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Jugement de la Cour fédérale en 2020 Cour fédérale 616

Examen de l’OSSNR découlant de la décision 2020 CF 616 de la Cour fédérale


Rapport

Date de publication :

Résumé

(NC) Le présent rapport examine la manière dont le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) demande et reçoit des services juridiques du ministère de la Justice (la Justice). Il se penche également sur la façon dont le SCRS prépare et exécute les mandats nécessaires à sa collecte d’information. L’examen découle d’une décision de 2020 de la Cour fédérale (2020 CF 616), où celle-ci a recommandé « qu’un examen externe exhaustif soit effectué afin de relever l’ensemble des lacunes et des défaillances systémiques, culturelles et liées à la gouvernance qui ont eu pour conséquences que le [SCRS] a mené des activités opérationnelles dont il a reconnu l’illégalité et a manqué à son obligation de franchise.

L’examen a révélé que le service de renseignement et ses avocats peinaient à s’organiser de manière à respecter leurs obligations légales facilement, notamment envers la Cour fédérale.

En outre, pour ce qui est du processus de demande de mandats, l’OSSNR a constaté que le SCRS a échoué à développer une expertise complète et durable requérant une formation, de l’expérience et des investissements. Par ailleurs, le rapport souligne la nécessité de transformer la relation qu’entretient le SCRS avec ses avocats.

L’examen a été mené par deux membres de l’OSSNR, Marie Deschamps et Craig Forcese. Au moins l’un d’eux a participé directement à chaque aspect de l’examen, dont la gestion du processus d’examen, les exposés, les entrevues et l’examen des documents. Dans le cadre de l’examen, l’OSSNR a mené des dizaines d’entrevues confidentielles avec des employés du ministère de la Justice et du SCRS, dont l’apport s’est avéré essentiel pour vérifier sur le terrain l’information que l’OSSNR avait tirée de documents et d’exposés officiels. Les entrevues ont été organisées par l’OSSNR de manière à assurer une représentation fiable de l’ensemble des fonctions liées aux processus d’obtention des mandats et de prestation des conseils juridiques. Les entrevues ont permis d’aborder des questions et des préoccupations qui autrement ne seraient pas parvenues jusqu’à l’OSSNR. Ces entrevues ont aidé l’OSSNR à formuler des recommandations liées à des problèmes systémiques, culturels et de gouvernance, lesquels concourent à l’inefficacité des pratiques et menacent la capacité du SCRS et de la Justice de remplir leur mandat.

Les personnes interrogées ont été nombreuses à signaler à l’OSSNR que les problèmes systémiques, culturels et de gouvernance risquent de compromettre la capacité du service de renseignement de remplir le mandat que lui a confié le Parlement. Il est dans l’intérêt public de résoudre ces problèmes de façon urgente. Si le SCRS et le ministère de la Justice ont remédié à certains problèmes, des difficultés demeurent flagrantes.

Les conclusions et les recommandations de l’OSSNR s’inscrivent dans trois domaines généraux :

  • Prestation de conseils juridiques par le ministère de la Justice
  • la gestion du processus d’obtention de mandats par le SCRS et le ministère de la Justice;
  • l’investissement dans le personnel

La conclusion du présent rapport comprend des commentaires et des recommandations dans le contexte culturel et de gouvernance élargi.

Le SCRS mène ses opérations dans des contextes qui évoluent souvent rapidement et qui posent de multiples difficultés sur le plan juridique. Ainsi, il est primordial qu’il reçoive en temps opportun des conseils juridiques adaptés en fonction des besoins. Le présent examen a relevé des facteurs empêchant le Groupe Litiges et conseils en sécurité nationale (GLCSN) du ministère de la Justice de fournir au SCRS les conseils opérationnels qui lui sont nécessaires.

En ce qui concerne sa prestation de services juridiques, le ministère de la Justice privilégie un modèle « À l’unisson » centralisé. Il veut ainsi assurer l’uniformité et la cohérence des conseils juridiques fournis au nom du procureur général du Canada. Bien que la prémisse du modèle « À l’unisson » soit sensée, l’OSSNR a constaté que dans le contexte du SCRS, le GLCSN ne parvenait pas à assurer la prestation de conseils juridiques utiles, appropriés et livrés dans les délais voulus. En effet, le ministère de la Justice a souvent fourni des conseils qui n’étaient pas adaptés aux opérations du SCRS. Par exemple, le GLCSN présente ses conseils sous la forme d’une évaluation des risques juridiques, à l’aide de la grille de gestion des risques juridiques utilisé dans l’ensemble du ministère de la Justice. Celle-ci utilise une cotation du risque par code de couleur s’apparentant à des feux de circulation; une cote de risque « vert » se traduit par un risque juridique faible pour le SCRS tandis qu’une cote de risque « rouge » signale un risque juridique élevé. Quant à la cote de risque « jaune », elle indique, non sans une certaine ambiguïté, un risque juridique modéré. Les évaluations de type « feu jaune » seraient particulièrement fréquentes, et contrariantes pour le SCRS, surtout lorsqu’aucune discussion n’est tenue concernant la manière d’atténuer le risque. D’ailleurs, on a mentionné à l’OSSNR qu’il était rare que les évaluations soient accompagnées de discussions.

Par conséquent, au SCRS, certains perçoivent le ministère de la Justice comme une entrave en raison de sa bureaucratie, de son ignorance opérationnelle apparente et de l’inefficacité de son approche en matière de communication de conseils juridiques.

Toutefois, les problèmes liés à l’aspect opportun, adapté et utile des conseils juridiques ne découlent pas seulement du ministère de la Justice. L’OSSNR a appris que le SCRS ne communiquait pas toujours toutes les informations importantes au ministère de la Justice, instaurant une certaine méfiance. Le processus interne de demande de conseils juridiques au SCRS contribue également à des retards et à un manque de pertinence. Les conseils qu’obtiennent parfois les enquêteurs opérationnels du SCRS sont passés par des échelons bureaucratiques et peuvent être d’une pertinence limitée ou faible.

L’OSSNR a été informé que le processus laborieux de demande et d’obtention de conseils a parfois mené [Discussion sur les effets nuisibles et les risques dans le contexte des opérations]. Le SCRS et le ministère de la Justice mènent leurs activités dans un contexte de doutes juridiques, en raison de manque de clarté dans la loi. La jurisprudence judiciaire est souvent nécessaire pour préciser des normes juridiques. Toutefois, un processus de mandat lourd, comme il est traité ci-dessous, rend la perspective encore plus difficile.

Conclusion no 1 : L’OSSNR constate que le processus de demande et de prestation de conseils juridiques et les limites du GLCSN en matière de ressources contribuent à des retards importants, [description de la durée]

Conclusion no 2 : L’OSSNR constate que les avis juridiques du ministère de la Justice sont parfois préparés sans qu’une attention suffisante ne soit portée aux destinataires qui doivent les comprendre et prendre des mesures en conséquence. Les avis concernaient principalement l’évaluation des risques juridiques, souvent tard dans le cycle d’élaboration d’une activité du SCRS, et les efforts visant à proposer d’autres moyens légaux pour arriver à l’objectif fixé étaient limités.

Conclusion no 3 : L’OSSNR constate que le cadre de gestion des risques juridiques du ministère de la Justice n’est pas bien compris au niveau opérationnel du SCRS et qu’il n’offre pas un cadre approprié pour la communication sans ambiguïté du comportement illicite au SCRS.

Conclusion no 4 : L’OSSNR constate que les difficultés de l’obtention rapide de conseils juridiques pertinents ont contribué à [discussion sur les effets nuisibles et les risques dans le contexte des opèrations] pouvant nécessiter des conseils juridiques. Par conséquent, la façon dont le ministère de la Justice a fourni des conseils juridiques au SCRS ne répond pas toujours aux besoins des opérations du SCRS.

Conclusion no 5 : L’OSSNR constate que le ministère de la Justice ne produit pas l’analytique organisationnelle nécessaire pour faire un suivi de son rendement en matière de prestation de services au SCRS.

Le ministère de la Justice reconnaît le besoin de changement. Parmi les grands projets récents, notons le projet Vision, qui promet des partenariats axés sur les clients. Le GLCSN a mis en place de nouvelles procédures pour s’attaquer aux cloisonnements internes entre les avocats des litiges et des conseils, et pour améliorer la formation et l’accès aux conseils juridiques et faciliter l’uniformité des conseils juridiques. Le GLCSN semble aussi reconnaître le désir d’adopter une nouvelle approche à la prestation de conseils juridiques, notamment la progression vers des conseils juridiques qui encourage une participation itérative et collaborative avec le SCRS en vue de l’atteinte de ses objectifs dans les limites de la loi (présentés sous forme de feuille de route). Toutefois, le SCRS et le ministère de la Justice ne semblent pas pour le moment avoir mis systématiquement ce modèle en place.

Pour faciliter la prestation de conseils, surtout sous forme de feuille de route, le SCRS doit fournir au GLCSN tous les faits et obtenir dès le début son concours sur le plan opérationnel. Une participation rapide et continue tout au long des étapes d’une enquête ou d’une opération permettrait à l’avocat de lancer des avertissements juridiques informels qui donneraient au SCRS la possibilité de rectifier le tir avant que trop de temps ne se soit écoulé. L’obtention continue de conseils juridiques tout au long d’une opération pourrait régler le problème soulevé des opérations arrêtées en raison de conseils juridiques inopportuns ou ambigus.

Conclusion no 6 : L’OSSNR constate que le ministère de la Justice a reconnu que les cloisonnements internes au sein du GLCSN entre les équipes des conseils et des litiges ont parfois fait en sorte que l’avocat responsable des mandats n’est pas au courant de questions juridiques émergentes, et que le ministère de la Justice a pris des mesures pour régler ces problèmes.

Conclusion no 7 : L’OSSNR constate que le ministère de la Justice s’est engagé à améliorer sa prestation de conseils au SCRS, notamment par l’adoption de la feuille de route pour présenter ses conseils juridiques, qui demande une collaboration continue avec le SCRS pour atteindre les objectifs opérationnels dans les limites du droit.

Conclusion no 8 : L’OSSNR constate que le SCRS n’a pas toujours fourni l’information pertinente au GLCSN, entraînant une méfiance et limitant la capacité du ministère de la Justice de fournir des conseils juridiques adaptés à la situation.

Suivant ces conclusions, l’OSSNR recommande :

Recommendation no. 1: Justice pursue its commitment to reforming the manner of providing legal advice to CSIS, and its stated commitment to “road map”-style advice as a best practice. In support of this objective and the provision of timely, operationally relevant advice, NSIRA further recommends that Justice implement the following:

  • Soit au moyen d’un programme offrant des heures de bureau étendues avec des avocats responsables de la liaison ou autre, le GLCSN doit mettre sur pied un service de soutien juridique accessible en tout temps par les agents du SCRS de tous les niveaux et de tous les bureaux régionaux et doté d’avocats d’expérience habilités à fournir des conseils opérationnels en temps réel se fondant sur les positions établies du ministère de la Justice au sujet de questions juridiques récurrentes et sur lesquels les agents du SCRS peuvent s’appuyer.
  • Le GLCSN conçoit un outil de référence concis donnant sa position sur les enjeux récurrents et les autorisations légales invoquées les plus courantes et rend cet outil accessible aux avocats pour soutenir la prestation de conseils en temps réel.
  • Afin de minimiser le besoin de recourir au processus officiel de demandes de conseils juridiques, le GLCSN (de concert avec le SCRS) doit mettre un avocat à la disposition des agents du SCRS dès le début de la planification d’opérations clés ou inhabituelles et tout au long du cycle opérationnel afin de gérer les cas du processus itératif d’orientation juridique.

Recommandation no 2 : Que le GLCSN (de concert avec le SCRS) définisse des indicateurs de rendement clés pour mesurer la prestation des services juridiques au SCRS.

Recommandation no 3 : Que le SCRS et le ministère de la Justice ajoutent à leurs programmes de formation une formation interactive fondée sur les scénarios améliorant l’expertise sur les opérations de renseignement des avocats du GLCSN et les connaissances juridiques du personnel des opérations du SCRS.

Recommandation no 4 : Afin le ministère de la Justice puisse fournir des conseils juridiques utiles et adaptés au sens de la recommandation no 1, que le SCRS invite l’avocat du ministère de la Justice à toutes les étapes du cycle de vie des opérations clés et inhabituelles, et qu’il l’informe complètement et sincèrement des objectifs, intentions et détails de l’opération.

Recommandation no 5 : Que la prestation de conseils par le ministère de la Justice communique clairement et sans équivoque un conseil sur l’illégalité de la conduite d’un client, qu’il s’agisse d’une infraction criminelle ou autre.

Gestion du processus relatif aux mandats

Le SCRS orchestre le processus de demande de mandat suivant un système interne de préparation et d’approbation avant d’en arriver à la procédure légale visant à obtenir, de la part du ministre, l’approbation de la demande de mandat. Un certain nombre de notions et d’attentes juridiques sont liées au processus de mandat, en particulier « l’obligation de franchise » à l’égard de la Cour.

Les préoccupations relatives à l’obligation de franchise de la Cour fédérale se divisent maintenant en deux catégories : la communication d’information d’importance pour la crédibilité des sources qui fournissent l’information utilisée dans la demande de mandat, et la communication d’information d’importance pour les questions au sujet desquelles il pourrait y avoir des réserves concernant le cadre élargi dans lequel les demandes de délivrance de mandat au titre de la Loi sur le SCRS sont présentées.

Malgré les tentatives de réformer le processus actuel relatif aux mandats adopté par le SCRS et appuyé par le ministère de la Justice, le processus relatif aux mandats a à maintes reprises manqué à l’obligation de franchise. Les nombreuses réformes semblent avoir contribué à la complexité bureaucratique du processus en question sans régler les problèmes de franchise.

Conclusion no 9 : L’OSSNR est d’avis que l’histoire du SCRS est ponctuée de plusieurs réformes sommaires, suivant lesquelles on a observé des cas de négligence, un roulement important de personnel ayant donné lieu à une dilution des connaissances organisationnelles ainsi qu’un renouvellement des ressources qui, en l’occurrence, ne répondait pas aux priorités énoncées. Le SCRS ne dispose d’aucun mécanisme permettant de faire le suivi des réformes ou d’en mesurer les résultats.

Conclusion no 10 : L’OSSNR est d’avis que les politiques du SCRS sont en retard sur la réalité opérationnelle : elles sont souvent floues et désuètes, et elles comportent des dédoublements, quand elles ne sont pas carrément en contradiction les unes avec les autres. Le défaut de politiques claires sème le doute, voire l’inquiétude et donne lieu à des interprétations divergentes quant aux normes juridiques et opérationnelles.

Conclusion no 11 : L’OSSNR est d’avis qu’il y a des lacunes sur le plan de la compréhension des processus et des critères permettant d’évaluer le niveau de priorité d’un mandat. Les fréquents changements apportés au mécanisme de priorisation ont accru le niveau d’incertitude quant au déroulement des opérations. Le processus de priorisation fait en sorte qu’il a été particulièrement difficile de porter, à l’attention de la Cour, de nouvelles questions visant à résoudre les ambiguïtés juridiques par des décisions de la Cour.

Conclusion no 12 : L’OSSNR est d’avis que les intervenants prenant part au processus relatif aux mandats sont susceptibles d’interpréter/de percevoir différemment les motifs justifiant chacune des [multiple] étapes qui composent le processus global devant mener à l’obtention d’un mandat, et ne sont pas toujours certains de l’objet de chacune de ces étapes.

Conclusion no 13 : L’OSSNR est d’avis que la surmultiplication des procédures devant mener à l’obtention de mandats a considérablement affaibli le degré de responsabilisation d’un système désormais considéré comme étant lent et désorganisé, mais aussi caractérisé par les retards causés par la multiplicité des niveaux d’approbation.

Conclusion no 14 : L’OSSNR note qu’il n’y a aucun système formel de rétroaction qui puisse faire en sorte que les motifs des décisions prises à un niveau donné soient connus des intervenants des autres niveaux. Le défaut de rétroaction est particulièrement évident du côté des enquêteurs régionaux.

Conclusion no 15 : L’OSSNR constate que souvent, le seul moyen de résoudre les doutes en matière juridique est de porter les questions litigieuses devant la Cour fédérale par l’intermédiaire de demandes de mandats. En l’occurrence, le lourd processus relatif aux mandats complique inutilement les mesures de résolution des doutes juridiques.

Le SCRS a éprouvé des difficultés à veiller particulièrement à ce que toute l’information d’importance pour la crédibilité des sources soit convenablement incluse dans les demandes de mandats. L’OSSNR a à maintes reprises été informé que les agents du SCRS participant aux premières étapes de la préparation de demandes de mandats ne comprennent pas bien les attentes juridiques liées à l’obligation de franchise. Les systèmes de gestion de l’information déficients liés aux sources humaines du SCRS ont aussi entraîné d’importantes omissions, enfreignant l’obligation de franchise. Ces difficultés engendrent ce que l’OSSNR a désigné comme étant le « problème des omissions récurrentes ».

Conclusion no 16 : L’OSSNR constate que le SCRS a éprouvé des difficultés lorsqu’il s’est agi de veiller à ce que toutes les informations substantielles permettant d’établir la crédibilité des sources soient adéquatement consignées dans les demandes de mandat. Le problème des « omissions récurrentes » est principalement attribuable à la méconnaissance du rôle tenu par la Cour fédérale dans l’évaluation de la crédibilité des sources ainsi qu’à l’éparpillement des informations dans plusieurs systèmes de gestion distincts. L’OSSNR reconnait que le SCRS a apporté d’importants changements, mais il reste beaucoup à faire avant de pouvoir mettre en œuvre une solution à long terme qui soit viable.

Suivant ces conclusions, l’OSSNR recommande :

Recommandation no 6 : Que le SCRS énonce clairement, adopte et diffuse en interne les critères régissant le processus de priorisation des mandats.

Recommandation no 7 : Que le SCRS mette en place un nouveau processus relatif aux mandats qui élimine les étapes ne contribuant pas indispensablement à l’optimisation des demandes. Le processus devrait énoncer clairement les règles de responsabilisation qui contribueront à l’optimisation des demandes. Une fois rationnalisé, le système devrait réduire au minimum les retards engendrés par les approbations de la direction et réinvestir le temps économisé dans les étapes d’optimisation des demandes.

Recommandation no 8 : Que le SCRS consulte les intervenants régionaux (notamment, les enquêteurs concernés) à chacun des jalons du processus relatif aux mandats.

Recommandation no 9 : Que le SCRS adopte des politiques et des procédures qui régissent le processus rationnalisé s’appliquant aux mandats; qu’il énonce clairement les rôles et les responsabilités qui incombent à chacun des participants et définisse précisément l’objet de chacune des étapes du processus s’appliquant aux mandats; que les politiques adoptées soient tenues à jour suivant l’évolution du processus.

Recommendation no. 10: To address the seeming inevitability of “recurring omissions”, NSIRA recommends that CSIS prioritize the development of [un système amélioré.] Le SCRS devrait également continuer de mettre en œuvre des initiatives ayant pour objet de veiller à ce que les responsables des sources se montrent rigoureux lorsqu’il s’agit de documenter les informations faisant foi de la crédibilité des sources et d’en inscrire l’intégralité dans les précis de sources humaines. Parallèlement à ces initiatives, la Sous-section des déposants devrait adopter et suivre des procédures de vérification des informations ayant été préparées par les régions.

En 2019, le SCRS a cherché à professionnaliser la fonction de déposant en créant la Sous-section des déposants (SSD), dont la mise en place constitue un jalon important. Pour peu qu’elle dispose de ressources et d’un effectif suffisants, la SSD était à même d’intervenir dans la résolution des problèmes de longue date ayant trait à l’obligation de franchise. Or, une fois créée, la SSD a été placée sous l’ [Nom de la section]. [Nom] exerce un large mandat qui ne se prête guère aux fonctions de la SSD quant à la préparation de demandes de mandat qui soient juridiquement indubitables. Cette anomalie sur le plan de la gouvernance pourrait d’ailleurs nous renseigner sur les difficultés que la SSD a éprouvées sur le plan de l’administration et de la dotation. Convient-il de rappeler que la viabilité même de la SSD est à risque. De fait, l’OSSNR a été informé que la SSD traverserait actuellement ce que d’aucuns appellent un état de crise. En l’occurrence, le SCRS n’aurait accordé ni ressources ni soutien qui soient proportionnels à l’importance des fonctions exercées par cette sous-section dans la réalisation de la mission du Service.

Conclusion no 17 : L’OSSNR estime que la création de la Sous-section des déposants (SSD) constitue une réforme louable, voire vitale pour le SCRS. Toutefois, la SSD est arrivée au point où elle risque de s’effondrer. Le SCRS n’a offert ni les ressources ni le soutien nécessaires à la viabilité de cette Sous-section qui, pourtant, exerce des fonctions essentielles pour la mission du SCRS. Les avantages dont le SCRS peut jouir grâce au travail de la SSD risquent de disparaître en raison de lacunes sur le plan de la gouvernance, des ressources humaines et du perfectionnement de l’effectif.

Conclusion no 18 : L’OSSNR estime qu’en relevant de la Direction des [Nom] la Sous-section des déposants occupe, dans l’organigramme, une place qui ne témoigne pas suffisamment de l’importance des fonctions que la Sous-section exerce. Cette anomalie en matière de gouvernance engendre probablement plusieurs des obstacles administratifs rencontrés par la SSD et des problèmes observés sur le plan des ressources humaines.

Conclusion no 19 : L’OSSNR estime que sans une SSD fonctionnelle et capable de préparer, en temps opportun, des demandes de mandat qui soient complètes et précises, le SCRS risque de ne pas obtenir les mandats demandés, ce qui le priverait des informations qu’il pourrait collecter grâce au mandat.

Suivant ces conclusions, l’OSSNR recommande :

Recommandation no 11 : Que le SCRS reconnaisse l’ampleur du rôle tenu par la Sous-section des déposants en attribuant aux déposants et aux analystes une classification professionnelle qui corresponde à l’importance des responsabilités qui leur incombent.

Recommandation no 12 : Que le SCRS crée une Direction des déposants relevant directement du directeur du SCRS.

Recommandation no 13 : Que le SCRS dote la Sous-section des déposants dans les plus brefs délais de sorte qu’elle soit viable et qu’elle puisse exercer adéquatement les fonctions qui lui incombent. En établissant la taille que devrait avoir la SSD, le SCRS devra évaluer le nombre de mandats qu’une équipe de déposants est raisonnablement en mesure de traiter chaque année.

Recommandation no 14 : Que le SCRS, suivant une consultation auprès du ministère de la Justice, élabore une formation complète devant être suivie par les déposants et les analystes et énonce les pratiques exemplaires ainsi que les modalités de travail que les membres de la SSD seront appelés à suivre.

Au GLCSN, les avocats responsables des mandats tiennent plusieurs rôles clés dans le processus de demande de mandats et sont appelés à veiller directement à la stricte observation de l’obligation de franchise. En outre, l’établissement, avec le SCRS, d’une relation fondée sur la rigueur, la collaboration et la qualité de la production représente un élément capital. Or, le moral des avocats responsables des mandats au GLCSN a pu être sapé par la récente décision de la Cour fédérale, qui a donné lieu au présent examen. Grâce aux embauches récentes, tout indique que le GLCSN disposerait des ressources additionnelles dont il avait besoin pour traiter annuellement le nombre de demandes de mandat souhaité par le SCRS, mais force est de constater que les difficultés persistent sur le plan du recrutement. Le GLCSN devrait être doté de sorte à garantir que les opérations du SCRS ne seront pas contrecarrées par le manque de disponibilité des avocats responsable des mandats.

Recommandation no 15 : L’OSSNR recommande que le GLCSN embauche de nouveaux avocats ainsi que du personnel de soutien, et ce, en nombre suffisant pour garantir que les opérations du SCRS ne seront pas compromises par un éventuel manque de ressources au sein du GLCSN.

Le processus relatif aux mandats est censé être renforcé par la tenue d’un examen portant sur la version quasi finale de l’affidavit par un « avocat indépendant » (AI) – en l’occurrence, un avocat issu du Groupe sur la sécurité nationale (GSN) du ministère de la Justice. Initialement, le rôle consistait à exercer un contrôle critique de la demande de mandat. Or, loin d’être déterminante, la fonction de l’AI serait plutôt de nature administrative, c’est-à-dire davantage conçue pour procéder à des vérifications que pour procéder à l’analyse critique attendue de « l’avocat du diable ».

À l’OSSNR, nous croyons qu’il serait utile, voire nécessaire d’instaurer une fonction d’analyse critique qui soit exercée par des avocats chevronnés et adéquatement soutenus qui, à proprement parler, ne feraient pas partie du processus relatif aux mandats. En revanche, l’OSSNR propose plutôt que le modèle actuellement axé sur l’AI soit abandonné au profit d’une fonction d’analyse critique exercée par Sécurité publique Canada, dont le rôle serait précisément de surveiller le processus de demande de mandat.

Travaillant de concert avec l’unité de Sécurité publique chargée de l’examen des demandes de mandat, un avocat expérimenté et spécialiste des mandats serait en mesure de tenir un véritable rôle d’analyste critique s’apparentant à celui d’un avocat de la défense dans le contexte d’un processus adversatif. L’OSSNR estime qu’un tel examen critique permettrait de repérer les risques de manquement à l’obligation de franchise liés au défaut de divulguer toutes les informations substantielles pouvant avoir des répercussions sur les éléments contextuels du mandat et sur la façon dont celui-ci sera exécuté.

Conclusion no 20 : L’OSSNR est d’avis de que le rôle « d’avocat indépendant » (AI) tel qu’il est tenu par l’avocat du GSN n’est pas en mesure d’exercer une fonction de contrôle suffisamment rigoureuse.

Suivant cette conclusion, l’OSSNR recommande :

Recommandation no 16 : Que le rôle d’avocat indépendant tel qu’il est tenu par l’avocat du GSN, au ministère de la Justice, doit être aboli au profit d’une nouvelle fonction de contrôle s’apparentant à celle qu’un avocat de la défense exercerait, comme si les demandes de mandat s’exposaient à des processus accusatoires. Cette fonction de contrôle relevant de Sécurité publique serait appuyée par l’équipe de vérification de Sécurité publique et exercée par un avocat spécialisé provenant du Service des poursuites pénales du Canada, du secteur privé ou d’un autre organisme; il agirait en toute indépendance par rapport au ministère de la Justice et ne serait pas impliqué dans le processus s’appliquant aux demandes de mandat du SCRS.

Dès lors qu’un juge délivre un mandat, le SCRS est autorisé à le mettre en exécution. En outre, cette exécution doit respecter la portée et les termes énoncés dans le libellé du mandat. Toutefois, les coordonnateurs régionaux affectés aux mandats n’ont pas reçu une formation suffisante qui leur permette de traduire la teneur des mandats en modalités pratiques garantissant une exécution appropriée.

Conclusion no 21 : L’OSSNR est d’avis que les coordonnateurs régionaux des demandes de mandat du SCRS n’ont pas reçu de formation qui les rende suffisamment aptes à traduire la teneur des mandats en mesures concrètes d’exécution de ces mêmes mandats.

Suivant cette conclusion, l’OSSNR recommande :

 Recommandation no 17 : Que les titulaires du poste de coordonnateur de mandats dans les régions reçoivent une formation adéquate; que le SCRS professionnalise ce poste et donne à ces coordonnateurs les moyens de traduire la teneur des mandats en conseils favorisant leur adéquate exécution.

l’investissement dans le personnel

La question des lacunes en matière de formation au SCRS a été fréquemment abordée au cours du présent examen. D’ailleurs, cette source de préoccupation avait déjà été mentionnée dans certains documents internes du SCRS. Le Service reconnaît ses lacunes en matière de formation et concède qu’il n’a pas su instaurer une culture valorisant l’apprentissage. En l’occurrence, les rares occasions de formation constituent un handicap pour ce service de renseignement qui se veut professionnel, moderne et apte à évoluer dans un environnement complexe.

Conclusion no 22 : L’OSSNR est d’avis que le SCRS affiche des lacunes pour ce qui a trait aux programmes de formation à long terme destinés aux agents du renseignement.

Conclusion no 23 : L’OSSNR est d’avis que le SCRS n’a pas été en mesure d’offrir des programmes formels de formation aux intervenants « autres que les agents du renseignement ».

Conclusion no 24 : L’OSSNR est d’avis que la Division de l’apprentissage et du perfectionnement du SCRS n’a pas disposé des ressources requises pour élaborer et administrer des programmes de formation complets, particulièrement dans les domaines spécialisés qui ne sont pas couverts par la formation que les agents du renseignement reçoivent en début de carrière.

Suivant ces conclusions, l’OSSNR recommande :

Recommandation no 18 : Que le SCRS accorde des ressources suffisantes à la création et à la prestation continue de formations évolutives axées sur les scénarios à l’intention de tous les employés du SCRS. Ces formations comprendront notamment :

  • une formation annuelle complète sur le traitement des mandats destinée à tous les employés opérationnels;
  • une formation d’accueil spécialement conçue pour les employés autres que les agents de renseignement;
  • un programme de perfectionnement à long terme pour les membres du personnel spécialisé.

Conclusions

Le présent rapport se termine par des observations concernant les difficultés transversales qui sont éprouvées sur le plan de la culture et de la gouvernance, et qui procèdent, du moins en partie, de la prestation des conseils juridiques et des processus relatifs aux mandats. En l’occurrence, l’OSSNR divise ces phénomènes transversaux en deux catégories : d’un côté, le moral et les attitudes; de l’autre, l’exercice de la mission.

Le faible moral que l’on observe au SCRS est un thème récurrent du présent examen. Les problèmes systémiques qui minent le processus de demande de mandat sont probablement l’une des causes du problème : le moral est affaibli lorsque le système d’obtention des mandats empêche fréquemment les agents du SCRS de réaliser les tâches qui leur incombent et donne trop souvent lieu à des crises de réputation attribuables aux manquements à l’obligation de franchise.

Or, tant que le processus relatif aux mandats continuera d’éprouver les mêmes problèmes, ni le SCRS ni le ministère de la Justice ne seront en mesure d’exercer adéquatement leurs fonctions. En outre, le ministère de la justice ne doit plus être perçu comme une entrave, mais plutôt comme un conseiller franc et direct qui est parfaitement conscient des objectifs opérationnels.

Au sein du SCRS, le processus de demande de mandat a souvent été comparé aux chances de gagner à la loterie, non pas en raison du fait que la Cour fédérale refuse de délivrer des mandats, mais à cause de l’ampleur du travail qu’il faut investir dans la préparation des demandes. En outre, la lourdeur du processus actuel de demande de mandat freine la progression de certaines activités de collecte.

En somme, cet examen a été déclenché par le non-respect de l’obligation de franchise. Il conclut que les manquements répétés dans ce domaine sont à la fois causés par des modèles culturels et de gouvernance profondément ancrés et en sont la cause. Ce cercle vicieux a aggravé les défis de la réforme du processus d’obtention de mandat.

Les réformes sélectives ou documentaires qui masquent sans régler les défis systémiques, culturels et de gouvernance primordiaux subiront le même sort que les réformes précédentes : les problèmes continueront.

