an dernier, l’OSSNR a noté que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et Sécurité publique (SP) Canada n’avaient pas encore achevé leurs politiques respectives ayant trait à la Loi.

Cadres

L’ASFC a indiqué qu’elle avait provisoirement approuvé un cadre suivant lequel on pouvait établir si une demande d’information provenant d’une entité étrangère posait le risque sérieux qu’un mauvais traitement soit infligé à une personne. L’ASFC a informé l’OSSNR qu’elle avait émis une directive visant à mener un examen interne dont l’objectif serait d’établir le degré de faisabilité d’une opération de mise en œuvre dans plusieurs secteurs de programmes.

Sécurité publique a indiqué qu’une série de mesure d’évaluation des risques était en cours d’élaboration et qu’on envisageait de tenir des séances d’information pour veiller à ce que les autres secteurs de programmes qui ne sont pas directement touchés par les dispositions de la Loi soient au courant des obligations s’appliquant aux échanges d’information. SP a également dit que le secteur de programmes touché par les instructions du ministre (les Instructions, les IM) avait opérationnalisé la politique tout en s’assurant que les procédures et les processus connexes s’harmonisaient avec les exigences énoncées dans la politique ministérielle, dans la Loi et dans les Instructions. Ces politiques sont entrées en vigueur au mois de janvier 2022, quoique « certains aspects » n’ont pas encore été peaufinés. Quant à l’ensemble des évaluations des risques, il est toujours en cours d’élaboration.

SP envisage également de tenir des séances d’information auprès de diverses sections du ministère qui, pour l’heure, n’auraient pas à appliquer les Instructions, mais devraient néanmoins en connaître la teneur, au cas où elles seraient appelées à élaborer de nouveaux programmes comportant un volet « échange d’information ».

En 2020, conformément aux termes de son mandat, AMC a amorcé un examen complet visant le Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (CCEMT)12. AMC a indiqué que des recommandations théoriques avaient été formulées pour aborder les lacunes relevées. Les recommandations portent, notamment, sur le moment opportun pour prendre des décisions, sur la question de l’obligation de diligence et sur la production de rapports sur le résultat des dossiers à la suite des décisions prises par le Comité.

L’OSSNR a appris que l’examen du Secrétariat du CCEMT serait achevé en 2022 et que le mandat serait mis à jour peu de temps après. En réponse aux demandes d’information de l’OSSNR concernant l’analyse des risques, AMC a indiqué qu’il avait créé, pendant la période d’examen, un nouveau formulaire d’évaluation des risques et qu’il était en train de préparer un guide d’orientation général ayant pour objectif d’appuyer les employés pendant les processus d’évaluation des risques et de prise de décision. Ces questions sont abordées en plus de détails dans la troisième section du présent rapport.

La GRC a noté quelques lacunes internes pour ce qui touche les évaluations de pays et l’inaptitude à tenir les rapports à jour sur une base régulière. Un cadre a été soumis à l’OSSNR concernant la façon dont la GRC envisage de combler ces lacunes de sorte à favoriser le processus du Comité consultatif sur les risques - Information de l’étranger (CCRIE).

Rapports

Le paragraphe 7(1) de la Loi exige que les administrateurs généraux soumettent au ministre compétent un rapport sur la mise en œuvre des Instructions qui leur ont été données l’année précédente par voie de décrets. La Loi visant à éviter la complicité stipule que les rapports doivent être soumis chaque année avant le 1er mars.

Les douze ministères ont rempli leurs obligations en soumettant leurs rapports à leurs ministres respectifs. Toutefois, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et TC ont soumis leurs rapports peu après l’échéance du 1er mars.

Le paragraphe 7(2) de la Loi exige également que les administrateurs généraux mettent à la disposition du public une version non classifiée du rapport, et ce, dès que possible après le dépôt devant le ministre. De fait, les douze ministères ont publié leurs rapports en temps voulu.

L’article 8 de la Loi exige que le ministre soumette une copie du rapport au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), à l’OSSNR et, s’il y a lieu, à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes (CCETP) relevant de la Gendarmerie royale du Canada.

Le tableau ci-dessous présente une synthèse des réponses ministérielles aux questions portant sur la mise en œuvre ainsi que des évaluations que l’OSSNR a faites de ces réponses. Les évaluations se sont fondées sur les détails pertinents fournis par les ministères en fonction du contexte dans lequel les informations ont été demandées. Les exigences non respectées ont été soulignées. Au reste, le nombre relativement faible de ces non-respects était lié aux ministères qui n’avaient pas répondu à certaines des obligations énoncées par la Loi pour ce qui a trait à la production de rapports.

Tableau synthèse 1.1 - Exigences au titre de la Loi
  ASFC ARC CST SCRS MPO MDN CANAFE AMC IRCC SP GRC TBID
Cas renvoyés à l’administrateur général? Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non Non
Le rapport a-t-il été soumis au ministre? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Le rapport a-t-il été rendu accessible au public? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Le ministre a-t-il remis une copie au CPSNR, à l’OSSNR et à la CCETP? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Tris et traitement hiérarchisé des cas

Conclusions No 2 : L’OSSNR constate que, tous ministères confondus, aucun cas régi par la Loi visant à éviter la complicité n’a été renvoyé à l’administrateur général entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021.

Les douze ministères ont indiqué qu’ils n’avaient renvoyé aucun cas à leur administrateur général pour décision. Il s’agit là d’une exigence énoncée par voie de décret pour traiter les cas où les fonctionnaires ne seraient pas en mesure d’établir si un risque sérieux peut être atténué. Par conséquent, toutes les exigences additionnelles en matière de production de rapports qui se rapporteraient à ce niveau décisionnel n’étaient pas applicables.

Tableau synthèse 1.2 - Cas examinés par la hiérarchie, par niveau d'approbation
  ASFC ARC CST SCRS MPO MDN CANAFE AMC IRCC SP GRC TBID
Niveau 1. (Superviseur/ chef adjoint) 0 634 236 (23) 780) 0 Not Known/Not Tracked 48 6 2 401 55 0
Niveau 2. (Gestionnaire/ chef) 0 325 176 (24) 243 0 Not Known/Not Tracked 48 6 2 401 55 0
Niveau 3. (Directeur/DGA) 8(25) 69
Niveau 4. (DG/comité/ groupe de travail) 0 63 1 (26) 81 0 7 48 0 0 0 55 0
Niveau 5. (SMA/commissaire adjoint/ L1) 0 0 0 (27) 0 0 2 0 0 0 0 55 0
Niveau 6. (Administrateur général) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

L’OSSNR note qu’il s’agit de la troisième année consécutive où aucun cas n’a été renvoyé au niveau de l’administrateur général, et ce, tous ministères confondus.

Les examens à venir pourraient être particulièrement attentifs aux questions du traitement hiérarchisé des cas et des processus décisionnels dans les ministères, puisque l’un des objectifs formels de l’OSSNR en matière d’examen des obligations liées à la Loi consiste à veiller à ce que l’évaluation des risques soit renvoyée au responsable hiérarchique compétent.

Mise en oeuvre des recommendations précédentes

Dans le cadre du présent examen, l’OSSNR a demandé de l’information concernant la mise en œuvre des recommandations qu’il avait formulées précédemment.

Dans le rapport intitulé Examen des cadres ministériels visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (2019-06), l’OSSNR recommandait ce qui suit : « la définition de “risque sérieux” devrait être codifiée dans la loi ou dans les instructions publiques. » Or, l’OSSNR note que certains ministères ont tenté de combler cette lacune en se fondant sur la définition du terme « risque sérieux » que l’on retrouve dans les instructions ministérielles de 2017. Compte tenu de l’examen prescrit devant porter sur la Loi de 2017 sur la sécurité nationale (projet de loi C-59) et de l’aspect central de la notion de « risque sérieux » pour le régime qui gouverne la Loi, l’OSSNR réitère sa recommandation de 2019 demandant que ladite notion soit codifiée dans la loi.

Le MDN/FAC a indiqué à l’OSSNR que consécutivement à ses recommandations, le ministère avait intégré une définition du terme « risque sérieux » dans le document Orientation fonctionnelle du Chef du renseignement de la Défense sur les activités d’échange d’information du MDN/FAC avec des entités étrangères. Toutefois, il convient de noter que le MDN/FAC a adopté d’autres définitions, notamment, pour l’adjectif « prévisible » (foreseeable). L’OSSNR avait déjà exprimé ses réserves dans l’annexe détaillée de 2019 sur l’application, par le MDN/FAC, des IM pour ce qui a trait à l’interprétation que le MDN/FAC fait de la notion de « prévisibilité ». Le MDN/FAC a également indiqué à l’OSSNR qu’il avait élaboré une méthodologie pour les profils relevant du MDN/FAC en tirant parti d’une méthodologie que d’autres organisations emploient pour évaluer les droits de la personne. Au reste, le MDN/FAC a ajouté qu’il prenait activement part aux activités de groupes de travail interministériels s’intéressant à la Loi dans le but de participer aux échanges sur la méthodologie, les procédures et les évaluations ayant trait aux droits de la personne et pour faire part de ses préoccupations.

Sur les douze ministères, l’ARC, l’ASFC, le SCRS, le MDN/FAC, SP et TC ont continué de peaufiner les cadres et les politiques à la suite des conclusions et des recommandations issues des examens précédents qui avaient eu trait à la Loi31. Bien que les recommandations n’aient pas visé de ministères en particulier, bon nombre de ceux-ci ont indiqué avoir pris ces recommandations en compte dans le but d’apporter certaines améliorations.

À titre d’exemple, en réaction à la recommandation no 1 de l’examen 2019 de l’OSSNR (concernant l’importance de réaliser périodiquement des examens internes), l’ARC a décidé de se pencher sur ses procédures d’échange d’information. En conséquence, l’ARC a apporté des modifications aux procédures en ce sens que les évaluations de risques censés être d’un niveau « faible » sont désormais approuvées au niveau des gestionnaires, alors qu’auparavant, l’échelon des directeurs représentait le niveau minimum d’approbation.

L’ASFC a provisoirement approuvé sa politique ayant trait à la Loi et est en train de réaliser des examens additionnels pour veiller à ce que ladite politique soit opérante dans plusieurs secteurs de programmes. L’ASFC a indiqué que la politique comprenait des conseils concernant la communication d’information, les demandes d’information et l’utilisation de l’information en situation pouvant poser des risques sérieux qu’un mauvais traitement soit infligé à une personne. Dans cette politique, l’ASFC a incorporé des procédures et des processus visant à évaluer les risques et à assurer une coordination avec le Comité de la haute direction sur l’évaluation des risques.

SP a également achevé son ébauche de politique pour faire suite à la conclusion que l’OSSNR avait formulée dans son rapport d’examen 2020 sur la Loi et selon laquelle SP n’avait pas encore mis au point ses cadres de politiques conformément aux Instructions reçues au titre de la Loi. SP a indiqué qu’une politique avait été approuvée et était entrée en vigueur le 1er janvier 2022. L’OSSNR a appris que certains ajouts à la politique étaient toujours en cours de mise en œuvre, notamment, l’élaboration d’outils d’évaluation des risques.

Enfin, TC a indiqué à l’OSSNR qu’il avait pris acte des commentaires formulés au sujet de la mise en œuvre des mesures relatives à la Loi depuis l’adoption de la politique ministérielle en août 2020. En outre, TC souligne que sa politique ministérielle est en cours de révision et qu’il conviendra, par conséquent, d’apporter quelques éclaircissements et de renforcer certains des éléments essentiels. TC a fait savoir qu’au nombre des modifications en cours, il fallait compter le perfectionnement des libellés, et ce, pour préciser les rôles, les exigences de programmes en matière de responsabilité et l’échéancier de la mise en œuvre. À ce titre, TC fournit de plus amples orientations quant aux exigences relatives au format et au contenu des rapports afin d’appuyer les programmes lorsqu’il s’agit d’établir les rapports annuels.

À l’échelle du programme, TC est en train d’examiner l’effet des modifications apportées à la politique (au cours de la dernière année) sur la structure fonctionnelle et les rôles connexes dans le contexte du Programme de protection des passagers (PPP). À ce jour, le PPP est la seule activité programmatique qui puisse, selon TC, poser des risques en rapport avec les dispositions de la Loi. Du reste, le PPP est en cours de transition vers l’établissement d’un cadre amélioré qui devrait être parfaitement opérant au mois de mars 2023.

L’OSSNR réitère sa recommandation précédente voulant que les ministères trouvent le moyen d’établir un seul outil normalisé pour l’évaluation des risques posés par les pays et les entités, ce qui permettrait d’uniformiser l’approche que les ministères adoptent lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent des préoccupations au regard de la Loi.

Gendarmerie royale du Canada

L’examen relatif à la Loi pour l’année 2021 représente le deuxième de l’OSSNR concernant l’aspect « mise en œuvre » de ladite Loi. Comme il a été dit à la rubrique « Contexte » du présent rapport, l’OSSNR a enrichi les connaissances qu’il avait acquises lors de l’examen annuel portant sur la Loi en procédant à une analyse approfondie de la mise en œuvre des Instructions. L’analyse approfondie met en évidence certaines des pratiques exemplaires que le gouvernement du Canada a adoptées, mais aussi certaines des difficultés posées par l’adoption des cadres. Cette année, la GRC et AMC ont été choisis. Figurant parmi les premiers ministères visés par les Instructions du ministre émises en 2011, la GRC a eu plus de dix ans pour élaborer, mettre en œuvre et perfectionner son propre cadre. En outre, AMC a été choisi parce que l’organisation a reçu des Instructions du ministre en 2017 et dans la mesure où AMC tient un rôle marquant en tant que principal élaborateur de rapports en matière de droits de la personne.

Mise en application de la Loi visant à éviter la complicité

Conclusion No 3 : L’OSSNR estime que la GRC a mis en place un cadre solide permettant de trier adéquatement les cas auxquels s’appliquent les dispositions de la Loi visant à éviter la complicité.

En 2011, la GRC a reçu des IM sur l’échange d’information avec des entités étrangères. Toutefois, les IM émises ne s’appliquaient qu’aux échanges d’information relative à la sécurité nationale. En réaction aux IM de 2011, la GRC a créé le Comité d’analyse des risques – Information de l’étranger (CARIE), lequel a été renommé Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger (CCRIE) après l’émission des IM de 2017.

La portée des IM de 2017 a été élargie de sorte à inclure tous les groupes et tout le personnel de la GRC, et le CCRIE a été l’objet d’une semblable mesure. Avec la promulgation de la Loi, le commissaire devait tenir compte des Instructions imposées par voie de décret. Or, les exigences opérationnelles sont demeurées les mêmes de 2017 à 2019. Au reste, la mise en œuvre des dispositions de la Loi par la GRC implique surtout les trois mécanismes suivants : le CCRIE, le Groupe d’évaluation de l’application de la loi (GEAL) et la production du rapport annuel.

Le CCRIE est un organe consultatif pour la haute direction. Il est responsable de fournir au personnel de la GRC un mécanisme permettant d’examiner les échanges d’information pouvant poser un risque sérieux de mauvais traitements. Le CCRIE est un élément essentiel du mécanisme de détermination du risque pour les cas concernés par les dispositions de la Loi. Le comité examine le contexte opérationnel de chacune des demandes, l’application de stratégies d’atténuation des risques ainsi que la solidité des garanties. Puis il formule des recommandations à l’intention du commissaire adjoint compétent.

Il importe de noter que le mandat du CCRIE a été mis à jour en décembre 2021, soit après la conclusion de la dernière réunion du CCRIE portant sur une étude de cas dont il est question plus loin. Le mandat précédent avait été rédigé après l’émission des IM de 2017 et énonçait ce qui suit : « dans les cas d’échange d’information où il existe clairement un besoin de procéder, mais aussi un risque substantiel de mauvais traitement, la décision sera renvoyée devant le commissaire aux fins d’approbation finale, conformément aux IM et à la politique opérationnelle. » Le mandat révisé indique que c’est au commissaire adjoint – ou au directeur exécutif – qu’il revient de décider si le risque sérieux de mauvais traitements peut être atténué. Ainsi, le mandat stipule explicitement que le commissaire adjoint – ou le directeur exécutif – constitue les seuls décideurs, alors que le CCRIE doit exercer la fonction de conseiller. Or, l’OSSNR tient à faire une mise en garde en faisant valoir que la délégation apparente ou perçue du pouvoir décisionnel au commissaire adjoint pose un risque de non-conformité au but et à l’objet de la Loi et des décrets connexes.

Le comité se compose de deux personnes assumant la présidence à tour de rôle et d’un certain nombre de membres issus de plusieurs divisions de la GRC. À la suite d’un examen interne, la GRC a modifié la constitution du CCRIE en s’assurant que les coprésidents ne prendraient pas de décisions relativement aux cas de leurs unités respectives, et ce, dans l’intention d’éliminer les situations où il pourrait y avoir un conflit d’intérêt réel ou apparent.

Le CCRIE se réunit aux deux semaines ou en fonction des besoins, particulièrement lorsque des cas urgents ou pressants surviennent. Or, les recommandations formulées par le comité sont non contraignantes. L’OSSNR a également noté qu’en avril 2022, le nombre des membres du comité devrait être accru.

Au cours de la dernière année, la GRC a amorcé des travaux d’amélioration du cadre et a créé des outils devant aider le personnel à interagir avec le CCRIE. On a mis en place le Groupe de coordination du CCRIE, une équipe chargée de mener des consultations auprès du personnel dans le but de favoriser le processus de tri des cas potentiels et d’établir le degré de mobilisation du CCRIE. La GRC a également élaboré un ensemble d’outils qui fait état, notamment, des définitions et des seuils à respecter, des stratégies d’atténuation ainsi que des exigences du CCRIE.

Le Groupe de coordination du CCRIE collabore avec le personnel et les membres de la GRC pour leur prêter main-forte pendant le processus d’évaluation des risques et pour déterminer si une évaluation du CCRIE est nécessaire. Le rôle et les responsabilités du Groupe de coordination ont été mis à jour suivant l’ajout d’un objectif, soit celui de fournir de l’orientation et du soutien aux membres pour étoffer la soumission des cas. De fait, le Groupe vise à améliorer la tenue des dossiers; à reconnaître les difficultés internes sur le plan stratégique; à mobiliser les partenaires fédéraux externes relativement aux questions intersectorielles de sorte à améliorer les processus et les pratiques; ainsi qu’à communiquer le résultat des réunions du CCRIE et du GEAL portant sur les cas particuliers, pour faire le point sur l’évaluation des entités étrangères.

La GRC en est également à l’étape finale de la mise à jour de son Manuel des opérations. Cette mesure a pour but de favoriser l’application uniforme des Instructions dans l’ensemble de la GRC. Cette mise à jour vise, notamment, à clarifier les rôles et les responsabilités, mais aussi les seuils et les déclencheurs qui font en sorte qu’un échange d’information doit être examiné par le CCRIE.

Comme nous le verrons plus loin dans le présent rapport, le décret de 2019 comporte une exigence voulant qu’un cas soit renvoyé au commissaire de la GRC pour décision dès lors que les responsables ne sont pas en mesure d’établir si le risque posé par l’échange d’information peut être atténué. De plus, en vertu du paragraphe 3(1) du décret, lorsque de l’information qui a été utilisée aurait possiblement été obtenue par une entité étrangère à la suite du mauvais traitement d’une personne, le commissaire de la GRC doit signaler et communiquer en temps opportun toute information prise en compte dans le processus de détermination ou de prise de décision à l’OSSNR, à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP) et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) de sorte à prévenir les pertes de vie ou les blessures corporelles importantes.

Le GEAL est chargé de préparer les profils d’évaluation des pays et de tenir à jour le portail de l’environnement collaboratif intégré où l’information est enregistrée et, s’il y a lieu, consultée par les agents. L’OSSNR a appris qu’au cours des dernières années, l’équipe du GEAL avait été gravement sous-financée et avait sérieusement manqué de ressources, faisant ainsi en sorte que plusieurs des profils de pays n’étaient plus à jour, sans compter que le tiers des pays n’avait été l’objet d’aucun rapport d’évaluation.

Un rapport annuel faisant état de la mise en œuvre de la Loi et des cas renvoyés devant le commissaire pour décision doit être acheminé au ministre de la Sécurité publique, à l’OSSNR, au CPSNR et à la CCETP. La GRC doit également communiquer toute information prise en compte dans le processus de détermination ou de décision. Pour voir une description complète des processus de la GRC, prière de consulter l’annexe A : Cadres ministériels.

La GRC continue d’améliorer les processus du CCRIE. Dernièrement, la GRC a pris les moyens nécessaires pour améliorer les produits servant à déterminer si les échanges d’information proposés posent des risques sérieux de mauvais traitements qui nécessiteraient des évaluations de la part du CCRIE. Au nombre de ces améliorations, il faut compter des outils de visualisation permettant de schématiser le processus décisionnel, des définitions de termes essentiels, des stratégies d’atténuation et les éléments déclencheurs appelant le CCRIE à procéder à une évaluation.

En outre, la GRC continue de réaliser des progrès considérables pour ce qui a trait à l’actualisation des ressources contenues dans le site SharePoint, le module de formation sur la Loi et la politique énoncée dans le Manuel des opérations de la GRC. Bien que ces initiatives continuent de progresser, l’OSSNR tient à saluer l’initiative de la GRC consistant à réaliser un examen interne du CCRIE et à faire le nécessaire pour résoudre les lacunes relevées.

Cadre d'échange de l'information et analyse des risques

Conclusion No 4 : L’OSSNR constate que les évaluations de risques réalisées par le CCRIE de la GRC comprennent des objectifs qui sont en sus des exigences énoncées dans les décrets en conseil, notamment, l’évaluation du risque de ne pas échanger de l’information.

Conclusion No 5 : L’OSSNR constate que le recours, par la GRC, à une procédure d’évaluation des risques en deux parties – l’une portant sur le profil de pays et l’autre sur la personne, de sorte à déterminer s’il y a un risque sérieux et à comprendre les circonstances particulières entourant la personne dont il est question dans l’évaluation des risques – constitue une pratique exemplaire.

Le cadre de la GRC s’appliquant aux échanges d’information assujettis à la Loi vise essentiellement à gérer le risque. Certes, cette activité s’appuie dans une large mesure sur la formulation de garanties et de mises en garde, mais il faut savoir que les enquêteurs misent sur l’évaluation que font les agents de liaison et les analystes déployés à l’étranger (AL/ADE) à l’égard du pays ou de l’entité étrangère en question. Dans le cadre de leurs fonctions, les AL et les ADE sont appelés à fournir de l’information à jour concernant les derniers rapports sur les pays et les entités ainsi que les relations établies avec certaines entités, mais aussi concernant les précédents sur le plan des échanges d’information impliquant la GRC et les antécédents en matière de droits de la personne. Les enquêteurs se servent de cette information pour orienter les mesures d’atténuation s’appliquant à une éventuelle demande/communication d’information.

Lorsqu’il procède à des évaluations et formule des recommandations pour le commissaire adjoint, le CCRIE prend en compte les aspects particuliers du cas visé par l’évaluation des risques (comprise dans la demande au CCRIE), l’évaluation du pays réalisée par le GEAL ainsi que les commentaires venant des agents de liaison et des analystes déployés à l’étranger (AL/ADE). Un compte rendu des décisions est rédigé après chaque réunion et met en évidence l’historique des échanges avec les entités concernées, les risques et les mesures d’atténuation envisagées ainsi que les recommandations finales du comité. Suivant l’information fournie dans le compte rendu des décisions et les recommandations du comité, le commissaire adjoint prend une décision.

Bien que la GRC n’ait pas encore formellement intégré l’Analyse comparative entre les sexes dans ses évaluations de risques concernés par la Loi, l’OSSNR note que les évaluations des risques par pays réalisées par la GRC reconnaissent les groupes vulnérables qui sont à risque de mauvais traitements en tenant compte des « préoccupations relatives aux droits de la personne pour des groupes spécifiques ». Dans le cas des personnes reconnues comme étant à risque devant une entité ou un pays désignés comme posant un niveau de risque modéré, une évaluation du CCRIE doit être réalisée avant tout échange d’information.

L’OSSNR s’est constitué un échantillon de vingt occurrences où le CCRIE a été convoqué. Cependant, on a relevé un certain nombre de cas où plusieurs réunions du CCRIE portaient sur un même dossier. Par exemple, [**expurgé**] lequel fait l’objet d’un examen approfondi dans le cadre de l’analyse des dossiers échantillonnés par l’OSSNR, comptait trois différentes réunions du CCRIE. Ainsi, les vingt interventions du CCRIE faisant partie de l’échantillon correspondent à seize cas distincts. Les demandes formulées par l’OSSNR ont employé la nomenclature du CCRIE, et la GRC a répondu aux demandes en fonction de ce qui était sollicité dans les demandes d’information. Il en résulte que l’OSSNR n’a été en mesure de visualiser l’information sur les dossiers d’enquête que lorsque lesdits dossiers constituaient des points de contact avec le processus du CCRIE; les dossiers d’enquêtes opérationnels n’ont pas pu être fournis dans leur intégralité.

L’OSSNR reconnaît que la GRC a rempli ses obligations lorsqu’il s’est agi de répondre à nos demandes d’information. Toutefois, lorsqu’il est devenu manifeste que l’OSSNR n’avait pas obtenu l’intégralité d’un cas, notamment, les dossiers d’enquête, le manque de temps a fini par empêcher l’OSSNR d’obtenir et d’analyser l’information manquante mais pertinente.

Communication d'information sortante

L’OSSNR a remarqué que dans au moins 35 % des cas du CCRIE qui ont été échantillonnés, la GRC a pris en compte, dans ses évaluations, la possibilité que le non-partage d’information ait des répercussions négatives. Ainsi, l’évaluation du CCRIE tient compte du risque de ne pas communiquer de l’information sortante, en mettant l’accent sur le maintien, l’établissement ou la préservation des relations avec les partenaires d’échange d’information. En outre, la GRC a indiqué à l’OSSNR qu’elle tiendrait également compte des risques potentiels pour la sécurité publique en cas de non-partage de l’information54. L’OSSNR comprend que la fiabilité des garanties et des mises en garde dépend largement des circonstances et du contexte entourant chacun des cas, mais encouragerait fortement la GRC à fonder les motifs servant à justifier les échanges d’information d’abord sur les risques encourus par la personne concernée. L’OSSNR note que les stratégies d’évaluation et d’atténuation des risques (pour minimiser les risques) constituent les outils à utiliser prioritairement lorsqu’il s’agit de déterminer si de l’information peut être échangée ou non. Or, ni la Loi ni les décrets ne permettent de jauger les facteurs externes comme la détérioration des relations découlant du non-échange d’information ou la sécurité publique en comparaison des risques pour la personne.

Mesures d'atténuation et d'assurance

Conclusion No 6 : L’OSSNR constate que la GRC ne dispose d’aucun système centralisé permettant de documenter les garanties et qu’elle ne surveille pas régulièrement ni ne met à jour les évaluations de la fiabilité desdites garanties

La GRC a laissé savoir à l’OSSNR que les garanties et les mises en garde, qu’elles aient été observées ou non, qui ont trait aux échanges d’information avec des entités étrangères sont enregistrées dans le dossier d’enquête. La GRC a d’ailleurs ajouté que l’information est échangée au cas par cas, par l’intermédiaire de l’agent de liaison compétent ou d’INTERPOL.

Les agents de liaison et les analystes déployés à l’étranger (AL/ADE) sont tenus d’enregistrer leurs interactions dans les notes qu’ils intègrent aux dossiers d’enquête. La GRC a indiqué à l’OSSNR que c’était dans ces notes que les occurrences de non-respect des garanties ou des mises en garde devaient être consignées.

La GRC a souligné qu’elle comptait sur son réseau à l’étranger pour surveiller la fiabilité des garanties et des mises en garde, et que le personnel rencontrait régulièrement les partenaires de l’application de la loi ainsi que les AL étrangers des pays alliés. La GRC a d’ailleurs ajouté que tout indice de détérioration des droits de la personne dans un pays et tout rapport particulier sur le mauvais traitement d’une personne feraient l’objet de discussions et seraient enregistrés dans le dossier d’enquête (opérationnel) de la GRC. En dernier lieu, ces éléments seraient inscrits au formulaire d’évaluation des risques du CCRIE de la GRC.

Comme il a été dit, en raison de contraintes de temps, l’OSSNR a reçu l’information relative aux réunions du CCRIE ainsi que les documents connexes, mais n’a pas été en mesure d’examiner les dossiers d’enquête opérationnels de la GRC. Lorsque l’OSSNR a demandé de produire les critères permettant d’évaluer la fiabilité des garanties et des mises en garde pour ce qui concerne les cas échantillonnés, l’Office a été renvoyé au formulaire d’évaluation des risques du CCRIE (que l’on appelle également le formulaire 6517) et s’est fait répondre ce qui suit :

[Traduction] « La note de bas de page met en évidence un certain nombre de dossiers d’enquête. Le rapport général et le rapport complémentaire ont été examinés en prévision de cette réponse. Aucun souci n’a été enregistré pour ce qui a trait aux garanties, alors qu’une seule occurrence semblait poser problème relativement à une mise en garde. À cet égard, le dossier [**expurgé**] fait état d’une occasion où un organisme partenaire n’avait pas respecté l’exigence d’une mise en garde voulant que les mesures soient coordonnées – aucune allégation de mauvais traitement n’a été documentée dans le dossier. Ce manquement a été signalé auprès de l’organisme partenaire, puis corrigé. »

L’OSSNR remarque que le dossier [**expurgé**] avait trait à une entreprise menant des activités en [**expurgé**], mais que l’information avait été demandée auprès [**expurgé**]. L’évaluation des risques du GEAL concernant [**expurgé**], un pays posant un risque modéré, ne fait aucunement mention d’un problème relativement à l’échange d’information ou à l’utilisation de mises en garde. Or, il faut savoir que cette évaluation n’a pas été mise à jour depuis août 201858. En l’occurrence, la GRC a indiqué ce qui suit :

[Traduction] « L’évaluation du GEAL concernant ce pays n’avait pas été mise à jour, mais en l’occurrence, on s’attendrait à ce que l’AL soulève cette question lors de consultations ultérieures avec les diverses équipes d’enquête qui envisageraient d’échanger de l’information avec cette entité. »

L’OSSNR tient à rappeler l’importance du suivi a posteriori des garanties et des mises en garde. L’OSSNR a d’ailleurs remarqué que l’émission d’une garantie ou d’une mise en garde pouvait parfois s’appuyer sur les garanties fournies par un responsable officiel (au sein d’une entité étrangère ou d’un pays étranger). En l’absence des documents requis, cette situation peut devenir problématique en raison du fait que des changements de position peuvent survenir et que les garanties pourraient ne plus être valides si la personne n’est plus en position voulue. Il convient donc de faire un suivi des garanties et de les renouveler pour veiller à ce qu’elles soient suivies advenant un changement d’employé.

Par ailleurs, aucun processus centralisé n’est prévu pour la documentation des garanties. On a plutôt recours à une documentation occasionnelle dans certains dossiers d’enquête, ce qui peut être problématique dans les situations où les AL ou les ADE n’occupent leur poste que pour une courte durée. Lorsque le dossier d’enquête est fermé, il se peut que le nouvel AL ou ADE ne soit pas au courant des situations où les garanties n’ont pas été respectées.

Recommendation no 1 : L’OSSNR recommande que la GRC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et, dans la mesure du possible, de vérifier et indiquer si lesdites mises en garde et garanties ont été respectées.

Profile des pays et des entités

Conclusion No 7 : L’OSSNR estime que la GRC n’effectue pas une mise à jour régulière ni ne planifie la mise à jour de ses évaluations de pays et d’entités. Dans nombre de cas, ces évaluations ont plus de quatre ans et misent, dans une large mesure, sur des agrégats de renseignements provenant de sources ouvertes.

Conclusion No 8 : L’OSSNR constate que l’information collectée par l’agent de liaison en cours d’opération n’est pas consignée dans un registre central. Ainsi, cette information ne peut pas être utilisée dans le cadre d’évaluations ultérieures.

En 2019, la GRC a réalisé un examen interne portant sur son cadre d’échange d’information de même que sur le GEAL et le CCRIE. À la suite de cet examen, l’OSSNR a recommandé, en 2019, que les ministères adoptent la pratique exemplaire voulant qu’ils réalisent des examens internes de leurs politiques et processus respectifs. Bien que l’intention ne soit pas de couvrir les éléments déjà identifiés dans le cadre d’un examen (en interne), l’OSSNR note tout de même que trois années se sont écoulées, et que les difficultés liées aux évaluations des pays et des entités persistent.

Sur les 90 évaluations dont la GRC se sert pour fonder ses évaluations des risques, 87 % n’ont pas été mis à jour depuis 2018, alors que les 13 % restant n’ont pas été mis à jour depuis 2019. Pendant l’année 2021, la GRC n’a mis à jour aucun de ses profils de pays. Or l’OSSNR a appris qu’en 2022, [**expurgé**] mais avait également indiqué que le manque de financement constituait un important problème.

L’une des principales conclusions de l’examen interne de la GRC traite de la composition des profils en disant qu’ils [Traduction] « […] ne représentent pas suffisamment l’expérience opérationnelle de la GRC ». Dans le rapport d’examen, on peut lire ce qui suit : [Traduction] « Les profils de pays et d’entités du GEAL sont principalement fondés sur de l’information de sources ouvertes plutôt que sur des données fournies par les groupes opérationnels […] ». Pendant la durée de l’examen, la GRC a insisté sur le rôle et l’importance de l’agent de liaison pendant le processus du CCRIE, en faisant valoir que c’est l’agent de liaison qui est le mieux placé pour combler les lacunes que peuvent présenter les profils de pays et d’entités. L’OSSNR observe que l’examen interne met en évidence certaines des difficultés avec lesquelles les agents de liaison sont aux prises, notamment, en faisant allusion aux responsabilités supplémentaires liées aux processus du GEAL et du CCRIE qui les empêchent, dans une certaine mesure, d’exercer leurs fonctions normales.

L’OSSNR note que la GRC investit des efforts considérables dans l’amélioration des mesures de suivi après les opérations. L’OSSNR se réjouit donc de pouvoir examiner les progrès réalisés au cours de la prochaine année quant aux mesures prises par la GRC pour actualiser les profils de pays et d’entités, et pour mettre en place des mécanismes de surveillance automatisée des médias et de suivi des échanges d’information avec INTERPOL Ottawa.

Étude de cas : [**expurgé**]

[**expurgé**] la GRC a tenté d’obtenir l’approbation d’une entrevue avec [**expurgé**]

La GRC a cherché [**expurgé**] entrevue après [**expurgé**] dans le but d’évaluer le risque actuel ou la menace [**expurgé**] pour le Canada et les citoyens canadiens, [**expurgé**] La GRC a indiqué que [Traduction] « […] une entrevue fructueuse ferait progresser l’enquête [**expurgé**] , et permettrait d’améliorer considérablement la capacité à reconnaître la menace et les risques [**expurgé**] pour la sécurité [**expurgé**] . »

Au reste, la GRC croit que [Traduction] « les échanges avec [**expurgé**] pourraient mener à [**expurgé**] l’information ainsi qu’aux éléments de preuve [**expurgé**]

[**expurgé**]

En interne, le profil de pays que la GRC applique [**expurgé**]est associé à un risque élevé (ROUGE). En effet, ce profil fait état d’allégations graves d’atteinte aux droits de la personne [**expurgé**][**expurgé**] des incidents de torture [**expurgé**] – où les individus soupçonnés [**expurgé**] doivent régulièrement subir des procès inéquitables. La GRC avait émis quelques réserves en indiquant que [Traduction] « [s]i [**expurgé**] risquerait de se faire torturer ou de subir de mauvais traitements [**expurgé**]. » Suivant l’application des dispositions de la politique, le cas a été renvoyé au Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger (CCRIE).

a) FIRAC [**redacted**]

[**expurgé**],le CCRIE s’est réuni et a discuté de la demande visant à mener une entrevue avec [**expurgé**]. [**expurgé**] Comité a estimé qu’il y avait un risque sérieux de mauvais traitements dans le cas [**expurgé**] qu’aucune des mesures en place ne pouvait atténuer suffisamment les risques soulevés. Le CCRIE a indiqué [**expurgé**]

Le CCRIE a toutefois indiqué [Traduction] « que des efforts devraient être consentis pour que l’emplacement des entrevues à venir soit plus judicieusement choisi. » On a d’ailleurs noté que [**expurgé**] devait [Traduction] « permettre à la GRC de surveiller les résultats et les garanties qui ont été l’objet de discussions sur le plan stratégique, [**expurgé**].

En conséquence, le CCRIE a recommandé que la GRC [Traduction] « entame des discussions [**expurgé**] relativement [**expurgé**], la possibilité [**expurgé**]. Le commissaire adjoint [**expurgé**] a approuvé cette recommandation.

Évènements survenus [**expurgé**]

Consécutivement à recommandation du CCRIE, les [**expurgé**] de la GRC, [**expurgé**].

[**expurgé**]

Consécutivement à recommandation du CCRIE, les [**expurgé**] de la GRC, [**expurgé**].

[**expurgé**]

D’après les propos tenus [**expurgé**] l’équipe des enquêtes a demandé au CCRIE de permettre [**expurgé**] de plus amples discussions [**expurgé**] pour permettre à la GRC [**expurgé**] entrevue avec [**expurgé**] et d’obtenir les garanties assurant [**expurgé**].

Évènement survenus [**expurgé**]

[**expurgé**] de la GRC à [**expurgé**] a repris pris contact avec [**expurgé**] de la GRC [**expurgé**] réaliser une entrevue avec [**expurgé**].

[**expurgé**]

[**expurgé**]

[**expurgé**]

[**expurgé**]

[**expurgé**]

La GRC [**expurgé**] renvoyé au CCRIE la demande d’entrevue avec [**expurgé**] ainsi que des mesures d’atténuation additionnelles.

[**expurgé**]

[**expurgé**]

Le CCRIE a tenu une réunion visant à discuter de la demande de communication de renseignements personnels sur [**expurgé**].

Le comité a conclu [**expurgé**] risquait sérieusement de s’exposer à de mauvais traitements advenant que l’information soit échangée et que les risques relevés ne puissent pas être atténués au moyen de mises en garde et de garanties. En conséquence, le comité a recommandé que l’information ne soit pas échangée. En outre, cette recommandation se fondait sur plusieurs sources d’inquiétude :

  • [**expurgé**]
  • la reconnaissance d’un risque sérieux de mauvais traitements qui n’aurait pas pu être atténué [**expurgé**]
  • l’incapacité à garantir [**expurgé**]
  • des préoccupations sur le plan de la sécurité selon l’information pouvant ressortir de l’entrevue;
  • [**expurgé**]
  • [**expurgé**]
  • les garanties ont été jugées insuffisantes pour atténuer les risques, [**expurgé**] ce qui empêchait d’évaluer adéquatement la confiance qu’il serait convenu d’avoir dans lesdites garanties.

Le CCRIE a recommandé [**expurgé**] se penche sur d’autres options permettant de réduire le risque de mauvais traitements et se présente de nouveau devant le Comité pour réexamen de la situation. Parmi ces options, le Comité a proposé [**expurgé**].

[**expurgé**], le commissaire adjoint [**expurgé**] a rejeté la recommandation du CCRIE et a autorisé l’échange d’information. Cette décision était fondée sur les éléments suivants :

  1. [**expurgé**] la GRC devrait prendre en compte les conséquences d’un refus d’échanger [**expurgé**] dans la mesure où ce refus porterait atteinte à la relation suivant laquelle [Traduction] « la relation [**expurgé**] serait propice à l’obtention d’information et à l’exercice d’une certaine influence ».
  2. [**expurgé**]
  3. L’importance, pour la GRC, de maintenir une relation solide [**expurgé**].

Le commissaire adjoint en vient à conclure que [Traduction] « le défaut de procéder à l’échange pose un risque qui ne peut pas être géré [**expurgé**]. Même si elle ne donne aucune garantie quant à l’exercice de quelque influence que ce soit, cette option est tout de même la meilleure selon moi. »

Un courriel envoyé ultérieurement par le commissaire adjoint [**expurgé**] faisait part de nouveaux éléments ayant influé sur la décision de rejeter les recommandations du CCRIE. Ces éléments portaient sur le risque de ne pas procéder à l’échange d’information. En l’occurrence, ces renseignements additionnels mettaient l’accent sur des considérations d’ordre stratégique et opérationnel. [**expurgé**]. Le commissaire adjoint a précisé que le manque d’engagement [**expurgé**]. Sur le plan stratégique, le commissaire adjoint a indiqué que la relation risquait de se détériorer advenant que l’information ne soit pas échangée. Il a également précisé que [Traduction] « à défaut de fournir [**expurgé**] et à consentir les efforts d’atténuation énoncés ci-dessous, la relation [**expurgé**] risque de se détériorer, [**expurgé**] . »

Le commissaire adjoint poursuit sa réflexion en ajoutant qu’il conviendrait de procéder à une analyse des besoins relativement aux difficultés [**expurgé**] et de prendre en compte l’importance de l’information à tirer de l’entrevue ainsi que l’importance de la relation [**expurgé**]. Ajoutons que le commissaire adjoint estime que [**expurgé**] établissement d’une relation solide [**expurgé**] favoriserait les mesures d’atténuation du risque le plus important tout en permettant de gérer les risques qui pèsent actuellement sur les Canadiens se trouvant [**expurgé**]. En conclusion de son courriel, le commissaire adjoint tenait à indiquer qu’il estimait que l’échange d’information était requis pour atténuer le risque de mauvais traitements pouvant être infligé [**expurgé**] qu’en l’occurrence, toute réticence à répondre favorablement pourrait engendrer un risque encore plus important.

Analyse

Conclusion No 9 : L’OSSNR constate que les membres du CCRIE avaient conclu que l’échange d’information engendrerait un risque sérieux de mauvais traitements qui ne pourrait pas être atténué. Or, le commissaire adjoint a établi que le risque pouvait bel et bien être atténué. Ces positions divergentes ont donc donné lieu à un désaccord entre les responsables ou à ce qu’il convient de considérer comme une situation où « les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque ».

La Loi et les décrets connexes interdisent formellement tout échange d’information posant le risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements. À moins que les « fonctionnaires concluent que le risque peut être atténué, notamment par la formulation de réserves ou l’obtention de garanties et que les mesures d’atténuation appropriées sont prises », l’information ne peut pas être communiquée. Le paragraphe 1(2) du décret ajoute ce qui suit : « Si les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque, le commissaire veille à ce que la question lui soit renvoyée pour décision.

La décision du commissaire adjoint voulant que l’information soit échangée contrairement à la recommandation du CCRIE s’appuie sur le paragraphe 1(2) du décret et conclut que dans la mesure où le CCRIE est responsable de formuler une recommandation à l’intention du commissaire adjoint, c’est celui-ci qui constitue le décideur final. Le commissaire adjoint [Traduction] « a établi que le risque pouvait être atténué ». En l’occurrence, le commissaire adjoint a considéré que sa décision finale n’allait à l’encontre ni du processus décrit dans le mandat du CCRIE ni des dispositions énoncées dans les décrets. Or, les décrets sont clairs : lorsque « les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque, le dossier doit être renvoyé au commissaire […]101 ». Ainsi, s’appuyant sur les termes du paragraphe 1(2) du décret, l’OSSNR soutient que ce dossier aurait dû être renvoyé au commissaire pour décision.

Conclusion No 10 : L’OSSNR estime que les arguments sur lesquels s’appuie la décision du commissaire adjoint de rejeter le conseil du CCRIE ne tenaient pas suffisamment compte des dispositions stipulées dans les décrets en conseil. L’OSSNR estime surtout que dans son évaluation des risques de mauvais traitements de la personne concernée, le commissaire adjoint avait erronément mis l’accent sur l’importance de la relation stratégique qu’il conviendrait de maintenir avec l’entité étrangère.

[**expurgé**]

Un certain nombre d’hypothèses sous-tendent la justification formulée par le commissaire adjoint pour autoriser la communication de l’information demandée.

[**expurgé**]. Toutefois, cette analyse fait fi [**expurgé**]. Cela prend le contrepied des rapports [**expurgé**] de la GRC [**expurgé**] et des comptes rendus de décisions du CCRIE selon lesquels [**expurgé**]. De la même façon, le commissaire adjoint n’a pas tenu compte de la possibilité [**expurgé**].

Par ailleurs, le commissaire adjoint s’appuie sur [**expurgé**] depuis un certain temps, mais ne se soucie pas de savoir dans quelle mesure les risques [**expurgé**] pourraient s’accroître [**expurgé**].

En second lieu, l’analyse du commissaire adjoint s’appuyait sur [**expurgé**].

Le commissaire adjoint ne tient pas compte des préoccupations du CCRIE concernant [**expurgé**] l’insuffisance des mesures d’atténuation. Il considère plutôt [**expurgé**] un risque plus important advenant que l’information ne soit pas communiquée, mais n’explique pas comment il en arrive à cette conclusion. Le commissaire adjoint de tient pas compte non plus des préoccupations du CCRIE [**expurgé**].

De plus, la décision du commissaire adjoint insistait sur l’importance de la relation entre la GRC [**expurgé**]. D’un autre côté, le CCRIE a fait valoir [**expurgé**] garanties seraient respectées. Ainsi, le raisonnement du commissaire adjoint se concentre sur l’importance de [**expurgé**] cette relation [**expurgé**].

Comme il a été dit plus tôt, selon la GRC :

[Traduction] « […] certes, la Loi visant à éviter la complicité et les décrets connexes n’abordent pas les éléments externes. Or, il n’est pas exclu que l’analyse globale prenne en compte les considérations stratégiques, encore que des risques puissent être encourus par la personne concernée, ni que les partenariats stratégiques puissent être considérés en soi comme des mesures d’atténuation. Il importe de noter que la Loi visant à éviter la complicité et les décrets connexes ne l’emportent pas sur les obligations qui nous incombent en vertu de la Loi sur la GRC. »

[Traduction] « […] ainsi, toute action ou inaction peut donner lieu à des conséquences indésirables. Il est dès lors prudent d’en faire état lorsqu’il s’agit de faire montre de diligence raisonnable et de prouver que tous les aspects d’une mesure ont été pris en compte. Les relations stratégiques ou à plus forte raison les mesures qui mettent en péril les relations stratégiques, comme dans le cas présent, peuvent causer d’importants dommages. C’est d’ailleurs ce que le commissaire adjoint a indiqué. »

L’OSSNR note que l’évaluation portant sur les mauvais traitements doit se limiter à savoir si la communication pourrait donner lieu au risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements et si ledit risque peut être atténué. Ainsi, l’OSSNR tient à mettre en garde contre le recours à des considérations parallèles, notamment les relations stratégiques, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe bel et bien un risque sérieux.

Il convient de noter que le commissaire adjoint a proposé des mesures d’atténuation additionnelles pour analyse. Toutefois, ces mesures s’appliquaient toutes [**expurgé**]. Or, les mesures n’exigeaient aucunement que l’obtention de garanties et l’application des mesures d’atténuation proposées par le CCRIE constituent des conditions préalables à l’échange d’information.

Recommendation No 2 : L’OSSNR recommande que dans les cas où le commissaire adjoint de la GRC est en désaccord avec une recommandation du CCRIE selon laquelle une information ne devrait pas être échangée, le dossier soit automatiquement renvoyé au commissaire.

Recommendation No 3 : L’OSSNR recommande que l’évaluation du risque sérieux ne porte que sur les termes énoncés dans le décret en conseil – à savoir sur le risque sérieux de mauvais traitements et sur la possibilité d’atténuer ledit risque – et que les objectifs externes, notamment, la promotion des relations stratégiques n’aient aucune incidence sur les décisions à rendre.

Enfin, dans le cas qui nous concerne ici, le commissaire adjoint chargé d’approuver les recommandations du CCRIE était celui qui devait encadrer le secteur d’activité concerné. En 2019, l’OSSNR a recommandé que « [l]es ministères devraient faire en sorte que, dans les cas où le risque de mauvais traitements se rapproche du niveau « sérieux », les décisions soient prises indépendamment des employés des secteurs opérationnels ayant un intérêt particulier dans le résultat. » Comme il a été dit au paragraphe 61, la GRC a modifié, en 2021, le processus du CCRIE de telle sorte que le CCRIE mise dorénavant sur des co-présidents. Ainsi, l’ajout d’un poste de président (co-président) permet de s’assurer que le président qui surveille un cas particulier du CCRIE n’est pas celui qui est responsable du secteur d’activité dont ledit cas relève. Considérant le cas présent, on constate qu’il serait nécessaire de reproduire ce type de structure au niveau de la haute direction de sorte à garantir que le processus décisionnel sera impartial et à veiller à ce que la gestion du cas repose surtout sur le risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés à la personne en question, plutôt que sur des considérations parallèles d’ordre stratégique.

Recommendation No 4 : L’OSSNR estime que les recommandations du CCRIE devraient être renvoyées à un commissaire adjoint qui n’est pas le responsable de la sous-direction dont le cas est issu.

Affaires mondiales Canada

Pendant la période d’examen, soit du 1er janvier au 31 décembre 2021, on a recensé six cas qui ont été renvoyés à la Direction des politiques et des programmes liés au renseignement (INPL) pour évaluation113. Tous les cas qui ont été soumis à l’OSSNR avaient trait à la « sécurité de la mission ». En l’occurrence les missions devaient miser sur l’assistance des autorités locales dans des situations où le personnel de l’ambassade ou du consulat étaient potentiellement exposés à certaines menaces. Lorsqu’on l’a interrogé au sujet du faible nombre de cas, AMC a répondu à l’OSSNR que les échanges (avec des entités étrangères) de renseignements permettant d’identifier une personne étaient très rares dans le contexte de la Loi.

Mise en application de la Loi visant à éviter la complicité

Conclusion No 11 : L’OSSNR estime qu’AMC en est arrivé au point où il dépend largement du personnel opérationnel et des chefs de mission lorsqu’il s’agit de prendre des décisions et de s’acquitter de ses responsabilités au titre de la Loi visant à éviter la complicité

Le 14 décembre 2017, AMC a reçu les Instructions du ministre : Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères (IM 2017). Or, AMC n’avait pas reçu les Instructions du ministre sur l’échange d’information avec des organismes étrangers (IM 2011) qui avaient été transmises à un certain nombre de ministères.

Le ministère gère un réseau mondial encadrant plus de 175 missions dans 110 pays, il dispose d’un effectif d’environ 12 000 personnes et il exerce son mandat grâce à un budget de plus de 7 milliards de dollars.

Lorsqu’on l’a questionné au sujet de la façon dont le ministère met la Loi en pratique, AMC a évoqué ses programmes de mobilisation et de formation. En outre, AMC a indiqué à l’OSSNR que ses programmes de formation ciblaient des membres particuliers du personnel afin de favoriser la sensibilisation et la conformité aux dispositions de la Loi. Les formations font état des rôles et des responsabilités dans le contexte de la Loi et des décrets connexes. De plus, elles fournissent aux employés une définition de la notion de « risque sérieux » ainsi les coordonnées de personnes-ressources à l’Administration centrale

En 2021, l’OSSNR s’est engagé à analyser de près les mesures de tri et les processus décisionnels s’appliquant au contexte de la Loi, et ce, en réalisant un examen visant AMC et la GRC. Dans le cadre de l’examen de 2020, l’OSSNR a constaté des écarts considérables entre les ministères pour ce qui a trait aux évaluations des risques et au niveau d’approbation requis. Plus particulièrement, l’OSSNR a noté des lacunes dans les procédures d’AMC en matière d’évaluation des risques, lacunes qui auraient nécessité l’intervention du sous-ministre.

Lorsqu’on a demandé si AMC avait commencé à apporter des correctifs ou encore à modifier les cadres ou les politiques pour faire suite aux conclusions et aux recommandations des examens précédents, AMC a répondu que des correctifs avaient été apportés au cadre grâce à la création du formulaire d’évaluation du risque de mauvais traitements (FERMT). AMC a expliqué que le formulaire favoriserait l’uniformisation des seuils à appliquer lorsqu’il s’agit de renvoyer un cas à un niveau hiérarchique plus élevé aux fins de décision et qu’il permettrait de normaliser la façon dont les cas sont documentés. Or, en date du 31 août 2022, AMC n’avait toujours pas commencé à utiliser ledit formulaire.

Actuellement, le chef de mission (CDM) produit la première évaluation en déterminant si le risque que la personne subisse de mauvais traitements peut être atténué au point d’atteindre un niveau inférieur au seuil du risque dit « sérieux ». Ce n’est que dans les situations où il constate une source de préoccupation concernant l’adéquation des mesures d’atténuation ou des évaluations que le CDM demande conseil en envoyant un courriel à la boîte générique de la Direction des politiques et des programmes liés au renseignement (INPL).

L’INPL peut prêter main-forte à la mission en réalisant une évaluation des risques. À cette étape, si l’on établit qu’il existe un risque sérieux de mauvais traitements qui ne peut pas être atténué et s’il est prévu que la mission ait tout de même lieu, le directeur général de la région concernée peut demander que le Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (CCEMT) se réunisse. Ainsi, le CCEMT fait part de sa décision au CDM. En outre, AMC a indiqué que le rôle du CCEMT :

[Traduction] « […] est de recommander des stratégies d’atténuation des risques, de solliciter de plus en plus des discussions de haut niveau et l’approbation des décisions au besoin, y compris par le sous-ministre des Affaires étrangères, et de documenter la façon dont chaque cas est géré. Le Comité est convoqué ponctuellement pour examiner de possibles cas de divulgation de demande ou d’utilisation de renseignements qui appellent l’application des instructions établies par décret. Des structures semblables à celle du Comité sont en place dans d’autres ministères et organismes assujettis au décret. »

En 2020 et 2021, AMC a amorcé un examen visant le Secrétariat du CCEMT, anciennement connu sous le nom de Comité de conformité à la directive ministérielle (CCDM). AMC a indiqué que des recommandations théoriques avaient été formulées de sorte à améliorer les méthodes de travail du comité et à mettre à jour le texte du mandat, tout en expliquant que le caractère opportun des décisions du comité, la prise en compte des questions liées au devoir de diligence et la production de rapports terminaux sur les résultats des décisions du comité faisaient l’objet d’un examen. Il est attendu que l’examen visant le Secrétariat du CCEMT sera achevé en 2022 et que le mandat sera mis à jour un peu plus tard.

Dans les six cas soumis pendant la période d’examen, l’OSSNR a remarqué que la décision finale visant à établir s’il convenait de communiquer l’information aux autorités locales reposait sur le CDM. Un exemple probant de ce type d’occurrence est le cas HANOI, où la mission a été avisée :

[Traduction] « […] de noter qu’en pareille situation, le pouvoir décisionnel est exercé en dernière instance par la mission/le responsable géographique. Le rôle de l’INPL – en tant que principal point de contact pour ce qui concerne la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères – se résume à donner des conseils sur les considérations pertinentes et non à donner des autorisations. »

D’après la correspondance entre l’INPL et l’équipe de mission en poste à Hanoï, il semble y avoir un besoin d’apporter des précisions concernant les rôles décisionnels pour ce qui concerne la Loi. De fait, l’INPL a indiqué à l’équipe de mission que [Traduction] « en effet, il incombe à la mission de déterminer s’il y a un risque sérieux de mauvais traitements ou non. »

La centralisation de la responsabilité entre les mains du CDM plutôt que de l’Administration centrale constitue un changement important sur le plan de la mise en œuvre depuis l’examen approfondi visant AMC, que l’OSSNR a réalisé en 2019. En effet, à l’occasion des examens précédents, on a noté que les cas pouvant poser un risque sérieux de mauvais traitements devaient être renvoyés au CCDM (par l’intermédiaire de l’INPL). En dernière analyse, c’est le comité qui devait établir si les mesures d’atténuation proposées étaient suffisantes et si la communication d’information devrait avoir lieu. Cette modification des modalités de mise en œuvre met en péril l’indépendance du processus par rapport à ceux qui, pour des motifs opérationnels, pourraient tirer parti des résultats de l’échange d’information.

Recommendation No 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que la responsabilité en matière de conformité à la Loi visant à éviter la complicité incombe clairement au Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements.

Cadres d'échange de l'information

Conclusion No 12 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas démontré que tous ses secteurs d’activités étaient intégrés à son cadre assujetti à la Loi visant à éviter la complicité.

AMC ne dispose d’aucune entente pour les échanges d’information avec des entités étrangères dans le contexte de la Loi. Or, lorsqu’on a demandé de quelle façon AMC surveillait ses échanges d’information, on a obtenu la réponse suivante :

[Traduction] « Un certain nombre de divisions d’AMC reçoivent de l’information qui pourrait avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements. Or, comme elles exercent des mandats différents, les divisions reçoivent divers types d’information et doivent donc appliquer des processus/des cadres distincts pour tenter de reconnaître les informations qui pourraient avoir été obtenues à la suite de mauvais traitements. Par conséquent, AMC n’est pas en mesure d’appliquer un seul et même ensemble de processus à toutes les divisions qui cherchent d’emblée à reconnaître et à étiqueter l’information entrante qui pourrait avoir été le résultat de mauvais traitements. »

Or, AMC n’a réalisé aucun exercice interne de description des processus qui eût permis d’établir quels secteurs d’activités sont assujettis à la Loi. Compte tenu du faible nombre de cas pour la présente année, mais aussi de la taille d’AMC et puisque la formation sur la Loi n’est pas obligatoire pour les membres du personnel, l’OSSNR soulève quelques réserves quant au fait que tous les secteurs d’AMC impliqués dans les échanges d’information n’ont pas été adéquatement informés de leurs obligations en vertu de la Loi.

Lorsqu’on a demandé de plus amples précisions concernant la nature des échanges d’information assujettis à la Loi, AMC a répondu ce qui suit :

[Traduction] « Les échanges d’information ont lieu sans entente formelle avec les entités étrangères, et la majeure partie de l’information échangée n’a rien à voir avec des personnes. Chaque situation où de l’information est échangée est unique et se déroule en fonction des relations et des pays concernés. »

Chacun des échanges d’information est traité au cas par cas et est renvoyé au niveau hiérarchique compétent selon les circonstances de l’échange en question.

Il importe de noter que lorsqu’une évaluation établit qu’il n’y a PAS de risque sérieux de mauvais traitement, mais que l’échange d’information implique directement ou indirectement des renseignements permettant d’identifier une personne ET que l’entité ou le pays étranger ne sont pas des partenaires de confiance sur le plan des droits de la personne, les employés d’AMC doivent tout de même enregistrer, dans un formulaire d’évaluation des risques, les justificatifs sur lesquels on se base pour conclure qu’il n’y a PAS de risque sérieux de mauvais traitement. Il convient alors de monter un dossier bien étoffé.

Conclusion No 13 : L’OSSNR constate qu’AMC n’a pas rendu la formation sur la Loi visant à éviter la complicité obligatoire pour le personnel des secteurs d’activité concernés. De ce fait, les membres du personnel pourraient prendre part à des échanges d’information sans avoir reçu la formation requise et sans connaître adéquatement les dispositions auxquelles les échanges sont assujettis au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

Lorsqu’il s’agit d’établir s’il y a des risques de mauvais traitement, les employés d’AMC tirent parti des rapports sur les droits de la personne ainsi que de tout renseignement pertinent ayant trait au pays ou à l’entité associée à l’information à échanger. Le profil de risque de la personne dont les renseignements font partie d’un échange est également pris en compte lorsqu’il est question de déterminer si un risque de mauvais traitements existe. En l’occurrence, il s’agit de recourir à un ensemble d’information visant à alimenter les évaluations et les décisions, plutôt que de ne miser que sur un seul outil.

La formation n’est obligatoire que pour les employés travaillant dans des missions ou des fonctions à risque élevé, alors qu’elle est simplement proposée au reste du personnel des missions et de l’Administration centrale. AMC s’est engagé à créer, dans Internet, une page consacrée à la Loi et à diffuser des communications de sensibilisation. Or, les employés sont encouragés à consulter ces ressources, mais n’y sont pas tenus.