Conclusion no 25 : L’OSSNR est d’avis que le SCRS et le ministère de la Justice risquent de ne pas être en mesure d’exercer leurs missions respectives. Ni l’une ni l’autre des réformes proposées n’arrivera seule à résoudre les problèmes; une mise en œuvre concertée de l’ensemble des réformes s’impose. Or, cette mise en œuvre de l’ensemble des réformes ne fonctionnera que si elle constitue une priorité majeure pour la haute direction et si elle dispose de ressources suffisantes et stables, c’est-à-dire si elle peut compter sur l’effectif et les connaissances institutionnelles permettant une instauration adéquate desdites réformes. De plus, toute initiative de réforme doit etre accompagnée d’une série d’indicateurs de rendement clairement énoncés ainsi que de mécanismes de mesure et d’analyse permettant de faire le suivi des progrès réalisés.

Suivant ces conclusions et en considération des échecs précédents en matière de réforme, l’OSSNR recommande :

Recommandation no 19 : Que les recommandations énoncées dans le présent rapport d’examen soient intégralement mises en œuvre de façon coordonnée et que les progrès ainsi que les résultats de cette mise en œuvre soient documentés pour permettre à la direction du SCRS, au ministre de la Sécurité publique, au ministre de la Justice et à l’OSSNR d’évaluer l’efficacité des réformes et, s’il y a lieu, d’apporter les ajustements qui s’imposent.

L’OSSNR envisage de procéder à un examen de suivi dans les deux années afin de mesurer les progrès réalisés au SCRS, au ministère de la Justice et à Sécurité publique pour ce qui a trait à la résolution des problèmes systémiques qui minent le processus de traitement des mandats et qui sont l’objet du présent examen. De plus, dans le cadre d’autres examens, l’OSSNR documentera les occurrences de problèmes systémiques. Au reste, comme le présent examen découle d’une décision de la Cour fédérale, il est essentiel que le ministre et le SCRS en fasse intégralement part aux juges désignés de cette Cour.

Suivant la reconnaissance du fait que le présent rapport fait suite à une recommandation de la Cour fédérale, l’OSSNR recommande :                                                             

(NC) Que la version intégrale classifiée du présent rapport soit mise à la disposition des juges désignés de la Cour fédérale.

2. Authorités

(NC) Le présent examen est effectué en vertu des alinéas 8(1)a), b) et c) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR).

3. Introduction

(NC) Le présent examen porte sur la façon dont le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) demande et obtient des services juridiques de la part du ministère de la Justice; ainsi que sur la façon dont il obtient et exécute les mandats nécessaires pour recueillir des renseignements. Actuellement, ces processus comportent d’importantes lacunes en raison d’enjeux systémiques, culturels et de gouvernance. Dans le cadre du présent examen, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) a constaté que le SCRS et ses avocats ont de la difficulté à s’organiser de façon à respecter facilement leurs obligations juridiques, surtout envers la Cour fédérale. L’OSSNR a également constaté que le processus relatif aux mandats n’a pas été professionnalisé pleinement et de façon durable à titre de domaine de spécialisation nécessitant de la formation, de l’expérience et de l’investissement.

(NC) D’autres rapports ont déjà abordé des questions sur le processus relatif aux mandats. Depuis la création du SCRS dans les années 1980, plusieurs examens indépendants et internes, présentés à l’annexe A, ont été réalisés concernant divers aspects du processus. Bon nombre des conclusions formulées dans le présent examen confirment la validité de celles d’examens antérieurs. En réponse à ces examens, le SCRS a prévu bon nombre de réformes, en a entamé quelques-unes, mais n’a fait aboutir que peu d’entre elles. Même si le SCRS et le ministère de la Justice ont apporté des améliorations, certaines difficultés demeurent flagrantes. L’omission de mettre en œuvre des solutions durables à la suite d’une multitude d’examens et les manquements à l’obligation de franchise mettent en évidence les difficultés organisationnelles et les enjeux culturels profondément enracinés qui mettent à risque l’exécution de leurs mandats. Chaque réforme qui n’est pas menée à terme expose le SCRS à la lassitude face au changement qui compliquera les prochaines mesures correctives. Les enjeux sont considérables.

(NC) Le présent rapport démontre le besoin de transformer la relation entre le SCRS et ses avocats. Il indique également que le SCRS doit urgemment professionnaliser le processus relatif aux mandats, une possibilité qui semble compromise. Une fois mis en œuvre, les changements recommandés contribueront à rétablir la confiance de la Cour fédérale envers le processus relatif aux mandats. D’un autre côté, le soutien juridique n’est pas, et ne devrait pas être, limité au processus lié aux mandats. Par conséquent, la portée de l’examen doit être plus large que le processus relatif aux mandats. L’examen présente donc des recommandations de réformes quant à la façon dont le ministère de la Justice fournit des conseils juridiques au SCRS.

(NC) Le « contrôle judiciaire » de la Cour fédérale quant à la surveillance de la délivrance de mandats constitue un mécanisme de responsabilisation clé au sein d’un pays régi par la primauté du droit et soucieux des droits et libertés. Les mandats délivrés par la Cour sont essentiels aux fonctions du SCRS à titre d’organisme du renseignement, surtout dans un contexte où les échanges en personne sont de plus en plus remplacées par la communication électronique.

(NC) Les personnes interrogées par l’OSSNR ont soulevé à plusieurs reprises que les problèmes systémiques ancrés dans les enjeux culturels et de gouvernance pourraient faire en sorte que le service du renseignement ne soit pas en mesure de réaliser son mandat en matière de renseignement. D’autres mandats du SCRS possiblement assujettis au contrôle judiciaire, comme certaines mesures de réduction de la menace, pourraient également être touchés par ces problèmes; il est donc dans l’intérêt du public de régler rapidement ces derniers. Le présent examen vise à souligner et à appuyer les progrès récents, ou, à certains égards, à recommander de nouvelles réformes essentielles.

(NC) Tout d’abord, le présent rapport énonce le contexte de l’examen, la méthodologie adoptée par l’OSSNR pour mener l’examen, et l’environnement institutionnel et juridique dans lequel le SCRS et le ministère de la Justice mènent leurs activités. Ensuite, le rapport décrit les questions découlant des conseils juridiques fournis au SCRS par le ministère de la Justice, ainsi que la façon dont le SCRS et le ministère de la Justice produisent une demande de mandat, ultimement présentée à la Cour fédérale, et l’exécution du mandat par le SCRS une fois délivré. Le rapport porte également sur la formation et le perfectionnement des compétences : une question récurrente. Pour chaque sujet, des lacunes sont soulevées et des réformes sont recommandées. Enfin, le rapport examine des enjeux généraux liés à la culture et à la gouvernance qui figurent dans le processus relatif aux mandats et qui compliquent le changement.

(NC) Puisque les recommandations portent sur des enjeux systémiques, culturels et de gouvernance interdépendants, une approche de mise en œuvre sélective pourrait mener aux mêmes résultats que ceux d’examens antérieurs : répétition des mêmes problèmes, lassitude face au changement et problèmes liés au moral. Il est temps que le SCRS et le ministère de la Justice affrontent la dure réalité qu’ils pourraient être incapables de respecter leurs mandats s’ils ne sont pas en mesure de changer leur processus, leur culture et leur gouvernance.

A. Contexte de l’examen

(NC) L’examen découle d’une décision rendue par la Cour fédérale en 2020 (2020 CF 616). Dans le cadre de cette affaire, la Cour fédérale a recommandé « qu’un examen externe exhaustif soit effectué afin de relever l’ensemble des lacunes et des défaillances systémiques, culturelles et liées à la gouvernance qui ont eu pour conséquences que le Service canadien du renseignement de sécurité a mené des activités opérationnelles dont il a reconnu l’illégalité et a manqué à son obligation de franchise. » Conformément à la loi, avant de délivrer un mandat, le juge doit avoir des motifs raisonnables de croire que les conditions préalables prévues par la loi sont respectées et que la cour doit autoriser la fouille intrusive. Le SCRS, appuyé par des avocats du ministère de la Justice, doit donner au juge toute l’information pouvant avoir une incidence sur la décision. Par conséquent, l’État doit non seulement communiquer au juge l’information qui appuie la demande, mais également l’information qui nuit à la demande. L’obligation souligne le fait qu’une instance liée à un mandat doit être tenue en l’absence de la personne visée par le mandat, appelé « la cible », et à huis clos afin que la cible ne soit pas informée des activités de l’État. L’obligation de franchise lors de ces instances vise à compenser l’absence d’une partie adversaire, en forçant l’État à faire preuve de franchise et d’ouverture concernant le bien-fondé de la demande.

(NC) Dans le cadre de la décision 2020 CF 616, il était question de déterminer si le SCRS aurait dû informer la Cour des questions entourant la légalité des activités de sources humaines du SCRS ayant permis d’obtenir l’information utilisée à l’appui de demandes de mandat. Il est possible que certaines des activités de sources humaines aient constitué des infractions de terrorisme en droit canadien. Ce n’est pas la première fois que des problèmes liés à l’obligation de franchise surviennent. En effet, il s’agit d’une caractéristique récurrente de la pratique du SCRS entourant les mandats. Puisqu’il est arrivé à plusieurs reprises que le SCRS ait de la difficulté à s’aquitter de son obligation de franchise dans le cadre de demandes de mandat, la Cour fédérale a recommandé, dans le cadre de la décision 2020 CF 616, la réalisation d’un examen externe sur le ministère de la Justice et le SCRS.

(NC) En réponse, le 23 juin 2020, le ministre de la Justice et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ont conjointement saisi l’OSSNR de la question en vertu de Loi de L’OSSNR. NSIRA also chose to exercise its own independent jurisdiction under paragraph 8(1)(a)(b) to initiate this review.

(NC) Même si, par la suite, la Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel du gouvernement dans le cadre de la décision 2020 CF 616, ses positions n’ont eu aucune incidence sur les principales préoccupations du tribunal inférieur concernant l’obligation de franchise, et les ont même confirmées.

B. Méthodologie

(NC) L’OSSNR a réalisé le présent examen pendant une pandémie, ce qui a fréquemment empêché les employés d’accéder à ses bureaux où l’information classifiée est conservée. Cette réalité a posé des difficultés et engendré des retards inévitables tant pour l’OSSNR que pour les ministères faisant l’objet de l’examen.

(NC) L’OSSNR a déterminé que l’examen serait dirigé par des membres. Plus précisément, au moins l’un des deux membres de l’OSSNR assignés (Marie Deschamps et Craig Forcese) a géré le processus d’examen, passé en revue les documents, participé à la plupart des exposés du SCRS et du ministère de la Justice (ou lu la transcription des autres), mené la majorité des entrevues confidentielles, et dirigé la rédaction du présent rapport. Une équipe spécialisée de l’OSSNR a également contribué à toutes les étapes du travail.

(NC) L’OSSNR a rédigé un cadre de référence général pour régir l’examen, en portant une attention particulière au processus de demande de mandat du SCRS et à la façon dont le ministère de la Justice fournit des conseils juridiques au SCRS. À mesure que l’examen progressait, on a compris que les lacunes du processus relatif aux mandats du SCRS sont plutôt l’effet d’enjeux systémiques, culturels et de gouvernance plus larges au sein du SCRS et du ministère de la Justice, y compris du groupe offrant des services juridiques spécialisés du ministère, le Groupe litiges et conseils en sécurité nationale (GLCSN). Par conséquent, l’OSSNR a non seulement examiné la prestation de conseils juridiques opérationnels et le processus relatif aux mandats, mais aussi la gestion de l’information, l’utilisation de la technologie et les programmes de formation connexes. Même s’il était indiqué dans le cadre de référence que l’examen couvrait la période allant du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2020, l’OSSNR a pris en considération de l’information qui n’était pas comprise dans cette période afin de bien comprendre les questions en jeu.

(NC) Dans le cadre du présent rapport, on ne passe pas en revue les circonstances propres à la décision 2020 CF 616 et on ne procède pas non plus à une analyse juricomptable des éléments qui en sont à l’origine. Parfois, le rapport établit des liens avec l’affaire pour mettre les conclusions en contexte. Toutefois, l’examen était intentionnellement prospectif pour tenir compte du fait que le SCRS et le ministère de la Justice ont mis en place (ou proposé) des réformes depuis la décision de 2020.

(NC) Dans le cadre de l’examen, l’OSSNR s’est fondé sur son processus habituel et sur des entrevues confidentielles. Conformément à ses protocoles d’examen, l’OSSNR a présenté des demandes d’information, examiné les documents fournis et assisté à des exposés du SCRS et du ministère de la Justice. En ce qui concerne le SCRS, l’OSSNR s’est également servi de son accès direct aux systèmes du SCRS pour trouver des renseignements de manière indépendante. L’OSSNR a, entre autres, examiné le dossier d’une demande de mandat complexe présentée récemment. Lors de la plupart des exposés, des gestionnaires du SCRS et du ministère de la Justice décrivaient leurs politiques, leurs structures de gouvernance et leurs pratiques. Bon nombre d’initiatives ont été présentées à l’OSSNR : certaines prévues, d’autres en cours ou mises en œuvre en partie, et d’autres interrompues.

(NC) Pour compléter les exposés, l’OSSNR a adopté une approche novatrice dans le cadre de l’examen en tenant des dizaines d’entrevues confidentielles avec des membres du personnel et de la direction actuels et anciens du SCRS et du ministère de la Justice. Ces entrevues ont eu lieu sans la présence de superviseurs du SCRS et du ministère de la Justice, et à leur insu. L’OSSNR a mené les entrevues au titre d’une garantie stricte selon laquelle l’identité des personnes interrogées serait protégée. Au début du processus, les membres de l’OSSNR qui ont dirigé l’examen se sont réunis avec le directeur du SCRS et le sous-ministre de la Justice. Après la réunion, les deux cadres supérieurs ont invité les membres du personnel et de la direction de leur organisation respective à participer à des entrevues confidentielles en personne avec l’OSSNR. L’OSSNR remercie les deux dirigeants pour leur soutien, notamment par l’entremise de leurs communications internes avec les employés. L’OSSNR remercie particulièrement tous les employés qui ont pris part aux entrevues confidentielles et n’ont pas douté que l’OSSNR protégerait leur anonymat.

(NC) Parfois, l’OSSNR a invité des personnes prenant part au processus relatif aux mandats à passer une entrevue confidentielle pour s’assurer de couvrir l’ensemble du processus. D’autres personnes ont communiqué avec l’OSSNR et se sont portées volontaires. Certaines des personnes interrogées occupaient des postes opérationnels au SCRS, alors que d’autres travaillaient sur des questions liées aux lois et aux politiques. Certaines personnes prenaient part au processus relatif aux mandats quotidiennement, tandis que d’autres le faisaient de façon épisodique. Puisque l’OSSNR a promis de protéger l’anonymat des personnes interrogées, le rapport a été rédigé avec soin pour respecter cet engagement et ne pas dévoiler l’identité de ces personnes selon leur nom ou le titre de leur poste.

(NC) Les personnes qui ont participé à des entrevues confidentielles avec l’OSSNR se sont montrées honnêtes, professionnelles, perspicaces et ouvertes quant à leur expérience. Elles n’ont pas soulevé de griefs personnels, et elles n’avaient pas tendance à soutenir que les anciennes pratiques étaient idéales. Les personnes interrogées ont plutôt démontré un réel dévouement envers les mandats de l’organisation et une volonté de mettre en place un changement positif et durable. L’insatisfaction exprimée était le résultat de sincères préoccupations (souvent profondément ancrées) que leur organisation ne parvenait pas à respecter son mandat et que le processus relatif aux mandats reflétait certaines lacunes organisationnelles. Ces entrevues se sont avérées essentielles pour confirmer « sur le terrain » les connaissances que l’OSSNR avait acquises au moyen des documents et des exposés officiels. Les entrevues ont également permis à l’OSSNR de connaître des enjeux et des points de vue auxquels il n’aurait autrement pas eu accès.

(NC) L’OSSNR a également mené des consultations auprès d’experts en matière de sécurité nationale, de développement organisationnel et de ressources humaines. Ces conversations ont aidé l’OSSNR à comprendre les enjeux systémiques, culturels et de gouvernance qui surviennent régulièrement au sein des organisations. L’OSSNR a tenu quelques discussions avec des homologues de l’étranger qui ont déjà fait face à des questions similaires. En outre, l’OSSNR a mené des consultations auprès d’experts qui ont déjà pris part à l’examen de questions semblables liées au SCRS. L’OSSNR est reconnaissant de la généreuse contribution de ces experts à l’examen. Toutes les discussions entre l’OSSNR et les intervenants ne faisant pas partie du gouvernement canadien étaient de nature non classifiée.

(NC) Enfin, conformément à son protocole habituel, l’OSSNR a présenté l’ébauche du rapport au SCRS et au ministère de la Justice pour la vérification de l’exactitude des faits. Cette étape du processus permet aux organismes visés par l’examen de signaler les faits manquants ou erronés, le cas échéant. À la fin de la période de vérification de l’exactitude des faits, les membres se sont réunis avec le sous-ministre de la Sécurité publique, le directeur du SCRS et le sous-ministre de la Justice. L’OSSNR les remercie pour leur temps et leur ouverture.

Lors de l’examen des observations présentées par les personnes interrogées et tout au long de l’achèvement du rapport, l’OSSNR était conscient du défi de distinguer les questions de longue date des préoccupations actuelles. Lors des exposés et dans les commentaires sur l’ébauche du rapport, les ministères ont mentionné les projets, les initiatives et les réformes à l’étape de la planification, au calendrier ou en cours. L’OSSNR tient compte des initiatives dont il a été informé. Cependant, le rapport est axé sur l’établissement des difficultés existantes quant à la prestation de conseils juridiques et au processus relatif aux mandats. L’OSSNR n’a pas écarté les enjeux et les difficultés existants simplement en raison de réformes administratives promises (mais pas encore achevées). L’OSSNR est persuadé que les questions présentées dans le rapport persistent en date de la deuxième moitié de 2021. Comme indiqué à la fin du rapport, l’OSSNR a l’intention d’entreprendre un examen plus approfondi dans deux ans pour évaluer la progression de la mise en œuvre des recommandations du présent rapport. À ce moment, l’OSSNR pourra évaluer si les initiatives de réforme ont porté fruit.

(NC) Mise en garde relative à la confiance : Certains documents fournis par les institutions visées par l’examen n’ont pas fait l’objet d’une vérification indépendante par l’OSSNR. Toutefois, dans une large mesure, l’OSSNR a pu vérifier une grande partie de l’information sur laquelle l’examen est fondé dans le cadre des entrevues confidentielles. En plus de son accès direct au personnel, l’OSSNR a été en mesure d’accéder directement aux répertoires d’information du SCRS pour confirmer l’information requise afin de vérifier et de poursuivre d’autres demandes d’information nécessaires. Par conséquent, l’OSSNR a un niveau de confiance élevé à l’égard de l’information sur laquelle il s’est fondé pour réaliser l’examen.

C. Environnement institutionnel

1. Enjeux systémiques, culturels et de gouvernance

(NC) Dans le présent examen, l’OSSNR formule des recommandations sur les enjeux culturels, systémiques et de gouvernance qui contribuent au manque d’efficacité et pourraient nuire à la capacité du SCRS et du ministère de la Justice de réaliser leurs mandats.

(NC) L’OSSNR entend par « enjeux systémiques » les enjeux touchant une organisation dans son ensemble, dans le sens où une personne ou un facteur précis n’en est pas la source. La « gouvernance » renvoie aux règles, aux pratiques et aux processus selon lesquels les gestionnaires dirigent et gèrent une organisation. La gouvernance touche trois questions clés : comment les décisions sont prises, qui prend les décisions et qui est responsable. La « culture » organisationnelle concerne la façon dont, au fil du temps, les membres d’une organisation apprennent à travailler dans un certain contexte en développant un ensemble commun de connaissances. Ces connaissances peuvent être fondées non seulement sur des politiques officielles, mais aussi sur les hypothèses et les pratiques des membres qui prennent forme en réponse aux influences et aux règles implicites qui gouvernent leur organisation.

(NC) Ces trois concepts fonctionnent ensemble et sont interdépendants. Par exemple, une mauvaise gouvernance pourrait causer des lacunes dans les programmes de formation, ce qui entraînerait une hausse des demandes de soutien juridique, ce qui donnerait ensuite lieu à des problèmes de gestion des ressources, à des retards dans la prestation de conseils et à des obstacles opérationnels. Ces difficultés opérationnelles peuvent entraîner des enjeux systémiques, tandis que des solutions de rechange douteuses à ces problèmes pourraient devenir des pratiques culturelles ancrées.

(NC) Les enjeux systémiques liés aux enjeux culturels et de gouvernance pourraient empêcher le SCRS et le ministère de la Justice de réaliser leurs mandats alors qu’ils tentent de satisfaire à leur obligation de respecter la primauté du droit. À ce sujet, le Canada est un État de droit, ce qui signifie notamment que l’État est assujetti à la loi, et qu’il n’est pas au-dessus de la loi. Il ne dispose que des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, et tout exercice de pouvoir par l’État doit être lié à une loi. En effet, comme mentionné ci-après, le SCRS et le ministère de la Justice mènent leurs activités dans un environnement associé étroitement au droit.

(NC) Les cadres opérationnels et législatifs de base du SCRS et du ministère de la Justice seront brièvement décrits dans la section suivante.

a. SCRS

(NC) La Loi sur le SCRS est la loi du Parlement ayant institué le SCRS et conférant certains pouvoirs au SCRS pour remplir ses mandats. Les deux principaux mandats abordés dans le cadre du présent examen sont ceux touchant le renseignement de sécurité (ou « enquêtes en vertu de l’article 12 ») et le renseignement étranger (ou « enquêtes en vertu de l’article 16 »). Ces deux types d’enquête ont leurs propres conditions préalables, sans compter les conditions que le SCRS doit respecter avant d’entreprendre une enquête puis de présenter une demande de mandat en vertu de l’article 21.

(NC) Le SCRS est l’une des organisations de sécurité faisant partie du portefeuille du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (ministre de la Sécurité publique). Le SCRS doit rendre des comptes au ministre, qui doit, à son tour, informer le Parlement au nom du SCRS.

(NC) La façon dont le SCRS s’acquitte de ses mandats est régie par la Loi sur le Loi sur le SCRS et des instructions émises par le ministre de la Sécurité publique. Par exemple, en 2015 et en 2019, le ministre a émis des instructions concernant la reddition de comptes. Les principes fondamentaux qui orientent les activités du SCRS sont indiqués dans l’instruction du ministre de 2015 (IM de 2015) sur les opérations et la reddition de comptes. L’IM de 2015 s’appuie sur l’attente que « […] le Service exerce ses fonctions dans le respect de la primauté du droit […] ».

(NC) D’autres lois s’appliquent au SCRS. Les textes de loi pertinents pour le présent examen sont la Partie VI du Code criminel, qui régit l’interception de communications privées, et l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives par l’État. Le SCRS doit obtenir des mandats judiciaires auprès de la Cour fédérale avant d’employer des techniques d’enquête qui constitueraient autrement une infraction à ces lois.

(NC) En vertu de sa loi habilitante Loi sur le SCRS,le SCRS est dirigé par un directeur désigné comme étant l’administrateur général de l’organisation. Le directeur dirige l’organisation avec le soutien d’une équipe de cadres supérieurs responsables des secteurs d’activités au sein du SCRS, notamment le sous-directeur des Opérations (SDO). Le SDO est responsable des activités du SCRS touchant toutes les enquêtes actives. La structure de gestion du SCRS comprend également un directeur adjoint des Services juridiques (DAJ), un poste occupé par le directeur exécutif du GLCSN (voir ci-dessous).

(NC) Le SCRS convertit les exigences juridiques en processus administratifs au moyen de politiques. D’un œil critique, il a eu de la difficulté à le faire. L’ensemble de politiques opérationnelles du SCRS est incomplet et désuet depuis plusieurs années, comme l’ont conclu à plusieurs reprises l’OSSNR et son prédécesseur, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS). Encore une fois, cet enjeu était omniprésent pendant l’examen, faisant en sorte qu’il était difficile de décrire précisément le contexte des politiques opérationnelles officiel qui s’appliquait au processus d’obtention de mandat pendant la période visée par le présent examen. Cette faille a d’importantes répercussions. Les politiques constituent les composantes de base d’une organisation. Elles orientent la conduite de tous les employés, y compris la haute direction. Sans politiques claires, les employés risquent de concevoir leur propre interprétation de la conduite à adopter et des limites de leurs pouvoirs, ce qui peut causer de la confusion et compliquer la conformité aux lois.

b) Ministère de la Justice et GLCSN

(NC) Le ministère de la Justice fournit des services juridiques aux ministères et aux organismes concernant un vaste éventail de questions à l’échelle du gouvernement fédéral. Son mandat consiste à appuyer le double rôle du ministre de la Justice et du procureur général du Canada (PG).

(NC) Le ministre de la Justice, à titre de conseiller juridique officiel du Cabinet, est chargé de la gestion et de l’orientation générales du ministère. Il doit également veiller à ce que l’administration des affaires publiques soit conforme à la loi. Le ministre est responsable des questions touchant l’administration de la justice à l’échelle fédérale. Il exerce un jugement politique, sauf lorsqu’il fournit des conseils juridiques, car ces derniers doivent être indépendants et impartiaux.

(NC) Le ministre agit d’office comme PG, aussi appelé premier conseiller juridique de l’État. Le rôle du PG consiste à fournir des conseils et des services juridiques aux ministères et organismes fédéraux, ainsi qu’à gérer les litiges au nom du gouvernement. Il est important de noter que le PG représente l’État et non les ministères et organismes individuels. Par conséquent, il cherche à protéger les intérêts de l’ensemble du gouvernement. Même si, de manière générale, les ministères jouent le rôle du client qui donne les instructions, il incombe au PG, en collaboration avec ces ministères, de faciliter le respect de la primauté du droit.

(NC) Le sous-ministre (SM) de la Justice, qui assume également le rôle de sous-procureur général du Canada, gère les travaux et les activités du ministère à titre du plus haut fonctionnaire du ministère. Le SM est appuyé par le sous-ministre délégué, à qui on confie la direction de certains des portefeuilles spécialisés du ministère de la Justice. On compte notamment le portefeuille de la Sécurité publique, de la Défense et de l’Immigration (PSPDI) qui est dirigé par un sous-ministre adjoint (SMA) qui relève directement du sous-ministre délégué (SMD).

(NC) Le ministère de la Justice offre des services juridiques aux ministères et organismes fédéraux selon trois modèles, qui s’appliquent tous au SCRS : 1) des centres d’expertise spécialisés au sein du ministère; 2) un réseau de bureaux régionaux situés partout au pays; 3) des Services juridiques ministériels (SJM) qui sont installés dans les locaux des ministères auxquels ils fournissent des conseils.

(NC) Les avocats des SJM fournissent des conseils quotidiennement pour tous les enjeux. Les avocats des SJM peuvent consulter des avocats des directions spécialisés ou d’autres SJM, ou collaborer avec ceux-ci, au besoin. Même si les avocats des SJM sont installés dans les locaux des ministères, il s’agit d’employés du ministère de la Justice, et conformément au statut du PG, ils doivent demeurer indépendants du client.

(NC) Les SJM qui appuient le SCRS et lui fournissent des conseils sont nommés Groupe litiges et conseils en sécurité nationale (GLCSN). Le GLCSN est situé à l’administration centrale du SCRS et fait partie du PSPDI. Le groupe compte environ 50 postes d’avocat et est dirigé par un directeur exécutif et un avocat général principal, qui relèvent directement du SMA responsable du PSPDI. Les deux dirigeants se réunissent aux deux semaines pour discuter des travaux du GLCSN. Ensuite, le SMA doit informer le SMD de toute question préoccupante.

(NC) Comme susmentionné, le directeur exécutif du GLCSN occupe également le poste de DAJ dans la structure de la direction du SCRS et relève du directeur. Le ministère de la Justice décrit ce rapport hiérarchique comme étant seulement fonctionnel. À titre de DAJ, le dirigeant du GLCSN participe à des réunions bilatérales confidentielles avec le directeur du SCRS pour présenter des exposés sur les dossiers juridiques et discuter des questions soulevées. Ce rapport hiérarchique fonctionnel avec le client coexiste avec le rapport hiérarchique officiel au sein du ministère de la Justice. À première vue, le rôle hiérarchique fonctionnel pourrait poser problème pour assurer l’indépendance avec le client, mais le ministère de la Justice soutient que cette structure n’est pas propre au SCRS et ne soulève aucune préoccupation quant à l’asservissement au client.

(NC) Le GLCSN fournit des services juridiques et consultatifs au SCRS concernant ses opérations liées à la sécurité et au renseignement. Ses tâches consultatives touchent les questions relatives aux attributions du SCRS, notamment l’autorisation légale, et les conseils liés à la Charte, aux mesures de réduction de la menace et à l’application d’autres lois aux opérations du SCRS. Les tâches du GLCSN en matière de litige consistent principalement à représenter le SCRS dans le cadre des demandes de mandat auprès de la Cour fédérale et des questions connexes; ainsi qu’à représenter le SCRS et d’autres ministères et organismes fédéraux dans le cadre d’enquêtes sur des plaintes devant l’OSSNR.

(NC) Le SCRS obtient également des services juridiques de la part du Groupe sur la sécurité nationale (GSN), un groupe offrant des services juridiques spécialisés et étant situé à l’administration centrale du ministère de la Justice. Faisant partie du Secteur national du contentieux du PG, le GSN dirige les litiges concernant les demandes relatives au privilège fondé sur la sécurité nationale en vertu de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Les avocats faisant partie du groupe détiennent une cote de sécurité de niveau Très secret. En outre, les avocats du GSN prennent part au processus relatif aux mandats du SCRS, notamment en exerçant un contrôle indépendant dans le cadre du processus d’approbation interne des demandes de mandat. Le rôle du GSN à titre d’avocat indépendant dans le cadre du processus de demande de mandats du SCRS est abordé à la section 4 e. ci-dessous.

(NC) Même si le cadre opérationnel et législatif de base peut sembler simple, une analyse approfondie met en lumière de multiples enjeux persistants.

4. Analyse

(NC) Le présent examen a révélé des difficultés liées à la culture et à la gouvernance au SCRS et au ministère de la Justice. Ces difficultés contribuent aux enjeux systémiques du processus relatif aux mandats, notamment en ce qui a trait à l’obligation de franchise. Les conclusions de l’OSSNR s’inscrivent dans trois domaines généraux :

  • la prestation de conseils juridiques par le ministère de la Justice;
  • la gestion du processus d’obtention de mandats par le SCRS et le ministère de la Justice;
  • l’investissement dans le personnel au moyen de la formation.

Le rapport se conclut par des commentaires sur les enjeux culturels, systémiques et de gouvernance.

(NC) Pour respecter ses obligations en ce qui a trait à la primauté du droit, le SCRS doit connaître la loi. Des moyens complexes, tardifs et mal définis de déterminer la légalité des activités nuisent à la capacité du SCRS d’accomplir son mandat dans le respect de la primauté du droit. Par conséquent, l’examen se penche sur la façon dont le ministère de la Justice (et, plus précisément, le GLCSN) fournit des conseils juridiques au SCRS quant à la réalisation de ses activités mandatées, et sur la façon dont il s’est organisé pour le faire. L’OSSNR a relevé trois questions : la bureaucratie liée à l’obtention de conseils; son caractère opportun; et l’utilité des conseils pour aider le SCRS à respecter son mandat.