AMC s’est doté de formations et d’un programme de sensibilisation visant à tenir le personnel des missions à l’étranger et de l’Administration centrale au courant de leurs obligations au titre de la Loi. En outre, les éléments essentiels de cette Loi sont intégrés au programme d’AMC en matière de sensibilisation à la Gouvernance, l’accréditation, la sécurité technique et l’espionnage (GASE), aux cadres juridique et stratégique sur l’échange d’information, et à un module de formation préalable à l’affectation des chefs de mission134. Ces formations font état des rôles et des responsabilités des fonctionnaires relativement aux obligations découlant de la Loi et des décrets connexes. De plus, elles proposent une définition de la notion de « risque sérieux » et fournissent les coordonnées des personnes-ressources à l’Administration centrale. Il importe de noter que le programme de sensibilisation GASE et les segments de formation portant sur la Loi ne sont pas considérés comme des formations fondamentales, mais plutôt comme des outils de mobilisation ayant pour objet d’amener le personnel canadien à l’étranger à prendre connaissance de la situation pour ce qui a trait à la sécurité de l’information et aux sujets relatifs au renseignement. Pour sa part, la formation fournie par le ministère de la Justice constitue la formation de base destinée au personnel.

Lorsqu’on a posé des questions concernant la formation pour la Direction générale des opérations consulaires, AMC a semblé n’en avoir qu’une connaissance superficielle et a indiqué avoir appris, d’après le Rapport annuel de 2021 (sur l’application des Instructions contenues dans le décret : Instructions visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères), que les instructions relatives à la Loi étaient abordées dans la séance de formation offerte par la Direction générale des opérations consulaires.

Les employés visés par la formation à l’Administration centrale sont les agents de sécurité de la mission, les agents de gestion consulaire, les gestionnaires du programme de préparation, les agents du Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale et les chefs de mission, sans oublier tous les membres de la Direction générale du renseignement. Pour ce qui touche les missions, la formation est fournie à tout le personnel canadien à l’étranger, y compris aux employés d’autres ministères affectés aux missions. Ce n’est que tout récemment qu’AMC a commencé à faire le suivi du nombre d’employés qui ont reçu la formation sur la Loi. En l’occurrence, on estime à au moins 300 le nombre des employés d’AMC qui ont suivi cette formation depuis 2020.

Lorsqu’on l’a interrogé au sujet des chiffres relatifs aux formations fournies, AMC a avancé qu’il n’y avait qu’un faible pourcentage des agents d’AMC à l’étranger qui pourrait devoir composer avec des décisions ayant trait à la Loi. Comme la formation n’est obligatoire que pour une partie de l’effectif, l’OSSNR craint, compte tenu du nombre des échanges d’information et de la multiplicité des secteurs d’activités concernés, qu’il y ait un risque que lesdits échanges d’information soient traités ou erronément initiés par des personnes qui ne disposent pas des connaissances requises.

Il arrive qu’AMC traite avec des entités étrangères aux antécédents douteux en matière de respect des droits de la personne, et ce, dans des contextes d’instabilité. C’est pourquoi l’OSSNR se dit extrêmement préoccupé par le fait qu’AMC n’a toujours pas été en mesure de montrer qu’il avait mis en œuvre les termes du cadre lié à la Loi dans l’ensemble de ses secteurs d’activités.

Recommandation No 6 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise en interne un exercice formel de schématisation des processus d’autres secteurs d’activité potentiellement concernés, de sorte à s’assurer que les obligations qui lui incombent en vertu de la Loi visant à éviter la complicité soient respectées.

Recommendation No 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC rende obligatoire la formation sur la Loi visant à éviter la complicité, et ce, pour tout le personnel permutant.

Rapport sur les droits de la personne

Conclusion No 14 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas tenu régulièrement à jour ses rapports sur les droits de la personne. Certes, bon nombre de ces rapports ont été mis à jour pendant l’année d’examen 2021, mais plus de la moitié n’a pas été mise à jour depuis 2019. Cette situation pose de sérieux problèmes dans la mesure où les ministères et les organismes s’appuient en grande partie sur ces rapports lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

AMC élabore des rapports classifiés en matière de droits de la personne, qui sont mis à la disposition d’un certain nombre de partenaires internes du gouvernement du Canada. Chacun d’entre eux vise à faire un état de la situation en matière de droits de la personne pour un pays donné. En outre, ces rapports alimentent les processus décisionnels en matière d’engagement et de programmation orientés vers l’international, ce qui touche les politiques étrangères, le développement, le commerce, la sécurité et les activités consulaires. Les rapports à jour en matière de droits de la personne (après 2019) comportent une section particulière qui traite de la Loi et des décrets connexes, mais qui fait également état des circonstances entourant les mauvais traitements dans le pays en question.

L’entrée en vigueur de la Loi et l’émission des décrets connexes ont fait en sorte qu’un nombre important de ministères se sont trouvés assujettis à des instructions visant à éviter les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères. Or, plusieurs de ces ministères ne disposaient d’aucun cadre d’application ni d’aucune évaluation de pays permettant de respecter ces obligations. En outre, cette situation a fait augmenter le nombre des demandes pour des rapports d’AMC sur les droits de la personne.

Avant que la Loi reçoive la sanction royale, AMC fournissait des rapports sur les droits de la personne aux ministères qui étaient visés par les Instructions du ministre émises en 2017. AMC collabore également avec des partenaires dans le but d’intégrer aux rapports les rétroactions sur les droits de la personne. De plus, AMC prend en compte les commentaires sur les pays d’intérêt en vue des prochains cycles de production de rapports. Il importe également de noter qu’AMC ne tient aucune statistique sur la nature des rapports ou sur la fréquence à laquelle ceux-ci ont été demandés ou consultés par les partenaires internes.

L’OSSNR reconnaît qu’en 2021, AMC venait de mettre en place une liste de priorités quant à la mise à jour des rapports sur les droits de la personne, et que pendant la période d’examen, d’importants progrès avaient ensuite été réalisés sur ce plan, comme en témoigne la mise à jour de 25 % des profils de pays. En l’occurrence, les profils de plusieurs pays à risque élevé ont été mis à jour de sorte à tenir compte des plus récents événements. Par contre, bon nombre de rapports demeurent périmés puisqu’environ 60 % des 133 rapports sur les droits de la personne n’ont pas été mis à jour depuis 2019. Par exemple, les rapports sur le Pakistan, la Somalie, l’Ukraine et le Yémen n’ont pas été actualisés depuis 2019, alors que ceux portant sur l’Afrique du Sud et le Bélarusse n’ont pas été retouchés depuis 2015.

La mise à jour régulière des rapports permettra de veiller à ce que les décisions prises au titre de la Loi se fondent sur une information essentielle et fiable pour ce qui a trait aux droits de la personne. Cette mise à jour est d’autant plus capitale dans la mesure où les autres ministères tirent parti des rapports d’AMC en matière de droits de la personne lorsqu’il leur incombe de réaliser leurs évaluations des risques. L’OSSNR note que le Groupe de coordination d’échange de renseignements dirigé par Sécurité publique Canada continue de travailler sur la priorisation et sur les questions liées aux échanges de rapports sur les droits de la personne entre les ministères146. Il convient de rappeler que les rapports d’AMC sur les droits de la personne sont considérés comme des compléments à ce que les ministères collectent déjà aux fins de leurs propres évaluations. Par conséquent, AMC ne fournit aucun jugement évaluatif sur les risques dans ses rapports sur les droits de la personne. De fait, AMC n’indique pas si un pays ou une entité pose un risque élevé ou faible, ce qui laisse les ministères libres de réaliser leurs propres évaluations fondées sur l’information qu’ils ont collectée dans l’exercice de leurs mandats respectifs.

L’OSSNR a appris que la liste des priorités par pays d’AMC avait été élaborée en collaboration avec des ministères et organismes partenaires ainsi qu’avec certaines divisions d’AMC. Cette liste s’appuie sur une évaluation des besoins opérationnels des ministères et organismes fédéraux du Canada. L’OSSNR est au fait des effets de la pandémie sur les opérations, particulièrement sur les missions à l’étranger, mais encourage tout de même AMC à maintenir le cap et à continuer de travailler avec les autres ministères et organismes de sorte que les rapports sur les droits de la personne soient mis à jour aussi fréquemment que possible.

Élaboration des rapports sur les droits de la personne

AMC produit des rapports sur les droits de la personne en collaboration avec ses missions. Coordonnés par le Bureau des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion d’AMC, les rapports sont utilisés pour alimenter les évaluations des risques, mais aussi pour faciliter l’orientation des décisions en matière de politique et de programmation.

Les missions sont responsables de tenir à jour leurs rapports sur les droits de la personne et, s’il y a lieu, sont liées par les accords sur la mesure du rendement des missions. Le personnel des missions collabore avec les directions générales géographiques pour ce qui est de la préparation des rapports. Bien que l’Administration centrale soit responsable de l’attribution et de la coordination des tâches liées à la production des rapports, c’est le chef de mission qui est appelé à approuver lesdits rapports. Ceux-ci comprennent de l’information contextuelle et générale sur les droits de la personne dans le pays en question ainsi qu’une analyse des événements importants qui ont touché la question des droits de la personne et qui ont eu lieu pendant la période d’examen150. En règle générale, les rapports rassemblent de l’information provenant de sources diverses, notamment, des rapports de source ouverte, des consultations auprès d’organismes de défense des droits de la personne et de partenaires de la société civile, et des prises de contact avec les autorités et les intervenants gouvernementaux.

Recommendation No 8 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que les rapports sur les droits de la personne soient régulièrement mis à jour pour chaque pays, ce qui permettra auxdits rapports de rendre fidèlement compte de l’évolution des enjeux en matière de droits de la personne.

Garanties

Conclusion No 15 : L’OSSNR estime qu’AMC n’utilise pas une approche normalisée et centralisée pour le suivi des documents relatifs aux garanties.

AMC a indiqué qu’aucune approche normalisée n’avait été mise en place pour évaluer la fiabilité ou pour assurer la documentation des garanties reçues de la part d’entités étrangères. Les évaluations des risques sont réalisées au cas par cas. Au moment d’être interrogé au sujet de la gestion des garanties, AMC a déclaré qu’il n’y avait aucune disposition législative ni aucun règlement devant s’appliquer aux garanties diplomatiques, mais que les responsables affectés à chacun des cas prenaient en compte la crédibilité et les antécédents des entités étrangères, l’expérience des partenaires partageant le même point de vue ainsi que la faisabilité des mesures de surveillance des garanties et des mises en garde qu’il convient de communiquer à l’occasion des échanges. Or, c’est à la mission qu’il incombe d’assurer un suivi et une surveillance qui permettent de savoir si les garanties et les mises en garde sont respectées.

Dans le cas ATHENS fourni par AMC, l’OSSNR a remarqué que l’on s’était coordonné pour veiller à ce que les garanties et les mises en garde soient en place avant que l’information soit communiquée aux autorités locales. Selon l’OSSNR, la mission était au fait de ses obligations au titre de la Loi et des instructions connexes, et a tenté de garantir le mieux-être de la personne détenue par les autorités. [**expurgé**] les membres de la mission ont eu recours à des mesures correctives visant à faire en sorte que ladite personne ne risque pas de subir de mauvais traitements.

Dans le cas ATHENS, [**expurgé**] Or, l’OSSNR a remarqué qu’aucun mécanisme formel de suivi ou de documentation n’avait été mis en place pour faire le suivi des mises en garde et des garanties. Cette situation effective pose problème dans la mesure où le personnel de la mission est permutant, ce qui l’empêche souvent de savoir si les mises en garde et les garanties sont fondées sur des occurrences d’échange qui auraient eu lieu antérieurement

Recommendation No 9 : L’OSSNR recommande qu’AMC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et de documenter toute occurrence de non-conformité, et ce, dans le but d’appuyer les évaluations de risques devant être réalisées ultérieurement.

Appendices I: Conclusions et recommendations

Conclusion No 1 : L’OSSNR constate que l’Agence des services frontaliers et Sécurité publique Canada n’ont pas encore mis en œuvre un cadre complet d’application de la Loi visant à éviter la complicité et que les politiques et procédures connexes sont encore en cours d’élaboration.

Conclusions No 2 : L’OSSNR constate que, tous ministères confondus, aucun cas régi par la Loi visant à éviter la complicité n’a été renvoyé à l’administrateur général entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021.

Conclusion No 3 : L’OSSNR estime que la GRC a mis en place un cadre solide permettant de trier adéquatement les cas auxquels s’appliquent les dispositions de la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 4 : L’OSSNR constate que les évaluations de risques réalisées par le CCRIE de la GRC comprennent des objectifs qui sont en sus des exigences énoncées dans les décrets en conseil, notamment, l’évaluation du risque de ne pas échanger de l’information.

Conclusion No 5 : L’OSSNR constate que le recours, par la GRC, à une procédure d’évaluation des risques en deux parties – l’une portant sur le profil de pays et l’autre sur la personne, de sorte à déterminer s’il y a un risque sérieux et à comprendre les circonstances particulières entourant la personne dont il est question dans l’évaluation des risques – constitue une pratique exemplaire.

Conclusion No 6 : L’OSSNR constate que la GRC ne dispose d’aucun système centralisé permettant de documenter les garanties et qu’elle ne surveille pas régulièrement ni ne met à jour les évaluations de la fiabilité desdites garanties

Conclusion No 7 : L’OSSNR estime que la GRC n’effectue pas une mise à jour régulière ni ne planifie la mise à jour de ses évaluations de pays et d’entités. Dans nombre de cas, ces évaluations ont plus de quatre ans et misent, dans une large mesure, sur des agrégats de renseignements provenant de sources ouvertes.

Conclusion No 8 : L’OSSNR constate que l’information collectée par l’agent de liaison en cours d’opération n’est pas consignée dans un registre central. Ainsi, cette information ne peut pas être utilisée dans le cadre d’évaluations ultérieures.

Conclusion No 9 : L’OSSNR constate que les membres du CCRIE avaient conclu que l’échange d’information engendrerait un risque sérieux de mauvais traitements qui ne pourrait pas être atténué. Or, le commissaire adjoint a établi que le risque pouvait bel et bien être atténué. Ces positions divergentes ont donc donné lieu à un désaccord entre les responsables ou à ce qu’il convient de considérer comme une situation où « les fonctionnaires ne sont pas en mesure d’établir s’il est possible d’atténuer le risque ».

Conclusion No 10 : L’OSSNR estime que les arguments sur lesquels s’appuie la décision du commissaire adjoint de rejeter le conseil du CCRIE ne tenaient pas suffisamment compte des dispositions stipulées dans les décrets en conseil. L’OSSNR estime surtout que dans son évaluation des risques de mauvais traitements de la personne concernée, le commissaire adjoint avait erronément mis l’accent sur l’importance de la relation stratégique qu’il conviendrait de maintenir avec l’entité étrangère.

Conclusion No 11 : L’OSSNR estime qu’AMC en est arrivé au point où il dépend largement du personnel opérationnel et des chefs de mission lorsqu’il s’agit de prendre des décisions et de s’acquitter de ses responsabilités au titre de la Loi visant à éviter la complicité

Conclusion No 12 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas démontré que tous ses secteurs d’activités étaient intégrés à son cadre assujetti à la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 13 : L’OSSNR constate qu’AMC n’a pas rendu la formation sur la Loi visant à éviter la complicité obligatoire pour le personnel des secteurs d’activité concernés. De ce fait, les membres du personnel pourraient prendre part à des échanges d’information sans avoir reçu la formation requise et sans connaître adéquatement les dispositions auxquelles les échanges sont assujettis au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 14 : L’OSSNR estime qu’AMC n’a pas tenu régulièrement à jour ses rapports sur les droits de la personne. Certes, bon nombre de ces rapports ont été mis à jour pendant l’année d’examen 2021, mais plus de la moitié n’a pas été mise à jour depuis 2019. Cette situation pose de sérieux problèmes dans la mesure où les ministères et les organismes s’appuient en grande partie sur ces rapports lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques au titre de la Loi visant à éviter la complicité.

Conclusion No 15 : L’OSSNR estime qu’AMC n’utilise pas une approche normalisée et centralisée pour le suivi des documents relatifs aux garanties.

Recommendation no 1 : L’OSSNR recommande que la GRC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et, dans la mesure du possible, de vérifier et indiquer si lesdites mises en garde et garanties ont été respectées.

Recommendation No 2 : L’OSSNR recommande que dans les cas où le commissaire adjoint de la GRC est en désaccord avec une recommandation du CCRIE selon laquelle une information ne devrait pas être échangée, le dossier soit automatiquement renvoyé au commissaire.

Recommendation No 3 : L’OSSNR recommande que l’évaluation du risque sérieux ne porte que sur les termes énoncés dans le décret en conseil – à savoir sur le risque sérieux de mauvais traitements et sur la possibilité d’atténuer ledit risque – et que les objectifs externes, notamment, la promotion des relations stratégiques n’aient aucune incidence sur les décisions à rendre.

Recommendation No 4 : L’OSSNR estime que les recommandations du CCRIE devraient être renvoyées à un commissaire adjoint qui n’est pas le responsable de la sous-direction dont le cas est issu.

Recommendation No 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que la responsabilité en matière de conformité à la Loi visant à éviter la complicité incombe clairement au Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements.

Recommandation No 6 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise en interne un exercice formel de schématisation des processus d’autres secteurs d’activité potentiellement concernés, de sorte à s’assurer que les obligations qui lui incombent en vertu de la Loi visant à éviter la complicité soient respectées.

Recommendation No 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC rende obligatoire la formation sur la Loi visant à éviter la complicité, et ce, pour tout le personnel permutant.

Recommendation No 8 : L’OSSNR recommande qu’AMC veille à ce que les rapports sur les droits de la personne soient régulièrement mis à jour pour chaque pays, ce qui permettra auxdits rapports de rendre fidèlement compte de l’évolution des enjeux en matière de droits de la personne.

Recommendation No 9 : L’OSSNR recommande qu’AMC mette en place un système centralisé permettant de faire un suivi des mises en garde et des garanties fournies par les entités étrangères et de documenter toute occurrence de non-conformité, et ce, dans le but d’appuyer les évaluations de risques devant être réalisées ultérieurement.

Appendice II : Cadre et contexte de a Loi visant à éviter la complicité

Il importe de savoir à quel point les cadres juridiques ont évolué au cours des dix dernières années. Pour ce qui touche le droit international, l’État du Canada est partie à un certain nombre d’instruments internationaux, notamment, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT). En général, les interdictions relatives aux mauvais traitements sont désormais considérées comme faisant partie du droit international coutumier. D’ailleurs, ces engagements internationaux ont été intégrés au droit interne canadien, entre autres, l’interdiction eu égard à la torture, qui est clairement définie et codifiée dans le Code criminel, à l’article 269.1.

En 2010, le gouvernement du Canada a mis en place un cadre général visant à « [a]tténuer le risque de mauvais traitements lorsque de l’information est échangée avec des entités étrangères ». Il s’agissait là des premières instructions transmises par le gouvernement à plusieurs ministères et organismes relativement aux questions ayant trait aux échanges d’information et aux mauvais traitements.

Après l’établissement des cadres, deux Instructions du ministre ont été émises dans le menu détail aux ministères et organismes en 2011 et en 2017. L’IM de 2017 a été remise à sept ministères et organismes, et comportait des interdictions eu égard aux échanges d’information pouvant donner lieu à des risques sérieux de mauvais traitements qui ne peuvent pas être atténués. Les IM contenaient également des paramètres clairement définis concernant l’utilisation de l’information qui aurait pu être obtenue à la suite de mauvais traitements. Ainsi, la portée des IM s’en trouvait élargie dans la mesure où ces IM ne portaient plus exclusivement sur les enjeux de sécurité nationale, puisqu’elles abordaient désormais la question des échanges d’information avec les entités étrangères.

Le 12 juillet 2019, la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères est entrée en vigueur. Cette Loi codifie et consacre l’engagement du Canada à respecter les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les lois internationales interdisant la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’objectif premier de l’intégration de ces principes par voie législative plutôt que par l’intermédiaire d’instructions du ministre, comme c’était le cas, était de veiller à ce que l’engagement du Canada envers ces principes soit permanent plutôt que de fluctuer au gré des ministres ou des gouvernements au pouvoir. La Loi fournit un fondement législatif permettant au gouverneur en conseil (GEC) d’émettre des Instructions par l’intermédiaire des décrets en conseil. En outre, la Loi impose au GEC l’obligation d’émettre des décrets à au moins sept des ministères concernés. En septembre 2019, 12 décrets ont été transmis aux ministères et organismes appelés à échanger de l’information avec des entités étrangères.

Les décrets en conseil interdisent la communication d’information aux entités étrangères dès lors que cette communication pourrait donner lieu au risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements. Ces décrets interdisent également de demander à des organismes étrangers de l’information dès lors que ces demandes pourraient donner lieu au risque sérieux qu’une personne subisse de mauvais traitements. De plus, les décrets émis imposent certains paramètres à l’utilisation de l’information possiblement obtenue à la suite du mauvais traitement d’une personne, entre autres, en interdisant son utilisation là où il y aurait un risque sérieux de nouveaux mauvais traitements – notamment en tant qu’élément de preuve dans des procédures judiciaires, administratives ou autres – là où il y aurait un risque de porter atteinte aux droits et libertés de ladite personne (à moins que l’administrateur général ait décrété que cette utilisation serait nécessaire pour empêcher des pertes de vies ou des blessures corporelles importantes).

Instructions du ministre (2011)

  • Transmises au SCRS, au CST, à l’ASFC et à la GRC.
  • Le MDN a préparé en interne des instructions semblables, mais n’a pas reçu d’instructions de la part du ministre (directives fonctionnelles).
  • Les principales critiques déploraient que les ministères n’eussent pas le loisir de mesurer la valeur de l’information par rapport au risque de mauvais traitements.

Instructions du ministre (2017)

  • Ajout d’AMC et du MDN (au groupe formé par le SCRS, le CST, la GRC et l’ASFC).
  • Un certain nombre de changements ont été apportées, notamment, l’interdiction de communiquer ou de demander de l’information, ainsi que les nouvelles limites s’appliquant à l’utilisation de l’information (obtenue à la suite de mauvais traitements).
  • Exigences voulant que les ministères établissent et conservent des politiques et procédures permettant d’évaluer les risques.
  • Exigences en matière de coopération interinstitutions.

Décrets promulgés au titre de la Loi de 2019 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères

  • Transmis à douze ministères et organismes, dont six n’avaient jamais reçu d’instructions formelles concernant les échanges d’information avec des entités étrangères (SP, CANAFE, TC, IRCC, ARC et MPO).
  • Codification de bon nombre des dispositions des IM de 2017.

Comme il en avait été question dans l’introduction, le cadre juridique qui gouverne les échanges d’information avec des entités étrangères s’applique à l’information ayant trait à tous les particuliers, qu’ils soient en détention ou non. Actuellement, on remarque qu’il n’y a aucune politique qui s’applique à l’ensemble du gouvernement dans le contexte de la Loi. Toutefois, les décrets qui ont été promulgués formulent des orientations quant au seuil à respecter pour les échanges d’information et aux niveaux hiérarchiques appelés à donner leur approbation lorsque l’incertitude plane sur les mesures d’atténuation et, le cas échéant, sur leur aptitude à suffisamment réduire le risque sérieux de mauvais traitement. En 2018, Sécurité publique Canada a mis sur pied un Groupe de coordination d’échange de renseignements dont l’objectif est de favoriser la diffusion des pratiques exemplaires entre les ministères et organismes.

Chaque ministère élabore son propre cadre interne et ses propres politiques pour la mise en application de la Loi. Certains ministères qui ont reçu précédemment des IM visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par les entités étrangères ont tiré parti de circonstances propices à la création de processus, de procédures et de politiques internes permettant de reconnaître les pratiques d’échange d’information qui pourraient poser un risque sérieux de mauvais traitements. Ces ministères ont développé non seulement des approches structurées visant à enregistrer les garanties (verbales ou écrite) reçues de la part des entités étrangères concernées, mais aussi des mesures d’atténuation qu’il conviendrait d’appliquer de sorte qu’une menace soit ramenée sous le seuil du risque sérieux de mauvais traitements.

Appendice III : Recommandations précédentes

Conclusions et recommandations des années précédentes
Rapport pour l'année 2018 Rapport pour l'année 2019 Rapport pour l'année 2020
Conclusion No 1 : Avantages des examens internes des processus d’échange d’information. L’OSSNR a constaté que les examens internes périodiques des politiques et des processus en matière d’échange d’information aident à en assurer le bon fonctionnement à long terme. Conclusion No 1 : L’OSSNR a constaté que plusieurs ministères qui n’étaient pas au fait auparavant des visées de la Loi ont décrit les progrès considérables qu’ils ont faits, pendant la période d’examen et après celle-ci, en vue d’élaborer des cadres officiels pour soutenir sa mise en œuvre. Conclusion no 1 : L’OSSNR constate qu’au cours de la période visée par l’examen, l’ASFC et SP n’ont pas achevé leurs cadres de politique respectifs, contrairement aux instructions reçues au titre de la Loi
Recommandation no 1 : Les ministères devraient effectuer des examens internes périodiques de leurs politiques et de leurs processus en matière d’échange d’information avec des organismes étrangers afin de repérer les lacunes et les éléments qui ont besoin d’être améliorés. Constatation no 2 : L’OSSNR a constaté que les ministères qui effectuent peu d’échanges de renseignements avec des entités étrangères n’ont pas encore pleinement reconnu l’importance de mettre en place un cadre d’échange d’information officiel. Conclusion no 2 : L’OSSNR constate qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, aucun dossier visé par la Loi n’a été renvoyé aux administrateurs généraux des ministères.
Conclusion No 2 : L’indépendance du processus décisionnel varie d’un ministère à un autre. L’OSSNR a examiné la distance qui est mise entre les employés opérationnels qui pourraient porter un intérêt particulier à l’échange et la responsabilité de la prise de décisions à risque élevé. Dans certains ministères, les décideurs ont un intérêt opérationnel direct dans l’échange d’information, ce qui crée un risque de conflit entre les impératifs opérationnels et les obligations du ministère conformément à la DM. Plus particulièrement, l’OSSNR a noté que :
  • le CST et la GRC ont les processus les plus indépendants;
  • le processus d’échange d’information mis en place par AMC jusqu’ici enlève aux employés de première ligne la responsabilité de la prise de décisions à risque élevé;
  • au SCRS ainsi qu’au MDN et aux FAC, les décideurs ont habituellement un intérêt opérationnel direct dans l’échange d’information;
  • l’ASFC n’a pas encore opérationnalisé ses processus d’échange d’information.
Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que tous les ministères qui reçoivent des instructions en vertu de la Loi disposent d’un cadre officiel garantissant qu’ils peuvent pleinement soutenir la mise en œuvre de ces dernières. Conclusion No 3 : L’OSSNR constate que même si les ministères se fondent sur des sources d’information et des méthodes similaires pour déterminer si un dossier concernant le même pays suscitant des préoccupations doit être acheminé à un échelon supérieur, il existe d’importantes différences dans l’évaluation du risque et le niveau d’approbation requis qui en découlent.
Recommandation No 2 : Les ministères devraient faire en sorte que, dans les cas où le risque de mauvais traitements se rapproche du niveau « sérieux », les décisions soient prises indépendamment des employés des secteurs opérationnels ayant un intérêt particulier dans le résultat. Conclusion No 3 : L’OSSNR a constaté que la variabilité des cadres ministériels et les différences observées entre ces derniers témoignent du manque de coordination jusqu’à présent entre tous les ministères concernés et démontrent la nécessité de définir les pratiques exemplaires. Conclusion No 4 : L’OSSNR relève une lacune importante sur le plan des procédures, notamment, lors de l’analyse d’une demande de divulgation de renseignements. En l’occurrence, aucun renseignement n’a finalement été divulgué, mais il s’avère que le risque de mauvais traitements était sérieux et que le cas aurait dû être renvoyé au sous-ministre compétent, en l’occurrence, le sous-ministre des Affaires étrangères.
Conclusion No 3 : Les évaluations des risques associés aux échanges d’information ne sont pas uniformisées. En vertu de la DM de 2017, AMC, le SCRS, le CST et la GRC ont tous leur propre série de profils de pays étrangers ou d’entités étrangères, tandis que le MDN et les FAC sont en train d’établir les leurs. L’existence de multiples évaluations différentes constitue un dédoublement inutile. Elle pourrait également introduire des incohérences, les ministères arrivant parfois à des conclusions très différentes sur les bilans des pays étrangers et des entités étrangères en matière de droits de la personne ainsi que sur les risques associés à l’échange d’information. Recommandation No 2 : L’OSSNR recommande que les ministères coordonnent leurs activités afin de déterminer les pratiques exemplaires liées à toutes les composantes essentielles des cadres d’échange d’information et que le GCER soit mobilisé pour s’assurer que ces pratiques sont communiquées, dans la mesure du possible, à l’ensemble des ministères concernés de manière à soutenir la mise en œuvre de la Loi.
Recommandation No 3 : Les ministères devraient :
  • se doter d’un ensemble unifié d’évaluations de la situation des droits de la personne dans les pays étrangers, notamment d’un niveau uniforme de classification du risque de mauvais traitements pour chaque pays;
  • des évaluations normalisées des risques de mauvais traitements liés à l’échange de renseignements avec des entités étrangères, dans la mesure où plusieurs ministères traitent avec les mêmes entités au sein d’un pays donné. Examen 2019-06 de l’OSSNR.
Constatation No 4 : L’OSSNR a constaté un manque d’uniformité entre les ministères en ce qui a trait à l’application des cadres d’échange d’information existants, plus particulièrement en ce qui concerne les seuils d’évaluation de l’information et le renvoi des cas au palier supérieur aux fins de décision par les cadres supérieurs.
Conclusion No 4 : Le concept de « risque sérieux » de mauvais traitements n’est pas défini. Comme la DM de 2017, la Loi et les instructions qui en découlent interdisent les échanges d’information qui entraîneraient un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés. Cependant, ni la Loi ni les instructions connexes ne comprennent une définition du terme « risque sérieux », malgré le rôle central que ce concept joue dans le régime. Le terme « risque substantiel » était défini dans les DM de 2011 et de 2017. L’absence d’une telle définition suscite des inquiétudes sur l’interprétation qui sera donnée à ce critère à l’avenir. Recommandation No 3 : L’OSSNR recommande aux ministères d’établir des seuils uniformes pour déclencher l’application de leurs cadres d’échange d’information, notamment en ce qui concerne les évaluations initiales au regard des préoccupations soulevées dans la Loi, l’acheminement des cas au palier suivant du processus décisionnel et la façon dont tout ceci est documenté.
Recommendation No 4 : La définition de « risque sérieux » devrait être codifiée dans la loi ou ans les instructions publiques. Constatation No 5 : L’OSSNR a constaté un manque d’harmonisation et de normalisation en ce qui a trait aux évaluations des pays et des entités utilisées par les ministères, ce qui entraîne un manque d’uniformité dans l’approche ou la position adoptée par tous les ministères concernés lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent des préoccupations au regard de la Loi.
Recommandation No 4 : L’OSSNR recommande aux ministères de trouver un moyen d’établir des outils harmonisés et normalisés d’évaluation des risques que présentent les pays et les entités afin de soutenir l’adoption d’une approche uniforme par les ministères lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent des préoccupations au regard de la Loi.