1. Prestation de conseils au SCRS

(NC) Souvent, le SCRS mène ses activités dans des contextes qui posent des difficultés d’ordre juridique et qui évoluent rapidement. Les conseils juridiques doivent être opportuns, précis et concrets. Pour répondre à ces objectifs, le ministère de la Justice a adopté des « principes directeurs », notamment un modèle « À l’unisson » pour la prestation de services juridiques. Selon ce modèle, les avocats du ministère de la Justice parlent [traduction] « À l’unisson » , ce qui témoigne d’une volonté de fournir des conseils juridiques uniformes et cohérents au nom du PG. Pour ce faire, le ministère de la Justice assure la cohérence de ses conseils et de ses positions juridiques afin d’assurer une approche pangouvernementale. Les conseils ne représentent pas seulement l’opinion de l’avocat désigné, mais bien de [traduction] « l’ensemble du ministère de la Justice ».

(NC) L’approche « À l’unisson » a été adoptée en réponse à une ancienne période où de nombreux ministères embauchaient leurs propres avocats pour obtenir des conseils juridiques. Ces avocats ne faisaient pas partie du ministère de la Justice. Lorsque des questions juridiques pangouvernementales complexes survenaient, les avocats qui représentaient les différents ministères n’étaient pas toujours d’accord, ce qui mettait le PG dans une position difficile au Cabinet. On a décidé de rassembler tous les avocats ministériels au sein d’un seul service juridique relevant du ministère de la Justice.

(NC) À l’appui de son approche « À l’unisson », le ministère de la Justice utilise certains outils :

  • des centres d’expertise au sein du ministère de la Justice fournissant des conseils cohérents à l’échelle du gouvernement, surtout aux Services juridiques ministériels (SJM), dans des secteurs clés du droit public, comme le droit constitutionnel, les droits de la personne et le droit à l’information et à la protection des renseignements personnels;
  • un portail de connaissances juridiques appelé « Justipedia » servant de répertoire unique à l’échelle nationale et permettant de rechercher toutes les avis juridiques des services du ministère de la Justice;
  • des discussions concernant les questions juridiques auprès de divers comités, comme les comités des litiges régionaux et national, ainsi que d’autres comités spéciaux;
  • des groupes de travail pour déterminer les positions juridiques;
  • des groupes de pratique pour l’échange et la communication de connaissances pertinentes;
  • un cadre de gestion des risques juridiques (GRJ) commun pour la prestation de conseils aux ministères et aux organismes clients.

(NC) Même si la prémisse de l’approche « À l’unisson » est bonne, l’examen a permis de soulever des désavantages importants liés à la mise en œuvre du modèle dans le contexte du SCRS. Notablement, compte tenu du processus bureaucratique entourant une consultation juridique, le processus d’obtention de conseils juridiques peut s’avérer lourd et inefficace, et entraîner des retards inutiles. Les structures hiérarchiques du SCRS et du ministère de la Justice ont nui à la collaboration fluide entre les avocats du ministère de la Justice et leurs clients du SCRS en empêchant les avocats de fournir des conseils rapidement. Le processus de prestation de conseils juridiques par le ministère de la Justice est moins rapide qu’une opération de renseignement du SCRS, faisant en sorte que les conseils ne sont pas fournis en temps opportun, et que le SCRS est [discussion comment la collection des activitées sont affectées]

(NC) En plus des difficultés liées à la rapidité, causées par les structures hiérarchiques bureaucratiques, il existe également des difficultés liées à la communication, puisque les bases de connaissances de l’analyse juridique et de l’expertise opérationnelle sont différentes. L’OSSNR a plusieurs commentaires. Les personnes interrogées ont insisté qu’il serait utile que les avocats du ministère de la Justice comprennent mieux les opérations du SCRS. On a proposé que les nouveaux avocats et les avocats subalternes participent à des séances de formation clés pour mieux comprendre le contexte du SCRS. Certaines personnes ont mentionné des initiatives en cours visant à assurer une meilleure compréhension entre le ministère de la Justice et le SCRS, en faisant part de leur scepticisme quant à leur réussite. Par exemple, le ministère de la Justice aurait présenté ses séances de « dîner-causerie » au mauvais niveau du SCRS, et son approche était trop ésotérique et théorique en ce qui concernait, par exemple, l’article 8 de la Charte. Un autre problème touchait le fait que la formation juridique des employés du SCRS est offerte par des avocats inexpérimentés.

(S/C) Ces plaintes cadrent avec les résultats d’un sondage de rétroaction des clients de 2018 concernant les services de consultation juridique du SCRS. Le sondage portait sur quatre aspects des services comparativement à ceux de l’ensemble du PSPDI. Le sondage a permis de constater que la qualité globale des services de consultation juridique était légèrement inférieure à la cible ministérielle, dans la catégorie « modérée ». Le SCRS a émis le même constat concernant l’accessibilité et la réactivité, ainsi que l’utilité des services juridiques. Les résultats du sondage ont démontré que la gestion du risque juridique répondait à la norme cible. Par contre, en ce qui a trait à la rapidité, les résultats du ministère de la Justice étaient faibles. Le ministère de la Justice a conclu que le sondage indiquait que les utilisateurs du SCRS étaient, pour la plupart, insatisfaits des services fournis et qu’il y avait place à l’amélioration. Certains commentaires du SCRS correspondaient aux observations soulevées fréquemment lors des entrevues menées par l’OSSNR, notamment :

  • [traduction] « Je n’ai pas l’impression que les avocats du ministère de la Justice qui travaillent au sein de mon organisation comprennent réellement ce que nous faisons »;
  • [traduction] « Les réponses prennent trop de temps, ce qui a une incidence sur nos capacités opérationnelles : [discussion comment la collection des activitées sont affectées
  • [traduction] « Les employés du ministère de la Justice savent soulever les risques juridiques liés aux initiatives; mais ne savent pas fournir de conseils pratiques pour atténuer les risques (sauf recommander de mettre fin à l’activité);
  • [traduction] « il semble y avoir un manque de coordination ».

(NC) Aux prochaines sections figure une description plus détaillée et précise des préoccupations du SCRS quant à la manière dont ses représentants obtiennent des conseils auprès du ministère de la Justice ainsi qu’à la nature des conseils.

a) obtenir des conseils

(NC) Les obstacles à l’obtention de conseils juridiques ont été soulevés à plusieurs reprises lors des entrevues. Le SCRS doit formuler officiellement ses questions de manière claire pour éviter des demandes de renseignements incomplètes42. Toutefois, plutôt que d’être un processus collaboratif entre les avocats et le SCRS, le système de demande de conseils traditionnel est un processus bureaucratique et formel. De manière générale, les demandes de conseils officielles semblent passer par les enquêteurs et les employés connexes des bureaux régionaux du SCRS vers les échelons supérieurs, souvent jusqu’à l’Administration centrale, puis jusqu’aux avocats du ministère de la Justice.

(NC) Ce processus, et les ressources limitées du ministère de la Justice, contribuent aux retards importants, description de la durée. Sauf les demandes urgentes et prioritaires d’obtention de conseils juridiques, il peut prendre de [durée] avant d’obtenir des conseils. Pour les situations entourant des questions inhabituelles ou complexes, le délai peut s’étirer à [durée].

(NC) Une fois prêts, les conseils doivent repasser par les mêmes échelons, et, parfois, ils ne se rendent pas aux enquêteurs dans leur entièreté. Certaines des personnes interrogées ont comparé le processus au « jeu du téléphone », car les demandes de conseils se transforment lorsqu’elles cheminent d’un échelon à l’autre sans qu’il n’y ait de processus itératif entre les avocats et les enquêteurs qui demandent des conseils, faisant en sorte que les conseils juridiques sont peu pertinents.

(NC) Puisque le SCRS et le ministère de la Justice prennent part au processus traditionnel, il peut être difficile d’évaluer dans quelle mesure le mécanisme de prestation de conseils du ministère de la Justice, d’une part, et la bureaucratie du SCRS, d’autre part, contribuent aux retards. En outre, il est difficile de corroborer les hypothèses des personnes interrogées sur la cause des retards dans l’obtention de conseils puisque le GLCSN n’assure aucun suivi des délais associés à sa prestation de conseils. L’absence de telles données au sein du ministère de la Justice soulève un autre enjeu : le ministère sera-t-il apte à mesurer les progrès et les améliorations découlant d’initiatives de réforme?

 (NC) Peu importe la cause précise, l’absence de conseils clairs et opportuns aurait eu une incidence considérable sur les opérations du SCRS. Compte tenu de la quantité accrue d’information et de communications électroniques, il est devenu essentiel d’obtenir des conseils clairs et opportuns concernant les méthodes d’enquête. Les répercussions opérationnelles sont importantes : les personnes interrogées ont, à plusieurs reprises, fait part pouvant nécessiter des conseils juridiques. On a signalé que les gestionnaires demandent parfois aux employés de trouver des solutions de rechange lorsqu’une opération pourrait nécessiter des conseils juridiques.

(NC) Il ne fait aucun doute que le processus traditionnel d’obtention de conseils juridiques ne soutient pas adéquatement les opérations du SCRS, tant sur le plan de la rapidité que de la pertinence.

 (NC) En plus des préoccupations concernant la rapidité et la pertinence, l’OSSNR a régulièrement été informé de préoccupations connexes concernant la nature des conseils juridiques fournis au SCRS par le GLCSN. Les personnes interrogées par l’OSSNR ont indiqué à plusieurs reprises que les conseils juridiques étaient présentés d’un point de vue ésotérique et légaliste, sans tenir suffisamment compte des destinataires qui doivent les comprendre et les mettre en pratique.

 (NC) De manière générale, le GLCSN présente ses conseils sous la forme d’une évaluation du risque juridique, dans le cadre de laquelle il fait part de son opinion concernant le risque lié à une activité précise, conformément au cadre de gestion des risques juridiques (GRJ) du ministère, décrit ci-dessous. Les conseils sont présentés selon un système comparable aux feux de circulation : une activité qui présente un risque faible pour le SCRS (feu vert), une activité qui présente un risque élevé (feu rouge), ou, de façon plus ambiguë, une activité qui présente un risque modéré (feu jaune). Les destinataires des réponses « feu jaune » ont indiqué qu’il s’agit du type de réponse le plus fréquent et le plus frustrant, surtout lorsque les réponses ne sont pas accompagnées de discussions sur la façon d’atténuer le risque.

(NC) À cet égard, les employés du SCRS interrogés ont souvent mentionné que le GLCSN fait part de ses avis sans proposer de solutions de rechange ou de moyens viables sur le plan juridique pour atteindre les objectifs. C’est-à-dire que le GLCSN ne comprendrait pas toujours les objectifs du SCRS, puis fournirait des conseils destinés à orienter le SCRS sur la façon d’atteindre les objectifs légalement, dans la mesure du possible. Bon nombre d’employés du SCRS interrogés ont insisté sur l’utilité de recevoir des conseils du ministère de la Justice sous la forme d’une « feuille de route » présentant la façon d’atteindre l’objectif d’une opération légalement. Toutefois, ils ont souligné qu’il est peu fréquent que le GLCSN adopte cette pratique lorsqu’il offre des conseils. Cela dit, l’OSSNR a également été informé que l’approche courante de prestation de conseils pourrait commencer à changer, comme expliqué ci-après. Puisque l’OSSNR accorde beaucoup d’importance au concept des conseils sous forme de feuille de route, le sujet sera abordé à plusieurs reprises dans le cadre du présent rapport.

(S) L’OSSNR a été informé de situations où des gestionnaires du SCRS qui ont reçu des conseils indiquant un niveau de risque modéré (feu jaune) ont [desription de la rèticence. Dans d’autres cas, les gestionnaires ont fait part de leur malaise à assumer le risque et auraient renvoyé la décision à des échelons supérieurs pour répartir la responsabilité. Sur le plan opérationnel, de tels retards dans la prise de décision peut avoir une incidence défavorable sur les enquêtes.

(NC) Par conséquent, certains employés du SCRS perçoivent le ministère de la Justice comme un obstacle; non pas car le ministère fournit des positions claires et fondées sur des principes représentant la primauté du droit concernant des opérations mal avisées, mais en raison de la bureaucratie au sein du ministère de la Justice, du manque de connaissances opérationnelles et de l’approche inutile en matière de communication des conseils juridiques.

(NC) Toutefois, il existe une autre dimension aux questions. Le ministère de la Justice, plus particulièrement le GLCSN, éprouve des difficultés à fournir des conseils juridiques au SCRS. Il n’y a aucune analogie directe entre le ministère de la Justice et un cabinet d’avocats du secteur privé. Le ministère doit accomplir une fonction de droit public liée aux rôles du ministre de la Justice et du PG. Lorsqu’il fournit des conseils juridiques, le ministère de la Justice doit porter une attention particulière à la primauté du droit et au rôle du PG d’en assurer la protection.

(NC) Lorsqu’il interagit avec ses clients, le ministère de la Justice agit simplement à titre de conseiller et estime qu’il incombe au client de prendre la décision finale, en se fondant sur les conseils fournis. L’une des raisons pour lesquelles le ministère de la Justice ne s’en tient qu’à une analyse juridique pure est que le ministère se méfie de la tendance du SCRS de reformuler des questions juridiques dans le but d’obtenir une réponse différente. On dit que le SCRS est réfractaire à la loi dans l’espoir qu’elle se conforme à sa volonté.

(NC) En outre, l’OSSNR a appris que le SCRS ne communique pas toujours toute l’information pertinente au ministère de la Justice, ce qui a créé une certaine méfiance. L’OSSNR a été informé de situations où le SCRS n’a fourni qu’une partie de l’information au ministère de la Justice, sans présenter une vue d’ensemble. Le GLCSN a informé le SCRS que pour lui fournir des conseils juridiques pertinents et mieux soutenir ses opérations, les avocats doivent connaître tous les faits, et doivent participer plus tôt et de façon plus approfondie. Le GLCSN a mentionné que si les avocats étaient consultés plus tôt et en continu à toutes les étapes d’une enquête ou d’une opération, et qu’ils participaient aux réunions et aux discussions du SCRS, il serait plus facile pour eux de recueillir des faits et d’avoir une compréhension nuancée. Si les avocats du ministère de la Justice sont incertains des véritables objectifs et de la situation du client, il est compréhensible qu’ils hésitent à fournir une feuille de route.

(NC) La prestation de conseils au sujet de questions hautement classifiées présente également des difficultés logistiques. Les avocats du GLCSN travaillent dans un environnement qui pourrait empêcher un échange facile avec d’autres équipes du ministère de la Justice, comme les groupes de pratique spécialisés, au sein desquelles peu d’employés détiennent une cote de sécurité de niveau Très secret et dont les systèmes de gestion de l’information ne peuvent stocker de l’information classifiée. En outre, la structure du ministère de la Justice ne permet pas d’aborder les diverses questions relatives à la sécurité nationale, et d’autres unités peuvent fournir des conseils inopportuns ou inutiles. Les unités spécialisées trouvent difficile de ne pas avoir accès à de l’information classifiée pertinente, et, parfois, le GLCSN les consulte trop tard dans le processus de prestation de conseils. Il semblerait que le processus qui permet de réconcilier les divergences d’opinion entre les groupes spécialisés et le GLCSN n’est pas entièrement formel. Il existe des comités conjoints et, lorsqu’une question à très haute visibilité entraîne de profonds désaccords, on peut la présenter au sous-ministre. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure sont exploités ces processus pour surmonter les obstacles cernés.

(NC) Les cloisonnements internes entre les volets des conseils et des litiges au sein du GLCSN ont également une incidence. Ces cloisonnements auraient aussi contribué à la confusion et à l’incertitude concernant l’information omise dans les mandats visés par la décision 2020 CF 616. Bon nombre des activités illicites en cause dans cette affaire touchaient des sources et des opérations pour lesquelles on avait discuté de conseils juridiques au sein des services consultatifs du GLCSN et on avait formulé des conseils pertinents concernant des questions comme l’immunité de la Couronne. Toutefois, les avocats responsables des mandats n’auraient pas toujours été au courant de ces conseils. Il est donc essentiel d’éliminer les cloisonnements internes pour éviter que ces séquences d’événements se reproduisent à nouveau.

 (NC) De plus, les activités du SCRS sont uniques et rares et représentent une courbe d’apprentissage abrupte pour les avocats, qui se manifeste sous diverses formes. Premièrement, les avocats du GLCSN doivent se familiariser avec le contexte opérationnel singulier et classifié du SCRS. De l’avis de certains employés du SCRS interrogés par l’OSSNR, les avocats devraient avoir une meilleure compréhension de ce contexte. Deuxièmement, les questions inhabituelles peuvent nécessiter un examen attentif et collectif pour veiller à ce que le ministère de la Justice emploie le modèle « À l’unisson », ce qui ralentit le processus d’obtention de conseils.

(NC) Enfin, le ministère de la Justice n’est pas en mesure de dissiper facilement les incertitudes inhérentes de certains enjeux juridiques et, souvent, les avocats du ministère de la Justice peuvent être tenus de faire part de doutes juridiques, ce qui correspond au concept peu constructif du « feu jaune ». Les doutes juridiques sont intolérables dans un système de primauté du droit : il est difficile de demander à une organisation de respecter une loi lorsqu’on ne connait pas cette loi. Le droit en matière de sécurité nationale peut s’avérer particulièrement incertain. Le droit législatif, parfois imprécis, qui s’applique au SCRS ne fait pas l’objet d’une interprétation judiciaire, ce qui entraîne d’importantes incertitudes. En même temps, la jurisprudence liée à l’article 8 de la Charte découle principalement du contexte du droit criminel, et les avocats du ministère de la Justice doivent extrapoler ces décisions au contexte connexe, mais distinct, des opérations du SCRS. Souvent, le seul moyen de régler les incertitudes juridiques consiste à présenter les questions juridiques à la Cour fédérale par l’entremise des demandes de mandat.

(NC) En résumé, le droit en matière de sécurité nationale constitue un domaine hautement spécialisé et en constante évolution. Néanmoins, le SCRS a besoin d’obtenir des conseils efficaces, et ce besoin fait partie intégrante des mandats du SCRS et du ministère de la Justice.

2. Initiatives de réforme

La présente section aborde de récentes initiatives de réforme de la prestation des services juridiques au sein du ministère de la Justice.

a) Protocoles internes récents du GLCSN

(NC) Le ministère de la Justice a informé l’OSSNR qu’il est au courant de la nécessité de changer la culture organisationnelle au sein du GLCSN. Un nouveau directeur exécutif du GLCSN est entré en fonction en janvier 2020 et, depuis, a participé à des discussions avec des cadres supérieurs du SCRS concernant la gestion du changement de la culture. Le GLCSN a remarqué une certaine résistance à la gestion du changement au sein de son organisation, mais aussi une volonté de changement généralement saine, notamment dans le but de répondre aux préoccupations relatives aux cloisonnements d’information.

(NC) Le GLCSN a mis en œuvre de nombreuses procédures internes pour éliminer les cloisonnements en faisant mieux connaître aux avocats plaidants les questions juridiques émergentes des avocats consultatifs (l’inverse est probablement vrai aussi). Le GLCSN a mis en place sa propre version classifiée de Justipedia pour appuyer la gestion des connaissances dans le but d’assurer la cohérence des avis juridiques. Le GLCSN tient des réunions hebdomadaires de groupe de pratique qui consistent en un tour de table lors duquel les participants font le point sur leurs travaux. Si un groupe de pratique n’est pas en mesure de régler une question juridique, la question peut être renvoyée aux échelons supérieurs au sein du GLCSN, jusqu’au directeur exécutif. Même si ces réformes peuvent contribuer au décloisonnement, ce ne sera peut-être pas suffisant. Le GLCSN doit mettre en place un processus permettant de communiquer avec les avocats responsables des mandats ou de les informer dans les cas où des conseils ont été fournis concernant une opération pour laquelle il est devenu prioritaire d’obtenir un mandat.

(NC) Le ministère de la Justice émet parfois des directives en matière de pratique afin d’orienter les avocats par rapport à certains aspects de leur pratique. En 2019, le ministère de la Justice a délivré deux directives de pratique relatives à l’obligation de franchise dans le cadre des demandes de mandats. La première directive précisait que les demandes de mandat ne doivent pas être fondées sur de l’information obtenue au moyen d’activités illégales et que, si une activité illégale a lieu, elle doit être portée à l’attention de la Cour. La deuxième directive indiquait quelle information doit être communiquée à la Cour, notamment la participation possible d’une source humaine à des activités illégales ainsi que les questions sur lesquelles reposent la crédibilité et la fiabilité d’une source.

(S/C) Le 22 septembre 2020, le ministère de la Justice a remis un avis de pratique aux avocats du GLCSN [description de contenu de note]

(S) Ce ne sont pas toutes les personnes interrogées qui estimaient que ces changements seraient suffisants pour éliminer les cloisonnements au sein du GLCSN, et certains craignaient qu’un lien ne puisse être établi entre les avis consultatifs juridiques et les questions juridiques opérationnelles. Une personne a suggéré de veiller à ce que les avis consultatifs pertinents soient [Solution IM proposée]

(NC) En outre, le champ de compétences du GLCSN pourrait ne pas suffire pour cerner toutes les questions juridiques latentes. Sans compter que les constituants du ministère de la Justice disposant de cette capacité pourraient ne pas saisir la nature du mandat et des opérations du SCRS. Certaines personnes interrogées ont insisté sur le fait que le rôle en matière de litiges du GLCSN doit être renforcé au moyen d’une collaboration plus étroite avec les avocats des litiges généraux du ministère de la Justice dans le cadre de leur rôle d’avocat conseil, ce qui nécessite d’éliminer les cloisonnements d’information. L’OSSNR constate que le ministère de la Justice a récemment mis en œuvre des outils propres à son rôle en matière de sécurité nationale, ce qui comprend des comités au niveau des sous-ministres visant à aborder de vastes questions opérationnelles et stratégiques en matière de sécurité nationale qui nécessitent la participation d’autres SJM.

(NC) L’OSSNR remarque que la capacité du ministère de la Justice d’anticiper de nouvelles questions dépend du niveau de vigilance du client. Les personnes interrogées ont fait part du souci de se montrer plus proactives, et de présenter les questions juridiques nécessitant une solution proactive au directeur du SCRS. Il est important que le directeur collabore au moins avec le ministère de la Justice et Sécurité publique Canada pour anticiper les questions juridiques émergentes et prévoir des moyens efficaces pour les résoudre.

b) Relations renouvelées entre le GLCSN et le SCRS

(NC) Le GLCSN a reconnu le besoin de [traduction] « mieux s’assurer que le client comprend le contexte juridique ». Il a également reconnu la frustration des clients par rapport à la loi dans certaines circonstances, puisque la jurisprudence peut donner des orientations compliquées à incorporer à la réalité, notamment en ce qui a trait aux questions liées à la Charte et l’attente raisonnable de la protection de la vie privée d’une personne. Malgré la formation qu’il offre déjà au SCRS, le GLCSN admet qu’il pourrait nouer davantage le dialogue. Dans le cadre du projet [Nom] du SCRS, le GLCSN a cerné le besoin d’accroître la formation en matière de sensibilisation des deux côtés, y compris le SCRS qui fournit une formation au GLCSN.

(NC) Le GLCSN semble aussi reconnaître le désir d’adopter une approche différente à la prestation de conseils, notamment la progression vers des conseils juridiques présentés sous forme de feuille de route qui convient de manière itérative et à la collaboration avec le SCRS en vue de l’atteinte d’objectifs dans les limites de la loi. L’OSSNR a eu vent que le GLCSN considère cette approche comme une pratique exemplaire et qu’il s’y engage. Toutefois, au moment de l’examen, on ignore si le ministère de la Justice avait progressé vers l’adoption d’une approche générale de feuille de route pour sa prestation de conseils.

(NC) Il était toutefois sans conteste que le ministère de la Justice n’appuie pas, en règle générale, une solution « intégrant » des avocats aux bureaux régionaux du SCRS. Les employés du ministère de la Justice interrogées considéraient l’intégration comme augmentant les risques d’asservissement au client et constituant un obstacle à la dotation interne et à l’uniformité des conseils. Le ministère de la Justice et le SCRS ont plutôt récemment lancé un projet pilote dans le cadre duquel des avocats étaient spécialement attitrés au soutien du SCRS dans le cadre d’une mission opérationnelle précise.

 (NC) De plus, le GLCSN a mis à l’essai une pratique d’« heures de bureau », voulant que les avocats détachés à l’Administration centrale agissent comme avocats responsables de la liaison avec les régions. Ces avocats responsables de la liaison avec les régions qui fournissent actuellement un soutien peuvent recevoir les demandes non officielles des régions. Ce projet d’« heures de bureau » a été exécuté pour que les employés du SCRS puissent lancer des « ballons d’essai » au sujet de possibilités opérationnelles avant de peut-être présenter une demande officielle de conseils juridiques, qui suivrait alors le processus traditionnel de demande de conseils.

(NC) Il a également été mentionné à l’OSSNR qu’une approche revue à la prestation de conseils demanderait des modifications sur le plan culturel tant au SCRS qu’au ministère de la Justice. La pratique du ministère de la Justice voulant que les conseils soient examinés soigneusement en suivant les échelons pourrait être difficile à adapter à une participation juridique plus opportune. Les questions inhabituelles peuvent demander un examen plus attentionné et coopératif, visant à fournir une réponse « À l’unisson », mais il faudra être conscient qu’un retard peut mettre une opération en jeu ou rendre les conseils inutiles. Comme mentionné, à défaut de faire des agents du SCRS des experts juridiques, un accès courant et opportun à des conseils juridiques est essentiel pour satisfaire aux normes de la primauté du droit sans entraver les opérations. L’OSSNR tient à souligner que même les conseils juridiques officiels devront être adaptés aux clients et, par conséquent, devraient être exempts de discussions légalistiques qui, dans une large mesure, ne veulent rien dire pour les personnes qui ne sont pas avocates.

(NC) En allant de l’avant avec un tel système, le GLCSN devra éviter l’asservissement au client afin de satisfaire à l’obligation du procureur général d’honorer et de défendre le respect de la primauté du droit, tout en facilitant les impératifs des opérations du SCRS. Un élément récurrent qui est grandement ressorti des entrevues est la difficulté d’harmoniser l’obligation du procureur général de maintenir la primauté du droit avec les modèles de prestation de service axés sur les clients afin de donner au SCRS des conseils juridiques clairs et uniformes quant à l’exécution de son mandat conformément à la loi. Il n’est pas facile pour les avocats d’assurer l’harmonisation de ces objectifs, et les personnes interrogées étaient d’avis qu’il serait judicieux d’expliquer plus clairement le rôle du procureur général et de mettre en place des normes codifiées entourant la prestation de conseils. Ainsi, l’OSSNR a perçu un soutien envers le concept de normes de prestation de conseils pour le GLCSN. De telles normes sont particulièrement importantes si la frontière entre le conseil juridique et le conseil stratégique commence à s’estomper aux échelons supérieurs du ministère de la Justice, comme l’a décélé l’OSSNR. Certaines personnes interrogées ont indiqué qu’à ce niveau, il est parfois coutume de vouloir ardemment laisser une certaine liberté au client.

(NC) Pour sa part, le SCRS doit s’accoutumer à travailler étroitement avec les conseillers juridiques et à communiquer l’ensemble des détails sensibles dont a besoin l’avocat du ministère de la Justice pour fournir des conseils utiles. De façon générale, les employés du SCRS interrogés semblaient ouverts à l’approche des « heures de bureau », et certains ont fait remarquer que l’utilité de cette approche dépendra de la personnalité et de l’expérience de l’avocat et que, dans tous les cas, elle n’est pas une panacée. Cette réponse a mis en exergue les réserves des agents du SCRS découlant d’expériences antérieures avec des avocats inexpérimentés.

c) Étapes additionnelles pour le GLCSN

(NC) Le ministère de la Justice doit donc surmonter continuellement la difficulté d’offrir des conseils juridiques audacieux, opportuns, uniformes et clairs tout en élaborant des modèles de prestation de service axés sur le client dans un domaine (la sécurité nationale) qui représente un centre d’intérêt créneau souvent hautement spécialisé pour le ministère et comportant nombre d’incertitudes sur le plan juridique.

(NC) Dans le cadre de ses examens ultérieurs des initiatives en cours, l’OSSNR portera une attention particulière à la façon dont le ministère de la Justice adhère à une approche de prestation de conseils sous forme de feuille de route. S’appuyant sur l’information recueillie dans le cadre du présent examen, l’OSSNR estime qu’il est essentiel d’offrir des conseils utiles pendant la planification et l’exécution des opérations, une avenue qui sera examinée lors du projet pilote entourant une mission opérationnelle selon l’OSSNR. La prestation de conseils doit se poursuivre tout au long de l’évolution de l’opération pour répondre aux questions juridiques inattendues demandant une orientation immédiate. D’après ses entrevues, l’OSSNR estime que la réussite de ce système dépendra de certains éléments. D’abord, la prestation optimale des services juridiques dépend d’avocats du ministère de la Justice qui possèdent suffisamment d’expérience et sont attentifs au contexte opérationnel du SCRS. Bien qu’ils ne soient pas présents dans les régions, il semble que ces avocats devront être en mesure de communiquer directement avec les clients des opérations du SCRS de tous les niveaux, y compris lors d’opérations en cours, et de donner dans les plus brefs délais des conseils sur les questions courantes. Ces avocats devront aussi bien connaître la position du ministère de la Justice sur des questions récurrentes afin de ne pas compromettre le modèle « À l’unisson ». À cette fin, il serait probablement avantageux pour le GLCSN d’élaborer un outil de référence précis contenant sa position sur des questions récurrentes et les autorisations légales les plus fréquemment invoquées, et de le rendre accessible aux avocats pour soutenir la prestation de conseils en temps réel.

(NC) Toutes les questions juridiques ne sont pas forcémment courantes. En effet, un avocat participant à la planification opérationnelle devrait être tout à fait en mesure d’anticiper et d’énoncer les questions juridiques plus complexes et, ensuite, être chargé de la résolution de ces questions juridiques conformément à l’approche « À l’unisson » du ministère de la Justice. L’avocat participant à la planification opérationnelle doit servir de porte vers le ministère de la Justice pour ce qui est des questions demandant une consultation interne additionnelle au sein du ministère auprès des collègues du GLCSN ou de ceux de centres d’expertise. Un avocat qui connaît entièrement les réalités opérationnelles et qui est en mesure de gérer la prestation de conseils peut contourner les problèmes liés au « jeu du téléphone » et aux conseils juridiques qui ne sont pas adaptés découlant du modèle traditionnel de prestation de conseils.

(NC) La participation sur le plan juridique aux activités du SCRS, au moment de leur planification et de leur organisation, devrait permettre au ministère de la Justice de lancer des avertissements juridiques informels qui donneraient au SCRS la possibilité de rectifier le tir avant que trop de temps ne se soit écoulé. Une participation plus étroite dans les premières étapes réduira le besoin d’obtenir des opinions juridiques sur des opérations dont le cycle d’élaboration est déjà bien entamé ou qui sont déjà en cours. Autrement dit, un processus davantage itératif d’intégration des conseils juridiques du début à la fin d’une opération pourrait régler la problématique signalée relative à l’arrêt d’opérations en raison de conseils juridiques inopportuns ou ambigus.

(NC) Essentiellement, pour atteindre ces objectifs, le SCRS doit faire participer l’avocat du ministère de la Justice à chaque étape du cycle de vie d’une opération et l’informer complètement et sincèrement des objectifs, intentions et détails de l’opération.

d) Le ministère de la Justice dans son ensemble

(NC) Le ministère de la Justice a lancé un projet de « changement transformationnel », en consultation avec ses clients, afin d’améliorer sa structure de travail et son soutien aux clients. Lancé en 2018, le projet VISION comporte quatre piliers : évaluations des risques pertinentes, partenariats stratégiques axés sur les clients, reconnaissance et renforcement de l’expertise, et simplification du modèle de financement. L’une des priorités clés comprend un remaniement du Cadre de la gestion des risques juridiques actuel qui, de l’aveu non récent du ministère de la Justice, ne permet pas une communication efficace des risques.

(NC) Les personnes interrogées ont indiqué sans équivoque que la façon dont le ministère de la Justice caractérise les risques juridiques dans son cadre de gestion des risques juridiques n’est pas comprise de la même manière par ses avocats et ses clients, et même les avocats qui s’en servent ne le considèrent pas toujours utile. Par exemple, un élément réputé présenté un « risque juridique élevé » est fort probablement illégal dans le cadre de GRJ, mais les clients ne le comprennent pas toujours ainsi. Le ministère de la Justice n’a pas fourni à l’OSSNR l’intégralité du cadre de GRJ révisé provisoire qui a été modifié dans le cadre du projet VISION, puisque les modifications ne sont pas terminées. Le ministère de la Justice a toutefois fourni les documents de travail sur la GRJ qu’il a expliqués à l’OSSNR. S’appuyant sur ces documents et explications, l’OSSNR croit que deux [aspects relié au cadre de GRJ doivent être traités.

(NC) En premier lieu, le ministère de la Justice donne parfois des conseils juridiques où l’activité ne devrait pas être décrite comme présentant un « risque élevé », mais simplement comme étant contraire à la loi. Certains questions juridiques peuvent être répondues sans ambiguïté, et ce, malgré la nature prudente des conseils juridiques. Dans un système fondé sur la primauté du droit et étant donné le rôle du procureur général, la réponse à de telles questions se doit d’être le plus définitive que possible. La possibilité hypothétique que l’activité ne soit pas contraire à la loi ne signifie pas que le ministère de la Justice devrait compter sur le libellé « risque élevé », puisque le terme peut donner l’impression à un client qu’une activité « risquée » est tout de même une option viable pour des dirigeants ouverts aux risques. Le ministère de la Justice devrait éviter de telles situations. Lorsqu’une activité est fort probablement illégale, c’est exactement ce que devrait dire le ministère de la Justice au client et il devrait décrire les conséquences d’aller de l’avant, plutôt que de formuler simplement ses conclusions de façon probabiliste.

(S/C) Certaines des personnes interrogées ont souligné cette perspective lors des discussions avec l’OSSNR106. De plus, l’OSSNR note que le ministère de la Justice a proposé [discussion de l'initiative de Justice] . [Disussion d'aspects opérationels et le but de l'initiative de la Justice]

(S/C) [Disussion d'aspects opérationels et le but de l'initiative de la Justice]

(NC) À l’inverse, [Discussion d'un manque percu par l'OSSNR dans l'initiative de la Justice] D’après l’OSSNR, cette approche n’est pas suffisamment rigoureuse. [Discussion sur l'approche recommandée par l'OSSNR pour combler la lacune identifiée].

(NC) En deuxième lieu, l’OSSNR constate que bon nombre des [desciption de certains aspects des outils de la Justice] L’OSSNR est d’avis que ces considérations sont inappropriées [discussion de l'approche de la Justice] Dans un système fondé sur la primauté du droit, [discussion de l'usage de cette approche] [ Discussion sur l'utilisation d'une approche et les risques de cette approche] [Discussion de certains outils juridiques].

(NC) Le ministère de la Justice estime que [Disussion d'aspects de l'initiative de la Justice]

(NC) Or, sans atténuation méticuleuse, l'OSSNR estime que le risque demeure [discussion d'inquietude reliée a l'initiative de la Justice]

(NC) En somme, étant donné le rôle du procureur général dans la défense de la primauté du droit, [discussion d'une norme pour addresser l'inquietude indentifiée dans l'initiative de la Justice] Dans le cadre d’examens ultérieurs entourant les conseils juridiques du ministère de la Justice, l’OSSNR examinera avec attention les conseils afin de déterminer s’ils répondent à cette norme.

Conclusion no 1 : L’OSSNR constate que le processus de demande et de prestation de conseils juridiques et les limites du GLCSN en matière de ressources contribuent à des retards importants, [description de la durée]

Conclusion no 2 : L’OSSNR constate que les avis juridiques du ministère de la Justice sont parfois préparés sans qu’une attention suffisante ne soit portée aux destinataires qui doivent les comprendre et prendre des mesures en conséquence. Les avis concernaient principalement l’évaluation des risques juridiques, souvent tard dans le cycle d’élaboration d’une activité du SCRS, et les efforts visant à proposer d’autres moyens légaux pour arriver à l’objectif fixé étaient limités.

Conclusion no 3 : L’OSSNR constate que le cadre de gestion des risques juridiques du ministère de la Justice n’est pas bien compris au niveau opérationnel du SCRS et qu’il n’offre pas un cadre approprié pour la communication sans ambiguïté du comportement illicite au SCRS.

Conclusion no 4 : L’OSSNR constate que les difficultés de l’obtention rapide de conseils juridiques pertinents ont contribué [discussion sur les effets nuisibles et les risques dans le contexte des opèrations] pouvant nécessiter des conseils juridiques. Par conséquent, la façon dont le ministère de la Justice a fourni des conseils juridiques au SCRS ne répond pas toujours aux besoins des opérations du SCRS.

Conclusion no 5 : L’OSSNR constate que le ministère de la Justice ne produit pas l’analytique organisationnelle nécessaire pour faire un suivi de son rendement en matière de prestation de services au SCRS.

Conclusion no 6 : L’OSSNR constate que le ministère de la Justice a reconnu que les cloisonnements internes au sein du GLCSN entre les équipes des conseils et des litiges ont parfois fait en sorte que l’avocat responsable des mandats n’est pas au courant de questions juridiques émergentes, et que le ministère de la Justice a pris des mesures pour régler ces problèmes.

Conclusion no 7 : L’OSSNR constate que le ministère de la Justice s’est engagé à améliorer sa prestation de conseils au SCRS, notamment par l’adoption de la feuille de route pour présenter ses conseils juridiques, qui demande une collaboration continue avec le SCRS pour atteindre les objectifs opérationnels dans les limites du droit.

Conclusion no 8 : L’OSSNR constate que le SCRS n’a pas toujours fourni l’information pertinente au GLCSN, entraînant une méfiance et limitant la capacité du ministère de la Justice de fournir des conseils juridiques adaptés à la situation.

Suivant ces conclusions, l’OSSNR recommande :

(U) Recommendation no. 1: Justice pursue its commitment to reforming the manner of providing legal advice to CSIS, and its stated commitment to “road- map” style advice as a best practice. In support of this objective and the provision of timely, operationally relevant advice, NSIRA further recommends that Justice implement the following:

  • Soit au moyen d’un programme offrant des heures de bureau étendues ou d’avocats responsables de la liaison ou autre, le GLCSN met sur pied un service de soutien juridique accessible en tout temps par les agents du SCRS de tous les niveaux et de tous les bureaux régionaux et doté d’avocats d’expérience habilités à fournir des conseils opérationnels en temps réel se fondant sur les positions établies du ministère de la Justice au sujet de questions juridiques récurrentes et sur lesquels les agents du SCRS peuvent s’appuyer.
  • Le GLCSN conçoit un outil de référence concis donnant sa position sur les enjeux récurrents et les autorisations légales invoquées les plus courantes et rend cet outil accessible aux avocats pour soutenir la prestation de conseils en temps réel.
  • Afin de minimiser le besoin de recourir au processus officiel de demandes de conseils juridiques, le GLCSN (de concert avec le SCRS) doit mettre un avocat à la disposition des agents du SCRS dès le début de la planification d’opérations clés ou inhabituelles et tout au long du cycle opérationnel afin de gérer les cas du processus itératif d’orientation juridique.

(NC) Recommandation no 2 : Que le GLCSN (de concert avec le SCRS) définisse des indicateurs de rendement clés pour mesurer la prestation des services juridiques au SCRS.

(NC) Recommandation no 3 : Que le SCRS et le ministère de la Justice ajoutent à leurs programmes de formation une formation interactive fondée sur les scénarios améliorant l’expertise sur les opérations de renseignement des avocats du GLCSN et les connaissances juridiques du personnel des opérations du SCRS.

(NC) Recommandation no 4 : Afin le ministère de la Justice puisse fournir des conseils juridiques utiles et adaptés au sens de la recommandation no 1, que le SCRS invite l’avocat du ministère de la Justice à toutes les étapes du cycle de vie des opérations clés et inhabituelles, et qu’il l’informe complètement et sincèrement des objectifs, intentions et détails de l’opération.

Recommandation no 5 : Que la prestation de conseils par le ministère de la Justice communique clairement et sans équivoque un conseil sur l’illégalité de la conduite d’un client, qu’il s’agisse d’une infraction criminelle ou autre.

B. Processus relatif aux mandats

(NC) La section précédente avait trait aux questions relatives à la prestation de conseils juridiques dans le contexte des opérations du SCRS. Or, le processus s’appliquant aux mandats comporte sa part de problèmes, comme l’illustrent de nombreuses décisions de la Cour fédérale.

(NC) Pour mener à bien les activités qui lui incombent, le SCRS doit miser sur un élément essentiel, à savoir les mandats. [Discussion sur l'examen interne préalable] « [l’]information obtenue suivant leur exécution est un élément vital pour le Service ». De même, un examen plus récent a mené à la conclusion que, pour plusieurs au sein du SCRS, le processus relatif aux mandats était considéré comme un « mal nécessaire » eu égard à son caractère onéreux. La présente section se penche sur le « cycle de vie des mandats », de la priorisation à l’exécution, dans le but de reconnaître et d’évaluer les facteurs sous-jacents qui ont fait en sorte que le processus relatif aux mandats du SCRS est devenu lourd.

(NC) L’article 21 de la Loi sur le SCRS énonce les principes élémentaires s’appliquant aux demandes de mandat. Dès lors qu’il a des motifs raisonnables de croire qu’il doit disposer d’un mandat l’habilitant à réaliser une enquête concernant une menace pour la sécurité du Canada (ou à collecter du renseignement en vertu de l’article 16), le SCRS peut, moyennant l’approbation du Ministre, demander ce mandat auprès de la Cour fédérale. L’affidavit à l’appui de la demande doit faire état des faits constituant des motifs raisonnables de croire que l’enquête devant porter sur la menace nécessite un mandat.

(NC) Concrètement, le SCRS orchestre le processus de demande de mandat suivant un système interne de préparation et d’approbation avant d’en arriver à la procédure légale visant à obtenir, de la part du Ministre, l’approbation de la demande de mandat. Pour faciliter la compréhension, l’OSSNR a divisé le processus relatif aux mandats en divers stades qui, en quelque sorte composent le « cycle de vie d’un mandat ». Voici en quoi consistent ces stades.

(NC) Un certain nombre de notions et d’attentes sont liées au processus s’appliquant aux mandats, en particulier « l’obligation de franchise » à l’égard de la Cour. Rappelons que les instances relatives aux mandats sont menées en l’absence de l’entité ciblée et sont fermées au public de sorte à protéger la nature secrète de la recherche. En contrepartie, compte tenu de la nature unilatérale de ces instances, les tribunaux (ainsi que les ordres professionnels de juristes qui régulent les professions juridiques) établissent fermement l’obligation de franchise – aussi appelée obligation de bonne foi la plus absolue – pour les avocats et les parties appelées à comparaître devant un tribunal. Les éléments de preuve présentés par la partie qui plaide doivent « […] offrir une preuve complète et détaillée, et n’omettre aucune donnée pertinente qui soit défavorable à son intérêt. » Conséquemment, la partie « effectuera un examen approfondi des renseignements en sa possession et présentera des observations fondées sur tous les renseignements, y compris ceux qui ne sont pas favorables à sa thèse. »

(NC) La notion de « caractère substantiel » dicte quels faits doivent être divulgués à la Cour. Ainsi, pendant son processus de demande de mandat, « le Service doit faire état de tous les faits importants, favorables ou non. » Le caractère substantiel d’un fait indique que celui-ci est déterminant pour une question en litige. Dans le cas des mandats du SCRS, « est considérée comme “importante” toute information qui présente un intérêt pour le juge appelé à décerner les mandats, qu’elle ait trait à la décision elle-même ou aux conditions connexes, s’il y a lieu. » Par exemple, sont essentiels « les faits sur lesquels le demandeur s’appuie pour avoir des motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire », permettant ainsi au SCRS d’enquêter sur une menace pesant sur la sécurité du Canada.

(NC) Toutefois, la Cour fédérale soutient que la notion de « substantialité » va au-delà des faits correspondant aux facteurs énumérés à l’article 21 de la Loi sur le SCRS. Par exemple, le caractère substantiel s’étend aux « renseignements concernant le cadre élargi dans lequel les demandes de délivrance de mandat au titre de la Loi sur le SCRS sont présentées. » En l’occurrence, l’obligation de franchise s’applique aux renseignements qui sont « pertinents quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge » de délivrer un mandat, ce qui comprend de « soulever les questions juridiques susceptibles de préoccuper la Cour fédérale ». Or, la vaste notion de caractère substantiel déborde largement les questions juridiques. En effet, elle s’étend également à la divulgation des faits et gestes du SCRS en cours d’exécution d’un mandat, un élément qui peut influer sur l’exercice du pouvoir judiciaire discrétionnaire de la Cour.

(NC) Cette catégorie générale des éléments « essentiels à l’exercice du pouvoir discrétionnaire » allude au rôle particulièrement important que tient la Cour fédérale à titre de principal organe de contrôle indépendant à l’égard des activités que le SCRS mène en considération d’un mandat. Contrairement aux mandats s’appliquant aux services de police – lesquels peuvent être examinés a posteriori par un autre juge dans le cadre de procédures contradictoires qui sont invoquées à la suite d’une enquête policière ayant donné lieu à des poursuites – le juge de la Cour fédérale est souvent le seul magistrat appelé à étudier la teneur d’un mandat du SCRS. Généralement, ni l’entité visée par le mandat ni le grand public ne seront tenus au courant des activités que le SCRS mène en considération d’un mandat. En l’occurrence, la Cour fédérale signale qu’il est doublement important d’observer l’obligation de franchise, et ce, dans tous les aspects de la démarche.

(NC) En revanche, nos entrevues ont clairement indiqué que l’application générale du caractère substantiel a soulevé des doutes et semé la confusion au sein du GLCSN et, du coup, au sein du SCRS. Les personnes interrogées qui ont soulevé la question semblaient d’accord pour dire que le souci de la Cour fédérale à l’égard de l’obligation de franchise avait trait désormais à deux catégories (au minimum), que nous désignons par les expressions « essentiel à la crédibilité » et « essentiel quant aux sources potentielles de préoccupation ». L’OSSNR définit ces deux catégories comme suit :

  • Essentiel à la crédibilité : faits se rapportant à un critère légal explicite que la Cour est appelée à évaluer, notamment, les normes d’origine législative dont les juges tiennent compte lorsqu’il s’agit de délivrer un mandat. Cette catégorie comprend, plus particulièrement, l’information qui influe sur la crédibilité des sources de l’information ayant pour objet d’appuyer la demande de mandat.
  • Essentiel quant aux sources potentielles de préoccupation : faits ou questions juridiques qui concernent les aspects inhabituels (ou inattendus) des activités du SCRS et qu’un juge souhaite connaître lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire relativement à la délivrance d’un mandat et à l’imposition des conditions connexes. Cette catégorie comprend, par exemple, la non-divulgation du recours à un savoir-faire qui a pour but de collecter de l’information en appui au mandat, mais qui pourrait constituer une activité illégale; la non-divulgation d’une mesure consécutive à un mandat, laquelle pourrait donner lieu à la communication d’informations à d’autres organismes et ainsi porter préjudice à l’entité ciblée; ou des circonstances suivant lesquelles le mandat doit être exécuté, mais qui ne sont pas explicitées dans la demande.

(NC) La première catégorie doit être bien saisie par le SCRS et par ses avocats. Or, les balises de la seconde catégorie ne sont pas aussi faciles à établir, et la question devrait être soumise à l’attention de l’avocat du ministère de la Justice et d’une équipe de spécialistes des affidavits, qui pourraient s’entretenir avec les régions pour établir les modalités selon lesquelles les mandats devraient être exécutés.

2. Historique des initiatives

(NC) Au SCRS, comme l’indique l’Annexe A, les manquements à l’obligation de franchise ont lieu depuis que le SCRS existe. Après chacun des manquements, les directeurs du SCRS ont promis des réformes. Le SCRS a bien adopté de nouvelles politiques, mais les problèmes ont persisté. En d’autres termes, de nombreux progrès ont été réalisés en théorie, sans toutefois résoudre les problèmes sous-jacents. Au reste, l’histoire du SCRS est ponctuée de plusieurs réformes sommaires, suivant lesquelles on a observé des cas de négligence, un roulement important de personnel ayant donné lieu à une dilution des connaissances organisationnelles ainsi qu’un renouvellement des ressources qui, en l’occurrence, ne répondait pas aux priorités énoncées. Certaines des personnes interrogées ont dit des réformes qu’elles se concentraient trop sur les détails procéduraux et pas suffisamment sur l’obtention de résultats tangibles et mesurables. Le SCRS ne dispose d’aucun mécanisme permettant de faire le suivi des réformes ou d’en mesurer les résultats. De l’avis de certains, les réformes du SCRS constituaient davantage des solutions temporaires que de réelles tentatives de résolution des problèmes fondamentaux et n’ont souvent donné lieu qu’à un alourdissement de la bureaucratie. Ainsi, l’OSSNR est d’avis que le principal défi qui attendra le SCRS sera de rompre le cycle qui l’empêche de réaliser des progrès tangibles.

Conclusion no 9 : L’OSSNR est d’avis que l’histoire du SCRS est ponctuée de plusieurs réformes sommaires, suivant lesquelles on a observé des cas de négligence, un roulement important de personnel ayant donné lieu à une dilution des connaissances organisationnelles ainsi qu’un renouvellement des ressources qui, en l’occurrence, ne répondait pas aux priorités énoncées. Le SCRS ne dispose d’aucun mécanisme permettant de faire le suivi des réformes ou d’en mesurer les résultats.

3. Description du processus s’appliquant aux mandats

(NC) Selon l’OSSNR, même les modalités de fonctionnement des processus de mandats posent leur part de problèmes. En interne, les exigences afférentes aux mandats ne sont pas adéquatement codifiées dans la politique en vigueur. Qui plus est, les politiques du SCRS sont en retard sur la réalité opérationnelle : elles sont souvent floues et désuètes, et elles comportent des dédoublements, quand elle ne sont pas carrément en contradiction les unes avec les autres. Les lacunes sur le plan stratégique étaient manifestes pendant l’examen des politiques s’appliquant aux mandats, politiques qui, d’ailleurs, avaient été actualisées en 2018, avant que le processus s’appliquant aux mandats ne subisse d’importants changements, notamment la mise sur pied de la Sous-section des déposants (SSD) en 2019. Compte tenu de ces difficultés, une question fondamentale se pose : les agents du SCRS qui mènent des enquêtes connaissent-ils suffisamment les critères en vertu desquels la loi exige la délivrance d’un mandat?

(NC) L’OSSNR a été informé qu’il existait un seuil clairement défini à partir duquel un processus de mandat doit être entamé pour ce qui a trait aux techniques de collecte bien établies. Toutefois, à défaut de politiques transparentes, le doute s’accroît sur le plan juridique, lorsqu’il est question de recourir à de nouvelles technologies dont les ramifications et les exigences juridiques demeurent indéfinissables.

a) Prioritization of Investigations for Warrants

(NC) Dès lors qu’une région ou un bureau a reconnu la nécessité d’obtenir un mandat, le SCRS doit d’abord établir en interne le niveau de priorité qu’il convient d’accorder au dossier ciblé ou à l’enquête pour demande de mandat. En pratique, cette priorisation consiste en un système de triage suivant lequel on détermine quelles ressources seront affectées aux demandes de mandat correspondant à certains dossiers. Cependant, l’OSSNR a constaté que les employés du SCRS qui prenaient part aux processus liés aux mandats n’avaient pas la même compréhension desdits processus ni les mêmes critères permettant d’évaluer le niveau de priorité d’un mandat. Même les cadres supérieurs du SCRS estimaient que le processus de priorisation leur paraissait nébuleux.

(NC) L’OSSNR a appris que les travaux sur les normes de priorisation de l’Administration centrale étaient toujours en cours et qu’ils donnaient occasionnellement lieu à des divergences d’intérêts. En outre, le sous-directeur des Opérations, (SDO) rencontre un certain nombre de cadres du SCRS toutes les semaines pour discuter des enquêtes nécessitant un mandat et pour faire état des récents développements sur le plan des opérations, des lois ou des processus qui pourraient influer sur les priorités et, par conséquent, sur les décisions à prendre quant à la priorisation s’appliquant aux mandats. Bien qu’on ait indiqué à l’OSSNR que des comptes rendus de décisions étaient produits au terme de chacune des réunions sur la priorisation des mandats, on ne sait toujours pas exactement quels sont les critères qui régissent ladite priorisation. Certains avancent que la priorisation s’est généralement concentrée sur les questions liées à la sécurité. D’aucuns ont plutôt soutenu que la priorisation prenait également en compte l’estimation du temps requis, la disponibilité des avocats et des déposants ainsi que la date d’échéance et, s’il y a lieu, de renouvellement des mandats. Les fréquents changements apportés au mécanisme de priorisation aurait censément donné lieu à des situations où le processus pouvait être fréquemment interrompu occasionnant ainsi des pertes de temps considérables tout en semant le doute quant au déroulement des opérations.

(NC) En raison de la complexité et de la nébulosité du processus de priorisation, il a été particulièrement difficile de porter, à l’attention de la Cour, de nouvelles questions visant à résoudre les ambiguïtés juridiques par le recours aux tribunaux. D’ailleurs, l’OSSNR a appris que des activités [ les effets nuisibles dans le contexte des opérations]. pour des questions de droit non résolues qui auraient pu être élucidées par la Cour. Or, bon nombre des personnes interrogées semblaient s’entendre sur le fait qu’un plus grand nombre de questions devraient être tranchées par la Cour, et qu’en cas de doute, il est préférable d’obtenir un mandat.

(NC) Tout compte fait, l’OSSNR estime que pour porter une question juridique à l’attention de la Cour, le SCRS doit se trouver devant une enquête à haut niveau de priorité et compter sur l’existence d’un scénario réel qui illustre parfaitement ladite question juridique. Il va de soi que toute tentative d’élucidation des incertitudes juridiques pose le risque d’obtenir une décision de justice qui réduit plutôt que d’accroître les mesures permises en cours d’enquête. Certaines des personnes interrogées ont laissé entendre qu’il y aurait une certaine réticence à soumettre des questions devant la Cour par crainte d’obtenir une « réponse désavantageuse ».

Conclusion no 10 : L’OSSNR est d’avis que les politiques du SCRS sont en retard sur la réalité opérationnelle : elles sont souvent floues et désuètes, et elles comportent des dédoublements, quand elles ne sont pas carrément en contradiction les unes avec les autres. Le défaut de politiques claires sème le doute, voire l’inquiétude et donne lieu à des interprétations divergentes quant aux normes juridiques et opérationnelles.

Conclusion no 11 : L’OSSNR est d’avis qu’il y a des lacunes sur le plan de la compréhension des processus et des critères permettant d’évaluer le niveau de priorité d’un mandat. Les fréquents changements apportés au mécanisme de priorisation ont accru le niveau d’incertitude quant au déroulement des opérations. Le processus de priorisation fait en sorte qu’il a été particulièrement difficile de porter, à l’attention de la Cour, de nouvelles questions visant à résoudre les ambiguïtés juridiques par des décisions de la Cour.

(NC) Recommandation no 6 : L’OSSNR recommande que le SCRS énonce clairement, adopte et diffuse en interne les critères régissant le processus de priorisation des mandats.

b) Complexité du processus d’obtention des mandats

(S/C) Dès lors qu’il accorde le niveau de priorité à une enquête ou à un dossier, le SCRS amorce le processus d’obtention d’un mandat. Ce processus s’avère long et comporte nombre de procédures bureaucratiques. En 1992, l’honorable George Addy a examiné le processus de traitement des mandats du SCRS : il a recensé [numeri] numéro étapes échelonnées sur une période allant de [Numéro] et nécessitant l’intervention de [Numéro] personnes. Ainsi, environ [numéro] personnes pouvaient être au courant de l’identité de la cible avant même que le mandat ne soit délivré, ce qui pouvait constituer une entorse au principe du « besoin de connaître ». George Addy s’est montré critique à l’égard de la longueur du processus de mandat. Il a écrit : [traduction] « quelles que soient les procédures qui seront ultimement choisies, il est de la plus haute importance que le temps requis pour obtenir un mandat ne dépasse jamais durée à compter de la date d’enclenchement du processus. »

(S/C) Or, [discussion de l'examen interne préalable]

(S) À l’heure actuelle, des documents fournis à l’OSSNR indiquent que dans le cas des mandats relatifs au renseignement de sécurité, le processus comporte numéro étapes administratives – dont numéro des étapes internes du SCRS et du ministère de la Justice – qui se déroulent avant la soumission de la demande devant la Cour fédérale. Pour ce qui concerne les mandats relatifs au renseignement étranger, on compte plutôt numéro étapes. Or, l’échéancier pour le renouvellement d’un mandat relatif au renseignement de sécurité est de numéro jours ouvrables, soit durée (voir l’Annexe B). Le processus fait appel à comités ou sous-sections au sein du SCRS (et possiblement davantage lorsque le mandat concerne plus d’une région), le GLCSN et Sécurité publique Canada. Au moins numéro gestionnaires du SCRS sont nommés en cours de processus, auxquels s’ajoutent numéro employés du ministère de la Justice de même que le ministre et le sous-ministre de la Sécurité publique.

(NC) L’OSSNR n’a pas été en mesure de trouver ne serait-ce qu’une personne qui soit en mesure de décrire précisément chacune des [multiple] étapes qui composent ce long processus; même les personnes qui contribuent de près au processus n’étaient pas toujours certaines de la portée réelle de chacune des étapes. Le nombre des étapes prescrites par la loi est modeste, mais il semble bien que ce nombre se soit accru progressivement malgré les tentatives répétées de simplification. Certaines étapes semblent le fait d’anciennes mesures de réforme mises en œuvre en réaction à des préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels, sans compter l’obligation de franchise. Et pourtant, comme il était indiqué au début du présent examen, les problèmes liés à la franchise persistent au SCRS.

(NC) Somme toute, le processus lié aux mandats semble pris dans un cercle vicieux où les manquements à l’obligation de franchise (ou la crainte d’éventuels manquements) incitent le SCRS à adopter nombre de solutions bureaucratiques qui ne font qu’ajouter à la complexité d’une démarche déjà longue et inefficace, sans résoudre les problèmes qui sont pourtant à l’origine des manquements à l’obligation de franchise. En effet, comme nous le verrons plus loin, la complexité du processus lié aux mandats semble constituer une cause importante des difficultés que le SCRS rencontre sur le plan de la franchise. Or, le SCRS et le ministère de la Justice doivent rompre ce cycle. En l’occurrence, toute solution viable nécessitera d’abord une analyse et des discussions portant sur le processus même de traitement des mandats.

c) Principales étapes du processus

(NC) Le SCRS compte cinq catégories de demandes de mandat, dont les plus courantes sont les suivantes : nouveaux mandats, remplacement de mandats et mandats supplémentaires. Chaque catégorie dispose de ses propres modalités d’engagement de la procédure. Pour chacune des demandes, le bureau compétent de l’Administration centrale ainsi que les régions opérationnelles du SCRS appelées à mener l’enquête préparent un [contenu du document]. Ensemble, les numéro documents donnent le détail des menaces et des cibles, et décrit les pouvoirs que le SCRS se propose d’exercer. Une fois l’approbation obtenue, le SCRS achemine le document au GLCSN pour que l’on y établisse le « seuil d’acceptation », c.-à-d. une évaluation visant à déterminer s’il y a des raisons valables de croire qu’un mandat est nécessaire pour enquêter sur la menace en question. C’est à partir du moment où le GLCSN conclut que les cibles énoncées répondent aux critères dudit seuil que le reste du processus de demande de mandat débute. Les principaux intervenants dans ce processus sont la Sous-section des déposants, le GLCSN et la Sous-section de l’administration des demandes de mandat (Administration des demandes mandat).

(NC) S’appuyant sur les conseils et le soutien juridique du GLCSN, la Sous-section des déposants est chargée de préparer les affidavits servant à étayer la demande de mandat. L’affidavit est un témoignage produit par écrit et sous serment par les déposants, et comprend les informations exigées en vertu de l’article 21 de la Loi sur le SCRS. Habituellement, l’affidavit comprend ce qui suit.

  • Partie 1 – Introduction : Cette section fait état de l’expérience de travail des déposants et présente les sources d’information ainsi que les pièces à l’appui de la demande.
  • Partie 2 – La menace : Cette section propose un portrait global de la menace, décrit les motifs pour lesquels cette menace fait l’objet d’une enquête et donne une liste des cibles concernées.
  • Partie 3 – Les sujets de l’enquête : Cette section comporte une description complète de la menace posée par chacune des cibles. En outre, cette description se fonde sur des témoignages de sources humaines et sur des rapports opérationnels.
  • Partie 4 – Pouvoirs demandés : Cette section décrit les techniques d’enquête « sans mandat » (c.-à-d. techniques pré-enquête ou ne nécessitant pas de mandat), mais qui sont employées à ce jour dans le cadre de l’enquête. Elle décrit également les pouvoirs sollicités dans la demande.
  • Partie 5 – Autres questions : Cette section fait état de la durée du mandat demandé ainsi que des consultations menées auprès du sous-ministre et du ministre conformément aux termes des paragraphes 7(2) et 21(1) de la Loi sur le SCRS. Loi sur le SCRS. Loi sur le SCRS.

(S) L’affidavit comprend également un certain nombre de pièces à l’appui, notamment les plus importantes, à savoir le précis de source humaine et le précis d’organisme étranger. Le précis de source humaine est un résumé des informations tirées des dossiers du SCRS qui permettent à la Cour d’évaluer la fiabilité et la crédibilité de la source humaine sans en révéler l’identité. Il comprend de l’information sur la relation entre la source et le SCRS, [description d'information] et sur les motifs. Le précis comprend aussi un tableau de corroboration servant à étayer les informations qui sont inscrites dans l’affidavit concernant la source. Lorsque la demande table sur de l’information fournie par un organisme étranger, le précis d’organisme étranger comprend des renseignements contextuels ayant trait au mandat de l’organisme concerné et à l’historique des relations entre cet organisme et le SCRS. Ce précis indique également si l’information sur laquelle la demande est fondée pourrait avoir été obtenue suite à l’infliction de mauvais traitements.