Annexe A : Cadres ministériels

Gendarmerie royale du Canada

Après avoir reçu les IM de 2017, la GRC a mis sur pied un nouveau Groupe d’évaluation de l’application de la loi (GEAL). Le GEAL dispose d’un mandat détaillé qui fait état des membres du groupe ainsi que des rôles et responsabilités qui incombent à ces membres. La principale fonction du GEAL est d’évaluer les pays et les entités d’application de la loi de l’étranger sur le plan des risques de mauvais traitements. Lorsqu’il procède à une évaluation, le GEAL prend en compte un certain nombre de facteurs, notamment, les antécédents du pays en matière de protection des droits de la personne, l’implication de certaines entités étrangères dans le contexte d’atteinte aux droits de la personne, l’historique des services locaux d’application de la loi sur le plan du respect des mises en garde, ainsi qu’une évaluation, par pays, des risques encourus par les personnes eu égard aux opinions politiques, à la religion, à l’identité ethnique, à l’orientation sexuelle, etc. Ainsi, le GEAL [Traduction] « tient un rôle prépondérant quant au processus décisionnel du CCRIE, lorsqu’il s’agit d’établir s’il convient d’échanger de l’information avec des services étrangers d’application de la loi. »

À l’heure actuelle, la GRC a ventilé entre ces catégories 146 profils de pays approuvés, dont 20 sont à risque élevé, 69 à risque modéré et 57 à risque faible. Cinquante et une évaluations de pays sont toujours en suspens. Pour le moment, le GEAL a l’intention de mettre ses profils à jour tous les deux ans, bien qu’il soit conscient qu’il devra mettre certains rapports à jour plus fréquemment en fonction des exigences opérationnelles. Jusqu’ici, il a été estimé que des mises à jour périodiques étaient hautement prioritaires pour 40 pays étant donné le volume des échanges d’information effectués.Actuellement, la GRC a catégorisé 146 profils de pays qui ont été approuvés, dont 20 sont associés à un risque élevé, 69 à un risque modéré, et 57 à un risque faible. On compte toujours 51 évaluations de pays qui n’ont pas été réalisées. Le GEAL envisage de mettre à jour la majorité de ses profils tous les deux ans, alors que certains seront mis à jour plus fréquemment en fonction des exigences opérationnelles. À ce jour, on compte 40 pays dont le profil doit absolument être mis à jour périodiquement en raison du volume des échanges d’information auxquels ces pays prennent part.

Graphic of FIRAC Process

Processus

Lorsqu’il reconnaît la nécessité d’échanger de l’information avec une entité étrangère, l’agent de la GRC doit suivre une procédure déjà établie :

[Traduction] « L’agent doit d’abord consulter un certain site intranet de la GRC, lequel a été créé par le GEAL. Ce site énumère les pays et leur attribue un code de couleur. Lorsqu’un pays arbore le code de couleur « vert », l’agent peut procéder à l’échange d’information. Or, lorsqu’un pays arbore le code de couleur « rouge » – ou encore le code de couleur « jaune » et que le contexte de l’échange proposé comporte des aspects et des facteurs associés aux cas énumérés – le dossier doit être renvoyé au CCRIE ».

Lorsque l’apport du CCRIE est requis, l’agent remplit un formulaire normalisé. Ce formulaire rempli doit être approuvé par un agent compétent des Enquêtes criminelles (EC) ou par un autre agent d’approbation. Le formulaire comprend un résumé de l’information à échanger, le type d’échange (demande, communication ou utilisation), le contexte opérationnel, les risques posés par l’échange d’information, la valeur de l’information pour l’enquête, les stratégies d’atténuation possibles et, s’il y a lieu, le libellé de l’information qui sera communiquée ou utilisée.

Le Secrétariat du CCRIE crée une trousse d’information qui comprend le formulaire de l’agent, le profil de pays du GEAL ainsi que les documents à l’appui soumis par le DG. La trousse d’information est ensuite envoyée aux membres du CCRIE en prévision de la réunion.

Une réunion du CCRIE est convoquée, puis la demande y est analysée et les stratégies d’atténuation sont prises en compte. C’est au président qu’il incombe de prendre la décision finale pour ce qui concerne les recommandations du CCRIE, mais la grande majorité des dossiers sont réglés à l’unanimité. Les opinions divergentes sont enregistrées dans le compte rendu des décisions. Or, une fois que le CCRIE a enregistré ses recommandations, le compte rendu des décisions et la note d’information afférente sont acheminés au commissaire adjoint pour décision finale.

Quant aux dossiers à l’égard desquels le CCRIE n’est pas en mesure d’établir si un risque sérieux de mauvais traitements peut être atténué, le commissaire adjoint compétent remet le compte rendu des décisions au sous-commissaire, qui demandera au commissaire de rendre une décision.

Affaires mondiales Canada

Actualisation du cadre

Affaires mondiales Canada (AMC) a indiqué qu’aucune modification n’avait été apportée à son cadre pendant la période visée par le présent examen.

Annex I: Global Affairs Canada Framework

Processus

Tri

AMC ne compte pas sur un ensemble unique de processus permettant d’établir si l’information utilisée par le ministère pourrait avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements infligés à une personne par une entité étrangère. Lorsqu’il juge qu’il est probable que l’information reçue a été obtenue à la suite de mauvais infligés à une personne par une entité étrangère, mais souhaite tout de même utiliser ladite information, le responsable est tenu, conformément à ce qu’il a appris lors de sa formation, de s’enquérir auprès d’un gestionnaire des programmes de l’Administration centrale. S’il n’est pas en mesure de prendre une décision quant à établir si l’utilisation respecte les dispositions de la Loi, ce gestionnaire doit consulter le groupe des politiques ministérielles concerné ainsi que les Services juridiques.

Comités de la haute direction

Les réunions du Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (CCEMT) portent principalement sur les éléments suivants :

  • L’information que l’on envisage d’utiliser est-elle susceptible d’avoir été obtenue à la suite de mauvais traitements?
  • Quelles sont les mesures proposées pour atténuer les risques? Quelle est la probabilité que ces mesures atteignent leur objectif?
  • Il conviendra de prendre en compte les justificatifs et l’ampleur de toute éventuelle implication avec l’entité ou l’État étranger, qui pourrait donner lieu à un mauvais traitements.

Le Secrétariat du CCEMT crée un compte rendu des décisions et le fait parvenir aux membres du CCEMT pour commentaires. Une fois que l’information est colligée, celle-ci est conservée par le Secrétariat pour d’éventuels rapports. Le Secrétariat du CCEMT assure un suivi auprès du responsable demandeur pour faire le point concernant le résultat de la situation et pour lui demander une dernière mise à jour dès lors que la situation est réglée.

Chacun des rapports sur les droits de la personne produits par Affaires mondiales Canada se fonde sur des données probantes pour faire un état de la situation en matière de droits de la personne dans un pays donné. Cet aperçu rapporte les événements importants qui touchent la question des droits de la personne tout en décrivant les tendances et les faits nouveaux. De plus, il comprend une section portant sur la question des mauvais traitements. Au reste, aucun score n’est attribué aux pays, et c’est aux responsables qu’il revient d’évaluer les risques à partir de l’information contenue dans les rapports.

Mesures d’atténuation

L’Unité des services juridiques ou la Direction des politiques et des programmes liés au renseignement fournissent des orientations concernant les restrictions et les interdictions s’appliquant à l’utilisation des renseignements obtenus à la suite de mauvais traitements. Ils sont également en mesure de proposer d’éventuelles mesures d’atténuation, notamment l’aseptisation des renseignements, lorsque l’un des risques suivants se concrétise : infliction de mauvais traitements à un individu; atteinte aux droits et aux libertés d’un individu; utilisation de renseignements à titre de preuves dans toute forme de procédures judiciaires, administratives ou autres.

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Date de modification :

Review of the dissemination of intelligence on People’s Republic of China political foreign interference, 2018-2023: Report

Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023


Date de publication :

Modifications

En vertu de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR), l’Office de surveillance peut remettre au ministre concerné un rapport spécial portant sur tout enjeu relevant du mandat de l’OSSNR. Le ministre doit alors déposer le rapport spécial devant le Parlement dans les 15 jours de séance suivants.

Préalablement à la soumission d’un tel rapport, l’alinéa 52(1)(b) de la Loi sur l’OSSNR exige que l’Office de surveillance consulte les administrateurs généraux concernés pour veiller à ce que le rapport spécial ne contienne aucun renseignement dont la divulgation pourrait s’avérer préjudiciable pour la sécurité nationale, la défense nationale ou les relations internationales, ni aucune information qui soit protégée par le privilège lié au litige, le privilège du secret professionnel de l’avocat ou le secret professionnel de l’avocat et du notaire.

Le présent document est un rapport spécial que l’OSSNR a produit en application de l’article 40. Il s’agit d’une version révisée classifié qui a été remis au premier ministre le 5 mars 2024. En l’occurrence, les révisions apportées ont permis de retirer les informations pouvant s’avérer préjudiciables. Là où l’information pouvait simplement être retirée sans nuire à la lisibilité du document, l’OSSNR a remplacé le texte supprimé par une série de trois astérisques (***). Or, lorsqu’il a été nécessaire de contextualiser une suppression, l’OSSNR a modifié le texte en reformulant brièvement l’information qui avait été supprimée. Ces interventions sont signalées par l’ajout d’une série de trois astérisques au début et à la fin de la reformulation, et celle-ci est précédée et suivie de crochets (voir l’exemple ci-dessous).

EXEMPLE : [**Les parties révisées affichent des séries de trois astérisques qui précèdent et suivent la phrase, et la reformulation est entourée de crochets.**]

Liste des acronymes

Abbreviation Expansion
CEIPP Critical Election Incident Public Protocol
CTSN Canadian Top Secret Network
CST Centre de la sécurité des télécommunications
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
MDN Ministère de la Défense nationale
DM Deputy Minister
FI Foreign Interference
AMC Affaires mondiales Canada
HUMINT Human Intelligence
IAS Intelligence Assessment Secretariat
ISR Independent Special Rapporteur
MP Member of Parliament
NHQ National Headquarters
NSIA National Security and Intelligence Advisor
NSICOP National Security and Intelligence Committee of Parliamentarians
OSSNR Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement
BCP Bureau du Conseil privé
PRC People’s Republic of China
PMO Prime Minister’s Office
PSB Protective Security Briefing
SP Sécurité publique Canada
GRC Gendarmerie royale du Canada
RRM Rapid Response Mechanism
SIGINT Signals Intelligence
SITE TF Security and Intelligence Threats to Elections Task Force
TRM Threat Reduction Measure
UFWD United Front Work Department
Abréviation Développement
AC Administration centrale
AMC Affaires mondiales Canada
BCP Bureau du Conseil privé
CPM Cabinet du premier ministre
CPSNR Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement
CSNR Conseiller à la sécurité nationale et au renseignement
CST Centre de la sécurité des télécommunications
DER Direction de l’évaluation du renseignement
DTFU Département du travail du Front uni
GRC Gendarmerie royale du Canada
GT MSRE Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections
HUMINT Renseignement humain (Human Intelligence)
IE Ingérence étrangère
MDN Ministère de la Défense nationale
MRM Mesure de réduction de la menace
MRR Mécanisme de réponse rapide
OSSNR Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement
PPIEM Protocole public en cas d’incident électoral majeur
RCTS Réseau canadien Très secret
RPC République populaire de Chine
RSI Rapporteur spécial indépendant
SCRS Service canadien du renseignement de sécurité
SIGINT Renseignement électromagnétique (Signals Intelligence)
SISP Séance d’information sur la sécurité préventive
SM Sous ministre
SP Sécurité publique Canada

Sommaire

La collectivité de la sécurité et du renseignement admet unanimement que l’ingérence politique étrangère est une menace considérable pour le Canada et que la République populaire de Chine (RPC) constitue l’un des principaux auteurs de ce type de menace qui pèse sur tous les ordres de gouvernement. Pourtant, le présent examen – lequel porte sur la façon dont le renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la RPC a été diffusé entre 2018 et 2023 (période qui englobe les deux dernières élections fédérales) – indique que les éléments constitutifs de cette collectivité manifestent, en interne et entre eux, d’importants désaccords quant à savoir si, quand et comment il convient de diffuser les renseignements dont chacun dispose.

En outre, ces désaccords et ces disparités se fondent sur un enjeu qui concerne l’ensemble de la collectivité de la sécurité et du renseignement : comment doit on aborder cette « zone grise » où les activités d’ingérence politique étrangère en viennent à ressembler aux activités courantes des sphères politique et diplomatique? En l’occurrence, l’OSSNR a relevé un certain nombre d’éléments indicateurs de cet enjeu pendant le déroulement de l’examen, notamment dans les décisions visant à établir s’il y avait lieu de diffuser l’information et comment il convenait de caractériser ce qui devait être diffusé. Le risque de qualifier de menace des manifestations politiques ou diplomatiques qui seraient pourtant légitimes a amené certains membres de la collectivité du renseignement à éviter de considérer certaines activités comme des activités de menace. 

Intelligence is by its nature provisory. It does not constitute proof that the described activities took place, or took place in the manner suggested by the source(s) of the information. At the same time, the fact that it is ne contenait pas proof does not mean it should be withheld – by this standard, very little (if any) intelligence would ever be shared. What is required – between collection and dissemination – is an evaluation of the intelligence and a decision as to whether it should, or should not, be communicated in some way.

Pour ce qui a trait à la diffusion du renseignement concernant l’ingérence étrangère dans les élections, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a fait face à un dilemme. D’une part, l’information relative à l’ingérence étrangère dans les élections constituait une priorité pour le gouvernement, et le SCRS avait déployé son dispositif de collecte de sorte à mener son enquête sur le plan de l’ingérence politique étrangère. D’autre part, le SCRS reconnaissait la possibilité que la collecte et la diffusion de renseignement concernant les élections puissent également être interprétées comme des formes d’ingérence dans le processus électoral. Ainsi, une tension de fond demeure : toute mesure – notamment la diffusion de renseignement – prise par le SCRS avant ou pendant l’élection ne doit, ni en fait ni en apparence, influer sur celle ci. 

Au sein du SCRS, cette dynamique était bien connue, mais elle n’est formellement abordée ni dans la politique ni dans les lignes directrices. Comme il était difficile de savoir, surtout pour les responsables de la collecte de renseignement, quels étaient les motifs généraux ou les politiques appelés à orienter les mesures de diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère, il devenait tout aussi difficile de savoir comment ces motifs et ces politiques devaient orienter chacune des décisions. Globalement au sein du SCRS, on avait de plus en plus l’impression que les règles et les décisions étaient établies, voire modifiées, malgré l’absence d’une stratégie ou d’orientations qui soient cohérentes.

L’OSSNR recommande que le SCRS conçoive une politique et une stratégie complètes s’appliquant à tous les aspects de la façon dont le SCRS se mobilise – à savoir lorsqu’il enquête, produit des rapports et réagit aux menaces – contre l’ingérence politique étrangère. En outre, ces outils rehausseraient le niveau de cohérence au sein de l’organisation. Ils indiqueraient aux intervenants du gouvernement du Canada que le SCRS a attentivement pris en compte tous les aspects de l’ingérence politique étrangère, particulièrement les difficultés qu’elle pose, mais aussi qu’il établit des rapports et prodigue des conseils suivant des normes et des seuils rationnellement établis. 

Le SCRS est membre du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (MSRE) en compagnie du Centre de la sécurité des télécommunications (CST), de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d’Affaires mondiales Canada (AMC). L’une des principales fonctions du Groupe de travail est de remettre des rapports de renseignement coordonnés à un groupe de hauts fonctionnaires, à savoir le groupe responsable du Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM), pendant la période de l’élection. Ces deux organes ont pour objet de recevoir et d’analyser le renseignement provenant de la collectivité du renseignement relativement à l’ingérence politique étrangère dans les élections fédérales, mais aussi de réagir audit renseignement.

Les visées du Groupe de travail MSRE et du groupe responsable du PPIEM ont été définies dans le but de remédier au problème global et systématique d’une ingérence qui est principalement exercée en ligne (à l’instar de ce que nous avons pu observer durant l’élection présidentielle américaine de 2016). Or, ces organes n’ont pas été en mesure s’attaquer adéquatement aux sources traditionnelles et humaines de l’ingérence exercée dans les circonscriptions. Ainsi, l’OSSNR recommande que le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM fassent l’objet de mesures d’adaptation visant à leur permettre désormais de veiller à ce que les menaces liées à l’ingérence étrangère soient intégralement et adéquatement prises en charge.

En contexte non électoral, la collectivité du renseignement collecte régulièrement du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC. Ce renseignement est échangé horizontalement, au sein de la collectivité, ainsi que verticalement, avec les principaux décideurs, notamment les représentants élus.

Au cours de la période visée par l’examen, le SCRS n’a pas été en mesure de savoir exactement qui avait reçu et lu ses documents de renseignement. Cette absence de certitude est en partie attribuable à la multiplicité des systèmes de suivi interne qui sont employés par les ministères destinataires et qui n’ont possiblement pas été en mesure d’enregistrer ce type de données. Mais en définitive, c’est au destinateur de cette information sensible, en l’occurrence le SCRS, qu’il incombe de contrôler et de documenter les accès.

Le défaut de savoir ce qui a été reçu – et par qui – a eu des répercussions en donnant lieu, notamment, à la controverse autour du renseignement selon lequel la RPC ciblait un député en exercice.

Les médias et les propos du public concernant ce renseignement traitaient principalement de deux produits du SCRS : l’un émis en mai 2021, l’autre en juillet 2021. De fait, aucun des produits ne constituait le mécanisme par lequel le ministre et le sous ministre de la Sécurité publique devaient initialement être mis au courant des activités de menace que la RPC dirigeait contre ledit député et sa famille. Ce sont plutôt [**des renseignements du SCRS**] qui, [**avant mai 2021**], [**avaient**] trait au ciblage que la RPC exerçait à l’endroit du député en question. Le SCRS a envoyé [**ces renseignements**] des listes de destinataires, qui incluaient le sous ministre et le ministre de la Sécurité publique.

Sécurité publique a confirmé qu’au moins un [**expurgé**] avait été remis au Ministre [**avant mai**] 2021, probablement inséré dans une trousse de lecture produite hebdomadairement. Toutefois, le ministère n’a pas été en mesure de savoir ce qu’il était advenu [**expurgé**]. Or, cette situation est inadmissible. Ainsi, l’OSSNR recommande que soit mis en place un mécanisme élémentaire de responsabilisation par lequel le SCRS et Sécurité publique enregistreraient rigoureusement les données permettant de savoir qui a reçu les produits de renseignement et, le cas échéant, qui les a lus. 

Dans le même temps, le suivi des produits de renseignement jusqu’à leurs destinataires n’est pas une panacée. Les utilisateurs devraient avoir un intérêt réel pour le renseignement qu’ils reçoivent et comprendre dans quelle mesure ce renseignement peut leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités respectives.

En 2021, des analystes du Bureau du Conseil privé et du SCRS ont produit des rapports qui devaient présenter une synthèse des activités d’ingérence étrangère de la RPC, mais que la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement (CSNR) auprès du premier ministre a vus comme de simples comptes rendus d’activités diplomatiques courantes. Ce désaccord a joué un rôle dans le fait que certains des produits de renseignement ne se sont pas rendus à l’exécutif politique, notamment le premier ministre.

L’écart entre le point de vue du SCRS et celui du CSNR est important dans la mesure où cette question s’avère fondamentale. Or, le SCRS a produit des rapports suivant la collecte et l’analyse de renseignement concernant des activités dont il estimait qu’elles constituaient une menace envers la sécurité nationale. L’un des principaux utilisateurs de ces rapports (qui s’avère être l’intermédiaire par lequel le renseignement parvient au premier ministre) était en désaccord avec cette appréciation. En théorie, les engagements en matière d’intervention en cas d’ingérence politique étrangère sont relativement simples à comprendre. Mais en pratique, ils risquent de s’embrouiller si les divergences élémentaires quant à la nature de la menace deviennent monnaie courante au sein de la collectivité.

L’OSSNR recommande que les utilisateurs habituels du renseignement adoptent des mesures permettant d’accroître le niveau de compétence en matière d’exploitation du renseignement au sein de leurs ministères respectifs; il recommande également que la collectivité de la sécurité et du renseignement acquière une seule et même compréhension fonctionnelle de ce qui constitue de l’ingérence politique étrangère. Certes, le CSNR tient un rôle de coordonnateur au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, mais les attributions de ce rôle ne sont toujours pas définies. Ainsi, la portée de son influence dans les décisions concernant la distribution des produits de renseignement du SCRS n’est pas clairement établie. Par conséquent, l’OSSNR recommande que le rôle du CSNR, pour ce qui a trait notamment aux décisions en matière de diffusion du renseignement, soit décrit dans un instrument juridique.

Introduction

Fondements législatifs

Le présent examen a été réalisé en application des autorisations visées aux alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de la Loi sur l’Office de surveillance en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR).

Portée de l’examen

La portée de l’examen s’étend à tout le renseignement portant sur l’ingérence exercée par la République populaire de Chine sur les institutions et les processus démocratiques fédéraux, de 2018 à 2023. L’accent a été mis expressément sur le cheminement que ce renseignement a suivi au sein du gouvernement, c’est à dire depuis le travail de ceux qui ont collecté le renseignement jusqu’aux utilisateurs dudit renseignement (les « clients »), à savoir certains cadres supérieurs de la fonction publique ainsi que des représentants élus.

Le présent examen traite, notamment, des ministères et organismes suivants :

  • le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS);
  • le Centre de la sécurité des télécommunications (CST);
  • la Gendarmerie royale du Canada (GRC);
  • Affaires mondiales Canada (AMC);
  • Sécurité publique Canada (Sécurité publique, SP)
  • le Bureau du Conseil privé (BCP).

Il s’agit là des membres principaux de la collectivité de la sécurité et du renseignement qui exercent un mandat se rapportant à l’ingérence étrangère dans les institutions et les processus démocratiques du Canada. L’examen a également tiré parti d’informations qu’Élections Canada (EC) a fournies au sujet de ses relations avec les ministères et organismes énumérés plus haut, mais il a aussi tiré parti de renseignements qu’EC a reçus de ces ministères et organismes.

Méthodologie

L’OSSNR a recueilli de l’information suivant diverses modalités, que voici :

  • examen de documents (environ 17 000 documents);
  • neuf (9) séances d’information;
  • quatorze (14) entrevues;
  • vingt et une (21) demandes d’information,
    • notamment, des demandes de documents ainsi que des demandes de réponses écrites à diverses questions;
  • accès direct à la base de données opérationnelle et au répertoire organisationnel du SCRS;
  • accès direct à la base de données du CST contenant les rapports sur l’ingérence étrangère.

La Loi sur l’OSSNR autorise l’Office de surveillance à accéder à toute l’information, sauf aux documents confidentiels du Cabinet, dont dispose ou que contrôle l’entité visée par l’examen (ou l’entité examinée). De plus, cette loi autorise l’Office de surveillance à recevoir, de la part de l’entité examinée, tout document et toute explication qu’il juge nécessaire.

Au départ, l’OSSNR n’a pas demandé de recevoir les documents confidentiels du Cabinet dans la mesure où la portée de l’examen ne s’étendait pas aux réponses stratégiques du gouvernement en matière d’ingérence étrangère, se concentrant plutôt sur le cheminement de l’information au sein de l’appareil gouvernemental. Toutefois, dans son premier rapport public, le rapporteur spécial indépendant (RSI) sur l’ingérence étrangère, le très honorable David Johnston, a recommandé que l’OSSNR ait accès aux documents confidentiels du Cabinet qui lui avaient été remis aux fins de l’examen qu’il était chargé de réaliser. Dans la foulée de cette recommandation, l’OSSNR a écrit au premier ministre le 7 juin 2023 pour demander que tous les documents confidentiels du Cabinet se rapportant au sujet de son examen lui soient remis, et non seulement ceux reçus par le RSI. 

Le 13 juin 2023, un arrêté en conseil autorisait la remise, à l’OSSNR, des documents confidentiels du Cabinet examinés par le RSI. Or, il convient de rappeler que la portée et l’objet de l’examen de l’OSSNR diffèrent de ceux du rapport déposé le 23 mai 2023 par le RSI. Le rapport du RSI se concentrait sur le renseignement qui avait trait à l’ingérence étrangère exercée pendant les 43e et 44e élections générales fédérales et qui avait été rapporté dans les médias. Souhaitant préserver l’intégrité de ses examens et garantir son indépendance, l’OSSNR ne pouvait pas se pencher sur une partie des documents confidentiels du Cabinet (ceux remis au RSI) sans examiner tous les autres documents confidentiels du Cabinet s’avérant pertinents, compte tenu précisément de la portée et de l’objet de son examen. La demande concernant la totalité des documents pertinents est restée sans réponse de la part du premier ministre. Par conséquent, l’OSSNR a refusé de se pencher sur le sous-ensemble de documents confidentiels du Cabinet qui lui avait été fourni. En considération de la portée du présent examen, l’OSSNR estime néanmoins avoir reçu toute l’information nécessaire pour étayer solidement son analyse, ses conclusions et ses recommandations. 8. Conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la Loi sur l’OSSNR, l’Office de surveillance a coopéré avec le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) de sorte à éviter le double emploi s’agissant des travaux que les deux organismes réalisent dans le cadre de leurs examens respectifs sur l’ingérence étrangère.

Déclarations concernant l’examen

Le SCRS, le CST, la GRC, AMC et Sécurité publique ont répondu aux attentes de l’OSSNR sur le plan de la réactivité pendant le déroulement du présent examen. Quant au BCP, il n’a répondu aux attentes que partiellement en raison des retards qu’il a affichés lorsqu’il s’est agi de répondre aux demandes d’information de l’OSSNR.

Or, c'est conformément à ses attentes que l'OSSNR a été en mesure de vérifier l'information nécessaire au présent examen.

Renseignements généraux

À partir de l’automne de 2022, une série de reportages du journal The Globe and Mail et de Global News ont fait référence à des documents classifiés du SCRS portant sur l’ingérence étrangère de la RPC dans les institutions et les processus démocratiques du Canada, dans le cadre, en l’occurrence, des 43e et 44e élections fédérales. Ces reportages ont suscité des inquiétudes à l’égard de la réaction du gouvernement face à la menace que constitue l’ingérence étrangère, mais aussi quant à l’intégrité des institutions et processus démocratiques du Canada.

Le 9 mars 2023, l’OSSNR a annoncé qu’il amorcerait le présent examen portant sur la production et la diffusion du renseignement sur l’ingérence étrangère commise à l’occasion des 43e et 44e élections fédérales. L’examen devait se concentrer principalement sur le cheminement de cette information au sein du gouvernement, pour ensuite permettre de répondre à la question fondamentale : la collectivité de la sécurité et du renseignement a t elle adéquatement relayé l’information aux responsables de la protection des institutions et processus démocratiques du Canada contre les menaces d’ingérence étrangère? La granularité de cette question – laquelle requiert la comparaison entre les données brutes collectées et le renseignement ultérieurement diffusé dans les produits finis – se prêtait au mandat de l’OSSNR ainsi qu’aux accès que ce mandat procure, notamment l’accès direct aux systèmes du SCRS et la possibilité de discuter avec les agents de renseignement sur le terrain. On a jugé que certaines considérations générales d’ordre politique (par exemple, ce que les décideurs politiques ont fait ou décidé de ne pas faire de l’information qu’ils ont reçue) ne faisaient pas partie de la portée des travaux, mais qu’elles devraient être prises en compte par d’autres organismes chargés d’examiner les activités du présent domaine, notamment le CPSNR et la commission d’enquête dirigée par l’honorable Marie Josée Hogue. La question que pose l’OSSNR est fondamentale en cela qu’une réponse opérante nécessite une information qui soit adéquate.

Ingérence politique étrangère

L’ingérence étrangère comprend les activités secrètes, clandestines ou trompeuses que des acteurs étrangers mènent dans le but de promouvoir leurs intérêts, que ceux ci soient de nature stratégique, géopolitique ou économique, ou qu’ils relèvent de la sécurité. L’ingérence étrangère peut être exercée dans toutes les sphères de la société, notamment le secteur privé, le monde universitaire, les médias et le système politique. L’ingérence exercée dans cette dernière sphère, l’ingérence politique étrangère est un sous ensemble de ce que l’on conçoit plus généralement comme de l’ingérence étrangère.

Un exemple probant d’ingérence politique étrangère est la propagation, voire l’amplification de la désinformation dans les plateformes de médias sociaux, comme l’a fait la Russie pendant l’élection présidentielle américaine de 2016. Tout aussi répandues sont les formes « traditionnelles » (par des humains) d’ingérence qui comportent divers aspects, notamment : l’entretien de relations avec les personnalités politiques aux fins d’ingérence; le recrutement et la coercition de personnes travaillant dans le domaine politique (notamment le personnel ministériel); les dons en espèce versés illicitement, illégalement ou clandestinement à des politiciens ou à des partis politiques; et l’exercice de pressions sur les diasporas au moyen de menaces et de mesure d’intimidation.

Selon les propos tenus au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, le plus important auteur d’ingérence étrangère (politique ou autre) au Canada est la RPC. En effet, la RPC mène systématiquement de vastes opérations d’ingérence dans tous les ordres de gouvernement. Ces activités sont généralement l’œuvre du Département du travail du Front uni (DTFU), dont la mission est, notamment, de façonner et d’influencer, à l’échelle mondiale, les perceptions à l’égard de la RPC ainsi que les politiques la concernant. Cette influence peut prendre une diversité de moyens selon des approches ouvertes ou secrètes. Le DTFU existe depuis des décennies, mais l’on reconnaît généralement que ses activités se sont intensifiées depuis l’accession de Xi Jinping à la direction permanente de la RPC, intensification qui coïncide avec l’accroissement des tensions entre la RPC et les États occidentaux, notamment le Canada.

Le SCRS produit des rapports sur l’ingérence étrangère depuis qu’il a été créé, en 1984. À l’article 2 de la Loi sur le SCRS, on trouve une définition des termes « menaces envers la sécurité du Canada » et « activités influencées par l’étranger », qui constituent des « activités qui sont préjudiciables [aux intérêts du Canada], et qui sont de nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ».

Par le passé, les rapports du SCRS sur l’ingérence étrangère de la RPC ont déjà suscité la controverse au sein du public. Ce fut le cas en 2010, lorsque Richard Fadden, alors directeur du SCRS, a fait des déclarations publiques concernant l’ingérence politique de la RPC au Canada, selon lesquelles le SCRS enquêtait sur bon nombre de politiciens dont on croyait qu’ils étaient [traduction] « sous l’influence d’un gouvernement étranger ». Ces commentaires ont suscité de nombreuses critiques exprimées publiquement, notamment celle venant du Comité permanent de la sécurité publique et nationale qui concluait que « [l]es allégations du directeur du SCRS ont nui à l’image de la classe politique et à celle de la communauté chinoise canadienne » .  

Puis en, [**expurgé**], le SCRS a créé un bureau spécial appelé à enquêter sur l’ingérence étrangère de la RPC, [**Une phrase a été modifiée et une autre supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient l’organisation des enquête du SCRS.**]. Le SCRS a indiqué à l’OSSNR que le volume des activités d’ingérence étrangère était considérable, [**expurgé**].

Au cours des années suivantes, les enquêtes n’ont cessé d’évoluer sans compter que le niveau de sensibilité des enquêtes et des rapports concernant l’ingérence politique étrangère (comme le démontre la controverse entourant la déclaration de M. Fadden) demeure élevé. Cette tension – entre une tendance favorisant la progression des enquêtes en matière d’ingérence étrangère et une approche plutôt prudente tenant compte de la sensibilité des enjeux – est manifeste dans toutes les activités abordées dans le présent rapport. De par sa nature, le renseignement est transitoire. Il ne constitue pas en soi une preuve que les activités décrites ont eu lieu ou qu’elles ont eu lieu de la façon qui est décrite par les sources de l’information. Or, ce n’est pas parce qu’il a été collecté que le renseignement doit nécessairement être diffusé auprès des clients du gouvernement. En revanche, le fait qu’il ne constitue pas une preuve ne signifie pas pour autant qu’il devrait être ignoré – sinon, une infime partie du renseignement, voire aucun renseignement ne serait mis en commun. En définitive, il faudrait qu’entre la collecte et la diffusion, une évaluation du renseignement soit réalisée, permettant ainsi de prendre une décision éclairée quant à la diffusion ou à la non diffusion dudit renseignement et aux moyens de le diffuser, le cas échéant. Ce procédé de même que ce processus décisionnel s’avèrent essentiels aux fonctions de la collectivité de la sécurité et du renseignement. Ils sont au cœur du présent rapport d’examen.

Conclusions, analyse et recommandations

La présente section fait état des conclusions de l’examen, de l’analyse qui en a suivi et des recommandations de l’OSSNR :

  • La partie 1 s’attarde à la diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des 43e et 44e élections fédérales. En l’occurrence, le principal objectif était d’évaluer le cheminement du renseignement. L’OSSNR a choisi de procéder à une analyse approfondie de trois cas précis. Les détails de ces cas et d’autres informations complémentaires ont été examinés par l’OSSNR, ce qui a permis de formuler des conclusions générales ayant trait à la diffusion du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère de la RPC, puis d’émettre des recommandations générales à l’intention du SCRS concernant la gouvernance que le Service exerce dans ce domaine. 
  • Quant à la partie 2, elle aborde le rôle du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections (MSRE) et celui du groupe responsable du Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM). Ces deux organes ont été créés pour recevoir et analyser le renseignement provenant de la collectivité du renseignement en vue d’intervenir. L’analyse met en évidence les lacunes et donne lieu à des recommandations visant à permettre à ces organes de se positionner avantageusement et de réagir adéquatement à la menace que constitue l’ingérence politique étrangère.
  • Enfin, la partie 3 s’écarte du contexte des élections pour s’attarder plutôt au cheminement global qu’a suivi, de 2018 à 2023, le renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, ce qui comprend les fonctionnaires et les représentants élus. Une attention particulière est accordée aux méthodes de diffusion du SCRS ainsi qu’au rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement (CSNR) auprès du premier ministre. Cette analyse fait brièvement état de la diffusion du renseignement relatif aux activités de ciblage que la RPC a exercées à l’égard d’un député, et propose une évaluation de la diffusion de deux produits d’analyse approfondie du renseignement sur l’ingérence politique étrangère.

Une fois combinés, ces éléments apportent des éclaircissements sur les difficultés globales liées à la façon dont le renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC a cheminé au sein du gouvernement du Canada, pendant la période visée par l’examen.

Partie 1 : Collecte et diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des élections fédérales de 2019 et de 2021

L’OSSNR a examiné le renseignement produit par le SCRS, le CST, AMC, le BCP et la GRC relativement à l’ingérence étrangère exercée pendant la 43e et la 44e élections fédérales. Dans trois cas – un en 2019 et deux en 2021 –, l’OSSNR a examiné la façon dont le SCRS diffusait le renseignement aux entités concernées du gouvernement du Canada, ce qui comprend le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM.

Étude de cas 1 (élection de 2019)

L’étude de cas 1 concerne le renseignement qui a été collecté, en appui à un candidat à l’élection fédérale, sur les activités d’ingérence étrangère que la RPC a exercées.

Le renseignement lié à ce cas a été largement diffusé, notamment au Groupe de travail MSRE, au parti du candidat, à Élections Canada, au Bureau du commissaire aux élections fédérales, à de hauts fonctionnaires (notamment le groupe responsable du PPIEM), au ministre de la Sécurité publique et au premier ministre. Toutefois, dans certains cas, la diffusion de renseignement affichait des lacunes quant à la clarté et au caractère opportun.

Par exemple, le SCRS a diffusé, puis rappelé un produit d’analyse de renseignement clé concernant le cas avant l’élection. Le 1er octobre 2019, le SCRS a diffusé un document d’information en matière de sécurité nationale concernant les activités d’ingérence étrangères de la RPC se rapportant au cas en question. Le document d’information a été envoyé à une liste de destinataires comprenant de hauts fonctionnaires et des représentants du Groupe de travail MSRE. Dix jours plus tard, soit le 10 octobre, le SCRS a rappelé le produit et a demandé que tous les destinataires en détruisent les copies qui leur avaient été fournies. Cette décision a été prise par le directeur du SCRS à la suite d’une discussion avec le CSNR. Lorsque l’OSSNR lui a demandé d’expliquer les motifs pour lesquels le produit avait été rappelé, le SCRS a indiqué que ni le directeur ni le bureau du directeur ne pouvaient se souvenir des détails de la décision, si ce n’est que celle ci faisait suite à une demande du CSNR.

Dans le même temps, l’analyse ainsi que l’évaluation connexe incluses dans le produit ont été fournies (pas forcément avec le même détail ) dans des séances d’information verbales. Le 28 septembre, le SCRS (en sa qualité de membre du Groupe de travail MSRE et lors d’une réunion dirigée par le BCP) a informé les membres du parti du candidat concerné qui disposaient d’une cote de sécurité au niveau « Secret » au sujet du renseignement mettant au jour l’ingérence étrangère exercée par la RPC. Au bout de deux jours, soit le 30 septembre, le directeur du SCRS a fait part de ce renseignement et de l’évaluation réalisée par le SCRS au groupe responsable du PPIEM.

S’agissant du renseignement relatif à l’ingérence étrangère de la RPC associée au cas, le premier ministre n’en a pas été directement informé par le SCRS avant le mois de février 2021, soit seize mois après l’élection. Néanmoins, le premier ministre pourrait avoir été indirectement mis au courant du renseignement pertinent dont le SCRS disposait. Le BCP a indiqué qu’une séance d’information du BCP présentée au cabinet du premier ministre (CPM) et portant sur [traduction] « les enjeux liés à [l’étude de cas 1] avait probablement eu lieu à la fin de septembre ou au début d’octobre 2019 », sans pouvoir fournir à l’OSSNR quelque document que ce soit à ce sujet. De plus, certains éléments semblent indiquer que le 29 septembre, le premier ministre aurait été informé du contenu de la séance d’information offerte le 28 septembre par le SCRS.

En décembre 2019, le secrétaire adjoint à la Sécurité et au renseignement du BCP a préparé un mémoire au CSNR recommandant que celui ci informe le chef de cabinet du premier ministre concernant l’évaluation réalisée par le SCRS [**expurgé**]. Le dossier d’information aurait également fait part de vulnérabilités potentielles décelées dans le processus de nomination du candidat. Le BCP a indiqué qu’il n’y avait aucun document qui puisse confirmer que le mémoire avait été remis au CSNR (quoique le BCP était [traduction] « certain que [le CSNR] avait été mis au courant de l’information qu’il contenait »), ni aucun document indiquant que le CPM avait été informé conformément aux recommandations dudit mémoire. En qualité de membres du groupe responsable du PPIEM, le CSNR et le greffier du Conseil privé ont assisté à la séance d’information du 30 septembre 2019. En janvier 2020, le SCRS les a informés de nouveau sur le même sujet. Ensuite, en mars 2020, le SCRS a informé le ministre de la Sécurité publique relativement au cas.

Figure 1. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 1 : les dates clés

Figure 1. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 1 : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Les premiers rapports de renseignement sur les activités d’ingérence étrangère ayant trait au cas en question n’établissaient pas suffisamment de distinction entre les activités politiques courantes et l’ingérence étrangère constituant une menace. Certes, cette distinction était principalement implicite, mais en l’absence d’une compréhension claire de ce qui incitait le SCRS à croire que telle ou telle activité constituait de l’ingérence étrangère, il se pourrait que les utilisateurs du renseignement – particulièrement ceux qui étaient au fait des tactiques employées pendant les campagnes politiques – n’aient pas été en mesure d’apprécier l’apport du renseignement fourni.

Étude de cas 2 (élection de 2021)

L’étude de cas 2 concerne le renseignement collecté [**expurgé**] au sujet des activités d’ingérence étrangère réalisées par la RPC.

Le renseignement associé à l’étude de cas 2 a été acheminé [**expurgé**] au Groupe de travail MSRE, au groupe responsable du PPIEM et, peu après l’élection, au premier ministre.  

Cette diffusion tombait à point nommé, mais le SCRS a dérogé à ses pratiques de diffusion habituelles en limitant le nombre des rapports de renseignement. On ne sait trop si une décision d’application générale a été explicitement prise quant à la suspension de toute production de rapports de renseignement concernant l’étude de cas 2 pendant la période d’élection, ou si le faible nombre des rapports produits a été la conséquence logique de facteurs ponctuels propres à chacun des cas.

Le SCRS a envisagé plusieurs options permettant d’aborder et d’atténuer l’ingérence étrangère dans ce cas. [**expurgé**]. Le SCRS a réfléchi en vue de savoir si [**expurgé**] devrait avoir lieu avant ou après l’élection. En définitive, on a établi qu’il serait très imprudent [**expurgé**]. Notamment, le SCRS a indiqué que si ses efforts devaient être connus du public, le Service risquait d’être accusé d’ingérence dans le processus démocratique [**expurgé**].

[**Deux phrases ont été supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient le processus de communication du renseignement ayant trait aux activités d’ingérence étrangères de la RPC.**].

Figure 2. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 2 : les dates clés

Figure 2. Diffusion du renseignement relatif à l’étude de cas 2 : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Comme pour l’étude de cas 1, on note certaines difficultés sur le plan de la compréhension qu’ont les utilisateurs quant à l’importance prévue du renseignement fourni. Par exemple, un membre du groupe responsable du PPIEM a demandé des éclaircissements sur le côté « trompeur et clandestin » (éléments clés de la définition que le SCRS donne de la notion d’ingérence étrangère) des activités [**expurgé**]. Le SCRS a également indiqué que [**expurgé**] la RPC [**expurgé**] faisant ainsi fi de l’avis général qu’AMC avait transmis à toutes les missions diplomatiques au Canada et selon lequel [**tout apport**] direct ou indirect [**expurgé**] à l’élection était inapproprié.

Le renseignement collecté par le SCRS a été soumis aux entités concernées – notamment au groupe responsable du PPIEM [**expurgé**] – avant l’élection. En effet, selon ceux qui connaissent les travaux du groupe responsable, [**expurgé**] a été considéré comme un « succès » retentissant pour ce qui a trait à l’élection de 2021. Cette perception est généralement partagée par le SCRS [**expurgé**] informant les hauts fonctionnaires [**expurgé**].  

Néanmoins, le SCRS a dérogé à son processus habituel de diffusion en conséquence – en partie du moins – du sujet en question (ingérence politique étrangère). De plus, le fait que le SCRS n’a pas été en mesure de dire clairement si la décision d’éluder les produits de renseignement présentés par écrit avait été explicitement prise témoigne, en soi, d’un manque de clarté quant à la façon dont le renseignement sur l’ingérence politique étrangère devrait être traité, particulièrement pendant les élections.

Globalement, l’étude de cas 2 s’avère plus révélatrice, non pas en tant qu’exemple de diffusion lacunaire ou inadéquate du renseignement, mais plutôt comme une illustration des enjeux liés particulièrement à la diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère qui, lorsqu’on l’associe à d’autres exemples et d’autres cas, révèle des difficultés globales et systémiques dans la façon dont le SCRS communique l’information qu’il collecte au sujet des processus politiques.

Étude de cas 3 (élection de 2021)

L’étude de cas 3 concerne le renseignement collecté au sujet de l’ingérence étrangère que la RPC a exercée dans plusieurs circonscriptions d’une région géographique particulière, mais aussi au sujet de campagnes plus globales qui avaient un lien avec cette région, ciblant l’élection de façon plus générale. On compte plusieurs éléments de renseignement : ayant trait à diverses activités; collectés à divers moments auprès de diverses sources; faisant l’objet de mises en garde et de considérations diverses; diffusées (ou non) à divers moments, dans divers formats et à divers destinataires. 

Les décisions prises quant au moment et à la façon de diffuser ce renseignement ont donné lieu à des désaccords, à de l’incertitude et à un manque de communication au sein du SCRS. Cette rupture survenait principalement entre les agents appelés à collecter le renseignement dans les régions et ceux responsables de la diffusion dudit renseignement depuis l’Administration centrale (AC) (l’AC englobe [**l’unité spécialisée qui, à l’AC, combine les capacités opérationnelles et analytiques (ci après désignée par le terme « unité spécialisée de l’AC »)**] et la haute direction du SCRS). Pour simplifier, les agents de renseignement ne comprenaient pas pourquoi une part du renseignement qu’ils collectaient n’était pas du tout diffusée ou diffusée après ce qu’ils percevaient comme des retards anormaux. En revanche, il est souvent arrivé que l’AC décide de ne pas diffuser (ou de retarder la diffusion) du renseignement pour des raisons – généralement liées au caractère unique de l’ingérence politique étrangère – qui n’ont pas été communiquées ou qui, en l’absence de critères ou de motifs standards, pouvaient sembler arbitraires.

Le renseignement portant sur l’ingérence étrangère de la RPC dans une circonscription particulière constitue un exemple typique. [**Une phrase supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase traitait de la date/des dates de collecte et des activités de menace décrites par le renseignement.**] Au bureau responsable de la collecte et de l’analyse de ce renseignement, on a cru bon d’inclure celui ci dans un rapport de renseignement destiné à la diffusion, d’autant plus qu’il avait trait directement à l’élection. À [**l’automne de 2021**], bon nombre de courriels ont été envoyés depuis la région vers [**l’unité spécialisée de l’AC**], dans lesquels on demandait d’expliquer pourquoi l’information n’avait pas été diffusée. Par la suite, le renseignement a été placé dans un rapport de renseignement ([**expurgé**]), puis il a été diffusé le [**expurgé**] 2021. Pour les responsables du bureau, ce retard ([**expurgé**]) a considérablement affaibli l’impact de l’information.  

D’autres renseignements concernant des occurrences ou des exemples distincts d’ingérence étrangère de la part de la RPC [**expurgé**] n’ont jamais été diffusés. En [**expurgé**] 2021, un analyste régional a rédigé un produit d’analyse incorporant ce renseignement, de sorte à produire [**expurgé**] d’ingérence étrangère de la RPC. Toutefois, un analyste principal [**de l’unité spécialisée de l’AC**] a estimé que la version préliminaire du produit ne contextualisait suffisamment [**expurgé**] l’ingérence étrangère de la RPC. Bien qu’au bureau régional, on ait reconnu [**expurgé**] on a néanmoins cru que les mises en garde d’usage (qui sont souvent incluses dans les rapports du SCRS [**expurgé**]) auraient suffisamment contextualisé l’information.  

[**À l’unité spécialisée de l’AC**], en revanche, on croyait plutôt [**expurgé**] rendait le renseignement problématique au point où, pour en faire rapport, il serait nécessaire de [traduction] « contextualiser [**expurgé**]. L’inquiétude vient du fait que l’information [**expurgé**] advenant qu’elle soit diffusée sans contexte ni caractérisation. Pour l’équipe régionale, cette apparente réticence à faire valoir l’information collectée semblait indiquer que des normes distinctes étaient appliquées au renseignement relatif à l’ingérence politique étrangère.

Il y a également eu des difficultés et des désaccords relativement au renseignement portant sur l’ensemble des campagnes d’ingérence. Après l’élection, un parti politique a envoyé au BCP une lettre dans laquelle on faisait état de ce que l’on croyait être de l’ingérence étrangère ciblant ses candidats dans 13 circonscriptions fédérales. L’une des principales préoccupations du parti était une campagne de désinformation dirigée contre lui.

Le Groupe de travail MSRE, plus précisément le SCRS et le mécanisme de réponse rapide (MRR) d’AMC, a consacré une importante analyse à cette campagne. En définitive, ni le SCRS ni le MRR n’ont été en mesure d’établir un lien direct avec la RPC. En décembre 2021, le Groupe de travail MSRE a achevé son rapport après action (RAA) sur l’élection de 2021, dans lequel il concluait que [**Une phrase a été modifiée pour en éliminer l’information préjudiciable. La phrase résumait la conclusion du Groupe de travail MSRE selon laquelle celui ci n’avait pas été en mesure d’établir un lien entre les propos tenus en ligne contre le parti politique et un acteur étatique étranger.**].

Toutefois, avant la publication de ce rapport, en [**expurgé**] 2021, le SCRS a collecté du renseignement [**expurgé**] la campagne de désinformation en ligne contre le parti politique.

Au sein du SCRS, on ne pouvait se mettre d’accord ni sur la façon de caractériser [**expurgé**] la campagne menée en ligne ni sur la question à savoir si [**expurgé**] devraient ou non être diffusés en tant que renseignement signalant une interférence étrangère exercée par la RPC. [**Deux phrases ont été supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases abordaient la question des perspectives concurrentes adoptées par la région et une unité spécialisée de l’AC au sujet de la façon de caractériser le renseignement relatif aux activités d’ingérence étrangère potentielles.**]

L’élément crucial de ces perspectives contradictoires était la divergence sur le plan des orientations et de l’appréciation à l’égard des questions délicates associées aux rapports portant sur l’ingérence politique étrangère, divergence qui s’est cristallisée dans les diverses attitudes quant au seuil à partir duquel il convient de faire rapport. [**Deux phrases ont été supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient les interprétations concurrentes au sein du SCRS quant à certains renseignements sur les activités d’ingérence étrangères possibles, de même que les différences d’opinions qui en découlent relativement à la diffusion desdits renseignements.**] Ainsi, on assurerait aux utilisateurs du renseignement que le SCRS ne fait pas simplement rapport sur les activités normales [**expurgé**] régulièrement part au processus politique, mais plutôt sur des activités posant une menace envers la sécurité nationale du Canada.  

L’ébauche d’un rapport de renseignement faisant état [**expurgé**] dans l’ingérence étrangère pendant l’élection de 2021 n’a pas été diffusée. Ce renseignement a plutôt été réinvesti dans un produit plus général portant sur l’ensemble des activités d’ingérence étrangère [**expurgé**]. En juillet 2022, [**l’unité spécialisée de l’AC**] a indiqué à la région qu’il avait reporté la publication de la version longue du produit de renseignement jusqu’à ce qu’on puisse obtenir [**expurgé**] lorsqu’il s’agit d’inclure du renseignement électromagnétique (SIGINT) [**expurgé**] dans une analyse. Au bureau régional, par contre, on avait le sentiment que le produit, tel qu’il était rédigé, faisait suffisamment état des activités de menace [**expurgé**] et devait, par conséquent, être diffusé immédiatement. Étant donné que le SCRS pouvait voir le renseignement électromagnétique [**expurgé**], le report de la diffusion et l’inclusion de cette information dans le produit semblent indiquer que le SCRS sentait le besoin de convaincre les utilisateurs de la pertinence de l’évaluation que le Service avait faite [**expurgé**] plutôt que de simplement fournir cette évaluation en sa qualité de service de renseignement de sécurité du Canada. [**L’unité spécialisée de l’AC**] a d’ailleurs indiqué que la direction du SCRS planifiait de discuter du produit avec de hauts dirigeants de l’extérieur du SCRS (notamment le CSNR et le greffier du Conseil privé) avant d’en produire la version définitive.

Figure 3. : Diffusion du renseignement *** dans l’élection de 2021 : les dates clés

Figure 3. : Diffusion du renseignement [**expurgé**] dans l’élection de 2021 : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Les discussions au sujet du produit se sont poursuivies au cours de l’hiver et du printemps de 2023, et ont abouti à la décision de publier ledit produit en juillet 2023 pour diffusion à l’intérieur du SCRS seulement. Au mois de novembre 2023, le renseignement du SCRS concernant la possible implication [**expurgé**] dans des activités d’ingérence étrangère ciblant le processus électoral de 2021 n’a toujours pas été diffusé (dans un produit de renseignement écrit) à l’extérieur du SCRS, et ce, [**expurgé**] années après avoir été collecté.

Évaluation de la diffusion du renseignement par le SCRS

Conclusion 1 : L’OSSNR a conclu que la diffusion, par le SCRS, du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère pendant la 43e et la 44e élections fédérales était incohérente. Plus précisément, il s’avère qu’en diverses occasions :

  • la justification des décisions à savoir si et comment il convenait de diffuser le renseignement n’était pas claire, ce qui a eu une incidence directe sur l’acheminement de l’information;
  • la menace posée par les activités d’ingérence politique étrangère n’a pas été clairement communiquée par le SCRS.

Conclusion 2 : L’OSSNR a conclu que la diffusion et l’utilisation, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence politique étrangère avaient été marquées par le souci selon lequel ce type d’action pourrait constituer ou sembler constituer une forme d’ingérence dans le processus démocratique.

Conclusion 3 : L’OSSNR a conclu que le SCRS avait fréquemment choisi de présenter des exposés verbaux plutôt que des produits écrits lorsqu’il s’agissait de diffuser du renseignement sur l’ingérence politique étrangère pendant les élections.

Conclusion 4 : L’OSSNR a conclu qu’au sein du SCRS, il y avait une rupture entre une région et l’Administration centrale quant à savoir si les rapports sur l’ingérence politique étrangère devaient être assujettis à un seuil élevé de confiance, de corroboration et de contextualisation avant la diffusion.

Au sein du SCRS, l’ingérence politique étrangère est considérée comme un sous ensemble de la sphère globale de l’ingérence étrangère, alors que les enquêtes portant sur les institutions et les processus démocratiques font partie de procédures générales qui régissent le traitement que le SCRS réserve aux institutions fondamentales canadiennes . Toutefois, le renseignement sur l’ingérence politique étrangère présente bon nombre de difficultés qui ne sont portant abordées ni dans la politique ni dans les lignes directrices.

Le SCRS a fait face à un dilemme fondamental. D’une part, l’information relative à l’ingérence étrangère dans les élections constituait une priorité pour le gouvernement, et le SCRS avait déployé son dispositif de collecte de sorte à enquêter sur l’ingérence politique étrangère. D’autre part, le SCRS reconnaissait la possibilité que la collecte et la diffusion de renseignement concernant les élections puissent également être interprétées comme des formes d’ingérence dans le processus électoral. Ainsi, une tension de fond demeure : toute mesure – notamment la diffusion de renseignement – prise par le SCRS avant ou pendant l’élection ne doit, ni en fait ni en apparence, influer sur celle ci. 

Cette dynamique est bel et bien reconnue au sein du SCRS, mais n’est exprimée ni dans la politique ni dans les lignes directrices. Or, il importe d’abord de souligner, en outre, que les considérations ou les critères spécifiques suivant lesquels le SCRS pourrait établir un juste équilibre entre ces deux impératifs concurrents sont difficiles à saisir. Lorsqu’elles ne sont pas clairement formulées, les décisions paraissent arbitraires. Comme il était difficile de savoir, surtout pour les responsables de la collecte de renseignement, quels étaient les motifs généraux ou les politiques appelés à orienter les mesures de diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère, il devenait tout aussi difficile de savoir comment ces motifs et ces politiques devaient orienter chacune des décisions. Il convient d’ailleurs de souligner que les lacunes sur le plan de la clarté ont été génératrices de frustration (comme l’illustre l’énoncé d’un courriel : [traduction] « à quoi sert la collecte si l’information que nous recueillons n’est ni traitée ni diffusée? »).

De plus, comme ils ne savaient trop sur quels motifs se fonder pour décider des mesures à prendre (ou pour relayer l’information à l’externe), les décideurs ont fini par développer une aversion naturelle au risque. Il va sans dire que cette situation a engendré de la frustration chez ceux qui doivent conseiller les décideurs. Enfin, comme les motifs demeuraient flous, il devenait impossible, au sein du SCRS, de tenir des discussions rationnelles et de débattre sur l’établissement d’un juste équilibre entre les impératifs concurrents (informer sans influencer), ou d’afficher quelque cohérence dans la façon de mettre en œuvre cet équilibre.

On a relevé plusieurs cas où le renseignement n’a pas été intégré dans les brefs rapports de renseignement brut, mais a plutôt été retenu pour intégration dans des produits analytiques plus élaborés. Cette dynamique particulière qui se manifeste lorsqu’il s’agit d’ingérence politique étrangère semble indiquer qu’en général, les produits d’analyse constituent les meilleurs vecteurs de communication de l’information collectée. D’après ce que l’on observe, les décisions semblent avoir été prises au cas par cas et pourraient laisser entendre qu’il y avait une certaine réticence à placer l’information dans les rapports de renseignement, ce qui contrevient pourtant aux pratiques habituelles du SCRS en matière de diffusion.

Ainsi, la préférence pour les exposés verbaux comme mode de diffusion pendant les élections constituait une dérogation aux pratiques de diffusion que le SCRS adopte généralement. Qu’elle soit justifiée ou non, cette dérogation porte à croire qu’il convient d’adopter des pratiques spéciales dans le cas de l’ingérence politique étrangère, et ce, même s’il n’y a aucune politique ni aucune procédure qui permettent de définir clairement ce que ces pratiques spéciales sont censées être. Mais en plus, cette dérogation, crée des difficultés lorsqu’il s’agit d’encadrer et de documenter la communication de l’information.

Cette nébulosité qui caractérise les processus se répercute également sur l’approbation des activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère. Bien que le pouvoir formel d’approbation d’une activité particulière puisse être exercé à un certain niveau (par exemple, celui du directeur général régional), on reconnaissait tout de même que le niveau informel d’approbation pour ce qui a trait aux activités liées à l’ingérence politique étrangère revenait à la haute direction, notamment au sous-directeur des Opérations, voire au directeur. Bien que la politique ne prévoie rien à cet égard, il est devenu normal de « sensibiliser » ou d’informer les représentants du BCP avant que le SCRS puisse entreprendre certaines activités de lutte contre l’ingérence étrangère.

Par exemple, avant l’élection de 2021, le SCRS a offert des séances d’information sur la sécurité préventive (SISP) ayant pour objet de sensibiliser les députés au sujet de la menace posée par l’ingérence étrangère. Un bureau régional a planifié une série de SISP à l’intention d’un nombre limité de députés que l’on estimait à risque d’être ciblés par des activités d’ingérence politique étrangère. Cependant, l’AC a exigé l’arrêt des SISP, le temps que [**l’unité spécialisée de l’AC**] prépare une stratégie nationale portant sur les SISP, laquelle visait les mêmes objectifs tout en misant sur les enseignements tirés d’une campagne semblable ayant eu lieu avant l’élection de 2019.

La campagne nationale a été conçue [**Une phrase a été modifiée et une autre supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient des méthodes et des tactiques employées par le SCRS.**] Advenant qu’elle soit dévoilée, cette intention pouvait être perçue comme une intervention inappropriée du SCRS dans le processus démocratique.

Probablement en raison de cet élément sensible, la campagne nationale a fait face à des complications causées par le vaste processus d’approbation, mais aussi par la décision de sensibiliser également les responsables du BCP et de Sécurité publique avant le procéder aux séances en tant que telles. En définitive, la complexité et les retards liés à la campagne nationale ont fait en sorte que celle ci n’a pu se dérouler comme prévu. Ainsi, la région a décidé de rencontrer le plus grand nombre possible des députés initialement visés par les SISP, et ce, avant le début de la période électorale. Tout contact avec les députés pendant la période électorale était jugé inapproprié.