(NC) Une fois qu’elle a été approuvée et examinée pour s’assurer qu’elle suit toutes les étapes prévues – ce qui comprend l’approbation de l’avocat indépendant (AI), dont il sera question plus loin – la demande est acheminée devant le Comité d’examen des demandes de mandat (CEDM) pour approbation. Le Comité se compose de cadres supérieurs du SCRS et du ministère canadien de la Sécurité publique ainsi que d’observateurs issus d’autres organismes gouvernementaux, notamment le CST et la GRC. Au CEDM, le déposant décrit succinctement l’enquête; la demande fait l’objet de discussions, puis une décision est prise à savoir s’il y a lieu de donner suite à la demande et, dans l’affirmative, quels seraient les modifications qu’il conviendrait d’y apporter. La demande est ensuite présentée à Sécurité publique Canada où elle est examinée, puis acheminée au Ministre accompagnée d’un résumé et de conseils indiquant si le Ministre devrait approuver ladite demande. Une fois l’approbation donnée, le ministère de la Justice enregistre les documents afférents à la demande de mandat au nom du SCRS.

4. Remarques concernant le processus relatif aux mandats

a) Un long processus bureaucratique

(NC) La complexité du processus d’obtention des mandats au SCRS ne s’apparente en rien à la façon dont la police obtient ses mandats de perquisition. En soi, la longueur du processus pose des risques opérationnels [peut affecter le mandat]

(NC) Ce n’est pas sans raison que les mandats du SCRS s’avèrent un fardeau sur le plan administratif. Contrairement aux enquêtes de police, les enquêtes du SCRS ne produisent que très rarement des preuves pouvant donner lieu à des poursuites criminelles. Elles ne s’exposent donc pas à d’éventuelles contestations de la part d’une partie qui aurait avantage à contester le bien-fondé du mandat. Dans le contexte des mandats du SCRS, les mesures de protection sont ainsi prospectives. Elles disposent, à juste titre, de mesures bureaucratiques d’approbation ainsi que d’un pouvoir exécutif exercé par le ministre de la Sécurité publique et d’un pouvoir judiciaire exercé par la Cour fédérale. En l’occurrence, certaines étapes – notamment l’intervention du Comité d’examen des demandes de mandat dont il sera question plus loin –, constituent un atout. Toutefois, il faut convenir qu’un accroissement excessif du nombre d’étapes n’améliore en rien la qualité du processus. En effet, l’OSSNR a remarqué que bon nombre des étapes du processus relatif aux mandats ne représentaient, en fait, que des correctifs mineurs et des modifications administratives sans grand impact, qui tendent à tourner le processus en exercice de rédaction pour le comité. Qui plus est, de l’avis de la majorité, la multiplication des étapes n’a servi qu’à créer un processus lent, dysfonctionnel et dépourvu de mécanismes de responsabilisation.

(NC) Pour plusieurs des personnes que nous avons interrogées, le processus se caractérise comme suit :

  • Manque de mesures de responsabilisation attribuable à la multiplication des étapes d’approbation : Certaines des personnes interrogées ont décrit la multiplicité des mesures d’approbation comme étant un symptôme de la culture organisationnelle du SCRS, où la responsabilisation est une notion floue dont on ne sait trop à qui elle incombe précisément. Certaines personnes interrogées vont plus loin en déclarant que la surmultiplication des stades d’approbation témoigne d’une culture accablée par la peur du risque, où les intervenants adoptent une approche suivant laquelle les approbations et les décisions sont souvent rendues selon l’avis du plus grand nombre. Dans ce modèle, personne n’est individuellement responsable. La responsabilisation est plutôt abstraitement répartie dans l’ensemble de l’organisation. La haute direction a contesté cette caractérisation en faisant valoir la notion de responsabilisation partagée fondée sur un système d’approbations. Néanmoins, personne ne s’est inscrit en faux contre le fait que le concept de responsabilisation méritait d’être précisément défini.
  • Rechercher l’approbation au détriment de la substance : La longue liste d’approbations qui caractérise le processus devant mener à l’obtention d’un mandat est chronophage; chaque niveau d’approbation entraîne l’arrêt temporaire des travaux, ce qui réduit considérablement le temps précieux que l’on pourrait consacrer à la préparation de la demande de mandat. Comme il n’est pas toujours évident de savoir quelle fonction doit être exercée aux diverses étapes, il devient difficile de distinguer les étapes essentielles des mesures d’examen, d’approbation ou de vérification de la part de la direction. Toutefois, selon les estimations de l’OSSNR, seulement [durée] aux fins d’une demande de mandat (renouvellement) servent à l’accomplissement des tâches essentielles. Selon plusieurs personnes interrogées issues de divers niveaux hiérarchiques, il aurait fallu consacrer plus de temps à la préparation et moins aux approbations de la direction. On compte bien quelques tentatives récentes ayant fait en sorte que plusieurs étapes se déroulent simultanément, mais rien n’indique que le temps libéré ait été réinvesti dans la préparation des parties plus complexes de la demande, notamment celle du précis de source humaine.
  • Un processus truffé de « boîtes noires » : Le processus relatif aux mandats fait appel à un nombre importants d’intervenants. Or, il arrive souvent que les responsables qui prennent part aux diverses étapes ne soient au fait ni des décisions prises à d’autres étapes ni des motifs invoqués pour justifier ces décisions. Autrement dit, chaque responsable connaît sa propre sphère d’intervention tout en ignorant l’essentiel de ce qui est accompli dans les autres parties du même processus. Selon toute apparence, il y a un nombre insuffisant de mécanismes (voire aucun) de rétroaction qui aurait permis aux intervenants des divers niveaux de connaître la teneur des décisions prises dans l’ensemble du processus. Cette tendance à cantonner les informations dans des silos a fait en sorte que bon nombre d’employés ont eu le sentiment que leur connaissance du processus relatif aux mandats n’était pas à la hauteur des exigences. En effet, ces employés auraient préféré avoir une meilleure vision de l’ensemble du processus.
  • Manque d’implication des régions : L’approche préconisant les silos ou encore les « boîtes noires » défavorise les enquêteurs des régions. Alors que les demandes de mandat émanent des régions et sont présentées dans le but de soutenir les enquêtes des bureaux régionaux, les responsables des opérations des régions ne tiennent qu’un rôle accessoire pendant le processus relatif aux mandats. Le traitement progresse dans le cas de certaines demandes, alors qu’il stagne dans le cas d’autres demandes, mais personne ne saurait dire pourquoi c’est ainsi. Selon ce qui a été rapporté à l’OSSNR, lorsqu’il est temps de renouveler les mandats, l’Administration centrale ne cherche généralement pas à obtenir l’apport des régions concernant les nouvelles techniques de collecte, et les régions peinent à apporter, aux versions subséquentes des mandats, des modifications visant à faire en sorte que le libellé exprime clairement les besoins opérationnels. De fait, les personnes interrogées ont souvent plaidé en faveur de mécanismes de rétroaction et d’une meilleure intégration des régions (notamment sur le plan technique) pendant le processus de demande des mandats. Les régions sont les mieux placées pour signaler les préoccupations relatives aux enquêtes et aux sources impliquées, préoccupations qui ne sont assurément pas sans intérêt pour la Cour. Ainsi, l’OSSNR note que l’affidavit et le précis de source humaine devraient être régulièrement mis à la disposition des responsables des sources dans les régions. De même, les régions concernées devraient être consultées tout au long du processus de demande de mandat et devraient être représentées au Comité d’examen des demandes de mandat.
  • Portée et envergure démesurées : Une autre source de préoccupation est l’ampleur considérable de certains des affidavits que le SCRS a présentés en soutien aux demandes de mandat. Cette ampleur est particulièrement remarquée dans le cas des mandats [type] qui sont sollicités dans le but d’appuyer plusieurs enquêtes au moyen d’une seule demande. Corollairement, on note la tendance du SCRS à inclure des requêtes concernant un vaste éventail de techniques d’enquête, sans préciser si ces celles-ci seront utilisées ou non. On serait porté à croire que cette tendance repose sur le précepte voulant qu’il soit préférable de demander d’emblée tous les pouvoirs possibles plutôt que d’avoir, éventuellement, à perdre un temps précieux à retourner devant la Cour. Or, une approche viable favoriserait plutôt la présentation de demandes ciblées et simplifiées. En l’occurrence, les demandes seraient plus nombreuses, mais elles auraient l’avantage d’être plus facilement planifiables. Ce type d’approche a d’ailleurs été fréquemment proposée par les personnes interrogées. Bien sûr, cette approche ne réussirait qu’à condition que les demandes de mandat, quoique plus nombreuses, n’affichent pas l’ampleur ni la complexité qui caractérisent les mandats dits [type]. Car, en effet, si le fardeau administratif lié aux approbations devait continuer de s’imposer, comme c’est le cas actuellement, cette nouvelle approche serait probablement vouée à l’échec. Cela dit, cette « réforme » ne s’avérerait judicieuse que si l’on s’éloigne de l’approche préconisant l’application d’une solution unique à toutes les demandes de mandat, et si la longueur et la complexité des demandes ne vont pas nécessairement de pair avec l’ampleur ou le degré d’intrusion des techniques envisagées.

(NC) Ainsi, l’OSSNR est d’avis que le SCRS pourrait apporter d’importantes modifications qui auraient pour effet d’améliorer substantiellement l’efficience du processus de demande de mandats. En outre, l’OSSNR estime que la bureaucratisation du processus relatif aux mandats du SCRS, telle qu’elle a été décrite précédemment, n’a aucunement donné les résultats escomptés; bien au contraire, le manque de clarté sur le plan de la responsabilisation, l’inefficacité des modalités de communication et la complexité excessive sont autant de facteurs qui ont donné lieu aux problèmes que le processus connaît actuellement. D’ailleurs, l’OSSNR adhère au point de vue voulant que le temps soit davantage consacré aux étapes favorisant l’amélioration des mandats, ce qui comprend la mise à contribution des régions.

(NC) Le processus relatif aux mandats doit éviter de s’enliser dans une paperasse appelée à cheminer inutilement entre divers bureaux. Les étapes actuelles devraient être ou bien éliminées ou bien menées en simultanéité avec d’autres étapes essentielles, ce qui éviterait les interventions pro forma – perçues ou réelles – de la part d’intervenants qui ne semblent pas enclins à prendre une part active dans le processus relatif aux mandats. En d’autres termes, le SCRS devrait éliminer toutes les étapes qui ne contribuent pas précisément à l’optimisation du niveau d’efficience du processus.

Conclusion no 12 : L’OSSNR est d’avis que les intervenants prenant part au processus relatif aux mandats sont susceptibles d’interpréter/de percevoir différemment les motifs justifiant chacune des [multiple] steps in the overarching warrant application scheme and are not always sure what role each approval step plays.

Conclusion no 13 : L’OSSNR est d’avis que la surmultiplication des procédures devant mener à l’obtention de mandats a considérablement affaibli le degré de responsabilisation d’un système désormais considéré comme étant lent et désorganisé, mais aussi caractérisé par les retards causés par la multiplicité des niveaux d’approbation.

Conclusion no 14 : L’OSSNR note qu’il n’y a aucun système formel de rétroaction qui puisse faire en sorte que les motifs des décisions prises à un niveau donné soient connus des intervenants des autres niveaux. Le défaut de rétroaction est particulièrement évident du côté des enquêteurs régionaux.

Conclusion no 15 : L’OSSNR constate que souvent, le seul moyen de résoudre les doutes en matière juridique est de porter les questions litigieuses devant la Cour fédérale par l’intermédiaire de demandes de mandat. En l’occurrence, le lourd processus relatif aux mandats complique inutilement les mesures de résolution des doutes juridiques.

Suivant ces conclusions, l’OSSNR formule les recommandations ci-après concernant le processus relatif aux mandats :

Recommandation no 7 : Que le SCRS mette en place un nouveau processus relatif aux mandats qui élimine les étapes ne contribuant pas indispensablement à l’optimisation des demandes. Le processus devrait énoncer clairement les règles de responsabilisation qui contribueront à l’optimisation des demandes. Une fois rationnalisé, le système devrait réduire au minimum les retards engendrés par les approbations de la direction et réinvestir le temps économisé dans les étapes d’optimisation des demandes.

Recommandation no 8 : Que le SCRS consulte les intervenants régionaux (notamment, les enquêteurs concernés) à chacun des jalons du processus relatif aux mandats.

Recommandation no 9 : Que le SCRS adopte des politiques et des procédures qui régissent le processus rationnalisé s’appliquant aux mandats; qu’il énonce clairement les rôles et les responsabilités qui incombent à chacun des participants et définisse précisément l’objet de chacune des étapes du processus s’appliquant aux mandats; que les politiques adoptées soient tenues à jour suivant l’évolution du processus.

b) Gestion lacunaire de l’information dans les régions

(NC) Lorsqu’il s’agit du processus relatif aux mandats, l’OSSNR se fait souvent demander qui devrait être responsable de l’optimisation (précision et exhaustivité) des demandes de mandat. Il y a deux points de responsabilité évidents. D’abord, c’est au personnel des bureaux régionaux où sont menées les enquêtes qu’il revient de fournir, au processus de production des demandes de mandat, des informations complètes, exactes et adéquatement mises en contexte. Ensuite, l’intervenant portant la responsabilité la plus importante est le déposant, dont l’affidavit (déclaration sous serment) vient en appui à la demande de mandat et fournit les éléments factuels devant permettre à la Cour de conclure si les obligations juridiques ont été respectées, autorisant ainsi la délivrance du mandat. D’ailleurs, en cas de non-respect de l’obligation de franchise, il faudrait conclure que l’affidavit n’a pas été adéquatement conçu. Or il faut comprendre que le respect de cette obligation peut s’avérer inutilement difficile tant pour les régions que pour le déposant, et ce, pour les raisons suivantes.

(NC) Les demandes de mandat du SCRS reposent souvent sur des informations collectées auprès de sources humaines confidentielles. Comme énoncé précédemment, la fiabilité de ces informations – sans oublier la crédibilité de la source – constitue l’un des principaux faits substantiels à l’appui des demandes de mandat. Ainsi, tout défaut de fournir à la Cour les informations relatives à la crédibilité constitue une violation flagrante à l’obligation de franchise.

(NC) Il convient de rappeler que la source des informations est identifiée dans la demande de mandat, plus exactement dans le précis de source humaine et dans l’affidavit. Or, le précis et l’affidavit sont produits à partir d’informations initialement collectées par les régions, où sont d’ailleurs gérées les sources humaines. Par conséquent, la qualité de l’affidavit est tributaire de la qualité des informations fournies par les régions. Dès lors que ces informations sont incomplètes, aucune des [plusieurs] étapes du processus d’obtention des mandats ne parviendra à combler cette lacune. D’ailleurs, il convient de noter que des omissions concernant les sources humaines ont eu lieu à maintes reprises par le passé. Dans le présent rapport, cette anomalie est désignée par le terme « problème des omissions récurrentes ».

i. Méprise quant aux notions

(NC) L’OSSNR relève un certain nombre de facteurs qui accroissent le risque que les régions omettent d’inscrire certaines informations substantielles dans la demande de mandat. En effet, certaines atteintes à l’obligation de franchise semblent liées à ces facteurs.

(NC) Certains ont indiqué à l’OSSNR que les agents de police apprenaient à formuler un argumentaire qui « met leur travail en évidence » et que les responsables des informateurs de police étaient généralement au fait des difficultés liées à la crédibilité et à l’obligation de franchise. Or, la culture du SCRS n’est pas tout à fait en accord avec cette norme, malgré l’ampleur des attentes juridiques qu’il est pourtant obligatoire de respecter. D’ailleurs, les agents du SCRS qui rédigent des rapports de renseignement ont appris à dissocier la substance du renseignement de sa provenance, de sorte à permettre la diffusion du rapport afférent auprès des clients du gouvernement sans divulguer, directement ou indirectement, l’identité de la source aux lecteurs.

(NC) En effet, il semble y avoir un écart entre, d’un côté, la compréhension traditionnelle du SCRS à l’égard de la notion de responsabilisation à des fins de renseignement et, de l’autre côté, la notion de crédibilité au sens large qui s’applique aux questions juridiques. La fiabilité du renseignement se fonde sur les antécédents de la source, lesquels sont corroborés par d’autres sources d’information. Toutefois, la crédibilité peut aussi dépendre d’autres informations concernant la source elle-même, notamment sa conduite personnelle et ses dispositions. Au SCRS, les responsables des sources peuvent être culturellement enclins à accorder du mérite à leurs sources. Ces mêmes responsables peuvent également être réticents à lever le voile [description de relation entre les responsables des sources et les sources]. Au reste, l’OSSNR a maintes fois entendu dire que les agents du SCRS prenant part aux premières étapes de la préparation des mandats n’avaient pas une compréhension approfondie des attentes juridiques découlant de l’obligation de franchise.

(NC) Pour les raisons énoncées plus haut, il a semblé échapper à ces agents que la conduite affichée par la source – [exemple de conduite d'une source] – pouvait constituer une information substantielle qu’il est important de transmettre à la Cour lorsqu’il s’agit d’établir la crédibilité de ladite source. Le SCRS a probablement déjà relevé ces problèmes de longue date, ce qui ne l’a pas empêché de conclure que les informations rapportées par les sources étaient généralement exactes. Pour le reste, les agents n’ont peut-être pas réalisé qu’il était essentiel de présenter ce type d’élément contextuel devant la Cour. Il est également possible que les agents se méprennent sur la façon dont la Cour interprète les failles d’une source et qu’ils craignent, du coup, que les informations provenant de leurs sources soient écartées en raison de ces failles. De fait, la Cour est en mesure de comprendre que les seules failles morales d’une source ne sont généralement pas suffisantes pour la discréditer. En outre, les juges ne tiennent pas pour acquis – pas plus que les policiers dans le cadre d’enquêtes sur le crime organisé – que les sources sollicitées en cours d’enquêtes sur la sécurité nationale se comportent toujours comme des citoyens modèles. C’est d’ailleurs ce qui a été rappelé par la Cour, qui énonçait ce qui suit : « lorsqu’il s’agit d’évaluer des informations de sources humaines dans le contexte d’une demande de mandats présentée en vertu de la Loi sur le SCRS, il faut s’attendre à constater que certaines d’entre elles ont un mode de vie que d’aucuns considéreraient comme peu recommandable. »

(S) En matière de des sources humaines, [nom d'une processus] des sources humaines, chaque source reçoive une une brève description standardisée de [Discussion des enjeux des sources humaines, incluant fialibilité et crédibilité]

(NC) Lorsqu’il s’agit de délivrer un mandat, le rôle que tient le juge est différent. En outre, celui-ci doit conclure, en toute indépendance, que l’information qu’on lui a présentée est fiable. Pendant cette évaluation indépendante, le juge doit disposer de toutes les informations qu’il estime nécessaire pour conclure que la source desdites informations est fiable et crédible, et ce, même si le SCRS estime d’emblée que les informations sont exactes. D’ailleurs, la Cour fédérale a récemment énoncé ce qui suit :
« Les juges de la Cour s’attendent à ce qu’un précis de source humaine porte à leur attention toutes les informations en la possession du Service pouvant leur être utile pour évaluer la crédibilité ou la fiabilité d’une source humaine. À cet égard, pour respecter son obligation de franchise, le Service est tenu de fournir à la Cour fédérale un portrait utile et complet de la crédibilité et de la fiabilité d’une source humaine sous la forme d’un précis de source humaine. L’employé du Service doit éviter de mettre des gants blancs, de dissimuler des informations, de donner des demi-vérités et de communiquer à la Cour des informations fausses ou trompeuses. »

(NC) À cette fin, l’évaluation que le SCRS fait de la fiabilité de sa source peut être pertinente, mais ce n’est pas le rôle de la Cour de croire le Service sur parole. Pour illustrer le propos, l’OSSNR présente d’ailleurs une analogie tout à fait pertinente : l’affidavit doit [traduction] « montrer le travail accompli par le SCRS » au même titre que l’étudiant en mathématiques doit montrer l’intégralité des calculs qui l’ont mené à la résolution d’une équation. Ainsi, l’affidavit doit contenir l’intégralité des éléments pris en compte pour évaluer la crédibilité d’une source et doit fournir les arguments suivant lesquels le SCRS considère comme fiables les informations provenant de la source. Le juge peut alors faire sa propre évaluation plutôt que de se fier aveuglément au conclusions déjà tirées par le SCRS. Ainsi, le fait de tirer des conclusions sans avoir « montré le travail accompli » et sans avoir bien saisi l’ensemble des facteurs liés à la crédibilité équivaut à une atteinte à l’obligation de franchise; a fortiori lorsque le SCRS conclut qu’une source est fiable en dépit de certains facteurs qui, en soi, peuvent susciter le doute à l’égard de la crédibilité de la source. L’OSSNR estime que cette analogie peut être utile pour peu que le fait de « montrer le travail accompli par le SCRS » englobe toutes les informations substantielles qui justifient la délivrance du mandat. Nous reviendrons à cette question plus loin.

(NC) En résumé, pour éviter les « omissions récurrentes » au moment de présenter des dossiers à la Cour, les intervenants du SCRS doivent approfondir leur compréhension à l’égard du rôle de cette Cour. Cet approfondissement est d’autant plus important parmi les intervenants chargés de préparer les demandes de mandat, notamment, les responsables des sources qui sont appelés à colliger les informations.

ii. Difficultés sur le plan de la gestion des informations

(S) Même si les agents du SCRS étaient pleinement conscients de la portée de la notion d’obligation de franchise envers la Cour, on assisterait tout de même à de nombreuses omissions récurrentes, compte tenu de la façon dont le SCRS gère ses informations. Pendant les entrevues qu’il a menées, l’OSSNR a entendu dire que la gestion que le SCRS exerçait sur les informations relatives aux sources humaines posait problème. [discussion sur les questions de GI]

(S) Même si les agents du SCRS étaient pleinement conscients de la portée de la notion d’obligation de franchise envers la Cour, on assisterait tout de même à de nombreuses omissions récurrentes, compte tenu de la façon dont le SCRS gère ses informations. Pendant les entrevues qu’il a menées, l’OSSNR a entendu dire que la gestion que le SCRS exerçait sur les informations relatives aux sources humaines posait problème. [discussion sur les questions de GI]

(S) Comme les informations relatives aux sources [discussion sur les questions de GI] le processus d’examen peut s’avérer laborieux. Lorsque l’on tient compte du premier facteur énoncé précédemment – à savoir les lacunes affichées par les agents du SCRS sur le plan de la compréhension de la notion juridique de « caractère substantiel » – l’on comprend que les erreurs deviennent inévitables. De plus, étant donné que les rapports opérationnels préparés par les contrôleurs des sources sont acheminés par la voie hiérarchique, il n’y a aucun moyen qui permette de faire le suivi des changements apportés aux rapports des contrôleurs des sources par les superviseurs. Par conséquent, il devient difficile de cerner l’origine de tout problème qui pourrait se présenter.

iii. Résoudre le problème des omissions récurrentes

(NC) Ces problèmes n’ont pas échappé au SCRS ni au GLCSN. Ceux-ci ont donc prodigué des formations spéciales sur la nécessité de tenir une documentation adéquate pour être en mesure de respecter l’obligation de franchise à l’égard de la Cour. Depuis un certain temps, l’avocat du ministère de la Justice dispose d’un accès plus large aux documents sur les sources. Dans certains cas récents, il a même pu réagir au problème des omissions récurrentes en faisant appel directement à l’avocat responsable des mandats pendant l’examen des dossiers sur les sources. Toutefois, l’audit des dossiers sur les sources par un avocat exige des ressources importantes et pourrait ainsi décharger le SCRS de sa responsabilité quant à la préparation des informations sur les sources. Or, c’est le déposant qui, de concert avec les régions, doit être garant et responsable de l’exactitude des informations relatives aux sources, et non un avocat.

(S) En règle générale, le SCRS doit s’assurer que les contrôleurs des sources enregistrent rigoureusement les informations ayant trait à la crédibilité, même lorsque celles-ci semblent a priori accessoires. Au reste, le manque de documentation adéquate a fait l’objet de l’une des principales conclusions du rapport Rosenberg faisant suite à un examen indépendant demandé dans la foulée d’un manquement à l’obligation de franchise à l’égard de la Cour. En réaction à cet incident, le SCRS a mis sur pied le projet [Nom] dont le principal objectif était de favoriser l’amélioration des modalités de documentation dans l’ensemble des opérations et des activités de renseignement et, du même coup, d’améliorer l’efficience des opérations. L’un des gains réalisés grâce à [Nom] est le déploiement régional [discussion sur l'outil de collecte d'informations] L’OSSNR a appris que cette approche était en voie de devenir prioritaire pour ce qui a trait aux sources dont les informations constituent un appui aux mandats en vigueur.

(S) L’OSSNR a appris, toutefois, que le fait de remplir représentait une tâche considérable nécessitant un examen complet et approfondi. Qui plus est, l’OSSNR s’est fait dire que les contrôleurs des sources avaient exprimé une certaine frustration à l’égard de la mise en œuvre de cette exigence singulière, alors qu’ils auraient préféré que l’on table sur [catégotie de] qui existaient déjà, [exemples de documents pré-existants]

(S) En l’occurrence, le SCRS reconnaît avoir conçu en tant qu’outil temporaire visant à atténuer le problème global des omissions récurrentes. Or, l’un des objectifs à long terme du projet [Nom] était de développer un système [objectifs du système]. On n’a pas encore établi si ledit système fonctionnerait en autonomie, s’il serait intégré à l’un des systèmes en place ou s’il serait conçu de sorte à faire partie du prochain [Nom] lequel aura pour vocation de consolider tous les processus administratifs et toutes les étapes de travail essentiels à la gestion d’un cas et à la documentation des progrès réalisés en cours de gestion. Il est prévu que [Nom] soit partiellement mis en œuvre [durée] alors que le système [Nom] devant servir à gérer les informations relatives aux sources humaines n’en est qu’à ses premiers balbutiements et cherche encore à définir la solution qu’il conviendrait d’adopter. Cette situation est alencontreuse dans la mesure où le [outil d'information] n’est qu’une solution de rechange que l’on applique à un problème qui, sur le long terme, nécessiterait une amélioration des fondements de la gestion des informations relatives aux sources humaines.

(S) Hormis les considérations visant le long terme, il faut admettre que le processus [l'outil de collecte d'information] est loin d’être une panacée. D’abord, la qualité [l'outil de collecte d'informations] n’est proportionnelle qu’aux compétences de la personne qui le remplit. Or, jusqu’à récemment, aucune formation l'outil d'information n’était prodiguée aux contrôleurs des sources. Qui plus est, plus d’une année après l’adoption [util de collecte d'informations,] la Division de l’apprentissage et du perfectionnement du SCRS n’était toujours pas au courant de l’utilisation en tant qu’outil. Par ailleurs, il devrait être possible de réaliser un audit visant les réponses inscrites l'outil de collecte d'informations . Avant la création de la Sous-section des déposants (SSD), l’énoncé des faits était examiné par [Nom des sections et postes qui effectue un examen]. Seul [poste] avait accès à l’intégralité des informations relatives aux sources humaines, dans la mesure où la vérification était considérée comme une tâche accessoire (side of desk). Désormais, la SSD a accès aux dossiers sur les sources humaines, et selon ce qui a été rapporté à l’OSSNR, la SSD est en mesure d’examiner les documents originaux cités dans les l'outil de collecte d'informations , d’interroger les bases de données sur les sources humaines et les opérations, et de consulter les contrôleurs des sources humaines. Toutefois, pour optimiser le rendement de ces tâches, la SSD aura besoin de nouvelles ressources et devra être encouragée à mener des audits visant l’information préparée par les régions. En l’occurrence, le présent rapport traite de la question de la viabilité de la SSD plus loin.

(NC) En définitive, plusieurs personnes interrogées ont indiqué que le processus amélioré affichait un certain nombre de problèmes existants de longue date relativement aux sources humaines du SCRS. En l’occurrence, de nouveaux problèmes liés à l’obligation de franchise sont mis au jour depuis le resserrement des examens des dossiers relatifs aux sources humaines pendant la préparation des mandats. Il s’agit là d’une conséquence regrettable d’anciennes pratiques relâchées du SCRS. Ainsi, pendant les prochaines années, la Cour fédérale pourra s’attendre à recevoir de nouveaux cas concernant l’obligation de franchise. Pour sa part, l’OSSNR devra être en mesure de faire la distinction entre deux types de problèmes liés à l’obligation de franchise : ceux qui durent depuis longtemps, comparativement à ceux qui sont apparus récemment, à savoir depuis la mise en œuvre des améliorations.

(NC) Conclusion no 16 : L’OSSNR constate que le SCRS a éprouvé des difficultés lorsqu’il s’est agi de veiller à ce que toutes les informations substantielles permettant d’établir la crédibilité des sources soient adéquatement consignées dans les demandes de mandat. Le problème des « omissions récurrentes » est principalement attribuable à la méconnaissance du rôle tenu par la Cour fédérale dans l’évaluation de la crédibilité des sources ainsi qu’à l’éparpillement des informations dans plusieurs systèmes de gestion distincts. Le SCRS a apporté d’importants changements, mais il reste beaucoup à faire avant de pouvoir mettre en œuvre une solution à long terme qui soit viable.