Des éléments sensibles liés aux activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère ont également influé [**Une phrase a été modifiée et trois autres supprimées pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases décrivaient les objectifs et la mise en œuvre d’une activité opérationnelle du SCRS.**]. Il s’agissait là [traduction] « d’un choix conscient […] en raison d’éléments sensibles sur le plan politique » qui, selon le SCRS, pourraient avoir atténué l’effet stratégique attendu de [**l’activité opérationnelle du SCRS**].  

Enfin, ces éléments sensibles ont également influé sur la diffusion de produits de renseignement particuliers. Principalement, comme il en a été question plus tôt, le renseignement collecté en [**expurgé**] 2021 a finalement été publié en juillet 2023, dans un produit de renseignement pour diffusion réservée au SCRS. Après une vaste consultation, une révision approfondie et de longs retards, un haut dirigeant du SCRS a décidé de ne pas diffuser le produit à l’extérieur du SCRS (voir l’étude de cas 3). 

Au cœur des questions abordées plus tôt, on retrouve le manque de clarté et la communication lacunaire qui caractérisent les enquêtes du SCRS sur l’ingérence politique étrangère. Globalement au sein du SCRS, on avait de plus en plus l’impression que les règles et les décisions étaient établies, voire modifiées, malgré l’absence d’une stratégie ou d’orientations qui soient cohérentes.

En soi, le renseignement ne constitue pas une preuve, mais il n’est pas non plus le fruit de spéculations, de conjectures ou de rumeurs. En théorie, le seuil ou la norme permettant de déterminer quel renseignement doit être diffusé devraient être uniformes pour l’ensemble des activités liées aux menaces. En pratique, toutefois, les cas examinés montrent qu’il y avait, à tout le moins, la perception selon laquelle des normes plus rigoureuses s’appliqueraient au renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère. Certes, un haut dirigeant du SCRS a indiqué à l’OSSNR que les normes s’appliquant au renseignement sur l’ingérence politique étrangère n’étaient pas différentes lorsqu’on les comparait au reste de l’information sur les menaces, mais il a également affirmé qu’il convenait de tenir compte de certains éléments sensibles lorsqu’il était question de diffuser du renseignement au sujet d’une personne évoluant dans la sphère politique. Par exemple, ce type d’information pourrait avoir une incidence sur la carrière de cette personne, notamment sur sa capacité à prendre part aux processus démocratiques.

Par ailleurs, des agents régionaux responsables de la collecte et de l’analyse croyaient que l’AC du SCRS ([**l’unité spécialisée de l’AC**] et la haute direction) cherchait trop à obtenir des preuves irréfutables lorsqu’il s’agissait d’établir des liens entre les activités et les acteurs étatiques.

La maximisation des éléments corroboratifs constitue une part essentielle du travail effectué dans la sphère du renseignement. Par définition, les normes doivent être uniformes et s’appliquer uniformément en toute circonstance. Or, la position voulant que la maximisation des éléments corroboratifs ou les normes de diffusion s’appliquent de la même façon à l’ingérence politique étrangère et aux autres types de rapports s’avère insoutenable, si l’on n’arrive pas à mettre clairement en évidence la façon dont les décisions sont concrètement prises. Tout refus de tenir compte du caractère distinct de l’ingérence politique étrangère mène à la confusion et à la consternation.

L’ingérence politique étrangère se produit souvent dans une « zone grise » se trouvant à la limite qui sépare les activités politiques et diplomatiques légitimes et ouvertes des activités d’ingérence secrète et clandestine. Bon nombre des utilisateurs du renseignement sur l’ingérence politique étrangère connaissent bien les activités des sphères politique (par exemple, les ministres, les députés et les partis politiques) et diplomatique (par exemple, les responsables d’AMC). Ce facteur engendre des difficultés pour le SCRS lorsqu’il s’agit d’exprimer clairement aux utilisateurs du renseignement les raisons pour lesquelles les rapports sont importants et liés à des menaces.

En résumé, le SCRS fait rapport sur des activités qui ont lieu dans le domaine de spécialité des clients qu’ils servent. Concrètement, cette situation fait en sorte que tout renseignement diffusé doit résulter d’une compréhension suffisante de ce qui distingue les activités légitimes des activités illicites. La limite est difficile à tracer, particulièrement lorsque l’on comprend que l’ingérence étrangère de la RPC se concrétise par une accumulation progressive d’activités et de pressions qui, en soi et sans contextualisation, pourraient paraître anodines, mais qui, une fois réunies, finissent par constituer une campagne visant à s’ingérer dans la démocratie du Canada. L’ingérence étrangère de la RPC s’apparente davantage à un grondement continu qu’à un retentissant coup de canon.

On compte de nombreuses lacunes déterminantes lorsqu’on se penche sur les mesures du SCRS en matière de diffusion et d’utilisation du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère. Premièrement, le SCRS n’a pas clairement défini sa tolérance au risque à l’égard des activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère. Une définition claire de la tolérance au risque permet à ceux qui approuvent les mesures de bien saisir les limites à l’intérieur desquelles le SCRS est en mesure de bien fonctionner.

Deuxièmement et dans le même ordre d’idées, le processus d’approbation relatif aux activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère ne reflète pas toujours ce qui se passe en pratique. À titre d’exemple, il y a peu de directives et d’attentes qui soient clairement exprimées dans la politique du SCRS concernant les occasions et les raisons qui justifient la consultation d’entités externes – comme Sécurité publique et le BCP – avant l’exécution de mesures ou d’activités, et il n’y a aucune directive ni aucune attente qui fasse état de la dynamique particulière qui s’applique aux activités de lutte contre l’ingérence politique étrangère citées plus haut. Il convient de noter qu’en mai 2023, le ministre de la Sécurité publique a émis, pour le SCRS, les « Directives ministérielles sur les menaces à la sécurité du Canada dirigées contre le Parlement et les parlementaires », lesquelles font état des principes régissant les consultations dans ce contexte particulier. Toutefois, les DM n’abordent pas la question de l’ingérence politique étrangère dirigée contre les autres institutions démocratiques.

Troisièmement, le SCRS n’a pas explicitement proposé de seuil relativement aux mesures de production et de diffusion du renseignement en matière d’ingérence politique étrangère. C’est-à-dire, le niveau de confiance et de corroboration requis pour que l’information collectée soit incluse dans un produit de renseignement en plus du niveau de contextualisation, qui font en sorte que le produit pourra être diffusé auprès des clients du gouvernement du Canada. Les éléments sensibles associés à ce type de renseignement ainsi que les exigences correspondantes appelées à optimiser la confiance et la corroboration, par comparaison à d’autres types de renseignement de sécurité, devraient être reconnus. Par exemple, le SCRS pourrait envisager d’évaluer si [**expurgé**] critères [**expurgé**] s’appliquant à la production de rapports de renseignement sont adaptés aux particularités du renseignement sur l’ingérence politique étrangère .   

Ce qu’il faut, en définitive, c’est une politique et une stratégie détaillées portant sur tous les aspects de la façon dont le SCRS aborde (réalisation d’enquêtes, production de rapports et mise en œuvre de mesures) la menace que constitue l’ingérence politique. Ces outils rehausseraient le degré de cohérence entre les régions et l’AC, et amélioreraient, de façon plus générale, la compréhension et la communication entre les divers échelons de l’organisation, depuis les agents de renseignement et les analystes jusqu’aux membres de la haute direction. Par la même occasion, ces outils signifieraient aux intervenants du gouvernement du Canada, en particulier aux décideurs principaux, que le SCRS a attentivement pris en compte tous les aspects de l’ingérence politique étrangère, y compris les éléments sensibles qui la caractérisent, en plus de faire rapport et de formuler des conseils au sujet de cette menace en se fondant sur des normes et des seuils rigoureusement établis. 

Le Canada n’est pas le seul pays à faire face à l’ingérence politique étrangère. Au cours des dernières années, tous ses partenaires de la Collectivité des cinq (Australie, Nouvelle Zélande, États Unis et Royaume-Uni) ont publiquement reconnu la menace posée par l’ingérence étrangère que la RPC exerce à l’égard de leurs processus démocratiques respectifs. En l’occurrence, il conviendra profiter de l’occasion pour tirer parti de ces expériences communes et pour établir les pratiques exemplaires qui s’imposeront.

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le SCRS élabore, suivant des consultations auprès des parties intéressées du gouvernement, une politique complète appelée à encadrer ses interventions face à la menace que pose l’ingérence politique étrangère. Cette politique devrait :

  • indiquer précisément les seuils et les pratiques à respecter pour la communication et la diffusion du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère. Notamment, il faudrait indiquer les niveaux appropriés de confiance, de corroboration, de contextualisation et de caractérisation qui détermineront si le renseignement doit faire l’objet d’un rapport;
  • faire clairement état de la tolérance au risque que le SCRS peut appliquer lorsqu’il s’agit de prendre des mesures contre la menace que pose l’ingérence politique étrangère;
  • mettre en place des processus clairs d’approbation et de notification (ce qui inclut les consultations externes) pour toutes les activités ayant trait à la lutte contre l’ingérence politique étrangère;
  • faire clairement état de toute exigence ou procédure particulières pouvant s’appliquer, s’il y a lieu, pendant la période d’élection, ce qui comprend notamment les procédures permettant de diffuser en temps voulu le renseignement sur l’ingérence politique étrangère;
  • analyser les pratiques exemplaires des partenaires internationaux (particulièrement ceux de la Collectivité des cinq) en matière d’enquête et d’établissement de rapports concernant l’ingérence politique étrangère.

Partie 2 : Le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM

À la suite de l’ingérence étrangère russe dont il a été démontré qu’elle avait bel et bien eu lieu lors de l’élection présidentielle de 2016, aux États Unis, le gouvernement du Canada a instauré une série de mesure visant à protéger l’intégrité des élections fédérales. Trois de ces mesures s’avèrent pertinentes dans le cadre du présent examen :

  • Le groupe responsable du Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM). Établi suivant une Directive du Cabinet, le PPIEM s’utilise pendant la période électorale et est administré par un groupe de hauts fonctionnaires . Le groupe évalue l’information sur la sécurité et le renseignement dans le but d’établir s’il y a lieu d’annoncer publiquement [traduction] « qu’un incident ou une série d’incidents ont eu lieu et risquent de compromettre la capacité du Canada à tenir des élections qui soient libres et justes ». Or, le protocole n’a pas été utilisé – c. à d. qu’aucune annonce publique n’a été faite – lors des élections de 2019 ou de 2021.
  • Le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (MSRE). Le Groupe de travail MSRE se compose de représentants issus du SCRS, du CST, de la GRC et d’AMC. Le principal objectif du Groupe de travail est de fournir au groupe responsable du PPIEM des rapports de renseignement coordonnés concernant les menaces qui pèsent sur les élections.
  • Le mécanisme de réponse rapide (MRR) du G7. Créé à l’occasion de la réunion du G7 tenue à Charlevoix en 2018, le MRR du Canada relève d’AMC et s’attaque aux menaces étrangères qui planent sur les processus démocratiques, en procédant à l’analyse des menaces puis à la rédaction de rapports sur les activités de manipulation d’information menées en lignes par les acteurs étatiques étrangers. L’équipe du MRR tient lieu de représentant d’AMC au sein du Groupe de travail MSRE.

Ces entités ont tenu un rôle important pour ce qui concerne l’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC pendant les élections de 2019 et de 2021. Pour l’essentiel, le Groupe de travail MSRE a servi – ou était censé servir – de courroie de transmission pour le renseignement sur les menaces, alors que le groupe responsable du PPIEM devait recevoir cette information tout en étant investi d’un mandat particulier, celui de communiquer (ou décider de ne pas communiquer) au public canadien l’information qui lui avait été soumise.

Conclusion 5 : L’OSSNR a conclu que le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM n’avaient pas été conçus pour s’attaquer convenablement à l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine. Plus précisément :

  • Le Groupe de travail MSRE se concentre sur les activités de menace pendant la période électorale, mais il faut également savoir que l’ingérence étrangère a aussi lieu entre ces périodes.
  • La représentation d’Affaires mondiales Canada au sein du Groupe de travail MSRE se concentrait sur les activités d’ingérence étrangères menées en ligne.
  • Le seuil particulièrement élevé que le groupe responsable du PPIEM respecte pour ce qui concerne les annonces publiques risque très peu d’être atteint dans le cas de l’ingérence étrangère traditionnelle, puisque celle ci consiste surtout à cibler certaines circonscriptions.

La structure et l’orientation du Groupe de travail MSRE et du groupe responsable du PPIEM ont été façonnées par la nécessité de protéger les élections contre une ingérence étrangère généralisée et coordonnée qui sévit jusqu’au jour de l’élection inclusivement. En l’occurrence, il s’agit de protéger les élections canadiennes contre le type d’ingérence étrangère (principalement de la désinformation en ligne) dont on a été témoin aux États Unis et ailleurs dans le monde.

Par la même occasion, la collectivité de la sécurité et du renseignement a reconnu que l’ingérence d’origine humaine, que l’on dit « traditionnelle », avait été et continue d’être la plus importante menace envers les processus et les institutions démocratiques du Canada. Par exemple, dans l’aperçu qu’il a donné de la menace en 2021, le Groupe de travail MSRE a indiqué que les auteurs d’ingérence étrangère avaient principalement recours à des tactiques axées sur les interventions humaines [traduction] « en réaction, avant tout, à la façon dont le Canada organise ses élections […], mais aussi en raison du fait que les opérations d’influence HUMINT s’avèrent plus efficaces que les activités en ligne, compte tenu de la structure du système électoral canadien ». De fait, la prédominance de l’ingérence étrangère traditionnelle était connue avant 2019, et les expériences subséquentes n’ont fait que renforcer cette perception.

Malgré cette reconnaissance, les paramètres selon lesquels le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM fonctionnent ne correspondent pas à la nature de la menace qui émane de l’ingérence étrangère traditionnelle.

À l’occasion d’un bilan postélectoral, un membre du groupe responsable du PPIEM a indiqué qu’aucune campagne d’ingérence d’envergure fructueuse n’avait eu lieu, et que l’élection avait été exempte de menace, si l’on fait exception de quelques éléments mineurs. Selon l’un des membres du groupe responsable du PPIEM, l’ingérence étrangère qui a eu lieu dans une circonscription particulière [**expurgé**] [traduction] « était sans importance pour l’élection » et, par conséquent, ne faisait pas partie du mandat du groupe. Pendant la même réunion, le directeur du SCRS a fait valoir que le [traduction] « plus important cas » d’ingérence étrangère par la RPC pendant l’élection se résumait aux événements survenus dans cette circonscription. Le directeur a également déploré que [traduction] « la machine » (le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM) n’ait pas été conçue pour faire face à l’ingérence étrangère en dehors des périodes d’élections.

Contrairement aux opérations ponctuelles ou aux campagnes de grande envergure (notamment la désinformation en ligne menée à grande échelle), le renseignement sur l’ingérence étrangère traditionnelle dans les élections se veut plutôt granulaire et spécifique, et s’intéresse davantage aux activités que des particuliers mènent dans certaines circonscriptions. L’évaluation de l’incidence de ces activités au niveau des circonscriptions nécessite de recevoir et d’analyser continuellement tout le renseignement pertinent, ce qui est particulièrement difficile compte tenu de la brève période durant laquelle une élection se déroule.

De même, l’un des éléments centraux de l’ingérence étrangère traditionnelle est que celle ci se déroule sur le long terme et ne cantonne pas forcément aux périodes électorales. Bien que les activités du Groupe de travail MSRE se poursuivent l’année durant, sa capacité et son rythme de fonctionnement n’en sont pas moins réduits en dehors des périodes électorales. De plus, son principal centre d’intérêt demeure la période électorale ainsi que le résultat et l’intégrité du vote au jour du scrutin. En quelque sorte, la concentration sur ces aspects mine la capacité du Groupe de travail à s’attaquer à toutes les facettes d’une ingérence étrangère traditionnelle qui, pour sa part, ne se limite pas aux périodes électorales et menace les institutions démocratiques dans leur ensemble. 

Il convient également de prendre en compte la présence de l’équipe du MRR qui représente AMC au sein du Groupe de travail. Le MRR est conçu spécialement pour fonctionner en ligne dans le but de surveiller les médias sociaux et de détecter les activités pouvant constituer de l’ingérence étrangère, notamment la propagation et l’amplification de la désinformation. Par contre, la capacité d’AMC à analyser le renseignement ayant trait à l’ingérence étrangère traditionnelle et de concevoir des mesures d’intervention contre cette ingérence n’est pas suffisamment représentée au sein du Groupe de travail. L’ingérence étrangère traditionnelle s’exerce souvent par l’intermédiaire [**expurgé**]. AMC pourrait être appelé à tenir un rôle important sur le plan de l’intervention (par exemple, l’émission de protestations officielles ou l’expulsion de diplomates) et de l’interprétation (par exemple, pour ce qui concerne la distinction entre « ingérence étrangère » et « activité diplomatique légitime »), rôle qui s’étend au-delà des limites du mandat exercé actuellement par l’équipe du MRR.

Enfin, le seuil que le groupe responsable du PPIEM respecte relativement aux annonces publiques portant sur l’intégrité d’une élection est fonction de l’ingérence étrangère générale et systématique, à savoir celle qui est exercée dans le cadre de campagnes de désinformation en ligne ou d’autres types de cyberactivités. Concrètement, cela signifie que le public pourrait ne recevoir aucune communication de la part du groupe responsable du PPIEM, même si de l’ingérence étrangère d’une certaine ampleur devait avoir lieu, pour peu que ladite ingérence demeure en deçà de ce qui est pourtant reconnu comme un seuil étonnement élevé.

Le manque de communication publique – de transparence – risque d’engendrer de nombreuses difficultés et peut être interprété de multiples façons. Lorsque l’information concernant des tentatives particulières d’ingérence étrangère fait surface après l’élection, aucune communication transmise pendant l’élection ne peut être interprétée comme étant, de la part du gouvernement, une lacune sur le plan des mesures ou un manque de volonté à prendre des mesures. Lorsqu’aucune de ces informations ne fait surface et que l’on estime que l’intégrité de l’élection n’a aucunement été menacée par l’ingérence étrangère, on risque de se donner une fausse impression quant à l’ampleur de l’ingérence étrangère qui a eu lieu.

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande que le Groupe de travail MSRE définisse ses priorités en fonction des menaces réelles, notamment celles qui se concrétisent en dehors de la période électorale en tant que telle.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande qu’Affaires mondiales Canada (AMC) et le Bureau du Conseil privé (BCP) veillent à ce que la représentation d’AMC au sein du Groupe de travail MSRE tire parti de la capacité du ministère à analyser et à traiter l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine, et ce, à titre de complément au mandat de l’équipe du mécanisme de réponse rapide.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le Bureau du Conseil privé charge le groupe responsable du PPIEM d’élaborer de nouvelles stratégies permettant de réagir à l’intégralité des menaces qui se posent pendant les périodes électorales, notamment lorsque lesdites menaces se concrétisent dans des circonscriptions particulières.

Partie 3 : L’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC

La troisième et dernière section du présent rapport s’éloigne quelque peu du contexte électoral à proprement parler pour se pencher plutôt sur la question plus générale de l’acheminement du renseignement concernant l’ingérence étrangère de la RPC entre 2018 et 2023. Comme il a été dit, l’ingérence politique étrangère est chronique et omniprésente. La collectivité du renseignement recueille continuellement du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de la RPC. Ce renseignement est échangé horizontalement, au sein de la collectivité, ainsi que verticalement, avec les principaux décideurs, notamment les représentants élus.

Les échanges de renseignement effectués de façon responsable entre les organisations constituent une caractéristique importante de toute collectivité de la sécurité et du renseignement digne de ce nom. Certes, les éléments sensibles, notamment les sources et les méthodes de travail, rendent nécessaire la classification du matériel sans oublier que le principe du besoin de connaître restreint le nombre des personnes autorisées à voir certaines informations. Or, les échanges réciproques de renseignement entre les organisations renforcent la capacité de chacune à informer ses décideurs dans la mesure où ces échanges permettent à chaque entité de présenter son point de vue en fonction de son expertise et de son mandat.

Conclusion no 6 : L’OSSNR a conclu que la diffusion restreinte de certains renseignements du SCRS et du CST auprès des hauts responsables exclusivement avait réduit la capacité de la Gendarmerie royale du Canada, d’Affaires mondiales Canada et du Bureau du Conseil privé à tenir compte desdits renseignements au moment de procéder à leur analyse.

En ce qui a trait au renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC, les rapports provenant des principaux « collecteurs » (le SCRS et le CST) ont alimenté les analyses de renseignement faites par les autres organisations de la collectivité de la sécurité et du renseignement concernées par le présent examen (AMC, la GRC et le BCP).

Toutefois, ces échanges entre organisations n’ont pas eu que de bons côtés. Par exemple, une évaluation d’AMC datant de la fin d’août 2021 met en avant du renseignement du SCRS où il est question de l’ingérence politique de la RPC, mais omet de faire état d’autres renseignements du SCRS, qui sont pourtant pertinents pour l’évaluation d’AMC. Compte tenu de la sensibilité du renseignement, toutefois, le rapport de renseignement du SCRS qui était pertinent pour l’analyse d’AMC – mais qui n’avait pas été fourni – a été envoyé à un certain nombre de « destinataires désignés seulement », ce qui a fait que les hauts responsables d’AMC y ont eu accès, alors que les analystes de la Direction générale du renseignement d’AMC n’y ont pas eu accès. Cette dynamique caractérise bon nombre des rapports de renseignement qui ont été produits et diffusés au sujet de l’ingérence politique étrangère de la RPC, ce qui a parfois causé des difficultés aux organisations destinataires lorsqu’il s’agissait d’incorporer ledit renseignement dans leurs propres évaluations analytiques. 

Par exemple, [**expurgé**] dans le cas de l’expulsion de Zhao Wei, diplomate de la RPC, en mai 2023 , [**expurgé**]. (Dans le même temps, des désaccords ont persisté entre le SCRS et AMC s’agissant de savoir ce qui constitue ou non une « activité diplomatique légitime ».)

Une dynamique semblable caractérisait le renseignement électromagnétique (SIGINT) du CST sur l’ingérence étrangère de la RPC. En effet, plusieurs rapports produits finis – produits de renseignement standards du CST – étaient bel et bien incorporés aux analyses d’AMC, du BCP et de la GRC. Or, une partie du renseignement le plus pertinent était classifiée à un niveau tel que sa diffusion s’en trouvait considérablement restreinte, un facteur attribuable au niveau de sensibilité de la méthode de collecte. Ainsi, ce renseignement était réservé à un nombre limité de personnes (parmi les hauts responsables) qui, au sein du gouvernement, détenaient l’endoctrinement requis.

Il convient de trouver un juste équilibre entre, d’une part, la protection de l’information sensible par l’imposition de contrainte à la diffusion et, d’autre part, le fait de veiller à ce que toute information pertinente soit échangée en vue d’alimenter l’analyse du renseignement et d’apporter des éclaircissements quant aux mesures que le gouvernement devrait prendre. L’OSSNR n’a pas tenté de savoir si certains produits de renseignement étaient ou non « surclassifiés », mais a tout de même remarqué que les décisions en matière de classification avaient une incidence directe sur la diffusion.

Conclusion no 7 : L’OSSNR a conclu que le SCRS et Sécurité publique ne disposaient d’aucun registre permettant de savoir qui reçoit et qui lit certains produits de renseignement, une carence qui crée des lacunes sur le plan de la responsabilisation.

Au sein du gouvernement du Canada, le renseignement est échangé de diverses façons. Quant au renseignement du SCRS, il peut être échangé directement par l’envoi de courriels sécurisés ou par le téléversement des produits dans des systèmes comme le Réseau canadien Très secret (RCTS) ou le répertoire SLINGSHOT du CST . Des copies papier de produits peuvent être diffusées par l’intermédiaire du programme des agents des relations avec la clientèle (ARC) du CST, c’est à dire auprès d’agents intégrés au sein de divers ministères et organismes. Certains ministères, notamment AMC et Sécurité publique, disposent de leurs propres agents de diffusion du renseignement. Les courriels sécurisés auxquels sont joints des produits de renseignement contiennent des consignes indiquant, au destinataire, à qui (au sein du ministère) ledit produit doit parvenir (par exemple, aux sous ministres et aux ministres).

Pendant la période visée par l’examen, le SCRS n’avait pas les moyens de faire un suivi rigoureux permettant de savoir qui avait reçu le renseignement et qui en avait pris acte. Cette lacune était en partie attribuable aux systèmes de suivi interne des divers ministères destinataires, lesquels pourraient ne pas avoir intégralement saisi ces données. Or, à titre d’auteur de l’information sensible, le SCRS constitue l’entité à laquelle il incombe de contrôler et de documenter les accès.

Le renseignement concernant l’ingérence exercée par la RPC sur un député

Le fait de ne pas savoir qui a lu les documents a eu des conséquences qui se sont manifestées dans la controverse entourant le renseignement ayant trait au ciblage exercé par la RPC à l’endroit d’un député en exercice.

En mai 2023, des reportages médiatiques ont révélé que le gouvernement du Canada disposait de renseignement indiquant qu’un député et les membres de sa famille avaient fait « l’objet » de sanctions de la part de la RPC.

Le propos des médias et du public tournait autour de deux produits du SCRS. D’abord, une évaluation de renseignement du SCRS remontant à juillet 2021, [**Une phrase a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable. La phrase décrivait le contenu de l’évaluation de renseignement dans lequel il y avait du renseignement sur les activités d’ingérence étrangère de la RPC.**]. Le second intitulé [traduction] « Note de gestion des enjeux » (Issues Management Note) a été envoyé par le SCRS aux hauts responsables pour les aviser que le Service informerait deux députés (notamment le député en question) concernant les activités de menace exercées à leur endroit par la RPC.

Or, on a eu tort de mettre l’accent sur ces deux produits. Ni l’un ni l’autre ne constituait le mécanisme par lequel le ministre et le sous ministre de la Sécurité publique étaient censés être tenus au courant des menaces proférées par la RPC à l’endroit du député et des membres de sa famille.

Il convient plutôt de retourner [**avant mai 2021**] où on a vu [**du renseignement du SCRS**] sur l’incident où la RPC avait ciblé le député. [**Ce renseignement du SCRS a**] été envoyé à une liste de destinataires désignés, dans laquelle figuraient le sous ministre et le ministre de la Sécurité publique. [**Le renseignement du SCRS**] a été envoyé par courriel sécurisé directement aux destinataires et aux personnes ressources des divers ministères. Ces personnes ressources des divers ministères ont eu pour consigne de fournir l’information à certains hauts responsables désignés, notamment au ministre de la Sécurité publique, puisque ces hauts responsables n’auraient pas d’accès direct aux courriels sécurisés. Au nombre des autres destinataires désignés [**du renseignement du SCRS**], il faut compter le CSNR, le greffier du Conseil privé, le sous ministre de la Défense nationale, le conseiller en matière de politique étrangère et de défense, le chef du CST ainsi que d’autres hauts responsables provenant d’AMC, du BCP, du MDN, du CST et de Sécurité publique.

Le SCRS a diffusé [**expurgé**] 2021. [**Une phrase a été supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase résumait le renseignement du SCRS.**] Sécurité publique a indiqué à l’OSSNR que [**le renseignement du SCRS**] avait été diffusé en interne pendant la semaine [**expurgé**] 2021 et que [traduction] « la seule indication est qu’il a été envoyé à la haute direction ».  

Puis,[**expurgé**] 2021, le SCRS a diffusé [**expurgé**] contenant des renseignements selon lesquels [**Une phrase a été supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase résumait le renseignement du SCRS.**] Sécurité publique a indiqué à l’OSSNR que [**le renseignement du SCRS**] avait été diffusé en interne pendant la semaine [**expurgé**] 2021, et que [traduction] « la seule indication est qu’il a été envoyé au ministre ».

Enfin, le [**expurgé**] 2021, le SCRS a diffusé [**Une phrase a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable. Cette phrase résumait le renseignement du SCRS.**] L’information était requise urgemment, car [**expurgé**]. Sécurité publique a indiqué qu’il ne disposait d’aucune preuve de réception de ce [**renseignement du SCRS**].

Figure 4. Diffusion du renseignement sur le ciblage d’un député fédéral : les dates clés

Figure 4. Key dates, dissemination of intelligence on targeting of a federal MP

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Comme il a été dit déjà, Sécurité publique a indiqué qu’au moins un [**segment de renseignement du SCRS**] avait été remis au ministre de la Sécurité publique, probablement inséré dans une trousse de lecture hebdomadaire produite vers la fin de mars 2021. Cet envoi aurait précédé de quelques mois la note de gestion des enjeux de mai 2021 et l’évaluation de renseignement de juillet 2021. Il n’y a aucune trace qui puisse indiquer que [**expurgé**] a été transmis au ministre, et ce, même si celui ci figurait dans la liste des destinataires désignés.

Or, le principal problème demeure le fait que Sécurité publique n’a pas été en mesure de retrouver [**expurgé**]. À la suite de la controverse publique de 2023, le SCRS et Sécurité publique ont établi la chronologie des événements marquants. Selon Sécurité publique, il se pourrait qu’une « erreur humaine » ait été à l’origine de cette absence dans les dossiers et que les fichiers correspondants aient été accidentellement supprimés. De plus, le directeur du SCRS et le CSNR ont demandé que la chronologie du SCRS et de SP rappelle que [traduction] « la distribution d’un document n’indique pas forcément que celui ci a été reçu ou lu par le destinataire ». Cette notion – voulant qu’un « trou noir » s’interpose entre l’envoi d’un produit crucial et sa réception par le destinataire – est la preuve évidente d’une situation inadmissible.

Il convient donc de conclure que c’est au SCRS qu’il incombe d’instaurer un système qui enregistre dans le détail les étapes de transmission et de réception de son propre renseignement, notamment – comme ce devrait être le cas pour certains renseignements prioritaires – le nom des personnes qui ont lu les produits en question. Le renseignement prioritaire pourrait comprendre le renseignement hautement sensible et particulièrement urgent ayant trait, par exemple, à la menace d’ingérence étrangère à l’endroit des élections ou encore des institutions et processus démocratiques essentiels.

Recommandation no 5 : L’OSSNR recommande que le SCRS et Sécurité publique se dotent d’un mécanisme élémentaire de responsabilisation permettant de suivre et de documenter rigoureusement la réception des produits de renseignement. Dans le cas du renseignement hautement sensible et particulièrement urgent, il conviendrait d’enregistrer également toute occurrence de lecture des produits de renseignement.

Dans le même temps, le suivi des produits de renseignement jusqu’à leurs destinataires n’est pas une panacée. Les consommateurs devraient avoir un intérêt réel pour le renseignement qu’ils reçoivent et comprendre dans quelle mesure ce renseignement peut leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités respectives.

Conclusion no 8 : L’OSSNR a conclu que la diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de 2018 à 2023 avait été plombée par un certain nombre de difficultés. Plus précisément :

  • les utilisateurs ne comprenaient pas toujours la portée du renseignement qu’ils recevaient ou la façon d’intégrer ce renseignement dans leurs analyses stratégiques et leurs processus décisionnels;
  • on a relevé des désaccords entre les sous sections du renseignement et les hauts fonctionnaires quant à savoir si les activités décrites dans certains produits de renseignement constituaient de l’ingérence étrangère ou si elles ne représentaient que des activités diplomatiques légitimes.

Conclusion no 9 : L’OSSNR a conclu qu’il y avait des désaccords entre les hauts fonctionnaires et le CSNR quant à savoir si les évaluations de renseignement devraient être mises à la disposition de l’exécutif politique. En définitive, les interventions du CSNR se sont soldées par le fait que deux produits ne se sont pas rendus à l’exécutif politique, notamment le premier ministre.

Conclusion no 10 : L’OSSNR a conclu que le rôle du CSNR quant aux décisions relatives à la diffusion des produits de renseignement du SCRS n’était pas clairement défini.

Dans plusieurs séances d’information et entrevues tenues dans l’ensemble de la collectivité, l’OSSNR a entendu parler de la difficulté à faire comprendre ce qu’il conviendrait de faire (so-what) de l’analyse de renseignement. Cette difficulté tient en partie à ce que d’aucuns appellent « l’écart sur le plan de la littératie », que l’on semble observer entre les collectivités du renseignement et des politiques. En d’autres mots, les analystes du renseignement auraient un faible niveau de littératie en matière de politique, alors que les analystes des politiques ou les décideurs politiques auraient un faible niveau de littératie en matière de renseignement. Tout compte fait, cet écart peut engendrer de la confusion lorsqu’il s’agit d’établir ce à quoi le renseignement doit servir et ce qu’il convient de faire au sujet des menaces décrites dans ce renseignement.

Il suffit de penser à l’accent mis sur le renseignement « exploitable » ou sur les « recommandations » de mesures que les utilisateurs souhaitent obtenir de la part de la collectivité du renseignement. Le renseignement ne vient pas toujours avec ce type de caractéristique. En effet, il est généralement fourni à des fins d’information et de sensibilisation seulement (notamment pour mettre en évidence les tendances majeures et les principales menaces). Les analystes du renseignement ont fait valoir qu’en définitive, c’est aux utilisateurs du renseignement que revient la responsabilité de prendre des mesures (notamment d’orienter les politiques stratégiques), alors que le rôle des analystes se cantonne à fournir une information permettant de choisir et appliquer les mesures qui s’imposent.

La fonction principale du processus s’appliquant au renseignement est de fournir des analyses de renseignement aux responsables des politiques. Les analyses approfondies – c. à d. le fait d’assembler des données disparates pour en faire un tout cohérent s’accompagnant d’appréciations et d’évaluations sur l’incidence de l’information présentée – constituent le principal élément du mandat exercé par certaines unités spécialisées au sein des organismes de sécurité et de renseignement, notamment la Direction de l’évaluation du renseignement (DER) du SCRS et le Secrétariat de l’évaluation du renseignement (SER) du BCP. C’est donc aux analystes qu’il revient de contextualiser, à l’intention des principaux utilisateurs, le renseignement collecté.

La diffusion de renseignement auprès de l’exécutif politique peut être faite verbalement, à l’occasion de séances d’information formelles ou informelles, par de hauts fonctionnaires, notamment les sous ministres ou, dans le cas du premier ministre, par le CSNR. Dans le même temps, les produits d’analyse écrits peuvent fournir à l’exécutif politique des analyses essentielles ainsi que les points prioritaires à retenir au sujet des menaces envers la sécurité du Canada.

« Rapport spécial » du BCP

À l’automne de 2021, le CSNR intérimaire a reçu une série de fiches d’information de la part du SER du BCP concernant l’ingérence étrangère de la RPC. Pour mieux comprendre l’enjeu, le CSNR intérimaire a commandé un « rapport spécial » qui allierait le renseignement étranger (le mandat traditionnellement exercé par le SER) et le renseignement de sécurité intérieure (le domaine du SCRS).

De façon générale, le rapport spécial avait pour objet de fournir [traduction] « une évaluation sommaire des activités d’ingérence étrangère (IE) exercées par la Chine, tant au Canada que dans le reste du monde ». Le rapport se fondait sur plus de [**expurgé**] rapports du SCRS, sur des rapports [**expurgé**] et sur des analyses de sources ouvertes. Les principales estimations indiquaient que [traduction] « la collectivité du renseignement du Canada s’entend sur le fait que la Chine pose la principale menace envers le Canada sur le plan de l’ingérence étrangère (IE) », que [traduction] « le Canada demeure [**expurgé**] aux efforts d’IE déployés par la Chine », mais aussi que [traduction] « les moyens investis par la Chine en matière d’IE sont sophistiqués, persistants et multidimensionnels. Or, l’ingérence dans les élections ne représente que l’un des nombreux moyens employés par la Chine en matière d’IE ».  

À la fin de novembre 2021, le SER a mis l’ébauche d’un rapport à la disposition du SCRS pour commentaires et rétroaction. Un haut responsable du SCRS a réagi favorablement au produit, a suggéré d’apporter quelques améliorations et a provisoirement approuvé la liste de diffusion proposée par le BCP en attendant que le directeur du SCRS ait également examiné le rapport. La liste comprend la « haute direction du CPM » ainsi que les sous ministres (ou leurs équivalents) des ministères concernés (Justice, AMC, MDN, Sécurité publique, SCRS et CST). En même temps, le SER du BCP a demandé à son équipe de production de fournir une copie du rapport au greffier du Conseil privé, au sous greffier et au CPM (tout en indiquant que le CSNR intérimaire en avait déjà reçu une copie).

Cette demande n’a eu aucune suite. Peu après que celle ci eut été acheminée par courriel, un employé responsable du SER a personnellement communiqué avec l’équipe de production pour lui demander de refuser de se plier à ladite demande de diffusion, car le SER avait [traduction] « établi que de la rétroaction et une discussion d’orientation devaient avoir lieu avec le CSNR intérimaire avant de mettre la dernière main au rapport et de le diffuser à plus grande échelle ». À la mi décembre, le CSNR intérimaire a formulé de nouveaux commentaires concernant le document, lesquels ont été ajoutés à une deuxième ébauche. Cette rétroaction portait sur le ton du document et apportait des éclaircissements quant à savoir si certains des éléments décrits dans ce document constituaient des activités diplomatiques normales.

En janvier 2022, un nouveau CSNR a été nommé. Le SER a avisé ce nouveau CSNR au sujet du rapport spécial et lui en a remis, ainsi qu’à d’autres hauts responsables de la Direction du CSNR, une copie papier assortie d’une note d’accompagnement. La note d’accompagnement a été envoyée par le secrétaire adjoint du SER (l’échelon le plus élevé du SER) et adressée au CSNR. Elle décrivait brièvement le contenu du rapport spécial et recommandait expressément que celui ci soit approuvé et [traduction] « remis aux sous ministres et membres du Cabinet désignés ».

En février 2022, aucune réunion bilatérale n’a été tenue entre le secrétaire adjoint du SER et le CSNR, et aucune nouvelle discussion n’a eu lieu concernant le rapport spécial. Le BCP a expliqué à l’OSSNR que pendant cette période, le convoi de la liberté (Ottawa) et l’invasion de l’Ukraine par la Russie constituaient les priorités absolues du gouvernement en matière de sécurité. Au début de mars 2022, des éléments du rapport spécial ont été ajoutés aux points de discussion préparés pour le CSNR avant la séance d’information. L’OSSNR n’a pas obtenu les documents permettant de savoir qui avait été informé par le CSNR à ce moment là, puisqu’ils avaient été retenus par le BCP en tant que documents confidentiels du Cabinet. En avril 2022, une version électronique du rapport spécial a été mise à la disposition du CSNR [**expurgé**], mais n’avait pas encore été consultée au moment [**expurgé**]. Le BCP n’a disposé d’aucun autre compte rendu de discussions pouvant avoir eu lieu concernant le rapport spécial, et ce, jusqu’à ce que certaines parties du rapport aient été publiées dans les médias au début de 2023, ce qui n’a pas manqué de raviver l’intérêt pour la question.

Figure 5. Le « rapport spécial » du BCP : les dates clés

Figure 5. Le « rapport spécial » du BCP : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

En définitive, le rapport spécial est demeuré à l’état d’ébauche et n’a donc été ni approuvé, ni finalisé, ni diffusé. Bon nombre de hauts fonctionnaires du SCRS et du BCP ont eu l’occasion de lire les versions provisoires du produit , mais celui ci ne s’est jamais rendu aux membres du Cabinet ou au CPM.

Le BCP a indiqué à l’OSSNR un certain nombre de raisons expliquant pourquoi le rapport spécial n’a jamais été diffusé. La partie suivante de sa réponse fournit l’essentiel de son argumentaire :

[Traduction] Le rapport n’a pas été diffusé pour diverses raisons. D’abord, il avait pour objet d’informer le CSNR intérimaire […] au sujet de l’ingérence étrangère, ce qui a été fait. [L]e CSNR intérimaire, le nouveau CSNR [à partir de janvier 2022] ainsi que d’autres hauts responsables du BCP ont largement tiré parti de l’analyse, dans la mesure où celle ci a été utile pour la préparation de conseils stratégiques en vue de pourparlers avec les homologues. De plus, le document a été rédigé tout juste avant l’avènement du « convoi de la liberté » et le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Le gouvernement, le CSNR et, dans une certaine mesure, le SER devaient consacrer la majeure partie de leur temps à ces priorités urgentes. De plus, la partie analyse intérieure de l’évaluation se fondait largement sur du matériel du SCRS qui avait déjà été publié et diffusé. Même s’il décrivait une situation plutôt alarmante, le rapport ne faisait d’aucune façon allusion à des enjeux particuliers qui auraient nécessité une décision ou une intervention tactique immédiate de la part du gouvernement. Ainsi, étant donné que le document avait atteint son objectif, que d’autres priorités urgentes avaient fait surface et que le CSNR avait encore quelques questions à poser ainsi que des commentaires à formuler concernant ledit document [le CSNR] n’a pas demandé [au secrétaire adjoint du SER] de le publier et [le secrétaire adjoint du SER] n’a pas cru bon de publier le produit ». Cette analyse de « cas type » – laquelle misait sur le renseignement intérieur et le renseignement étranger – a néanmoins été utile et a montré le potentiel que ce type d’évaluation pourrait avoir dorénavant.

Le BCP n’a pas indiqué à l’OSSNR en quoi consistaient les [traduction] « quelques questions à poser ainsi que [les] commentaires à formuler concernant ledit document », ni précisé de quelle façon ceux ci auraient pu influer sur la décision de ne pas achever le rapport et de ne pas l’acheminer à l’échelon politique. Le CSNR n’a pas non plus indiqué en vertu de quelle autorisation le secrétaire adjoint du SER serait habilité à diffuser le produit en contradiction avec une décision du CSNR. De plus, l’objet manifeste du rapport était de fournir un aperçu général de l’ingérence étrangère de la RPC, et non de fournir de l’information devant mener à [traduction] « une décision ou une intervention tactique immédiate de la part du gouvernement ». Autrement dit, il s’agissait précisément de décrire [traduction] « une situation alarmante » en vue de mettre les décideurs au courant.

En effet, les raisons (voir ci dessus) invoquées par le BCP prennent le contrepied de l’impression exprimée dans la correspondance interne du BCP, où les analystes et les gestionnaires discutent de l’importance du rapport spécial ainsi que du soutien et de l’approbation à l’égard de l’analyse de rapport qu’un dirigeant du SCRS et un analyste principal du renseignement du SCRS ont produite. Au sein du SER, on avait l’impression que le rapport s’avérerait particulièrement utile, compte tenu de l’aperçu complet qu’il donnait des activités d’ingérence étrangère de la RPC. Pendant ce temps, un dirigeant du SCRS indiquait que le produit était préparé [traduction] « pour être remis aux décideurs, afin que ceux ci puissent saisir la gravité de la situation ». Cette impression est exprimée dans la recommandation de janvier 2022 citée précédemment, voulant que le rapport spécial soit mis à la disposition des membres du Cabinet.

Document du SCRS sur « le ciblage »

Au début de 2021, un analyste du SCRS a produit un rapport à partir de renseignement SIGINT [**Une phrase a été modifiée et une autre supprimée pour éliminer l’information préjudiciable. Ces phrases traitaient des méthodes de collecte et des systèmes techniques.**]. Le rapport faisait part d’une analyse des activités d’ingérence étrangère que la RPC avait dirigées contre des acteurs de la politique fédérale canadienne [**expurgé**]. En l’occurrence, il s’agissait de donner, aux responsables des politiques, un aperçu de la stratégie et des tactiques employées par la RPC pour « cibler » (à des fins d’influence ou d’ingérence) [**expurgé**]. Le SCRS a caractérisé le rapport comme étant [traduction] « l’analyse la plus complète et la plus détaillée réalisée à ce jour sur l’ingérence étrangère que la RPC exerce envers des acteurs politiques ».

Une dernière version du rapport – connue sous l’appellation de « document sur le ciblage » (Targeting Paper) – a été achevée en juin 2021. Selon le SCRS, le rapport était déjà parvenu à un nombre restreint de hauts responsables (bien que l’OSSNR ne puisse pas confirmer cette assertion, puisque rien ne l’atteste dans les registres de suivi du CST). Néanmoins, le produit est demeuré non publié et n’a pas été officiellement diffusé. 

Le SCRS a invoqué plusieurs raisons justifiant le fait que le rapport n’était allé nulle part à ce moment là, notamment les difficultés logistiques liées à la classification du matériel (ce qui rendait difficile la distribution), l’incidence de la COVID 19, le roulement des gestionnaires, les questions juridiques [**expurgé**] et l’aspect délicat de l’ensemble du contenu (ce qui nécessitait nombre de consultations concernant la distribution auprès des hauts responsables). Selon un haut responsable du SCRS, il n’a jamais été question d’empêcher la publication du rapport, puisqu’il s’agissait d’un produit considéré comme important. 

En octobre 2022, l’auteur du rapport a pris contact avec la gestion du SCRS afin de promouvoir la publication du produit, compte tenu de l’intérêt considérable que les fuites médiatiques avaient généré pour la question de l’ingérence étrangère. En novembre 2022, le SCRS a entrepris de coordonner [**expurgé**] la publication du rapport. Il a été envisagé de publier le rapport en tant que produit du SCRS, mais dans le répertoire SLINGSHOT du CST. Au cours des deux mois suivants, les discussions ont surtout porté sur la liste de diffusion et sur le « lancement » du rapport. Le SCRS a décidé de s’adresser d’abord aux hauts fonctionnaires et, peu après, à « l’échelon politique » (c. à d. les ministres concernés). Au début de février, la distribution à une poignée de hauts fonctionnaires a eu lieu. Le rapport a ensuite été publié dans SLINGSHOT, le 13 février 2023.

Neuf jours plus tard, le 22 février, le rapport est devenu inaccessible. Or, les registres système indiquent que le produit avait été vu par environ 40 fonctionnaires, notamment le CSNR, le greffier du Conseil privé et le directeur du SCRS, durant la période où il était encore accessible.

La décision de rendre le rapport inaccessible a été prise par le directeur du SCRS à la demande du CSNR. Lorsque l’OSSNR l’a questionné au sujet de sa décision, le directeur du SCRS a répondu [traduction] « si je me souviens bien, il a été décidé de [mettre le rapport sur la glace], car l’information était extrêmement sensible et qu’il était nécessaire de tenir de plus amples discussions concernant sa diffusion. La demande n’avait pas pour objet de limiter ou de censurer le rapport, mais bien de veiller à ce que le lectorat soit adéquatement choisi ». Plus spécifiquement, selon le directeur, le CSNR craignait que [traduction] « la liste de distribution soit trop exhaustive compte tenu du contenu du rapport ». En novembre 2023, aucune liste révisée n’a été approuvée, et le rapport est demeuré inaccessible.

Le BCP a confirmé que la demande du CSNR visant à mettre un frein au produit tenait au fait que le CSNR estimait que la liste de distribution initiale était trop large. Quoique [traduction] « le CSNR avait posé des questions au SCRS concernant les mesures qu’il conviendrait de prendre concernant le renseignement que le rapport contenait ». Pour sa part, le SCRS n’a fait aucune mention d’une telle demande dans ses réponses à l’OSSNR concernant le produit en question. Le plus étonnant, c’est que le BCP a expliqué que [traduction] « le CSNR était d’avis que les activités dont il était question dans le rapport ne correspondaient pas à ce que l’on conçoit normalement comme de l’ingérence étrangère, et qu’il s’agissait plutôt de pratiques diplomatiques courantes ». Le BCP avance également que cette position était soutenue par des sous-ministres dont l’identité n’a pas été révélée. Voilà qui contraste nettement avec la caractérisation que le SCRS a faite du rapport en disant qu’il contenait la plus complète et la plus détaillée des analyses portant sur l’ingérence étrangère dirigée contre les acteurs politiques canadiens par la RPC.

Le 24 février, une réunion s’est tenue au BCP pour discuter du produit. Participaient à la réunion le directeur du SCRS, le CSNR, le chef du CST, le greffier du Conseil privé, le SM de la Sécurité publique, le SM d’AMC et l’auteur du rapport (un analyste principal du SCRS). Selon le SCRS, au terme de cette réunion, le CSNR a demandé que soit produite une version abrégée et « expurgée » (c. à d. les noms [**expurgé**] ont été anonymisés) du rapport spécifiquement pour le premier ministre.

L’analyste du SCRS a achevé une version du rapport destinée au premier ministre le 9 mars 2023. Or, en novembre 2023, le premier ministre n’avait toujours pas accédé au produit; il ne l’avait donc ni vu ni lu. Le directeur du SCRS n’était pas au courant de ce fait. Pour ce qui est de la diffusion, l’analyste du SCRS (l’auteur du rapport) a indiqué qu’il devait recevoir une liste de distribution approuvée – liste que seuls le directeur et le CSNR pouvaient fournir – et qu’il n’était pas autorisé à disposer du rapport de sa propre initiative. Le SCRS a d’ailleurs ajouté que [traduction] « le personnel du bureau du directeur était au courant […] que rien ne pourrait advenir de la version destinée au premier ministre sans avoir reçu une nouvelle liste de distribution de la part [du directeur] et du CSNR », mais que [traduction] « en raison de priorités concurrentes qui se sont concrétisées au printemps et à l’été, le bureau du directeur n’a pas cru bon de soulever la question auprès du directeur ». Étant donné que [traduction] « ni le CSNR ni le bureau du CSNR n’ont fait de suivi auprès du directeur quant à l’état de la demande de préparation d’une version destinée au premier ministre », le directeur a eu l’impression [traduction] « que le premier ministre l’avait déjà vue ».

Figure 6. Document du SCRS sur le « ciblage » : les dates clés

Figure 6. Document du SCRS sur le « ciblage » : les dates clés

[**La figure a été modifiée pour éliminer l’information préjudiciable.**]

Le SCRS a clairement signifié que cette version du rapport avait été préparée spécialement pour le premier ministre, mais le directeur a aussi ajouté que la décision visant à savoir si elle devait être remise ou non au premier ministre relevait du BCP. Toutefois, selon le BCP [traduction] « le rapport en question n’était pas spécifiquement destiné à n’être utilisé que par le premier ministre ». Or, cette déclaration illustre le contraste frappant qu’il y a entre la vision du SCRS et celle du BCP. Au SCRS, on semble convaincu que le résultat de la réunion du 24 février fut la formulation d’une directive voulant que le CSNR crée une version particulière du rapport sur les « cibles » destinée au premier ministre, ce qui est difficile à concilier avec la position de ce même CSNR, selon laquelle le même produit n’était pas spécifiquement destiné au premier ministre. De plus, d’après les dossiers de suivi du CST, aucun autre haut représentant – nommément le BCP et le CPM – n’a vu la version abrégée du produit. D’après le SCRS, [traduction] « cette version n’a été traitée d’aucune façon ».

Certes, le CSNR tient un rôle de coordonnateur au sein de la collectivité de la sécurité et du renseignement, mais ce rôle n’est pas clairement circonscrit. Par ailleurs, comme il est proche du premier ministre, le CSNR doit composer avec le fait que sa position à l’égard de certaines mesures ou de certaines décisions peut avoir un poids considérable en sein de la collectivité. Ainsi, il demeure difficile de connaître la portée exacte de son influence sur les décisions s’appliquant à la diffusion des produits de renseignement du SCRS. Apparemment, la décision de « stopper » (22 février) la version initiale du document sur « le ciblage » aurait été prise par le directeur. Or, dans les faits, la décision semble plutôt avoir été prise par le CSNR (pensons, à titre de cas semblable, la demande suivant laquelle le CSNR a procédé au rappel d’un produit de renseignement du SCRS portant sur l’ingérence étrangère exercée pendant l’élection de 2019; à ce sujet, voir le paragraphe 27, plus haut).

Il convient de souligner que le rapport spécial du BCP et le document du SCRS sur « le ciblage » affichent certaines similitudes. En effet, les deux produits devaient être l’occasion de synthétiser les aperçus du renseignement disponible sur l’ingérence politique étrangère de la RPC. Au bout du compte, ni l’un ni l’autre des documents n’a été diffusé auprès de l’exécutif politique pour des motifs semblables. Ces rapports auraient pu être fournis aux responsables des politiques à des fins de planification stratégique, mais le CSNR les a plutôt traités en fonction de mesures à appliquer ou d’une marche à suivre à la lumière du renseignement fourni, et ne les a donc pas diffusés. 

Il a également été question de savoir si, de fait, les rapports décrivaient l’ingérence étrangère ou faisaient tout simplement état d’activités diplomatiques courantes, ce qui a donné lieu à un désaccord catégorique pour ce qui concerne le document sur les cibles. Lorsqu’il s’agit d’évaluer le renseignement, les désaccords et les débats sont importants et utiles. Pourtant, l’écart que l’on constate, en l’occurrence, entre le point de vue du SCRS et celui du CSNR est considérable, d’autant plus que la question est fondamentale. Le SCRS a collecté et analysé du renseignement et a fait rapport sur des activités considérées comme constituant d’importantes menaces envers la sécurité nationale. Or, l’un des principaux utilisateurs de ce type de rapport (et principal rapporteur du renseignement auprès du premier ministre) était manifestement en désaccord avec cette évaluation. En théorie, les engagements en matière de lutte contre l’ingérence politique étrangère sont simples à comprendre, mais ils seront difficiles à concrétiser si, au sein de la collectivité, on doit se buter constamment à des désaccords quant à la nature des menaces.

Recommandation no 6 : L’OSSNR recommande que Sécurité publique Canada, Affaires mondiales Canada, le Bureau du Conseil privé et les autres utilisateurs du renseignement accroissent le niveau de littératie en matière de renseignement au sein de leurs ministères respectifs.

Recommandation no 7 : L’OSSNR recommande que les membres de la collectivité de la sécurité et du renseignement acquièrent une compréhension et des pratiques communes à l’égard de l’ingérence politique étrangère.

Recommendation 8: L’OSSNR recommande que le rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre – notamment en ce qui a trait aux décisions concernant la diffusion du renseignement – soit défini dans un instrument juridique.

Conclusion

La collectivité de la sécurité et du renseignement admet unanimement que l’ingérence politique étrangère est une menace considérable pour le Canada et que la République populaire de Chine (RPC) constitue l’un des principaux auteurs de ce type de menace qui pèse sur tous les ordres de gouvernement. Pourtant, le présent examen – lequel porte sur la façon dont le renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la RPC a été diffusé entre 2018 et 2023 (période qui englobe les deux dernières élections fédérales) – indique que les éléments constitutifs de cette collectivité manifestent, en interne et entre eux, d’importants désaccords quant à savoir si, quand et comment il convient de diffuser les renseignements dont chacun dispose.

De fait, on a constaté trois schismes fondamentaux. Premièrement, au sein du SCRS : le Service a eu du mal à concilier les exigences concurrentes (faire rapport sans causer d’ingérence) en raison des éléments sensibles liés à l’ingérence politique étrangère, particulièrement à l’approche des élections, pendant les élections et peu après les élections. En l’occurrence, on a observé une dérogation aux pratiques normales de diffusion, ce qui a engendré une forme de consternation de la part de certains responsables de la collecte et de l’analyse du renseignement.

Deuxièmement, dans l’appareil de la sécurité des élections : le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM s’étaient préparés à des activités d’ingérence systématique et vaste, et ne s’étaient donc pas adaptés à l’ingérence dite traditionnelle, celle là même qui a lieu à l’échelle des circonscriptions, et ce, malgré que l’on ait reconnu que ce type de menace était le plus répandu au Canada. Compte tenu du seuil appliqué par le groupe responsable du PPIEM, celui ci n’a rien communiqué au public canadien concernant l’ingérence étrangère qui avait été observée pendant les élections fédérales de 2019 et de 2021.

Troisièmement, entre les analystes du renseignement et les hauts fonctionnaires : les analystes du BCP et du SCRS ont produit des aperçus de ce qu’ils considéraient comme des activités d’ingérence étrangère de la part de la RPC (et, par conséquent, des menaces envers la sécurité nationale), alors que le CSNR considérait plutôt que ces activités étaient typiques du travail diplomatique standard. Cette divergence fondamentale a mené, du moins en partie, au fait que ces produits de renseignement ne sont pas parvenus à l’exécutif politique, notamment au premier ministre.

Ces désaccords et ces décalages sont le reflet d’une difficulté de fond, à savoir cette « zone grise » où l’ingérence politique étrangère peut étrangement ressembler à des activités politiques ou diplomatiques courantes. Cette difficulté était omniprésente dans les activités examinées. Elle a influé sur les décisions relatives à la diffusion ou à la non diffusion des produits et sur la façon de caractériser ce qui était communiqué. Elle a également mis en évidence les éléments sensibles liés à la production de rapports sur les activités qui meublent la sphère du politique et de la diplomatie. Le risque de caractériser les comportements politiques ou diplomatiques légitimes comme étant des menaces a incité des membres de la collectivité du renseignement à s’abstenir de considérer certaines activités comme des menaces. 

La collectivité de la sécurité et du renseignement a été aux prises avec ces difficultés pendant une période d’importants changements sur le plan géopolitique. La relation que le Canada entretient avec la RPC s’est détériorée depuis 2018. Ce n’est pas par hasard que l’on a observé, pendant la période visée par l’examen, une tendance vers une reconnaissance accrue, voir un consensus quant à l’ampleur de la menace posée par l’ingérence étrangère de la RPC. Toutefois, même si la collectivité évolue vers une meilleure coordination, il n’en demeure pas moins un certain nombre d’obstacles au cheminement de l’information concernant cette menace. D’ailleurs, les recommandations ici formulées visent à surmonter ces obstacles. Dans l’absolu, ces recommandations ont pour but de veiller à ce que ceux qui reçoivent le renseignement – les décideurs et les responsables des politiques appelés à veiller sur la sécurité du pays – soient en mesure de prendre les mesures qui s’imposent en toute circonstance.

Annexe A. Conclusions et recommandations

L’OSSNR a formulé les conclusions et les recommandations suivantes dans le cadre de son examen.

Partie 1 : Collecte et diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des élections fédérales de 2019 et de 2021

Conclusion no1 : L’OSSNR a conclu que la diffusion, par le SCRS, du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère pendant la 43e et la 44e élections fédérales était incohérente. Plus précisément, il s’avère qu’en diverses occasions :

  • la justification des décisions à savoir si et comment il convenait de diffuser le renseignement n’était pas claire, ce qui a eu une incidence directe sur l’acheminement de l’information
  • la menace posée par les activités d’ingérence politique étrangère n’a pas été clairement communiquée par le SCRS

Conclusion no2 : L’OSSNR a conclu que la diffusion et l’utilisation, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence politique étrangère avaient été marquées par le souci selon lequel ce type d’action pourrait constituer ou sembler constituer une forme d’ingérence dans le processus démocratique.

Conclusion no3 : L’OSSNR a conclu que le SCRS avait fréquemment choisi de présenter des exposés verbaux plutôt que des produits écrits lorsqu’il s’agissait de diffuser du renseignement sur l’ingérence politique étrangère pendant les élections.

Conclusion no4 : L’OSSNR a conclu qu’au sein du SCRS, il y avait une rupture entre une région et l’Administration centrale quant à savoir si les rapports sur l’ingérence politique étrangère devaient être assujettis à un seuil élevé de confiance, de corroboration et de contextualisation avant la diffusion.

Partie 2 : Le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM

Conclusion no 5 : L’OSSNR a conclu que le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM n’avaient pas été conçus pour s’attaquer convenablement à l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine. Plus précisément :

  • Le Groupe de travail MSRE se concentre sur les activités de menace pendant la période électorale, mais il faut également savoir que l’ingérence étrangère a aussi lieu entre ces périodes.
  • La représentation d’Affaires mondiales Canada au sein du Groupe de travail MSRE se concentrait sur les activités d’ingérence étrangères menées en ligne.
  • Le seuil particulièrement élevé que le groupe responsable du PPIEM respecte pour ce qui concerne les annonces publiques risque très peu d’être atteint dans le cas de l’ingérence étrangère traditionnelle, puisque celle ci consiste surtout à cibler certaines circonscriptions.

Partie 3 : L’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC

Conclusion no 6 : L’OSSNR a conclu que la diffusion restreinte de certains renseignements du SCRS et du CST auprès des hauts responsables exclusivement avait réduit la capacité de la Gendarmerie royale du Canada, d’Affaires mondiales Canada et du Bureau du Conseil privé à tenir compte desdits renseignements au moment de procéder à leur analyse.