Recommandation no 10 : Pour résoudre la question apparemment inéluctable des « omissions récurrentes », l’OSSNR recommande que le SCRS regroupe toutes les tâches de gestion des informations relatives aux sources humaines en [un système amélioré]. Dans le même temps, le SCRS devrait continuer de mettre en œuvre des initiatives ayant pour objet de veiller à ce que les contrôleurs des sources se montrent rigoureux lorsqu’il s’agit de documenter les informations faisant foi de la crédibilité des sources et d’en inscrire l’intégralité dans les précis de sources humaines. Parallèlement à ces initiatives, la Sous-section des déposants devrait adopter et suivre des procédures de vérification des informations ayant été préparées par les régions.

c) La Sous-section des déposants

(NC) Comme mentionné précédemment, l’intervenant portant la responsabilité la plus importante à l’égard du produit final est le déposant, dont l’affidavit (déclaration sous serment) vient en appui à la demande de mandat et fournit les éléments factuels devant permettre à la Cour de conclure si les obligations juridiques ont été respectées. Or, bien que les interlocuteurs de l’OSSNR soient d’accord pour dire que les déposants sont ultimement responsables de l’affidavit, l’OSSNR remarque que ceux-ci n’ont reçu ni le statut ni les pouvoirs leur permettant de s’acquitter de cette obligation.

i. L’approche traditionnelle

(NC) Avant 2019, le SCRS recrutait des déposants dans le cadre d’enquêtes en matière de renseignement de sécurité, pour ponctuels prêter main forte au traitement d’une demande de mandat. Le poste de déposant professionnel n’existait pas. En conséquence, on a observé d’importantes disparités entre les divers déposants, particulièrement sur le plan de l’érudition et des compétences. Selon les propos rapportés à l’OSSNR, les employés appelés à tenir le rôle de déposant n’étaient pas forcément les meilleurs candidats. Il s’agissait plutôt de personnes qui disposaient de temps, qui étaient en surnombre pour ce qui a trait aux opérations et qui ne possédaient souvent pas d’expérience concernant les processus liés aux affidavits. Le manque de rigueur affiché pendant la sélection des déposants était pour le moins surprenant pour les représentants de l’OSSNR. En effet, le déposant est ni plus ni moins que le porte-parole du SCRS auprès de la Cour fédérale, à savoir, le seul organe apte à autoriser le recours aux techniques d’enquête intrusives. Pour le SCRS, la constitution d’une équipe de déposants de premier plan aurait dû être de la plus haute importance.

ii. L’approche en vigueur

(NC) En 2017, en réaction aux recommandations du rapport Segal (voir l’Annexe A), le Groupe de travail sur les affidavits (GTA) du SCRS recommandait la création d’une Sous-section des déposants composée [traduction] « d’agents du renseignement expérimentés appelés à se consacrer entièrement à leur fonction de représentant du Service devant la Cour. »Ainsi, force est d’admettre que cette nouvelle sous-section avait pour objet de constituer un centre d’expertise regroupant les déposants.Le GTA a recommandé que les déposants soient embauchés au niveau 10 (niveau d’un cadre supérieur) dans la hiérarchie des postes du SCRS pour [traduction] « témoigner du rang et de l’importance accordés à ce rôle » ; il a également recommandé la prestation de séances de formation et de perfectionnement devant constituer des éléments essentiels à la réussite de la Sous-section. Le GTA a aussi proposé un processus et des structures devant favoriser le développement de ladite Sous-section.

(NC) C’est en 2019 que le SCRS a créé la Sous-section des déposants (SSD) à la suite d’une demande du directeur et à l’occasion de la décision 2020 CF 616 de la Cour fédérale. L’OSSNR s’est fait dire à plusieurs reprises que les ressources affectées à la Sous-section se fondaient sur des estimations réalisées en 2019 par l’équipe de gestion du projet. En outre, le « Rapport de fin de projet – Établissement de la Sous-section des déposants » du SCRS faisait état du besoin d’instaurer, pour la SSD, une structure reposant sur « [numéro] déposants » devant s’acquitter annuellement d’environ [numéro] de mandat au titre de l’article 12, selon la moyenne des années antérieures. Pour des raisons encore nébuleuses, la structure définitive et approuvée ne comptait que la moitié du nombre recommandé de déposants, à [numéro] Ainsi, la structure définitive se composait [description de la structure interne]. Le mandat de la SSD a ensuite été élargi pour comprendre désormais les demandes de mandat pour les enquêtes menées au titre de l’article 16, ce qui prévoyait l’ajout [numéro] Il convient toutefois d’indiquer que ce déposant relève à la fois de la Sous-section [Nom] et de la Sous-section des déposants. Le présent rapport traite plus loin des répercussions que les modalités de dotation ont eues sur la SSD.

iii. L’avantage de miser sur une Sous-section des déposants

(U) Professionalizing affiant work involves trade-offs. For instance, dedicated affiants are better placed to develop and implement consistent processes and standards regarding warrant preparation, but will often have less mastery of the operational details than an affiant chosen from an operational desk, thereby obliging the affiant to spend considerable time familiarizing themselves with the details of each application. Still, our interviewees were consistently of the view that despite the trade-offs, the dedicated affiants and the AU itself represented a significant improvement over the prior ponctuels approach, and noted that the new dedicated affiants have been well received by the Court. Indeed, NSIRA is of the view that a well-staffed AU should constitute a body of expertise on warrant preparation within Robust vetting by the AU could also replace many of the seemingly pro forma qui, de fait, n’apportent que très peu au processus.

(NC) L’avocat du ministère de la Justice signale avoir établi des relations de travail efficaces avec les déposants, dont ils jugent qu’ils sont compétents et professionnels. Toutefois, pour des motifs qui seront exposés plus loin, certains avocats se disaient préoccupés par le fait que les déposants s’exposaient à l’épuisement professionnel et ont exprimé leur inquiétude quant à la viabilité de la SSD.

(NC) Pour ce qui a trait aux régions, nous avons appris que certains déposants avaient pris l’initiative de communiquer régulièrement avec leurs partenaires régionaux, ce qui a permis de créer des liens pouvant prévenir d’éventuelles entorses à l’obligation de franchise. En effet, l’OSSNR a entendu dire que les enquêteurs et leurs supérieurs se réjouissaient de la création de la SSD en tant que mécanisme d’obtention des mandats. L’OSSNR s’est également laissé dire que les voies de communication entre la SSD et les régions devraient faire partie des pratiques courantes, dans la mesure où elles représentent une amélioration comparativement à l’actuel modèle de travail en silos qui prévaut entre l’AC et les sous-sections régionales responsables de l’exécution des mandats. L’OSSNR est d’accord pour affirmer que les déposants devraient communiquer régulièrement avec les régions pour comprendre les modalités d’exécution des mandats sollicités et pour bien saisir ce qui distingue les pratiques efficaces de celles qui donnent peu de résultats. Par ailleurs, l’OSSNR estime que les déposants expérimentés pourraient contribuer à pérenniser les connaissances institutionnelles dans un contexte qui se caractérise par l’important roulement des agents de terrain œuvrant dans les régions. De plus, les interactions entre les déposants et les régions devraient permettre à l’avocat de voir venir d’éventuels manquements à l’obligation de franchise qui pourraient survenir advenant que la Cour ne soit pas au fait des recours à des moyens possiblement controversés d’exercice des pouvoirs conférés par les mandats.

iv. Préoccupations relatives à la viabilité de la Sous-section des déposants

(U) As explored above, CSIS’s establishment of the AU is a critical development. It is thus all the more concerning that the AU’s sustainability is in question, and indeed NSIRA heard that the unit could currently be described as in a state of crisis. CSIS has not supported the unit with resources commensurate with the importance of this unit in fulfilling CSIS’s mission. Indeed, there may now be less support to affiants operating from the AU than existed under the prior regime of ponctuels affiants supported by other units in CSIS.

(S) (S) La SSD cumule les difficultés. Pendant l’examen de l’OSSNR, la dotation de la SSD a été un feu roulant où des membres du personnel ont tour à tour occupé les postes de déposant, d’analyste et de gestionnaire. En outre, jusqu’à l’été de 2021, l’important rôle d’analyste – à qui il incombe de recueillir le matériel auprès des régions, et de produire une première ébauche de l’affidavit et du précis de source humaine – a été tenu numéro analyste temporaire. [numéro] nouveaux déposants ont été embauchés par la SSD pendant le déroulement de l’examen; [numéro] avait déjà quitté son poste à la fin de l’examen. Pendant ce temps, les autres déposants ont successivement assuré l’intérim du poste, toujours vacant, de [poste] (de la SSD). En définitive, tout indique qu’à l’été 2021, seulement [numéro] personnes avaient été en mesure d’agir à titre de déposant pour [type de mandat] et [numéro] personne [type de mandat].

(NC) L’OSSNR a entendu dire que le fait de travailler au sein de la SSD n’était pas une option attrayante sur le plan professionnel, dans le mesure où les politiques de ressources humaines du SCRS ne permettaient pas de réaliser l’objectif voulant une professionnalisation du processus relatif aux mandats. De fait, les déposants, comme bien d’autres employés du SCRS qui ne sont pas des agents du renseignement, n’acquièrent pas le type d’expérience permettant habituellement d’obtenir des promotions.

(NS) Au moment de rédiger le présent rapport,al SSD devait miser sur des ressources d’appoint en recrutant temporairement des analystes issus d’autres sous-sections du SCRS. L’OSSNR a appris que ces analystes temporaires n’avaient pas l’expérience requise pour le traitement des mandats. Or, ces derniers ont bien reçu une certaine formation de la part des déposants, mais, leur affectation n’étant que temporaire, ils ont dû partir et se faire remplacer. Il va sans dire que ces formations se sont ajoutées aux tâches normales des déposants qui, dans certains cas, ont même été chargés du processus de rédaction normalement attribué aux analystes. Cette situation a aussi ajouté à la charge de travail des avocats du GLCSN, qui ont dû prendre part à la correction des produits de rédaction.

(NC) De plus, les avantages découlant de la mise sur pied de la SSD pourraient être compromis en raison de lacunes sur le plan de la gouvernance et de la formation. La SSD n’a hérité ni des structures ni des politiques et normes professionnelles déjà existantes. Au moment de procéder à notre examen, les déposants étaient des agents expérimentés du SCRS qui, dans plusieurs cas, avaient de l’expérience en tant que déposants. Ces déposants qui ont fait partie de la SSD pendant un certain temps ont approfondi leur expertise en apprenant sur le tas. De fait, ni les déposants ni les analystes en appui n’ont reçu de formation relative à leur rôles respectifs. D’ailleurs, le SCRS n’a toujours pas mis en place de système de formation qui puisse garantir le maintien d’une base standardisée de connaissances et de compétences au sein de la SSD. Et même si c’eût été le cas, la SSD manque déjà de personnel, ce qui accentue le roulement des employés. En l’occurrence, l’OSSNR se demande si la SSD dispose du temps et des capacités suffisantes pour prendre quelque distance par rapport au travail quotidien de sorte à développer une expertise et de faire fructifier le capital humain. Par exemple, les réunions hebdomadaires avec les avocats du GLCSN ont souvent été annulées faute de temps, ce qui a empêché la SSD de se tenir adéquatement au fait des enjeux juridiques.

(S) (S) Il semble évident que la SSD ne pourra pas continuer de fonctionner selon les modalités actuellement en vigueur. D’ailleurs le personnel qui demeure au sein de la Sous-section s’expose à des risques d’épuisement professionnel. Plus l’examen progressait, plus les représentants de l’OSSNR s’inquiétaient de la possibilité que la SSD [est en état de crise]. Il y a même lieu de s’alarmer face à la négligence que l’on semble afficher à l’égard des besoins de la SSD en matière de ressources humaines, car la SSD n’est pas seulement un élément clé de la solution du SCRS à l’égard des problèmes récurrents en matière d’obligation de franchise; elle est aussi un élément vital sur le plan opérationnel. Sans une SSD qui soit en mesure de produire en temps voulu des demandes de mandat précises et persuasives, [discussion comment le SCRS collection des activitées sont affectées].

v. Améliorer et reconstruire

(NC) À l’évidence, la SSD doit être stabilisée, ce qui nécessite l’accroissement immédiat de son effectif. L’OSSNR a demandé de quelle façon une SSD élargie pourrait-elle fonctionner. Les réponses reçues vont toutes dans le même sens :

  • “Affiant Teams”: NSIRA heard that each affiant should be supported by [discussion of number of analysts, administrative assistants and paralegals required] –
    d’experts. Les équipes devraient se spécialiser dans les domaines de la contre-ingérence ou de l’antiterrorisme et devraient être gérées de telle façon que tous ne partiront pas en même temps. De la même façon, les dossiers devraient être gérés pour que les déposants et les équipes de déposants inexpérimentés ne soient pas jumelés à des avocats sans réelle expérience.
  • Workload expectations: NSIRA heard that a professional affiant should be able to manage [numbers] affidavits annually, although others emphasized that [numbers] was
    feasible. The lower estimate is closer to CSIS’s own calculation that “given that each application takes approximately [timeline] one affiant could process [number] applications per year.” At this rate, the present roster [number] should be able to generate [number] warrant applications annually. This assumes that affiants are adequately supported, however, which was not the case as of summer 2021. [number] warrants annually would seem inadequate given CSIS’s investigative needs. CSIS will not be able to acquire more warrants without either sacrificing the quality of its applications – and risking new candour problems – or expanding the AU. Moreover, as discussed below, [number] warrants is fewer than the number of warrants that NSLAG is now equipped to support.

(NC) La constitution d’équipes plus nombreuses, compétentes et stables nécessitera l’affectation de nouveaux éléments disposés à se joindre à la SSD et à y demeurer pendant une période de temps raisonnablement longue. L’OSSNR estime que pour atteindre cet objectif, il faudra recourir à deux séries de réformes : la première s’appliquant au cheminement de carrière au sein de la SSD; la seconde prévoyant un engagement plus ferme de la part de l’organisation.

(NC) Sans une redéfinition des politiques en matière de ressources humaines et sans la ferme intention d’accorder la priorité à la SSD, le SCRS ne parviendra vraisemblablement pas à recruter ni à maintenir des employés de talent disposés à se perfectionner en tant que déposants ou en tant qu’analystes spécialisés en matière de mandats. Selon ce que l’on rapporte à l’OSSNR, le déposant idéal serait un analyste hors pair doté d’excellentes compétences en rédaction qui dispose de compétences approfondies en matière de recherche et d’une solide connaissance des modalités de fonctionnement du SCRS, particulièrement, de la façon dont les informations relatives aux sources sont conservées. Au reste, le déposant doit avoir une connaissance approfondie du fonctionnement de la Cour et idéalement afficher une bonne compréhension des lois applicables. Certains déposants ont traité avec des sources, d’autres non. Certaines personnes interrogées ont indiqué que l’expérience en traitement des sources n’était pas considérée comme étant essentielle. Or, l’on estimait que le déposant devait avoir de l’entregent, mais qu’il devait aussi être en mesure de gérer le processus applicable aux affidavits ainsi que les relations avec les régions. Pour réussir en tant que déposant, les candidats doivent avoir une sorte de vernis de respectabilité et savoir être persuasifs auprès des partenaires du processus relatif aux mandats. Qui plus est, une fois qu’ils ont été recrutés, les déposants et les analystes, comme tout autre type d’expert, doivent acquérir les connaissances institutionnelles – et dans le cas de la SSD, on devra rompre avec la tendance au roulement de personnel qui, selon ce que l’on dit, serait endémique au SCRS.

(NC) D’aucuns ont indiqué aux représentants de l’OSSNR que le maintien en poste des talents nécessitait que l’on porte une attention particulière à plus d’un problème. Contrairement à certains services de police, le SCRS ne confère que très peu de prestige à ce cheminement de carrière. En effet, les politiques du SCRS en matière de ressources humaines risquent de cantonner les déposants dans une espèce de ghetto professionnel où les perspectives d’avancement sont nulles, compte tenu du fait que les années travaillées au sein de la Sous-section des déposants ne sont pas l’équivalent des années passées à prendre de l’expérience opérationnelle sur le terrain. De fait, les déposants occupent des postes de niveau L9 dans la hiérarchie des ressources humaines du SCRS, mais seulement temporairement (à moins qu’ils aient déjà atteint le niveau L9). En effet, les candidats de niveau L8 qui sont affectés à un poste de déposant doivent réintégrer le niveau L8 dès lors qu’ils quittent leur poste de déposant – ou ils doivent prendre part à un concours visant à doter un poste à durée indéterminée de niveau L9 ailleurs au sein du SCRS. En dépit des pressions exercées sur les déposants pour qu’ils gèrent le processus complexe s’appliquant aux mandats et pour qu’ils soient des représentants crédibles du SCRS auprès de la Cour fédérale, le travail qui incombe aux déposants n’a apparemment aucune valeur lorsqu’il s’agit de promouvoir un candidat à un poste de gestion. En d’autres mots, être un déposant n’est pas tant un jalon du cheminement de carrière qu’une digression sur le plan professionnel.

(NC) Le SCRS a également éprouvé des difficultés à embaucher des analystes à durée indéterminée pour la SSD. Les analystes, tout comme les agents du SCRS affectés à des fonctions autres que celles du renseignement (autres que R), disposent de très peu d’occasions d’avancement; à un tel point, d’ailleurs, qu’ils se sentent laissés pour contre par l’organisation. Ainsi, pour susciter l’intérêt d’analystes talentueux, il faudrait offrir des incitatifs propices à l’évolution de carrière au sein de la filière « autre que R », ce qui inclut la SSD.

(S) Cela dit, la SSD doit disposer de ressources additionnelles, particulièrement des analystes et des déposants. Toutefois, la SSD est en concurrence directe avec les autres sous-sections pour ce qui a trait aux ressources affectées par la Direction [Nom]. L’OSSNR a entendu dire que les fonctions de la SSD, quant à la préparation rigoureuse des demandes de mandat, ne relevait pas « naturellement » de [nom et fonction de la section] et que la SSD n’était pas avantageusement située au sein de la structure actuelle. Cette anomalie que l’on note quant à la gouvernance pourrait expliquer plusieurs des obstacles administratifs et des problèmes de durabilité observés sur le plan des ressources humaines. Il serait donc nécessaire d’adopter une nouvelle structure de gouvernance propice à la viabilité de la Sous-section ainsi que des mécanismes de communications efficaces.

(NC) Une nouvelle Direction de la Sous-section des déposants devrait être créée et placée dans l’organigramme de sorte à relever directement du Directeur du SCRS. Cette approche cadrerait avec la notion de responsabilité directe qui est énoncée dans la Loi sur le SCRS, témoignerait de la façon dont la SSD contribue à l’exercice du mandat du SCRS et atténuerait probablement le risque que d’éventuelles négligences aient lieu. Ce changement irait de pair avec l’élimination des multiples paliers d’approbation – souvent inutiles – qui sont en place en raison du statut actuel de la SSD au sein de la Direction [Nom]. De plus, ce changement pourrait répondre à deux autres observations : les priorités qui ne sont pas évidentes pour le directeur finissent par être reléguées aux échelons inférieurs de la hiérarchie du SCRS; la réforme piétine lorsque les gestionnaires ne voient rien qui les incite à appliquer ladite réforme.

(NC) En définitive, l’OSSNR estime que le SCRS ne parviendra à résoudre les difficultés de longue date éprouvées pendant le processus relatif aux mandats que s’il mise sur une Sous-section des déposants efficace et viable. À l’occasion des examens qui se pencheront de nouveau sur le processus relatif aux mandats, l’OSSNR portera une attention particulière aux progrès que le SCRS aura réalisés pour la création d’une SSD solide et stable.

Conclusion no 17 : L’OSSNR estime que la création de la Sous-section des déposants (SSD) constitue une réforme louable, voire vitale pour le SCRS. Toutefois, la SSD est arrivée au point où elle risque de s’effondrer. Le SCRS n’a offert ni les ressources ni le soutien nécessaires à la viabilité de cette Sous-section qui, pourtant, exerce des fonctions essentielles pour la mission du SCRS. Les avantages dont le SCRS peut jouir grâce au travail de la SSD risquent de disparaître en raison de lacunes sur le plan de la gouvernance, des ressources humaines et du perfectionnement de l’effectif.

Conclusion no 18 : L’OSSNR estime qu’en relevant de la Direction [Nom] , la Sous-section des déposants occupe, dans l’organigramme, une place qui ne témoigne pas suffisamment de l’importance des fonctions que la Sous-section exerce. Cette anomalie en matière de gouvernance engendre probablement plusieurs des obstacles administratifs rencontrés par la SSD et des problèmes observés sur le plan des ressources humaines.

Conclusion no 19 : L’OSSNR estime que sans une SSD fonctionnelle et capable de préparer, en temps opportun, des demandes de mandat qui soient complètes et précises, le SCRS risque de ne pas obtenir les mandats demandés, ce qui le priverait des informations qu’il pourrait collecter grâce au mandat.

Suivant les conclusions tirées relativement à la SSD, l’OSSNR recommande :

Recommandation no 11 : Que le SCRS reconnaisse l’ampleur du rôle tenu par la Sous-section des déposants en attribuant aux déposants et aux analystes une classification professionnelle qui corresponde à l’importance des responsabilités qui leur incombent.

Recommandation no 12 : Que le SCRS crée une Direction des déposants relevant directement du directeur du SCRS.

Recommandation no 13 : Que le SCRS dote la Sous-section des déposants dans les plus brefs délais de sorte qu’elle soit viable et qu’elle puisse exercer adéquatement les fonctions qui lui incombent. En établissant la taille que devrait avoir la SSD, le SCRS devra évaluer le nombre de mandats qu’une équipe de déposants est raisonnablement en mesure de traiter chaque année.

Recommandation no 14 : Que le SCRS, suivant une consultation auprès du ministère de la Justice, élabore une formation complète devant être suivie par les déposants et les analystes et énonce les pratiques exemplaires ainsi que les modalités de travail que les membres de la SSD seront appelés à suivre.

d) Avocats responsables des mandats au GLCSN

(NC) Les avocats affectés aux mandats tiennent plusieurs des rôles prévus aux fins du processus de demande de mandat et sont chargés de veiller à ce que l’obligation de franchise soit rigoureusement appliquée dans le cadre des demandes de mandat. À cet égard, rappelons que l’obligation de franchise absolue est une règle de déontologie professionnelle que les juristes sont tenus de respecter. Dans le cas des mandats de police, les avocats de la Couronne ne manquent pas d’incitatifs lorsqu’il s’agit de mettre à l’épreuve les demandes de mandat : aucun juriste de la Couronne ne souhaiterait être l’avocat muni d’un mandat qui, dans le contexte de procédures au criminel, ne contiendrait pas des arguments suffisants pour répondre à une contestation ex post facto; une telle situation risque de faire échouer la procédure de poursuite. Une certaine pression est exercée sur le GLCSN, mais les manquements à l’obligation de franchise risquent d’entacher la réputation professionnelle de certains, particulièrement lorsque les juges de la Cour fédérale ont exprimé leur vif mécontentement au moment de rendre leur décision.

(NC) Il semble évident que, suivant la décision 2020 CF 616, le GLCSN a traversé une période difficile. En l’occurrence, les avocats sont la cible du mécontentement de la Cour, mais ils dépendent du SCRS qui est appelé, pendant le traitement des demandes de mandat, à s’acquitter de ses responsabilités conformément aux obligations imposées par la loi. Du point de vue des avocats, le processus apparaît comme une entreprise hautement risquée, qui est perçu comme une sorte d’épée de Damoclès. Pour sa part, les employés opérationnels du SCRS pourraient considérer que le ministère de la Justice est inaccessible, voire inutile. Chaque avocat exerce sa profession à sa façon; il ne faut donc pas s’attendre à quelque uniformité.

(NC) Certains avocats ont réagi aux manquements à l’obligation de franchise en s’engageant plus à fond – ce qui a été perçu par certains observateurs du SCRS comme une forme d’intrusion – et en appliquant ce que d’aucuns considèrent comme de la microgestion aux questions sur lesquelles le SCRS doit se pencher. Tout semble indiquer que les tensions se sont accrues au cours des dernières années entre le ministère de la Justice et le SCRS, tensions qui, dans une certaine mesure, tiennent à la façon dont les parties se perçoivent mutuellement. Selon certaines personnes interrogées, c’est au niveau de la haute direction que la tension est la plus forte, même si un certain relâchement a été observé récemment. Certaines autres auraient ajouté que la solution serait d’adopter des mesures permettant de créer un climat de confiance entre les parties. La présente section se concentre donc sur les sources structurelles de tension et sur la possibilité de restaurer un niveau de confiance acceptable.

(S) D’abord, certains des employés du SCRS interrogés ont indiqué qu’il serait important que le SCRS puisse miser sur un plus grand nombre d’avocats pour éliminer le goulot d’étranglement qui ralentit le processus relatif aux mandats, alors que certains autres ont réfuté ce point de vue. Ces divergences d’opinions sont possiblement le reflet des changements qui sont progressivement survenus. Or, il apparaît évident que pendant cette évolution, le GLCSN ne disposait pas d’un nombre suffisant d’avocats. Cette situation semble en voie d’évoluer depuis l’embauche de nouveaux avocats au GLCSN. L’OSSNR est toutefois d’accord avec le principe voulant que le GLCSN soit doté de sorte à garantir que les opérations du SCRS ne seront pas ralenties par un éventuel manque d’avocats.

(NC) À l’heure actuelle, l’avocat général (AG) est le leader stratégique pour ce qui concerne les mandats et les questions ayant trait à la Cour fédérale. De plus, l’avocat principal coordonnateur des demandes de mandat surveille le travail des avocats du GLCSN, qui sont responsables des demandes de mandat. Idéalement, cet avocat principal coordonnateur des demandes de mandat ne devrait pas avoir à gérer ses propres dossiers; il devrait plutôt avoir une vue d’ensemble sur les pratiques s’appliquant aux mandats tout en prêtant assistance et en servant de mentor aux nouveaux avocats affectés aux mandats. Les titulaires de ces postes devraient également établir des liens entre les mandats et le volet « conseil » du GLCSN, pour veiller à ce que les nouveaux enjeux juridiques soient connus de tous les intervenants concernés.

(NC) Le nombre des avocats affectés aux mandats aura des répercussions sur le nombre des mandats que le SCRS pourra soumettre à la Cour fédérale. L’OSSNR a sollicité des avis concernant la façon de calculer le nombre idéal d’avocats. Bien qu’un avocat expérimenté dans le domaine ait été en mesure de traiter [numéro] de demandes par année, il faut se rendre à l’évidence que ce nombre est désormais établi à un maximum variant entre [série] Par conséquent, comme le personnel comptait numéro avocats expérimentés en matière de mandats (et plusieurs autres juniors) à la seconde moitié de 2021, il faut s’attendre à ce que le nombre maximum de mandats que le GLCSN sera en mesure de traiter annuellement varie entre 30 et 60. Il convient de noter que si l’on se fie au calcul effectué précédemment, ce nombre est de plusieurs fois supérieur au nombre des affidavits que la SSD est actuellement en mesure de traiter. Quoi qu’on en dise, ce calcul semble confirmer la thèse selon laquelle les difficultés éprouvées par la SSD sur le plan des ressources constituent le vrai goulot d’étranglement.

(NC) L’OSSNR a également pris acte du point de vue selon lequel il serait important que les avocats expérimentés fournissent un encadrement judicieux aux nouveaux avocats responsables des mandats, une mesure que le GLCSN devrait considérer comme étant prioritaire. En l’occurrence, des avocats juniors devraient être formés sur nombre de questions ayant trait au SCRS, notamment les savoir-faire et les technologies.

(NC) Au GLCSN, le recrutement est aussi devenu l’objet de discussions. En l’occurrence, le GLCSN serait considéré, par d’autres entités du ministère de la Justice, comme étant trop proche de ses clients et trop soucieux de maintenir une relation continue avec ces clients, une caractéristique jugée inéquitable par les personnes interrogées qui ont abordé la question. Ainsi, au sein du GLCSN, le moral a été profondément miné par la saga entourant la décision 2020 CF 616. Pour ce qui a trait aux pratiques du GLCSN, bon nombre d’avocats les trouvent obscures et étroites, ce qui est loin d’être idéal pour un avocat du ministère de la Justice qui se soucie de son cheminement de carrière. Les employés du GLCSN doivent avoir obtenu une habilitation de sécurité approfondie nécessitant de subir un test polygraphique. Dès lors, le processus d’enquête peut s’avérer long, et il arrive dans l’intervalle que les candidats ne soient plus intéressés par le poste postulé. La conjugaison de tous ces facteurs constitue la principale cause des difficultés qu’éprouve le GLCSN en matière de recrutement.

(NC) L’OSSNR remarque que l’éventail d’expérience professionnelle des avocats s’élargit et qu’un nombre croissant d’avocats du GLCSN sont déjà rompus au traitement des mandats. En outre, l’OSSNR a entendu dire que le GLCSN avait été encouragé à parfaire son expertise en matière de droit public et à recruter des avocats possédant de l’expérience en droit criminel. L’OSSNR accueille favorablement ces récents développements et prendra en compte les progrès réalisés par le GLCSN lors des prochains examens.

Recommandation no 15 : L’OSSNR recommande que le GLCSN embauche de nouveaux avocats ainsi que du personnel de soutien, et ce, en nombre suffisant pour garantir que les opérations du SCRS ne seront pas compromises par un éventuel manque de ressources au sein du GLCSN.

e) Redéfinir la fonction de contrôle indépendant

(NC) Le processus de demande de mandat se trouve renforcé dans la mesure où il prévoit un examen de la version quasi finale de l’affidavit par un « avocat indépendant » (AI) – plus précisément, un avocat issu du Groupe sur la sécurité nationale (GSN) du ministère de la Justice. Dans ce contexte, le terme « indépendant » signifie que l’avocat n’a aucun lien avec le SCRS ni avec le GLCSN et qu’il ne fait pas partie du processus relatif aux mandats.

 i. La perfectibilité du modèle axé sur les avocats indépendants

(NC) Le poste d’AI a été créé en 1988 après l’affaire « Atwal » (1987) qui a donné lieu à de nombreuses erreurs commises pendant le traitement d’une demande de mandat du SCRS (Annexe A). Dans son rapport annuel de 1986-1987, le CSARS note que le Solliciteur général, de concert avec le SCRS, devrait établir s’il y a lieu de faire intervenir, à une étape du processus relatif aux mandats, un « avocat du diable » ayant pour vocation de mettre à l’épreuve l’argumentaire en faveur du mandat. Le rôle d’avocat du diable est décrit comme étant celui d’une personne officiellement nommée pour veiller à ce que tous les angles d’une même question aient été pris en compte. L’année suivante, le rôle d’avocat du diable a été établi, mais le CSARS déclarait alors ce qui suit : « Présentement, l’avocat du diable ne fait que s’assurer que les renseignements dont [SIC] le SCRS a l’intention d’utiliser pour la demande de mandat soient exacts. Nous nous attendions à quelqu’un qui contesterait le besoin d’obtenir un mandat – quelqu’un qui présenterait le cas de la même façon que la cible visée le ferait. (La cible, bien entendu ne sait pas qu’un mandat est demandé contre elle). »

(NC) Pourtant, peu de modifications ont été apportées depuis lors. L’OSSNR a appris que le principal objectif de l’AI était de [traduction] « veiller, dans la mesure du possible, à ce qu’aucune erreur ne se glisse dans les documents soumis à la Cour. » L’examen minutieux de la demande de mandat prévoit de passer les documents au crible pour s’assurer que les affirmations factuelles énoncées dans l’affidavit sont exactes et proviennent de sources fiables.

(NC) L’AI est appelé à exercer une fonction de vérificateur des faits, consistant à vérifier la qualification des faits cités dans l’affidavit et dans le précis de source humaine en considération des données brutes. L’OSSNR a appris que le GLCSN et le SCRS avaient déjà été réticents à répondre aux questions de l’AI. On dit que la situation s’est considérablement améliorée au cours des dernières années, alors tout semble indiquer que les avocats et le SCRS acceptent d’être interrogés de la sorte. Cependant, il faut savoir que les modifications proposées par l’AI sont généralement mineures. Il est arrivé occasionnellement que l’AI signale quelques contradictions trouvées dans le matériel source portant sur les questions de crédibilité ou qu’il indique que des éléments de l’affidavit n’étaient pas justifiables.

(NC) Vers la fin du processus, le rôle d’un AI finit toujours par afficher ses limites. En effet, l’AI n’a pas les moyens de prévenir toutes les lacunes sur le plan de l’obligation de franchise. À cet égard, l’OSSNR a pris note d’un certain nombre de facteurs qui ont mené à l’inaptitude de l’AI à exercer une fonction de contrôle qui soit rigoureuse :

  • Lacunes sur le plan des politiques et de la formation : hormis un document de deux pages résumant les fonctions de l’AI, aucun instrument interne (politiques, lignes directrices, critères) n’a été mis à jour pour définir le mandat de l’AI et les attentes connexes. Ainsi, tout repose sur l’apport de l’AI en fonction de son expertise personnelle. L’OSSNR a su qu’en règle générale, avant de travailler sur ses propres demandes, un AI nouvellement embauché devait apprendre à exercer ses fonctions en observant le travail de l’AI principal. Il n’existe aucun programme de formation officiel. Tout au plus, l’avocat reçoit un cartable contenant des documents sur l’historique du poste d’AI. Au reste, il peut arriver que l’avocat reçoive des formations ponctuelles sur le fonctionnement du processus s’appliquant aux mandats. Or, il se peut que le mentorat ne soit pas uniformisé, puisqu’il n’existe aucun programme de formation normalisé ni aucune description précise des fonctions incombant à l’AI.
  • Lacunes sur le plan des connaissances : au GSN, l’avocat exerce le rôle d’AI en plus du travail juridique qui lui revient habituellement, notamment, les instances prévues à l’article 38 de la Loi sur la preuve du Canada (LPC). Selon certaines estimations, le travail de l’AI représente moins de 5 % du travail accompli par le GSN, et celui-ci n’est pas autrement impliqué dans les activités ayant trait aux demandes de mandat. L’AI a très peu connaissance des procédures ayant lieu devant la Cour fédérale, mais aussi des mandats du SCRS qu’il aurait mis à l’épreuve. Il n’existe aucun mécanisme formel d’information ni aucun échange proactif sur les motifs classifiés, et les avocats du GSN n’exercent aucun partage des pratiques exemplaires ou des questions d’intérêt ni ne prennent part aux séances du GLCSN visant à débattre des questions s’appliquant au processus relatif aux mandats. Certains AI ont indiqué que ce manque de participation aux activités liées aux mandats engendrait des lacunes sur le plan des connaissances qui sont pourtant requises pour réaliser des examens rigoureux et approfondis ou pour s’attaquer à des questions d’ordre général qui vont au-delà de la simple vérification des faits. En raison de ces limites sur le plan des connaissances, il est peu probable que l’AI soit en mesure de poser ces questions d’approfondissement qui permettraient de mettre au jour d’éventuels manquements à l’obligation de franchise qui pourraient découler des modalités de mise en œuvre d’un mandat – en l’occurrence, la seconde catégorie de manquements à l’obligation de franchise dont il a été précédemment question. Dans l’intervalle, l’avocat qui dispose déjà de l’expérience requise et qui quitterait le GSN pour se tourner vers le GLCSN devra attendre une année avant d’exercer les fonctions d’AI. Par conséquent, dès lors qu’il est affecté au dossier d’un mandat, il risque de ne plus être à jour concernant les pratiques du SCRS récemment entrées en vigueur.
  • Insuffisance sur le plan des accès et du temps : actuellement, l’AI n’arrive pas à obtenir en temps opportun l’accès à l’intégralité des informations sous-jacentes qui lui permettraient d’exercer une fonction de contrôle réelle et pertinente. L’AI ne reçoit pas suffisamment à l’avance les parties essentielles de la demande de mandat, notamment le précis. Ainsi, il dispose généralement de trop peu de temps pour examiner les documents. Bien que les AI aient récemment obtenu certains accès sur place (au SCRS) à ce matériel pertinent, force est de constater que les examens préalables sont plutôt rares. Faute de temps, l’AI n’est pas en mesure d’éprouver rigoureusement – suivant une sorte d’exercice de simulation de type procédure contradictoire – les postulats sur lesquels le dossier de demande repose. On ne peut pas non plus s’attendre à ce qu’il relève les omissions récurrentes, celles dont il a été question précédemment. Il est donc peu probable que l’AI soit parfaitement efficace lorsqu’il s’agit de se pencher sur les manquements à l’obligation de franchise pouvant résulter du défaut de divulguer des informations essentielles à l’établissement de la crédibilité.

(NC) Conséquemment, le rôle d’AI est souvent considéré comme une tâche administrative – plutôt qu’une fonction spécialisée – conçue davantage pour procéder à des vérifications que pour procéder à une analyse critique. En effet, la majorité des personnes interrogées qui ont pris part au processus relatif aux mandats considéraient que le travail de l’AI était inutile pour ce qui a trait au contrôle de la qualité. Des modifications apportées récemment au processus du SCRS s’appliquant aux demandes de mandat indiquent que la « mise à l’épreuve » de l’AI doit se terminer un jour avant le CEDM, mais pas avant que l’affidavit ait été consulté par les membres du CEDM. Ce changement ne fait que renforcer le point de vue général voulant que l’AI ne serve qu’à vérifier les faits ou que son contrôle ne donne rien qui puisse justifier quelque modification avant la soumission au CEDM. Certaines des personnes interrogées ont exprimé des doutes quant à la nécessité du rôle d’AI – un déposant compétent et bien soutenu devrait suffire à garantir la rigueur de la vérification des faits. D’ailleurs, l’OSSNR a déjà formulé des commentaires (plus haut) indiquant dans quelle mesure la professionnalisation du rôle de déposant pourrait favoriser le processus de contrôle de la qualité.

(U) Still, NSIRA believes that the presence of an independent challenge in the system is necessary. NSIRA fears, however, that the current IC is largely a pro forma feature of the CSIS warrant process, giving the impression of a robust check and balance without accomplishing this objective. NSIRA remains unpersuaded that a robust devil’s advocate is best situated at Justice, drawing on lawyers from NSG. As noted above, while some individuals have a background involving warrants of various sorts, NSG lawyers are not, in their role, experts in warrants or necessarily knowledgeable about CSIS. Nor does NSG have any formal role in the warrant approval process. NSG would appear simply to be a convenient place to situate the IC, among lawyers who are security-cleared for very different functions. Put another way, a robust devil’s advocate function has yet to be created, and there is no reason to prefer it be situated in another branch of Justice. As discussed next, NSIRA would propose the creation of this function in the third agency of government whose precise role is oversight of the CSIS warrant process: Public Safety.

ii. Redéfinir le rôle de Sécurité publique en matière de surveillance

(NC) Sécurité publique Canada est l’organe par l’intermédiaire duquel le Ministre exerce sa fonction de surveillance, laquelle se doit d’être rigoureuse d’après les prescriptions du Parlement. Le rôle du Ministre à l’égard du régime des mandats est défini par la loi. En outre, l’article 21 de la Loi sur le SCRS stipule qu’une demande de mandat ne peut être soumise « que si elle est approuvée par le Ministre ». En considération du rôle qu’il doit tenir concernant les mandats prévus par l’article 12, le Ministre doit être au fait de toutes les implications liées à la demande, notamment, lorsqu’il est question d’établir si les méthodes intrusives que l’on prévoit d’utiliser sont justifiées et proportionnelles à la gravité de la menace qui pèse sur la sécurité du Canada.

(NC) Pourtant, Sécurité publique n’est pas en mesure d’observer tous les aspects d’une demande de mandat. Sur le plan des informations, il y a manifestement un déséquilibre qui favorise le SCRS en tant que dépositaire desdites informations. De fait, cette difficulté est exacerbée par un manque de capacités du côté de Sécurité publique, notamment l’accès limité aux informations et aux connaissances requises pour procéder à une évaluation des risques pour le Ministre. Les Instructions du ministre sur la reddition de comptes (2019 DM) ainsi que le Cadre de coopération entre Sécurité publique et le SCRS ont pour objet d’atténuer le déséquilibre sur le plan des informations et d’accroître la capacité de surveillance du ministère à l’endroit des activités du SCRS. En application de la section 8(i) du Cadre, le SCRS doit tenir Sécurité publique au courant des examens menés par l’OSSNR. L’OSSNR interprète cette obligation comme étant l’engagement permanent du SCRS à fournir des mises à jour périodiques relativement à l’amélioration du processus relatif aux mandats et à la mise en œuvre des recommandations formulées dans la présente, lesquelles auront inévitablement un effet sur les demandes de mandat.

(S) Sur le plan fonctionnel, les responsables de Sécurité publique examinent toutes les demandes de mandat avec l’aide des conseillers juridiques qui œuvrent au sein du ministère. Une fois que les demandes de mandat sont reçues à Sécurité publique, les responsables les analysent sous divers angles : la clarté et la logique; les questions juridiques; les problèmes liés à l’obligation de franchise; les considérations stratégiques; et d’autres considérations, notamment, les questions ayant trait aux répercussions sur les Canadiens. Le délégué de Sécurité publique assistera aux réunions du CEDM. Après le CEDM, et une fois que le mandat a été examiné, les responsables de Sécurité publique rédigent deux documents : une note d’information faisant brièvement état de la nature de la menace que pose la cible du mandat, ainsi qu’une note de recommandation à l’intention du Ministre. Dans le cas d’une approbation, Sécurité publique renvoie la demande au SCRS aux fins de dépôt devant la Cour.

(NC) Certaines des pratiques employées à Sécurité publique sont plutôt récentes et, dans une large mesure, sont l’effet de la décision 2020 CF 616. L’OSSNR tient toutefois à souligner que Sécurité publique n’est pas dans une posture qui lui permette de procéder à un contrôle exhaustif des demandes de mandat. D’abord, suivant l’accès asymétrique à l’information, Sécurité publique n’examine pas certains des éléments qui composent la demande de mandat, notamment les documents des dossiers sur les sources, voire le précis de source humaine. À notre avis, il serait irréaliste de s’attendre à ce que Sécurité publique vérifie l’intégralité de la documentation qui constitue la demande de mandat ou à ce que l’organisme éradique le problème des « omissions récurrentes ». Il convient toutefois de rappeler que l’OSSNR croit que la meilleure façon de vérifier si l’information pertinente a été produite est de miser sur des déposants compétents de la SSD qui soient en mesure de valider les informations reçues de la part des régions et de s’assurer que les informations pertinentes ont été prises en compte.

(S) En revanche, Sécurité publique devrait disposer des moyens lui permettant de résoudre les problèmes qui sont reconnus sur le plan du système et de la gouvernance, et qui ont donné lieu à la seconde catégorie de problèmes liés à l’obligation de franchise dont il a été question précédemment, à savoir les problèmes ayant trait au mandat, mais aussi au matériel dont le juge a besoin pour exercer son pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’il s’est prononcé sur l’inaptitude du SCRS à signaler les opérations à haut risque impliquant des sources humaines, qui ont pourtant été l’objet d’une demande de mandat déposée devant la Cour, le juge Brown a déclaré que « tous les intervenants du processus décisionnel ont la responsabilité de donner aux décisions un caractère éclairé. » Conservant une certaine distance par rapport au SCRS et aux avocats responsables des mandats, une équipe de vérification de Sécurité publique dotée d’un nombre suffisant d’experts devrait se pencher sur les éléments délaissés par les intervenants qui sont souvent trop investis pour se donner un point de vue plus objectif. En l’occurrence, l’OSSNR a appris qu’à l’heure actuelle, il arrivait encore que Sécurité publique soulève des questions analogues. Ainsi, Sécurité publique serait mieux à même de débusquer les éventuels manquements à l’obligation de franchise que le GSN, dont la fonction d’AI n’est qu’un ajout à sa charge de travail principale. C’est pourquoi l’OSSNR est en faveur d’une réforme qui renforcerait le processus de vérification de Sécurité publique et remplacerait, par la même occasion, l’AI du GSN, une mesure qui cadrerait avec la fonction de surveillance qui incombe au ministre en vertu de la loi.

(NC) À cette fin, l’OSSNR opterait pour le modèle de l’avocat du diable qui permettrait au ministre de remplir les exigences qui lui incombent en matière de surveillance du processus s’appliquant aux mandats. Ainsi, l’OSSNR recommande la création d’une fonction correspondant à la vision initiale proposée par le CSARS dans le rapport dont il a été mention plus haut : « quelqu’un qui contesterait le besoin d’obtenir un mandat – quelqu’un qui présenterait le cas de la même façon que la cible visée le ferait. (La cible, bien entendu ne sait pas qu’un mandat est demandé contre elle) ». L’avocat devrait se montrer aussi consciencieux qu’un avocat de la défense, comme s’il défendait un client dans un processus accusatoire. Il devrait savoir quoi questionner et comment formuler des questions qui permettent de mettre en lumière les informations sur lesquelles reposent la demande de mandat, les modalités d’exécution envisagées et les éléments contextuels qui pourraient échapper à l’attention d’un juriste disposant d’une connaissance limitée des mandats ou des procédures et fonctions du SCRS, ou qui pourraient échapper à ceux qui s’attardent sur les détails d’une demande. Dans cette optique, l’OSSNR propose que cette personne travaillant au sein de l’équipe de vérification des mandats à Sécurité publique soit placée de sorte à anticiper les éléments précurseurs de la seconde catégorie des problèmes liés à l’obligation de franchise dont il a été question dans le rapport.

(NC) À l’heure actuelle, Sécurité publique possède sa propre unité de services au sein du ministère de la Justice. L’OSSNR propose donc que cette unité embauche un avocat détaché, lequel disposerait d’une expérience concrète des processus relatifs aux mandats et serait employé au Service des poursuites pénales du Canada, dans le secteur privé ou dans un autre organisme indépendant de la gestion du ministère de la Justice qui ne serait pas impliqué dans le processus s’appliquant aux demandes de mandat du SCRS. Cet avocat serait appelé à appuyer l’équipe de vérification des mandats de Sécurité publique dans sa fonction de remise en question. Ces mesures de contrôle et d’examen de la demande de mandat dirigées par l’avocat détaché devraient être documentées de sorte à être évidentes pour le ministre lorsque celui-ci sera appelé à approuver ou, s’il y a lieu, à rejeter la demande de mandat. L’OSSNR rappelle que l’objectif n’est pas d’accroître le nombre des étapes ni d’allonger le temps de traitement de la demande. De fait, l’abolition du modèle en vigueur au profit d’un vrai modèle de l’avocat du diable assujetti à la surveillance du ministère allègerait le processus tout en le renforçant grâce à l’intégration d’une fonction complète de remise en question.

Conclusion no 20 : L’OSSNR est d’avis de que le rôle « d’avocat indépendant » (AI) tel qu’il est tenu par l’avocat du GSN n’est pas en mesure d’exercer une fonction de remise en question suffisamment rigoureuse.

Recommandation no 16 : L’OSSNR recommande que le rôle d’avocat indépendant tel qu’il est tenu par l’avocat du GSN, au ministère de la Justice, soit aboli au profit d’une nouvelle fonction de remise en question s’apparentant à celle qu’un avocat de la défense exercerait, comme si les demandes de mandat s’exposaient à des processus accusatoires. Cette fonction de remise en question relevant de Sécurité publique serait appuyée par l’équipe de vérification de Sécurité publique et exercée par un avocat spécialisé provenant du Service des poursuites pénales du Canada, du secteur privé ou d’un autre organisme; il agirait en toute indépendance par rapport au ministère de la Justice et ne serait pas impliqué dans le processus s’appliquant aux demandes de mandat du SCRS.

f) Dépôt devant la Cour fédérale

(NC) Le stade final du processus relatif aux mandats correspond aux procédures engagées devant la Cour fédérale. Aucun mandat n’est en vigueur tant qu’il n’est pas autorisé par la Cour fédérale. Or, la confiance devant régir les relations entre la Cour fédérale, le GLCSN et le SCRS a maintes fois été mise à rude épreuve par les manquements à l’obligation de franchise.

(NC) Selon certaines des personnes interrogées, la Cour ferait désormais preuve de plus d’assertivité qu’auparavant. D’aucuns ont d’ailleurs fait état de doutes à l’égard du degré de contrôle exercé par la Cour qui, semble-t-il, s’apparenterait davantage à une fonction d’examen qu’au contrôle judiciaire traditionnellement exercé par un tribunal, lorsqu’il s’agit d’établir s’il y a lieu d’autoriser (ou non) un mandat. D’autres ont contesté la thèse voulant que le ministère de la Justice ait mis en doute l’approche de la Cour. Néanmoins, les institutions prenant part au processus relatif aux mandats semblent être entrées dans un cycle au sein duquel les manquements à l’obligation de franchise auraient créé un climat de méfiance propice à un resserrement des examens et à une intensification des contrôles judiciaires, dont les répercussions sur les opérations et sur les risques d’atteinte à la réputation ne sont pas sans inquiéter le SCRS. Encore faut-il ajouter que le ministère de la Justice semble éprouver un certain malaise à l’égard de cette situation.

(NC) Rappelons toutefois que certaines des personnes interrogées ont dit à l’OSSNR qu’il n’était pas facile de prévoir la totalité des considérations qui seraient prises en compte par le juge appelé à exercer son pouvoir discrétionnaire, notamment, en raison du fait que les juges auraient tendance à porter attention à des enjeux différents en fonction du dossier sur lequel ils doivent se prononcer. Cette situation crée une catégorie résiduelle d’informations qui pourrait devoir être fournie dans la demande. Le SCRS et le ministère de la Justice auraient désormais tendance à ratisser un peu trop large.

(NC) En raison de tous ces facteurs, le processus de demande de mandat est un peu comme du sable mouvant : on s’enlise dans les détails qui ne cessent de s’accumuler dans l’affidavit et dans les documents justificatifs pour tenter d’anticiper et d’éviter tout nouveau manquement à l’obligation de franchise. À certains égards, il y a lieu de faire une espèce de « copier-coller » pour ce qui a trait aux questions récurrentes, mais ce matériel doit généralement être adapté en fonction de chacun des mandats, puis approuvé de nouveau suivant le processus bureaucratique d’approbation des mandats. Cette approche donne lieu à une demande de mandat plus complexe qui nécessite plus de temps de préparation et de traitement.

(NC) Pour rompre le cycle, il faudra restaurer la crédibilité, non pas en faisant preuve de résistance, mais en apportant des changements du côté du SCRS et du ministère de la Justice. Pour ce faire, l’OSSNR estime qu’il sera nécessaire d’accueillir et de mettre en œuvre les recommandations formulées dans le présent rapport d’examen. L’OSSNR signale aussi d’autres mesures grâce auxquelles le SCRS et le ministère de la Justice pourraient respecter plus rigoureusement l’obligation de franchise tout en allégeant la charge de travail qui leur incombe dans le traitement des demandes de mandat. L’OSSNR a pris note d’une approche proposée par les personnes interrogées : les demandes de mandat pourraient décrire les informations exclues (dans la mesure où elles auraient été jugées non substantielles) en suffisamment de détails pour qu’un juge soit en mesure d’en demander la divulgation, s’il y a lieu. Le ministère de la Justice pourrait également demander à la Cour des conseils pouvant prendre la forme d’orientations pratiques, d’un modèle normalisé pour les demandes de mandat ou encore d’un système impliquant la magistrature et le barreau, comme celui qui a été recommandé dans le rapport Segal.

Doutes à l’égard de l’exécution des mandats

(S) Le SCRS est autorisé à exécuter un mandat dès lors que celui-ci a été délivré par un juge. Cette exécution doit être conforme à la portée et aux termes énoncés dans le mandat. Après la délivrance dudit mandat, le SCRS et le ministère de la Justice tiennent une séance d’information à l’intention du déposant, de l’avocat, de l’administration centrale concernée et des agents responsables dans les régions. Ce processus comprend une « lecture du mandat » ayant pour objet, selon ce que l’OSSNR semble comprendre, d’assurer l’efficacité de l’exécution. Or, l’OSSNR a entendu dire que cette étape était plutôt vague et inutile, et que les personnes responsables de surveiller l’exécution du mandat ne disposaient d’aucune ressource leur permettant de traduire les « libellés du mandat » en techniques/en pouvoirs concrets et utilisables.

(S) Les coordonnateurs des demandes de mandat qui œuvrent dans les régions ne reçoivent pas suffisamment de formation formelle sur les fonctions qu’ils sont appelés à exercer – les formations disponibles sont trop générales et abstraites, et ne sont pas adaptées en fonction de scénarios axés sur l’exécution des mandats. Conséquemment, les attentes finissent par devenir des mythes au lieu de constituer des normes juridiques intelligibles. L’OSSNR s’est fait dire qu’il semblait y avoir des différences entre ce qui est affiché par le mandat et ce que les avocats perçoivent comme l’intention du juge. Selon ce qu’on raconte, cette sorte d’ambiguïté donnerait lieu à des « règles implicites ». Les régions sont particulièrement mal à l’aise par rapport aux permissions implicites, et préféreraient les autorisations manifestes et tangibles en matière de mandats. [Discussion sur les effets nuisibles et les risques dans le contexte des opérations].

(NC) Conclusion no 21 : L’OSSNR est d’avis que les coordonnateurs régionaux des demandes de mandat du SCRS n’ont pas reçu de formation qui les rende suffisamment aptes à traduire la teneur des mandats en mesures concrètes d’exécution de ces mêmes mandats.

Recommandation no 17 : L’OSSNR recommande que les titulaires du poste de coordonnateur de mandats dans les régions reçoivent une formation adéquate. Il recommande également que le SCRS professionnalise ce poste et donne à ces coordonnateurs les moyens de traduire la teneur des mandats en consignes favorisant leur adéquate exécution.

C. Investir dans le personnel : la formation

Le propos du présent rapport démontre que la formation et les connaissances institutionnelles sont des thèmes récurrents lorsqu’il s’agit du SCRS. La plupart des personnes interrogées ont d’ailleurs indiqué qu’elles n’avaient pas reçu de formation spécialisée avant d’exercer leurs fonctions dans le cadre du processus relatif aux mandats, mais qu’elles avaient plutôt appris au fur et à mesure en échangeant avec ceux qui exerçaient des fonctions analogues. Certaines des personnes interrogées avaient le sentiment de ne pas avoir été préparées adéquatement et trouvaient regrettable ce défaut de formation formelle. Plusieurs autres ont attribué le manque de formation ainsi que le défaut de politiques et de processus modernisés aux occurrences de non-conformité. Dans une certaine mesure, le SCRS a conscience des lacunes que comportent ses programmes de formation, comme en témoigne cette déclaration : [Traduction]
« Actuellement, le SCRS n’est pas un organisme axé sur l’apprentissage et ne s’est pas doté d’une culture préconisant la formation. Les occasions d’apprentissages ne sont pas suffisamment nombreuses pour maintenir un service de renseignement professionnel et moderne qui soit apte à mener des opérations dans un monde complexe et en constante évolution. Il est évident que les besoins sans cesse croissants sur le plan des opérations et des activités organisationnelles n’ont pas été comblés en raison de lacunes sur le plan des investissements et de la dotation en A et P ».

(NC) Il a d’ailleurs été question des lacunes en matière de formation lors d’un récent examen interne du processus relatif aux mandats. D’ailleurs, l’OSSNR appuie les recommandations qui y sont formulées concernant la nécessité d’apporter d’importants changements à ce domaine. Par ailleurs, l’OSSNR insiste particulièrement sur la priorisation des mesures d’apprentissage axées sur l’analyse de cas concrets plutôt que sur une acquisition passive des notions.

(S) La Direction de l’apprentissage et du perfectionnement (A et P) du SCRS a profondément remodelé le programme de la formation intensive suivie par les agents du renseignement (AR) nouvellement embauchés au SCRS, de même que le cours intensif que les AR détenant un certain nombre d’années d’expérience à l’Administration centrale sont tenus de suivre avant d’être affectés à une région. À titre d’exemple, la Formation des nouveaux agents du renseignement (FNAR) – qui est dense et très axée sur la théorie – est en cours de révision et comprendra désormais des activités d’apprentissage axées sur des scénarios. L’A et P a adopté des approches centrées sur l’apprenant qui misent sur un nombre accru d’instructeurs pour un même nombre d’apprenants. Dans sa version la plus récente, le [formation] [Nom du programme] forme désormais les AR à partir de scénarios ayant trait à l’obligation de franchise. On y aborde, notamment, [le contenu du programme de formation] de consigner les détails relatifs à la crédibilité sur le plan juridique et de veiller à ce que les notes de passages soient conditionnées par la capacité à appliquer ces éléments.

(NC) Formateurs – Les AR participent aux programmes de formation des formateurs. Ces formateurs ont souvent exercé plusieurs fonctions opérationnelles et sont disposés à transmettre leur expertise de même qu’à offrir de l’encadrement. Parallèlement, le GLCSN compte travailler avec les centres stratégiques du SCRS et fournir de la rétroaction concernant les modules d’apprentissage dont une partie du contenu porte sur des questions d’ordre juridique. Le [nom] se charge de recenser les enjeux pouvant poser des dilemmes juridiques. Toutefois, la formation offerte par le [nom] n’aborde pas les enjeux juridiques en tant que tels, dans la mesure où elle a principalement pour objet de préparer l’AR à reconnaître les situations qui soulèvent des doutes sur le plan juridique et qui, par conséquent, incitent à consulter le GLCSN. Autrement dit, les AR ne sont pas tant formés pour répondre aux questions d’ordre juridique que pour simplement reconnaître l’existence de ces questions. Or, force est de constater que les réponses précises qu’il convient de donner changent au fil du temps. Conséquemment, on forme les candidats pour qu’ils acquièrent le réflexe de demander conseil au GLCSN. L’OSSNR précise, toutefois, que la FNAR et le [nom] se présentent assez tôt dans la carrière d’un AR et que le SCRS ne dispose d’aucun programme officiel de perfectionnement professionnel. L’OSSNR note également que les formations ayant trait aux mandats ainsi qu’à l’obligation de franchise devraient être assez importantes pour nécessiter une formation annuelle obligatoire sur les mandats, et ce, pour tout le personnel opérationnel. Ainsi, le personnel opérationnel demeurerait au fait des changements apportés au processus s’appliquant aux mandats, mais aussi à l’environnement opérationnel, notamment les progrès technologiques qui peuvent influer sur les motifs qui justifient ou réfutent la nécessité d’obtenir un mandat.

(NC) Formateurs – Les AR participent aux programmes de formation des formateurs. Ces formateurs ont souvent exercé plusieurs fonctions opérationnelles et sont disposés à transmettre leur expertise de même qu’à offrir de l’encadrement. Parallèlement, le GLCSN compte travailler avec les centres stratégiques du SCRS et fournir de la rétroaction concernant les modules d’apprentissage dont une partie du contenu porte sur des questions d’ordre juridique. Le [nom] se charge de recenser les enjeux pouvant poser des dilemmes juridiques. Toutefois, la formation offerte par le [nom] n’aborde pas les enjeux juridiques en tant que tels, dans la mesure où elle a principalement pour objet de préparer l’AR à reconnaître les situations qui soulèvent des doutes sur le plan juridique et qui, par conséquent, incitent à consulter le GLCSN. Autrement dit, les AR ne sont pas tant formés pour répondre aux questions d’ordre juridique que pour simplement reconnaître l’existence de ces questions. Or, force est de constater que les réponses précises qu’il convient de donner changent au fil du temps. Conséquemment, on forme les candidats pour qu’ils acquièrent le réflexe de demander conseil au GLCSN. L’OSSNR précise, toutefois, que la FNAR et le [nom] se présentent assez tôt dans la carrière d’un AR et que le SCRS ne dispose d’aucun programme officiel de perfectionnement professionnel. L’OSSNR note également que les formations ayant trait aux mandats ainsi qu’à l’obligation de franchise devraient être assez importantes pour nécessiter une formation annuelle obligatoire sur les mandats, et ce, pour tout le personnel opérationnel. Ainsi, le personnel opérationnel demeurerait au fait des changements apportés au processus s’appliquant aux mandats, mais aussi à l’environnement opérationnel, notamment les progrès technologiques qui peuvent influer sur les motifs qui justifient ou réfutent la nécessité d’obtenir un mandat.

(S) Dans la foulée de la décision 2020 CF 616, le SCRS a instauré une formation imposée sur l’obligation de franchise destinée à tout le personnel opérationnel de l’organisme. La formation de trente minutes se présente donc sous la forme d’un module que les employés peuvent consulter en ligne. Ledit module contient 22 diapositives qui traitent de l’obligation de franchise. Ce module comprend, notamment, des exemples de manquements antérieurs, mais présente également le rôle que chacun doit tenir pour veiller à ce que l’obligation de franchise soit respectée. Or, le module ne comporte que deux questions à caractère théorique, ne contient aucune activité d’apprentissage axée sur les cas concrets et ne prend que la moitié du temps normalement investi par les employés. Ce type de formation illustre parfaitement les inquiétudes exprimées par les personnes interrogées en cours d’examen, selon lesquelles il serait illusoire de s’attendre à ce que le SCRS puisse instaurer une culture de la conformité grâce à des formations sur PowerPoint qui demandent aux apprenants de simplement cocher des cases. pro forma box checking.

(NC) En matière de formation, la culture du SCRS a toujours été fondée exclusivement sur l’acquisition initiale des compétences. De plus, l’OSSNR avait entendu dire que les toutes premières formations préparatoires à l’entrée ou à l’affectation en région n’étaient pas aussi rigoureuses que celles qui sont actuellement prodiguées et qu’elles misaient plutôt sur une pédagogie axée sur l’acquisition passive des notions et des compétences (par exemple, les présentations PowerPoint). La conception de formations modernisées pour les AR expérimentés et de formations normalisées pour les intervenants autres que les AR présente sa part de difficultés. En l’occurrence, l’A et P ne dispose pas des ressources qui lui permettraient d’élargir la sphère officielle d’apprentissage du SCRS, et ce, malgré l’importante demande en matière de formation spécialisée. Il convient de noter que le plan d’activités de l’A et P a récemment reçu l’approbation de la direction du SCRS. Ce plan vise notamment à instaurer trois centres régionaux d’apprentissage qui prodigueront des formations modernisées au niveau régional, mais qui permettront également de parfaire les compétences des AR formés selon l’ancien programme.

(NC) Les AR et les autres intervenants ont bel et bien soulevé les problèmes liés au manque de formation, mais les intervenants autres que les AR ont été les plus nombreux à faire part de cette lacune. Selon ce qu’ils rapportent, ces intervenants autres de les AR – c’est à dire les gestionnaires, les analystes et les experts techniques – n’ont bénéficié d’aucune formation formelle, lorsqu’ils ont été embauchés par l’organisme. Bon nombre d’entre eux avaient demandé des mesures de mentorat, alors que certains autres sentaient qu’on les considérait déjà comme des experts, ce qui les excluait de toute possibilité de mentorat.

(NC) Selon les observations de l’OSSNR, tout engagement à l’égard de la formation n’est réel que dans la mesure où l’on y consacre les ressources nécessaires. Dans le même temps, la formation n’atteindra ses objectifs que si l’on accorde aux employés le temps nécessaire à l’acquisition de compétences et de connaissances. À ce titre, certaines des personnes interrogées doutent que les sous-sections déjà aux prises avec un manque de personnel réussissent à se constituer un capital humain.

Conclusion no 22 : L’OSSNR est d’avis que le SCRS affiche des lacunes pour ce qui a trait aux programmes de formation à long terme destinés aux agents du renseignement.

Conclusion no 23 : L’OSSNR est d’avis que le SCRS n’a pas été en mesure d’offrir des programmes formels de formation aux intervenants « autres que les agents du renseignement ».