Conclusion no 7 : L’OSSNR a conclu que le SCRS et Sécurité publique ne disposaient d’aucun registre permettant de savoir qui reçoit et qui lit certains produits de renseignement, une carence qui crée des lacunes sur le plan de la responsabilisation.

Conclusion no 8 : L’OSSNR a conclu que la diffusion du renseignement sur l’ingérence politique étrangère de 2018 à 2023 avait été plombée par un certain nombre de difficultés. Plus précisément :

  • les utilisateurs ne comprenaient pas toujours la portée du renseignement qu’ils recevaient ou la façon d’intégrer ce renseignement dans leurs analyses stratégiques et leurs processus décisionnels;
  • on a relevé des désaccords entre les sous sections du renseignement et les hauts fonctionnaires quant à savoir si les activités décrites dans certains produits de renseignement constituaient de l’ingérence étrangère ou si elles ne représentaient que des activités diplomatiques légitimes.

Conclusion no 9 : L’OSSNR a conclu qu’il y avait des désaccords entre les hauts fonctionnaires et le CSNR quant à savoir si les évaluations de renseignement devraient être mises à la disposition de l’exécutif politique. En définitive, les interventions du CSNR se sont soldées par le fait que deux produits ne se sont pas rendus à l’exécutif politique, notamment le premier ministre.

Conclusion no 10 : L’OSSNR a conclu que le rôle du CSNR quant aux décisions relatives à la diffusion des produits de renseignement du SCRS n’était pas clairement défini.

Partie 1 : Collecte et diffusion, par le SCRS, du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC lors des élections fédérales de 2019 et de 2021

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le SCRS élabore, suivant des consultations auprès des parties intéressées du gouvernement, une politique complète appelée à encadrer ses interventions face à la menace que pose l’ingérence politique étrangère. Cette politique devrait :

  • indiquer précisément les seuils et les pratiques à respecter pour la communication et la diffusion du renseignement concernant l’ingérence politique étrangère. Notamment, il faudrait indiquer les niveaux appropriés de confiance, de corroboration, de contextualisation et de caractérisation qui détermineront si le renseignement doit faire l’objet d’un rapport;
  • faire clairement état de la tolérance au risque que le SCRS peut appliquer lorsqu’il s’agit de prendre des mesures contre la menace que pose l’ingérence politique étrangère;
  • mettre en place des processus clairs d’approbation et de notification (ce qui inclut les consultations externes) pour toutes les activités ayant trait à la lutte contre l’ingérence politique étrangère;
  • faire clairement état de toute exigence ou procédure particulières pouvant s’appliquer, s’il y a lieu, pendant la période d’élection, ce qui comprend notamment les procédures permettant de diffuser en temps voulu le renseignement sur l’ingérence politique étrangère;
  • analyser les pratiques exemplaires des partenaires internationaux (particulièrement ceux de la Collectivité des cinq) en matière d’enquête et d’établissement de rapports concernant l’ingérence politique étrangère.

Partie 2 : Le Groupe de travail MSRE et le groupe responsable du PPIEM

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande que le Groupe de travail MSRE définisse ses priorités en fonction des menaces réelles, notamment celles qui se concrétisent en dehors de la période électorale en tant que telle.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande qu’Affaires mondiales Canada (AMC) et le Bureau du Conseil privé (BCP) veillent à ce que la représentation d’AMC au sein du Groupe de travail MSRE tire parti de la capacité du ministère à analyser et à traiter l’ingérence étrangère traditionnelle d’origine humaine, et ce, à titre de complément au mandat de l’équipe du mécanisme de réponse rapide.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le Bureau du Conseil privé charge le groupe responsable du PPIEM d’élaborer de nouvelles stratégies permettant de réagir à l’intégralité des menaces qui se posent pendant les périodes électorales, notamment lorsque lesdites menaces se concrétisent dans des circonscriptions particulières.

Partie 3 : L’acheminement du renseignement sur l’ingérence étrangère de la RPC

Recommandation no 5 : L’OSSNR recommande que le SCRS et Sécurité publique se dotent d’un mécanisme élémentaire de responsabilisation permettant de suivre et de documenter rigoureusement la réception des produits de renseignement. Dans le cas du renseignement hautement sensible et particulièrement urgent, il conviendrait d’enregistrer également toute occurrence de lecture des produits de renseignement.

Recommandation no 6 : L’OSSNR recommande que Sécurité publique Canada, Affaires mondiales Canada, le Bureau du Conseil privé et les autres utilisateurs du renseignement accroissent le niveau de littératie en matière de renseignement au sein de leurs ministères respectifs.

Recommandation no 7 : L’OSSNR recommande que les membres de la collectivité de la sécurité et du renseignement acquièrent une compréhension et des pratiques communes à l’égard de l’ingérence politique étrangère.

Recommendation 8: L’OSSNR recommande que le rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre – notamment en ce qui a trait aux décisions concernant la diffusion du renseignement – soit défini dans un instrument juridique.

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Review of the dissemination of intelligence on People’s Republic of China political foreign interference, 2018-2023: Notification Letter

Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023


Table des matières

Date de publication :

Lettre au Premier ministre

April 26, 2024

Le très honorable Justin Trudeau, P.C., député
Premier ministre du Canada
80, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A2

Monsieur le Premier ministre,

Au nom de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR), je suis heureuse de vous soumettre notre rapport spécial faisant suite à l’Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023.

Rappelons que cet examen a été réalisé en application des alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR).

L’examen nous a permis d’analyser la façon dont l’information a circulé au sein du gouvernement relativement aux activités d’ingérence étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023, période durant laquelle ont eu lieu deux élections générales fédérales. Conformément à ses attributions et à son mandat, l’OSSNR a notamment examiné ce qui suit : les pratiques du Service canadien du renseignement de sécurité en matière de diffusion de l’information; le fonctionnement d’entités clés établies par le gouvernement dans le but de protéger l’intégrité des élections du Canada; ainsi que le rôle tenu par de hauts fonctionnaires, notamment par le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du Premier Ministre, pour ce qui concerne la diffusion du renseignement. Vous avez reçu une version classifiée du présent rapport en date du 5 mars 2024.

Dès le début du processus d’examen, l’OSSNR a mené ses travaux indépendamment de ceux du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), mais a tout de même fait en sorte qu’il n’y ait aucune duplication inutile entre les deux organes de surveillance. Le 5 mars 2024, l’OSSNR a avisé le CPSNR ainsi que les responsables de l’enquête publique sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux et les institutions démocratiques que la version finale du rapport classifié de l’OSSNR vous avait été remise.

À ce moment, l’OSSNR vous a également indiqué qu’à son avis, il était dans l’intérêt public de faire rapport sur ce problème. Ainsi, en application de l’article 40 de la Loi sur l’OSSNR, nous vous remettons un rapport spécial pour dépôt au Parlement. Pendant une période s’échelonnant sur six semaines, l’OSSNR a tenu, conformément à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur l’OSSNR, des consultations auprès des administrateurs généraux des ministères et organismes concernés pour veiller à ce que le rapport spécial ne contienne aucun renseignement dont la divulgation pourrait s’avérer préjudiciable pour la sécurité nationale, la défense nationale ou les relations internationales, ni aucune information qui serait protégée par le privilège lié au litige, le privilège du secret professionnel de l’avocat ou le secret professionnel de l’avocat et du notaire.

Reconnaissant l’importance que revêt ce sujet pour les Canadiens, l’OSSNR a fait le nécessaire pour que le rapport soit rédigé en vue d’une diffusion à grande échelle. En outre, l’OSSNR a obtenu des explications quant aux expurgations qui ont été appliquées et estime que la présente version du rapport comporte toute l’information qu’il est possible de divulguer. Par ailleurs, les conclusions et les recommandations formulées dans le rapport classifié de l’OSSNR ne contenaient aucune information préjudiciable ou protégée. Ainsi, les conclusions et les recommandations qui accompagnent le rapport spécial sont exactement les mêmes que celles figurant dans le rapport classifié. 

Conformément aux obligations énoncées dans la Loi sur l’OSSNR, le présent rapport doit être déposé devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci. En guise de respect du privilège parlementaire, l’OSSNR s’abstiendra de commenter le contenu de son rapport tant que le rapport spécial n’aura pas été déposé au Parlement.

Le présent rapport contient huit recommandations. Nous demandons au gouvernement d’indiquer à l’OSSNR s’il est d’accord avec lesdites recommandations et, dans l’affirmative, de préciser comment il entend les mettre en œuvre. Une attention minutieuse et opportune devra être accordée aux recommandations de l’OSSNR si l’on souhaite que les efforts investis par l’OSSNR sur le plan de la responsabilisation des institutions gouvernementales donnent des résultats probants. De plus, l’OSSNR pourrait publier dans son site Web, si elles sont disponibles, les réponses du gouvernement aux recommandations formulées. Ces réponses pourraient alors accompagner la version du présent rapport et pourraient, le cas échéant, figurer dans un rapport annuel.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma très haute considération.

L’honorable Marie Deschamps, C.C.

Présidente // Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement

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Communications Security Establishment’s Governance of Active and Defensive Cyber Operations: Government Responses

Gouvernance du Centre de la sécurité des télécommunications Canada s'appliquant aux cyberopérations actives et défensives


Réponses du Gouvernement

Date de publication :

Sommaire

Il s’agissait du premier examen de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) sur la gouvernance des cyberopérations actives et défensives (COA/COD) du CST. L’examen portait sur le cadre de gouvernance qui guide la conduite des COA/COD et sur la prise en compte adéquate du CST de ses obligations juridiques et des répercussions de ses opérations sur la politique étrangère.

Le CST a obtenu le pouvoir de mener des COA/COD en 2019 à la suite de l’adoption de la Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications. Ce pouvoir, qui n’existait pas avant l’entrée en vigueur de la loi, confère au gouvernement du Canada de nouvelles capacités considérables. Le contexte mondial actuel est en train de justifier la pertinence de ces capacités et de ce pouvoir pour le Canada. 

 Comme le CST est résolu à respecter la loi, il a travaillé assidûment et méthodiquement pour opérationnaliser le nouveau pouvoir. Et comme il continue de mettre au point cette capacité, il procède avec prudence pour faire en sorte que toutes les activités respectent la Loi sur le CST et cadrent avec les obligations internationales du Canada, particulièrement celles mises en lumière dans la récente déclaration du Canada sur l’application du droit international dans le cyberespace.

Le CST reconnaît l’importance des organismes d’examen dans la collectivité de la sécurité et du renseignement et accueille favorablement les examens réalisés par ces organismes ainsi que les recommandations qui en découlent. Les recommandations présentées par l’OSSNR dans le cadre de son examen sur le cadre de gouvernance des COA/COD du CST contribueront à orienter l’amélioration des capacités du CST de sorte que ce dernier puisse continuer de mener ses activités dans le respect de la loi et de façon prompte, efficace et efficiente.

Comme Affaires mondiales Canada (AMC) est un partenaire crucial du cadre de gouvernance des COA/COD, l’OSSNR l’a mobilisé pour l’examen et a présenté ses recommandations à AMC et au CST. Le CST et AMC sont heureux de présenter la réponse suivante aux recommandations de l’OSSNR.


Recommandation 1 :

Le CST devrait définir plus précisément les catégories d’activités, les techniques connexes et les cibles visées pour ses COA et COD ainsi que le justificatif et les objectifs sous-jacents, tant dans les demandes que dans les autorisations ministérielles visant ces activités.

Réponse du CST :

Le CST est d’accord avec cette recommandation.

Même s’il acquiesce à la recommandation, le CST fait remarquer qu’il fournit toujours à la ministre l’information et les détails nécessaires pour qu’elle puisse évaluer la demande et délivrer une autorisation.

Le CST est d’accord avec le fait que, lorsque cela est possible sur le plan des opérations, l’intégration de l’information contenue dans les breffages et les présentations aux demandes et autorisations écrites permettra de produire des rapports écrits plus complets. Le CST a commencé à inclure de l’information plus détaillée dans les demandes et les autorisations liées aux COA/COD.


Recommandation 2 :

AMC devrait ajouter un mécanisme d’évaluation de tous les paramètres de risque pertinents en matière de politique étrangère des COA/COD dans les autorisations ministérielles connexes.

Réponse d’AMC :

AMC est d’accord avec cette recommandation.

AMC tient déjà compte d’une grande variété de facteurs dans son évaluation des risques en matière de politique étrangère, tel que l’indique le modèle d’évaluation des risques en matière de politique étrangère.

Par le passé, le CST a déjà fourni des évaluations des risques opérationnels/techniques distinctes dans ses plans de mission. Ces évaluations contenaient de l’information supplémentaire sur les cibles et leurs activités dans l’infrastructure mondiale de l’information (IMI), les technologies qu’elles utilisent ou les systèmes techniques complexes élaborés et déployés par le CST pour mener ses opérations.


Recommandation 3 :

Le CST et AMC devraient établir un cadre pour la consultation des principaux intervenants, comme la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre et d’autres organismes fédéraux dont le mandat recoupe les COA proposées, afin de veiller à ce que ces opérations cadrent avec les priorités stratégiques générales du gouvernement du Canada et répondent aux exigences énoncées dans la Loi sur le CST.

Réponse conjointe du CST et d’AMC :

En principe, le CST et AMC sont d’accord avec cette recommandation.

Le CST et AMC consultent tous les intervenants pertinents du gouvernement du Canada dont le mandat pourrait recouper les COA prévues. Nous sommes d’accord avec le fait qu’il est important d’aligner les opérations avec les priorités stratégiques générales du gouvernement du Canada et croyons qu’il existe déjà plusieurs mesures qui permettent, au besoin, d’informer et de consulter la collectivité élargie de la sécurité et du renseignement. À titre d’exemples, citons le système de comités de sous ministres adjoints et de sous-ministres sur la sécurité et le renseignement (p. ex., le Comité des sous-ministres adjoints sur les opérations de sécurité nationale [CSMAOSN] et le Comité des sous-ministres sur les opérations) ainsi que le système des comités sur des régions géographiques précises. De plus, il existe un processus sur les priorités en matière de renseignement pour l’ensemble de la collectivité qui fournit un cadre et un guide pour les activités liées au renseignement, comme les cyberopérations.

Nous savons que les types de COA envisagées et entreprises se diversifient et que pour cette raison, il pourrait être nécessaire de moderniser le modèle actuel de consultation des organismes fédéraux. Le CST et AMC travailleront ensemble pour établir, au fil du temps et au besoin, un cadre de consultation adéquat.


Recommendation 4 :

Le CST et AMC devraient fixer un seuil pour différencier une cyberopération active d’une cyberopération défensive préventive et décrire ce seuil à la ministre de la Défense nationale dans les autorisations ministérielles applicables.

Réponse conjointe du CST et d’AMC :

Le CST et AMC sont en désaccord avec cette recommandation.

Le CST et AMC ne peuvent pas être d’accord avec cette recommandation, car elle porte sur une activité (cyberopération défensive préventive) qui n’est pas visée par la Loi sur le CST et que le CST ne mène pas.

Au titre de l’article 18 de la Loi sur le CST, qui décrit le volet du mandat du CST touchant les cyberopérations défensives, le CST est autorisé à mener des activités dans l’infrastructure mondiale de l’information ou par l’entremise de celle-ci afin d’aider à protéger l’information électronique et les infrastructures de l’information des institutions fédérales ainsi que l’information électronique et les infrastructures de l’information d’importance pour le gouvernement fédéral désignées comme telles dans la Loi sur le CST (infrastructures pertinentes). Pour qu’une COD soit lancée, il n’est pas nécessaire que la menace ait compromis l’information ou l’infrastructure, mais elle doit constituer une menace crédible pour les infrastructures de l’information désignées comme importantes.

Si l’OSSNR est d’avis que le CST et AMC doivent définir plus clairement le seuil qui différencie une COA d’une COD, alors le CST et AMC sont également en désaccord avec la recommandation étant donné que la Loi sur le CST définit clairement les conditions que le CST doit satisfaire pour entreprendre des activités de cybersécurité, que ce soit des COD ou des COA. Il n’y a donc pas lieu de créer un autre seuil.


Recommandation 5 :

Dans ses demandes présentées à la ministre de la Défense nationale, le CST devrait décrire précisément la possibilité de mener des activités de collecte au titre d’autorisations distinctes lors la réalisation de COA et de COD.

Réponse du CST :

Le CST est d’accord avec cette recommandation.

CSE already accurately describes the potential for collection activities, and the authority for such activities, in its applications to the Minister of National Defence.  CSE has taken steps to ensure that applications for and authorizations of ACOs and DCOs clearly reference the authorizations under which any acquisition of information required to achieve the intended outcome of the ACO or DCO is conducted.

Il est important de souligner que le CST n’est pas autorisé à obtenir de l’information au titre d’une autorisation de COA ou de COD. L’acquisition d’information servant à mener les activités de COA ou de COD est visée par une autorisation de renseignement étranger, une autorisation de cybersécurité ou une autorisation d’urgence. L’utilisation de cette information pour soutenir les COA et les COD est décrite dans les autorisations de renseignement étranger et de cybersécurité du CST. Ces autorisations font l’objet d’un examen du commissaire au renseignement qui évalue le caractère raisonnable et la proportionnalité de l’acquisition ainsi que l’utilisation de l’information à des fins liées aux COA et aux COD.


Recommandation 6 :

Le CST devrait inclure toute l’information pertinente, dont de l’information contextuelle et sur le ciblage, dans tous les plans opérationnels établis pour une cyberopération ainsi que dans le matériel présenté à AMC.

Réponse du CST :

Le CST est en désaccord avec cette recommandation.

GAC requires sufficient and pertinent information upon which to base its analysis related to foreign risk and international law. CSE has worked with GAC to share the appropriate level of operational detail that GAC has requested to conduct their work.  This need is reflected in the CSE-GAC Governance Framework whereby GAC is provided with an operation-specific Mission Plan to inform its Foreign Policy Risk Assessment. GAC is satisfied with the information provided by CSE. When GAC has required additional information to conduct its Foreign Policy Risk Assessment or international law assessment, CSE has provided the supplemental information requested.


Recommandation 7 :

Le CST devrait offrir un programme de formation structurée à ses employées et employés qui participent à l’exécution de COA/COD pour que ceux-ci aient les connaissances nécessaires sur les pouvoirs, les exigences et les interdictions du CST prescrits par la loi, comme l’exigent les autorisations ministérielles connexes.

Réponse du CST :

Le CST est d’accord avec cette recommandation.

Pour compléter la formation et l’examen annuels obligatoires portant sur les pouvoirs, les exigences et les interdictions du CST prescrits par la loi, le CST songera à créer un programme de formation sur mesure pour les employées et employés qui prennent part à la planification et à l’exécution des COA et des COD.


Recommandation 8 :

Le CST et AMC devraient fournir une évaluation du régime juridique international applicable à la conduite de COA et de COD. De plus, le CST devrait demander à ce qu’AMC mène et consigne une évaluation complète sur le plan juridique de la conformité de chaque opération au droit international.

Réponse conjointe du CST et d’AMC :

Le CST et AMC sont partiellement d’accord avec cette recommandation.

Depuis la parution de l’examen, AMC et le CST ont continué de perfectionner le processus d’évaluation des répercussions juridiques internationales des cyberopérations du CST. La Direction générale des affaires juridiques (DGAJ) d’AMC procède à une évaluation juridique approfondie de la conformité de chaque opération au droit international.

Sur le plan de la procédure, le CST soumet à AMC un plan de mission et lui demande de procéder à une évaluation des risques en matière de politique étrangère. Une fois qu’elle a reçu cette demande, la DGAJ d’AMC mène une consultation avec les avocats du ministère de la Justice en poste dans les Services juridiques du CST et d’AMC et, dans certains cas, avec l’avocat du ministère de la Justice au sein de la Section du droit constitutionnel, administratif et international (SDCAI). L’objectif est de discuter des répercussions, sur le plan du droit international, de l’opération prévue, telle que décrite dans le plan de mission. Un résumé de ces discussions est versé dans une évaluation juridique écrite consignée dans l’évaluation des risques en matière de politique étrangère. Ces discussions reposent sur l’analyse du droit international qui est approfondi depuis de nombreuses années par la DGAJ d’AMC, notamment dans les commentaires du gouvernement du Canada dans le projet de chapitre du Tallinn Manual 2.0 en 2016, dans l’élaboration de l’ébauche de manuel coordonnée par la DGAJ d’AMC et produit en août 2019 et dans l’analyse juridique approfondie réalisée en amont des autorisations ministérielles originales visant les COA et les COD.

AMC fait remarquer qu’il serait inhabituel de produire une évaluation juridique approfondie du droit applicable en lien avec une foule d’opérations possibles ou hypothétiques qui pourraient être menées par le Canada, ses alliés et ses adversaires dans tous les secteurs, y compris dans le cyberespace. AMC, comme tout État généralement, a plutôt pour pratique de procéder à des évaluations juridiques sur des activités ou des opérations précises proposées, des affaires judiciaires et de possibles litiges.

AMC a fait une synthèse de son analyse du droit international dans une déclaration publique sur le droit international applicable dans le cyberespace. La déclaration publique a été élaborée et réalisée à la suite de vastes consultations interministérielles ayant fait appel à des spécialistes du droit et des politiques ainsi que d’analyse d’autres déclarations de pays et de publications et processus de premier plan, dont le Tallinn Manual 2.0, le dialogue d’experts sur le droit international et le cyberespace (dirigé par la Suisse), le processus de La Haye (dirigé par les Pays-Bas), les consultations informelles sur le droit international humanitaire et les cyberopérations (dirigées par la Suisse), le processus d’Oxford et la conférence annuelle sur le droit du US Cyber Command. Le Canada s’est joint à des nations de même sensibilité et à d’autres nations pour produire une déclaration publique, entre autres pour faire avancer des processus multilatéraux en cours aux Nations Unies et ailleurs ainsi que pour approfondir la compréhension commune de l’application du droit international dans le cyberespace et parvenir à un consensus général sur la question.


Recommandation no 9 :

Le CST et AMC devraient communiquer entre eux toute information et nouveauté pertinentes à l’évaluation des risques liées à une cyberopération, tant lors de la planification que de l’exécution.

Réponse conjointe du CST et d’AMC :

Le CST et AMC sont d’accord avec cette recommandation.

Depuis la parution de l’examen, le CST et AMC ont augmenté la fréquence des échanges au niveau de travail. Conformément au cadre de gouvernance d’AMC et du CST sur les cyberopérations étrangères, les deux organismes vont solidifier leurs points de contact et élaborer une procédure opérationnelle normalisée pour qu’ils puissent se transmettre mutuellement toute nouvelle information et toute nouveauté liées à une cyberopération.

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Review of the dissemination of intelligence on People’s Republic of China political foreign interference, 2018-2023: Statements

Examen de la diffusion du renseignement ayant trait à l’ingérence politique étrangère exercée par la République populaire de Chine de 2018 à 2023


Rapport

Date de publication :

Access to Cabinet Confidences

Monsieur le Premier ministre,

L’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) a entrepris un examen sur la production et la diffusion du renseignement sur l’ingérence étrangère dans le cadre des 43e et 44e élections fédérales canadiennes, notamment sur la façon dont le renseignement a été communiqué entre les organismes, les ministères et d’autres groupes du gouvernement du Canada.

Le très honorable David Johnston, en sa qualité de rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère, a indiqué dans son rapport du 23 mai 2023 qu’il avait eu « accès à tous les documents du Cabinet qui concernent les questions d’ingérence étrangère » dans le cadre de son examen. De plus, il a recommandé que le gouvernement divulgue à l’OSSNR les documents confidentiels du Cabinet qui lui ont été fournis aux fins de son examen. Le gouvernement a accepté cette recommandation.

La portée de l’examen de l’OSSNR est différente de celle de l’examen du rapporteur spécial indépendant. Afin d’assurer l’intégrité de l’examen de l’OSSNR et de ne pas limiter ou influencer sa base de données probantes, l’OSSNR doit avoir accès à tous les documents contenus dans toute catégorie de documents fournis, plutôt qu’à un sous-ensemble de ces documents.

Par conséquent, l’OSSNR demande respectueusement que lui soient communiqués tous les documents confidentiels du Cabinet liés à son examen et que tous les documents fournis ne soient pas caviardés.

L’OSSNR reconnaît la nature exceptionnelle de cette demande et le sérieux de la communication des documents demandés. Il espère compter sur votre aide pour y accéder et réaliser les objectifs de son examen indépendant.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma très haute considération.

L’honorable Marie Deschamps, C.C.
Présidente, Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement

Déclaration de l’OSSNR concernant son examen sur la production et la communication de renseignement sur l’ingérence étrangère par le gouvernement du Canada lors des 43e et 44e élections fédérales canadiennes

L’OSSNR estime que la transparence et l’indépendance sont des valeurs fondamentales à la base de son mandat. Tout en protégeant l’information qui pourrait compromettre la sécurité nationale, l’OSSNR s’engage à faire preuve de transparence et à promouvoir la responsabilité démocratique par tous les moyens possibles dans le cadre de son travail. Par ses examens, l’OSSNR agit en tant que mandataire du public et contribue à renforcer la confiance envers les mécanismes de surveillance et d’examen du Canada. L’OSSNR a conçu, délimité et entrepris son examen sur l’ingérence étrangère lors des 43e et 44e élections fédérales canadiennes en faisant preuve d’indépendance. Dans une optique de transparence, l’OSSNR souligne que même si le sujet de son examen chevauche certaines des questions abordées dans l’examen en cours du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) et celles dont traite le rapport du rapporteur spécial indépendant (RSI) du 23 mai 2023, la portée de l’examen de l’OSSNR diffère et suit ses propres méthodes, comme il ressort de son mandat publié. Bien que les observations ou les conclusions liées au travail du RSI sont susceptibles de faire l’objet de commentaires dans le rapport final de l’OSSNR, ce dernier vise à présenter les conclusions et les recommandations découlant de l’examen de l’OSSNR.

L’OSSNR note que le RSI a suggéré que « tous les documents qui [lui] ont été fournis doivent être transmis au CPSNR et à l’OSSNR pour qu’ils puissent les examiner en détail et déterminer s’ils tirent des conclusions différentes des [siennes]. » Par la suite, le gouvernement a fourni à l’OSSNR un nombre limité de documents qui, au départ, n’avaient pas été transmis, car il s’agissait de documents confidentiels du Cabinet. Dans tous ses examens, l’OSSNR demande aux personnes faisant l’objet d'examen de se conformer aux attentes de l’OSSNR en matière de réponse aux examens. Cette attente est liée à l’indépendance de l’OSSNR et à l’intégrité de ses examens. Par conséquent, si l’OSSNR doit examiner des documents confidentiels du Cabinet, il doit être en mesure d’examiner tous ceux pertinents pour son examen. La présidente de l’OSSNR a transmis une lettre au premier ministre pour demander que tous les documents confidentiels du Cabinet liés à l’examen de l’OSSNR soient transmis à l’OSSNR, et que tous les renseignements confidentiels du Cabinet dans les documents ne soient pas caviardés. Une traduction de la lettre est publiée sur le site Web de l’OSSNR, disponible en ligne ici.

Coordonnées

Pour obtenir de plus amples informations, prière d’utiliser les coordonnées ci-dessous :

Relations avec les médias
OSSNR
media-medias@nsira-ossnr.gc.ca

Déclaration de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement concernant la soumission au premier ministre de son Rapport spécial sur l’ingérence politique étrangère

Le 26 avril, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR, Office de surveillance) a remis au premier ministre son Rapport spécial portant sur la production et la diffusion, au sein du gouvernement du Canada, du renseignement concernant l’ingérence étrangère exercée pendant les 43e et 44e élections fédérales canadiennes.

Ce Rapport spécial est une version expurgée du rapport classifié qui a été envoyé le 5 mars, au premier ministre ainsi qu’aux ministres de la Sécurité publique, de la Défense nationale et des Affaires étrangères.

Comme l’exigent les dispositions de l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur l’OSSNR, l’Office de surveillance a tenu, des consultations auprès des administrateurs généraux des ministères et organismes concernés pour veiller à ce que le Rapport spécial ne contienne aucune information préjudiciable ou confidentielle. 

Dès le début du processus d’examen, l’OSSNR a mené ses travaux indépendamment de ceux du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), mais a tout de même fait en sorte qu’il n’y ait aucune duplication inutile entre les deux organes de surveillance

Conformément aux obligations énoncées dans la Loi sur l’OSSNR, le Rapport spécial doit être déposé devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci.

En guise de respect du privilège parlementaire, l’OSSNR s’abstiendra de commenter le contenu de son rapport tant que le Rapport spécial n’aura pas été déposé au Parlement.

Reconnaissant l’importance que revêt ce sujet pour les Canadiens, l’OSSNR a fait le nécessaire pour que le rapport soit rédigé en vue d’une diffusion à grande échelle. Ainsi, par souci de transparence et pour sensibiliser le public, l’OSSNR publiera le Rapport spécial sur son site Web, une fois que celui ci aura été déposé au Parlement.

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Vision, Mission et Valeurs

Graphique des Vision, Mission et Valeurs de l'OSSNR
Graphique des Vision, Mission et Valeurs de l'OSSNR

Vision


Une communauté de la sécurité nationale et du renseignement responsable, transparente et efficace qui défend la primauté du droit.

Mission


Être les yeux et les oreilles des Canadiens en étant l'organisme de surveillance indépendant chargé d'examiner et d'enquêter sur les activités du gouvernement du Canada en matière de sécurité nationale et de renseignement.

Valeurs


Indépendance

Nous sommes justes et impartiaux. Nous sommes les yeux et les oreilles des Canadiens.

Professionnalisme

Nous sommes hautement qualifiés, compétents et chevronnés. Nous accomplissons un travail rigoureux, aux retombées concrètes.

Transparence

Nous faisons la lumière sur la responsabilité en matière de sécurité nationale et contribuons aux discussions publiques.

Inclusion

Notre effectif est diversifié et tire parti d'un vaste éventail de points de vue.

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Review of Canadian Security Intelligence Service Dataset Regime: Government Responses

Examen de l'OSSNR portant sur le régime du Service canadien du renseignement de sécurité applicable aux ensembles de données


Réponses du Gouvernement

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