Conclusion no 24 : L’OSSNR est d’avis que la Division de l’apprentissage et du perfectionnement du SCRS n’a pas disposé des ressources requises pour élaborer et administrer des programmes de formation complets, particulièrement dans les domaines spécialisés qui ne sont pas couverts par la formation que les agents du renseignement reçoivent en début de carrière.

Suivant ces conclusions, l’OSSNR recommande :

Recommandation no 18 : Que le SCRS accorde des ressources suffisantes à la création et à la prestation continue de formations évolutives axées sur les scénarios à l’intention de tous les employés du SCRS. Ces formations comprendront notamment :                                                     

  • une formation annuelle complète sur le traitement des mandats destinée à tous les employés opérationnels;
  • une formation d’accueil spécialement conçue pour les employés autres que les agents de renseignement;
  • un programme de perfectionnement à long terme pour les membres du personnel spécialisé.

5. Conséquences Des Problèmes D’ordre Systémique

(NC) Le présent rapport se termine par l’examen et la formulation d’observations à l’égard de la gouvernance transversale et des questions culturelles qui découlent, du moins en partie, des difficultés souvent éprouvées dans le contexte des conseils juridiques et des processus relatifs aux mandats. En l’occurrence, l’OSSNR divise ces phénomènes transversaux en deux catégories : d’un côté, le moral et les attitudes; de l’autre, l’exercice de la mission.

a) Moral et culture de la résistance au changement

(NC) Suivant ce que l’OSSNR a lu et entendu, le moral serait particulièrement bas au SCRS – une préoccupation centrale non seulement pour les personnes que l’OSSNR a interrogées, mais aussi pour les employés qui ont passé des entrevues de départ à la retraite ou de départ suivant démission. Or, il y a probablement plusieurs raisons qui expliquent ce problème lié au moral. Et les problèmes éprouvés sur le plan systémique et sur le plan de la gouvernance pour ce qui a trait au processus relatif aux mandats n’y sont certes pas étrangers. Le moral est miné par le système d’obtention des mandats, qui semble compromettre l’exercice de certaines fonctions organisationnelles tout en étant souvent une source de crises liées aux atteintes à la réputation provoquées par les manquements à l’obligation de franchise.

(NC) Par la même occasion, les employés sont conscients de prendre part à un processus rigoureux. En effet, si rigoureux que les employés sont frustrés qu’aussi peu de mandats soient demandés. Ils se sentent coincés dans un environnement qui est voué à l’échec et accablé d’un fardeau bureaucratique attribuable au fait que les demandes de mandat doivent se rendre devant la Cour.

(NC) L’OSSNR note que ceux qui sont désillusionnés par ce qui semble être l’éternel problème de la conformité pourraient, selon ce qu’on rapporte, être répartis dans trois groupes affichant chacun sa propre perspective : ceux qui voient les mesures de conformité comme un inconvénient; ceux qui ne comprennent pas l’objet des mesures de conformité; et ceux qui voient ces mesures comme la manifestation d’une responsabilité diffuse ou insuffisante en matière de gouvernance.

(NC) D’abord, certaines personnes interrogées ont indiqué ce qui suit : bien que l’obligation de franchise envers la Cour fédérale ait donné lieu à un surcroît d’obligations en matière de divulgation et ait exigé de nouveaux engagements, les manquements sont perçus comme des risques à gérer et non comme des problèmes à résoudre. Pour les tenants de cet avis, il faut savoir que la primauté du droit n’est pas une condition sine qua non. En effet, certaines personnes interrogées ont exprimé de sérieux doutes quant à l’existence d’une culture de la conformité ou n’étaient pas enclins à dire que les normes en matière d’obligation de franchise seraient rigoureusement suivies dans le contexte de la gestion des sources confidentielles.

(NC) D’autres ont exprimé des points de vue passablement différents et considéraient que les occurrences de non-conformité étaient liées à un manque de formation et à la désuétude des processus et des politiques. Il est reconnu que le SCRS n’accorde pas suffisamment de ressources aux activités relevant des politiques, de la conformité ou de la formation. Même lorsque les politiques sont modifiées, d’aucuns ont affirmé à l’OSSNR que la simple mise en œuvre de nouveaux protocoles – pour peu qu’on les lise – n’était pas suffisante pour apporter les changements voulus. Des personnes interrogées ont rapporté, par exemple, que les communications concernant le projet [Nom] étaient ignorées. Le SCRS est en train de mettre sur pied des centres stratégiques, mais les employés n’ont qu’une vague compréhension du rôle de ces sous-sections et ne sont possiblement pas suffisamment au courant des enjeux qu’il convient de connaître lorsqu’il s’agit de solliciter l’avis d’un expert.

(NC) Concernant le troisième groupe, l’OSSNR en a entendu certains exprimer des inquiétudes à l’égard de la gouvernance lacunaire s’appliquant aux mandats et aux enjeux liés à la conformité. Certaines personnes interrogées se sont dites préoccupées par une certaine vacuité sur le plan de la gouvernance. D’aucuns affirment que les gestionnaires n’en ont pas suffisamment fait pour réduire l’incertitude que les employés éprouvent à l’égard des règles, et que même les membres de la haute direction ne semblaient parfois pas comprendre l’objet et les répercussions des règles applicables. L’OSSNR a entendu dire que l’on exprimait aucune gratitude à l’égard des employés prenant part aux initiatives visant la conformité; on est même allé jusqu’à dire que certains membres du personnel dont la conduite en matière de conformité laissait à désirer avaient tout de même réussi à obtenir des promotions. Le SCRS a été décrit par certains comme une organisation dont la culture empêche les mauvaises nouvelles de se rendre aux plus hauts échelons de la hiérarchie; une culture où les gestionnaires semblent allergiques au signalement et à la prise en compte des leçons apprises, ne préférant voir que le côté positif des erreurs commises.

(NC) Pour d’autres personnes interrogées, le SCRS aurait censément adopté une approche « zéro-échec » en matière de conformité, ce qui serait à l’origine de cet environnement de travail qualifié de fragile et d’hostile au risque. Par exemple, au sein du SCRS, il serait mal venu de penser qu’il est parfois possible de se tromper sur certains aspects d’une question litigieuse. Une demande de mandat comportant certains problèmes est généralement perçue comme un désastre qui peut mettre une carrière en péril. De fait, des personnes interrogées ont indiqué qu’il régnait en interne une espèce de phobie de l’erreur commise au sein d’une culture dénonciatrice et punitive à l’égard de ceux qui oseraient commettre une erreur. Le mot d’ordre veut que l’échec soit interdit à ceux qui veulent être promus, ce qui instaure un climat de prudence excessive au sein duquel il est préférable de ne rien faire et de ne pas poser de question. Il y a tout lieu de croire que ce type de culture favorise la multiplicité des étapes de traitement des mandats et occulte la sphère de responsabilisation. Il se pourrait même que ce phénomène explique en partie pourquoi certains doutes sur le plan juridique ne sont pas exprimés devant la Cour pour être ensuite résolus pendant le processus s’appliquant aux mandats.

(NC) Pendant la préparation de ses recommandations, l’OSSNR a orienté les responsabilités centrales associées au traitement des mandats en fonction du cadre législatif de reddition de comptes, tout en s’assurant que ceux qui exercent un contrôle sur le processus soient en mesure de surveiller l’un de ces facteurs qui influent sur le moral des membres d’une organisation.

b) Exercer la mission

(NC) Dans le présent rapport, l’OSSNR a relevé plusieurs problèmes sur le plan de la gouvernance et de la culture organisationnelle. Or, le fait que les services juridiques fournis par le ministère de la Justice ne s’alignent pas sur les besoins du SCRS, les retards attribuables à la quête de conseils juridiques, et la rupture entre le contexte de la prestation des conseils juridiques et les impératifs opérationnels du SCRS pourraient ne pas être les seuls facteurs responsables de la création du climat actuel. En effet, la situation qui prévaut ne peut qu’avoir été aggravée par d’autres causes possibles qui seraient hors de la portée du présent examen. Les problèmes ont donné lieu à une culture propice à la méfiance à l’endroit des avocats du ministère de la Justice et provoque une réaction systémique suivant laquelle il arrive que le SCRS préfère éviter de solliciter des conseils de nature juridique.

(NC) L’OSSNR ne remet nullement en question le fait que le ministère de la Justice se prononce de façon monolithique, mais la structure de gouvernance mise en place pour garantir une certaine cohérence ne peut pas, dans le même temps, supplanter un autre objectif fondamental, celui de permettre à son client de se conformer au principe de la primauté du droit.

(NC) Pour offrir un service « axé sur le client », tel qu’il l’énonçait dans son projet VISION, le ministère de la Justice doit cesser d’être perçu comme un obstacle et devenir un conseiller franc et direct qui est parfaitement conscient des objectifs opérationnels. Pour y parvenir, il conviendra de mettre en œuvre plusieurs recommandations connexes qui sont énoncées dans le présent rapport. Ces recommandations touchent également la gouvernance et la culture du ministère de la Justice. Pour ce qui concerne la gouvernance, les recommandations visent la formation, la prestation en temps opportun de conseils clairement énoncés et l’élargissement de la période de disponibilité des avocats. Quant à la culture, les recommandations portent sur l’instauration d’une culture axée sur le soutien, qui offre plus que de simples opinions juridiques, lesquels ne constituent, en quelque sorte, que des panneaux de signalisation – les recommandations demandent plutôt que les avocats agissant comme conseillers qui formulent leurs opinions de telle sorte que celles-ci constituent des rappels concernant la façon dont une opération de renseignement devrait se dérouler tout en respectant le principe de la primauté du droit. La prestation de conseils sous forme de feuille de route ne signifie pas que le ministère de la Justice abandonne sa défense inébranlable de sa propre indépendance. Cela signifie plutôt de formuler lesdits conseils pour qu’ils favorisent le plus possible l’atteinte des objectifs opérationnels dans le respect de la primauté du droit. La culture de la méfiance et de l’évitement ne se métamorphosera pas du jour au lendemain, mais un engagement précoce, continu et résolu envers les opérations devrait permettre de rebâtir les relations.

(NC) L’actuelle gouvernance en matière de prestation de conseils nuit inutilement aux opérations. Si rien n’est changé, les deux organismes mettront en péril la possibilité même d’exercer leurs mandats respectifs.

(NC) Pour le SCRS, les risques pesant sur sa capacité à exercer pleinement son mandat se posent sur plusieurs plans. En outre, l’OSSNR était en faveur du principe voulant que les mandats constituent un « élément vital » pour le SCRS. Or, il est possible que les membres de l’effectif du SCRS ne s’entendent pas tous sur le degré d’importance de ces mandats. De fait, plusieurs personnes interrogées adhèrent à ce que l’on pourrait appeler la culture axée sur la sécurité nationale, où la réussite repose sur la capacité du SCRS à exercer sa mission dans le but de renforcer la sécurité nationale du Canada. L’objectif est de produire des informations qui ont été collectées dans le respect des lois et que le gouvernement peut exploiter pour promouvoir ses intérêts. Ainsi, l’ensemble de l’appareil du SCRS doit bien comprendre les objectifs visés par la collecte desdites informations et tenir compte du fait que tous les intervenants travaillent ensemble pour atteindre ces objectifs et non pour favoriser discrètement une multiplicité d’efforts distincts. L’OSSNR conclut donc que la désillusion va souvent de pair avec la reconnaissance voulant que les mandats soient de plus en plus importants pour le fonctionnement des opérations de renseignement tout en étant, du même coup, difficiles à obtenir. Compte tenu de l’utilisation toujours croissante des communications électroniques, il faut rappeler que les savoir-faire qui n’étaient pas visés par les mandats sont de plus en plus utilisés dans les activités qui requièrent l’obtention d’un mandat. Autrement dit, les mandats sont de plus en plus liés aux savoir-faire traditionnellement employés par le SCRS.

(NC) En revanche, selon un certain nombre des personnes interrogées, un nombre trop élevé d’enquêtes du SCRS sont désormais affaiblies par le processus relatif aux mandats. Ce processus a même été comparé aux chances de gagner à la loterie, non pas en raison du faible taux de réussite devant la Cour fédérale, mais à cause de l’ampleur du travail qu’il faut investir dans la préparation d’une demande devant être présentée devant la Cour.

(S) L’OSSNR a également su que des enquêteurs [discussion comment la collecte des activitées sont affectées] [discussion d'effet dela collecte des activitées] mettaient tout en œuvre pour faire progresser les enquêtes. Or, chacun pouvait y aller de sa propre interprétation quant aux [la collecte], qui pourraient repousser les limites et, du même coup, créer une zone grise soulevant des questions juridiques et des risques d’atteinte à la réputation qui pourraient être soulevés dans le cadre d’un examen ou de procédures judiciaires. De plus, bien que la collecte autorisée par mandat puisse indiquer clairement que la croyance raisonnable du SCRS – voulant que l’individu visé soit impliqué dans des activités menaçantes – est bel et bien fondée, d’autres techniques pourraient placer la cible dans une impasse. [discussion comment la collecte des activitées sont affectées]. En même temps, cette risque d’inciter l’État à braquer son attention sur des personnes pendant de plus longues périodes, puisque [discussion comment la collecte des activitées sont affectées].

(NC) De l’avis général, le processus s’appliquant aux mandats ne devrait pas constituer un goulot d’étranglement pour les activités autorisées par mandat; toute forme de goulot d’étranglement devrait être géré en fonction des impératifs opérationnels. L’OSSNR a entendu dire qu’une réforme réussie du processus s’appliquant aux mandats se résumerait à ce qui suit : des mandats en plus grand nombre, préparés spécifiquement pour la menace visée et comportant une évaluation de la menace qui soit brève mais détaillée tout en répondant aux attentes de la Cour.

(NC) Tel que l’indiquent les calculs présentés dans les sections précédentes, la question visant à savoir combien de mandats le SCRS devrait exécuter chaque année n’est pas facile à résoudre. Or, un quasi-consensus semble indiquer qu’il conviendrait de demander un nombre plus élevé de mandats que par les années passées. Dans un contexte de complexification des menaces et de prolifération des communications électroniques, il faut s’attendre à ce que les impératifs opérationnels nécessitent une intensification des activités autorisées par mandat. Or, le nombre des problèmes émergeants ne peut que s’accroître, ce qui renforce la nécessité de solliciter des conseils juridiques et, par la même occasion, de coopérer avec le ministère de la Justice.

(NC) L’OSSNR ne voit pas l’heure de résoudre les difficultés soulevées dans le présent rapport tant que l’on s’en tiendra au status quo. Vu les circonstances actuelles, le processus relatif aux mandats risque de tirer le pire de tous les mondes : un système qui empêche le SCRS d’exercer la mission qui lui a été confiée et qui ne dispose pas de moyens suffisants pour prévenir les erreurs de droit.

(NC) Le présent rapport a relevé bon nombre de problèmes de gouvernance, tant au ministère de la Justice qu’au SCRS. Les lacunes dans la gestion de l’information; le manque de formation; les nombreuses étapes du processus s’appliquant aux mandats; l’absence d’une fonction efficace de contrôle; le manque de compréhension à l’égard du processus décisionnel; et l’absence d’une chaîne de reddition de comptes officielle sont autant de facteurs déterminants qui sous-tendent les questions devant définir la notion de gouvernance : De quelle façon les décisions sont-elles prises? Qui est appelé à prendre ces décisions? À qui revient-il de rendre des comptes concernant ces décisions?

(NC) Les réformes devraient permettre d’apporter des réponses claires à ces questions. Entre autres choses, l’OSSNR a recommandé que le directeur du SCRS se porte davantage responsable de la Sous-section des déposants et que le ministre de la Sécurité publique tienne un rôle plus direct à l’égard des contrôles applicables aux mandats. Toutefois, ces réformes structurelles, ne produiront des résultats positifs que si elles sont appuyées par la mise en œuvre d’autres recommandations, particulièrement celles qui visent à assurer la pérennité de la Sous-section des déposants.

(NC) En définitive, le présent examen fait suite à la question soulevée au sujet des manquements à l’obligation de franchise. Il conclut que la récurrence des manquements dans ce domaine découle/est à l’origine de schèmes profondément ancrés sur le plan de la gouvernance et de la culture organisationnelle. Au reste, ce cercle vicieux n’a fait qu’amplifier les problèmes liés aux réformes du processus d’obtention des mandats. L’OSSNR est d’accord avec les propos tenus dans le rapport d’examen indépendant réalisé par Rosenberg suivant lesquels : [traduction] « l’un des préalables à la mise en œuvre des recommandations est de résoudre les questions liées à la culture organisationnelle pour ce qui a trait aux mandats ».

(NC) Les difficultés dont plusieurs personnes interrogées ont fait état ne seront résolues que si la vaste réforme de la gouvernance facilite le déroulement d’un processus amélioré de traitement des mandats. Les changements ponctuels ou les réformes sur papier qui masquent les problèmes liés à la culture et à la gouvernance sans les résoudre subiront le même sort que les mesures appliquées jusqu’à présent : ils seront voués à l’échec et ne résoudront pas les problèmes d’ordre systémique. Un effort majeur s’impose. Dans le présent rapport d’examen, l’OSSNR a proposé une série de réformes. Aucune des recommandations ici formulées ne suffirait, en soi, à résoudre à la source les problèmes systémiques qui minent le processus relatif aux mandats. Le ministère de la Justice et le SCRS devront appliquer l’ensemble des recommandations.

(NC) Conclusion no 25 : L’OSSNR est d’avis que le SCRS et le ministère de la Justice risquent de ne pas être en mesure d’exercer leurs missions respectives. Ni l’une ni l’autre des réformes proposées n’arrivera seule à résoudre les problèmes; une mise en œuvre concertée de l’ensemble des réformes s’impose. Or, cette mise en œuvre de l’ensemble des réformes ne fonctionnera que si elle constitue une priorité majeure pour la haute direction et si elle dispose de ressources suffisantes et stables, c’est-à-dire si elle peut compter sur l’effectif et les connaissances institutionnelles permettant une instauration adéquate desdites réformes. De plus, toute initiative de réforme doit être accompagnée d’une série d’indicateurs de rendement clairement énoncés ainsi que de mécanismes de mesure et d’analyse permettant de faire le suivi des progrès réalisés.

Suivant ces conclusions et en considération des échecs précédents en matière de réforme, l’OSSNR recommande :

(NC) Recommandation no 19 : Que les recommandations énoncées dans le présent rapport d’examen soient intégralement mises en œuvre de façon coordonnée et que les progrès ainsi que les résultats de cette mise en œuvre soient documentés pour permettre à la direction du SCRS, au ministre de la Sécurité publique, au ministre de la Justice et à l’OSSNR d’évaluer l’efficacité des réformes et, s’il y a lieu, d’apporter les ajustements qui s’imposent.

L’OSSNR envisage de procéder à un examen de suivi dans les deux années afin de mesurer les progrès réalisés au SCRS, au ministère de la Justice et à Sécurité publique pour ce qui a trait à la résolution des problèmes systémiques qui minent le processus de traitement des mandats et qui sont l’objet du présent examen. De plus, dans le cadre d’autres examens touchant les mandats, l’OSSNR documentera les occurrences de problèmes systémiques. Au reste, comme le présent examen découle d’une décision de la Cour fédérale, il est essentiel que le Ministre et le SCRS en fasse intégralement part aux juges désignés de cette Cour.

Suivant la reconnaissance du fait que le présent rapport fait suite à une recommandation de la Cour fédérale, l’OSSNR recommande :

(NC) Recommandation no 20 : Que la version intégrale classifiée du présent rapport soit mise à la disposition des juges désignés de la Cour fédérale.

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Examen de l’OSSNR découlant de la décision 2020 CF 616 de la Cour fédérale

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Numéro de l'examen :

21-18

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NSIRA Review arising from Federal Court’s Judgment in 2020 Federal Court 616: Statements

Examen de l’OSSNR découlant de la décision 2020 CF 616 de la Cour fédérale


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Review of Departmental Frameworks for Avoiding Complicity in Mistreatment by Foreign Entities 2017 MD: Backgrounder

LECCMTIEE (examen des IM de 2017)


Fiche d'information

Document d’information

De 2019 à 2020, l’OSSNR a effectué son premier examen interministériel. L’examen a porté sur la mise en œuvre des Directives ministérielles de 2017 visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères (DM de 2017). L’examen visait à accroître les connaissances de l’OSSNR sur le processus d’échange de renseignements adopté par les six ministères qui ont reçu le DM de 2017.

L’OSSNR a réalisé une étude de cas pour chacun des ministères qui avaient opérationnalisé les DM de 2017. L’OSSNR a noté des différences importantes dans la mise en œuvre et l’opérationnalisation des processus d’échange de renseignements des six ministères. L’OSSNR a constaté que le CST, le SCRS et la GRC avaient mis en œuvre le DM de 2017; le MDN et les FAC a mis en œuvre les derniers éléments du DM de 2017; l’AMC n’avait pas encore mis en œuvre le DM de 2017 et l’ASFC n’avait pas encore opérationnalisé les DM de 2017.

L’OSSNR a examiné et a constaté des différences dans la mesure où le pouvoir de prendre de décisions à risque élevé est retiré au personnel opérationnel qui peut avoir un intérêt direct dans le partage. Le CST et la GRC avaient les processus les plus indépendants. AMC a retiré le processus décisionnel à risque élevé au personnel de première ligne tandis que le SCRS et les décideurs du MDN et des FAC avaient un intérêt opérationnel direct dans l’échange de renseignements. L’OSSNR a recommandé que les ministères veillent à ce que, dans les cas où le risque de mauvais traitements approche le seuil « considérable », les décisions soient prises indépendamment du personnel opérationnel directement investi dans le résultat.

L’OSSNR a également constaté un manque de normalisation dans l’évaluation des risques lié à l’échange de renseignements, tant pour les pays étrangers que pour les entités étrangères. Cette question a de nouveau été soulevée dans les examens ultérieurs sur l’échange de renseignements de l’OSSNR.

En 2019, le Parlement a adopté la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (LCMTIEE), qui, conjointement avec les décrets publiés par la suite, a codifié de nombreuses dispositions du DM de 2017 et laissé les interdictions et limites essentielles inchangées. Il convient de noter que les six ministères examinés dans le cadre de cet examen sont également les mêmes ministères pour lesquels il existe une obligation de publier des décrets en vertu de la loi. Cet examen a fourni une base qui a facilité les examens ultérieurs sur l’échange de renseignements prescrits par l’OSSNR.

La publication de cet examen cadre avec les efforts déployés par l’OSSNR pour accroître la transparence et être plus accessible pour les Canadiens grâce à son travail.

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Review of Departmental Frameworks for Avoiding Complicity in Mistreatment by Foreign Entities 2017 MD: Report

LECCMTIEE (examen des IM de 2017)


Rapport

Date de publication :

Résumé

En 2011 et de nouveau en 2017, un certain nombre de ministères et d’organismes ont reçu de leur ministre des directives (ci-après appelées « directive ministérielle » ou « DM ») sur la façon de gérer les risques de mauvais traitements associés à l’échange d’information avec des entités étrangères. Récemment, le Parlement a adopté la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (Loi). En septembre 2019, en vertu de la Loi, des instructions ont été données à douze ministères, dont six n’avaient encore jamais reçu d’instructions officielles sur cette question.

Le présent examen avait pour objectif d’aider l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) à acquérir des connaissances sur les processus d’échange d’information adoptés par les ministères en vertu de la DM de 2017. Les instructions données conformément à la Loi en septembre 2019 ont codifié bon nombre des dispositions de la DM de 2017 sans en changer les interdictions et les limites essentielles. Le présent examen a donc permis de mettre en place une base de connaissances précieuse qui accélérera et facilitera les examens des échanges d’information que réalisera l’OSSNR.

L’examen a été axé sur les ministères qui avaient déjà reçu la DM de 2017 : le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), Affaires mondiales Canada (AMC) et le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes (MDN et FAC).

Observations et recommandations

Le degré de mise en œuvre varie d’un ministère à un autre

L’OSSNR a noté des différences importantes entre les six ministères en ce qui a trait au degré de mise en œuvre des processus d’échange d’information. En résumé :

  • le CST, le SCRS et la GRC ont mis en œuvre la DM de 2017;
  • le MDN et les FAC sont en voie de mettre en œuvre les derniers éléments de la DM de 2017;
  • AMC n’a pas encore totalement mis en œuvre la DM de 2017;
  • en pratique, l’ASFC n’a pas encore opérationnalisé la DM de 2017.

The concept of “substantial risk” of mistreatment is not defined

Comme la DM de 2017, la Loi et les instructions qui en découlent interdisent les échanges d’information qui entraîneraient un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés. Cependant, ni la Loi ni les instructions connexes ne comprennent une définition du terme « risque sérieux », malgré le rôle central que ce concept joue dans le régime. Le terme « risque substantiel » était défini dans les DM de 2011 et de 2017. L’absence d’une telle définition suscite des inquiétudes sur l’interprétation qui sera donnée à ce critère à l’avenir.

Recommandation : La définition de « risque sérieux » devrait être codifiée dans la loi ou dans les instructions publiques.

L’indépendance du processus décisionnel varie d’un ministère à un autre.

  • le CST et la GRC ont les processus les plus indépendants;
  • les processus décisionnels mis en place par AMC jusqu’ici enlèvent aux employés « de première ligne » la responsabilité de la prise de décisions à risque élevé;
  • au SCRS ainsi qu’au MDN et aux FAC, les décideurs ont habituellement un intérêt opérationnel direct dans l’échange d’information;
  • l’ASFC n’a pas encore opérationnalisé ses processus d’échange d’information.

Recommandation : Les ministères devraient faire en sorte que, dans les cas où le risque de mauvais traitements se rapproche du niveau « sérieux », les décisions soient prises indépendamment des employés des secteurs opérationnels ayant un intérêt particulier dans le résultat.

Les évaluations des risques associés aux échanges d’information ne sont pas uniformisées.

En vertu de la DM de 2017, AMC, le SCRS, le CST et la GRC ont tous leur propre série de profils de pays étrangers ou d’entités étrangères, tandis que le MDN et les FAC sont en train d’établir les leurs. L’existence de multiples évaluations différentes constitue un dédoublement inutile. Elle pourrait également introduire des incohérences, les ministères arrivant parfois à des conclusions très différentes sur les bilans des pays étrangers et des entités étrangères en matière de droits de la personne ainsi que sur les risques associés à l’échange d’information.

Recommandation : Les ministères devraient : a) se doter d’un ensemble unifié d’évaluations de la situation des droits de la personne dans les pays étrangers, notamment d’un niveau uniforme de classification du risque de mauvais traitements pour chaque pays; b) dans la mesure où de multiples ministères traitent avec les mêmes entités étrangères dans un pays donné, utiliser des évaluations uniformisées du risque de mauvais traitements associé à l’échange d’information avec des entités étrangères.

Avantages des examens internes des processus d’échange d’information

Enfin, l’OSSNR a constaté que les examens internes périodiques des politiques et des processus en matière d’échange d’information aident à en assurer le bon fonctionnement à long terme.

Recommandation : Les ministères devraient effectuer des examens internes périodiques de leurs politiques et de leurs processus en matière d’échange d’information avec des organismes étrangers afin de repérer les lacunes et les éléments qui ont besoin d’être améliorés.

2. Authorités

Le présent examen a été réalisé conformément à la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (Loi sur l’OSSNR), plus particulièrement aux alinéas 8(1)a) et 8(1)b) et aux articles 9 et 11 de cette loi.

3. Introduction

De nombreux ministères et organismes du gouvernement du Canada échangent couramment de l’information avec des entités étrangères. Comme l’échange d’information avec les organismes de certains pays peut entraîner un risque que de mauvais traitements soient infligés à des individus, il incombe au gouvernement du Canada d’évaluer et d’atténuer les risques que ces échanges comportent. C’est particulièrement le cas pour les échanges d’information liés à la sécurité nationale et au renseignement, l’information ayant souvent trait à une présumée participation au terrorisme ou à d’autres activités criminelles.

Le Canada a pris plusieurs engagements contraignants en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT) et d’autres ententes internationales. Les interdictions des mauvais traitements – y compris de la complicité dans les cas de mauvais traitements – énoncées dans ces ententes sont considérées comme faisant partie du droit international coutumier. Certaines obligations du Canada ont été intégrées dans des lois canadiennes en vertu de l’article 269.1 du Code criminel.

En 2011 et de nouveau en 2017, un certain nombre de ministères ont reçu de leur ministre des instructions sur la façon de gérer les risques associés à l’échange d’information avec des entités étrangères. Récemment, le Parlement a adopté le projet de loi C-59, qui comprenait la Loi. En septembre 2019, en vertu de la Loi, des instructions ont été données à douze ministères, dont six n’avaient encore jamais reçu d’instructions officielles sur l’échange d’information avec des entités étrangères.

Conformément au paragraphe 8(2.2) de Loi de L’OSSNR Conformément au paragraphe 8(2.2) de sa loi constituante, l’OSSNR examine chaque année la mise en œuvre dans chaque ministère des instructions données par le gouverneur en conseil en vertu de la Loi. L’OSSNR réalisera ce premier examen en 2020. Il a cependant effectué le présent examen dans le but d’apprendre à connaître et de comprendre la mise en œuvre dans les ministères de l’IM de 2017. Les instructions données en vertu de la Loi en septembre 2019 ont codifié bon nombre des dispositions de l’IM de 2017 sans en changer les limites et les interdictions essentielles. Le présent examen a donc fourni une base précieuse qui accélérera et facilitera les examens des échanges d’information que réalisera l’OSSNR.

L’examen a été axé sur les six ministères qui avaient reçu l’IM de 2017 : le SCRS, le CST, la GRC, l’ASFC, AMC ainsi que le MDN et les FAC. L’OSSNR a examiné les politiques et processus des ministères ainsi que les documents relatifs aux ententes avec l’étranger. Dans la mesure du possible, l’OSSNR a présenté une seule étude de cas par ministère afin de montrer comment l’échange d’information s’effectue en pratique. Étant donné l’approche de haut niveau adoptée pour le présent examen, l’OSSNR a décidé de faire une série d’observations générales sur les forces et les faiblesses du cadre d’échange d’information avec des entités étrangères des ministères, plutôt que des constatations officielles. Les recommandations formulées par l’OSSNR s’appliquent à l’ensemble des ministères.

Le présent examen a été axé sur les politiques et procédures ministérielles pour la communication et la demande de renseignements auxquels un risque de mauvais traitements est associé. Il ne porte pas sur l’utilisation de renseignements qui pourraient avoir été obtenus à la suite de mauvais traitements, sujet sur lequel l’OSSNR pourrait se pencher ultérieurement.

4. Renseignement généraux

En 2011, le gouvernement du Canada a approuvé un « Cadre de gestion des risques liés à l’échange d’information avec des entités étrangères ». Ce cadre général a été la première série de la directive multiministérielles données sur la question de l’échange d’information et des mauvais traitements. Son objectif principal était d’établir une façon uniforme et cohérente d’aborder l’échange d’information avec des entités étrangères à l’échelle du gouvernement.

Plus tard en 2011, un certain nombre de ministères dont les mandats étaient liés à la sécurité nationale ou au renseignement ont reçu des directives de leur ministre sur l’échange d’information avec des organismes étrangers (DM de 2011). Plus précisément, la DM de 2011 a été donnée au SCRS, au CST, à l’ASFC et à la GRC. La DM de 2011, qui a fini par être publiée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, a été abondamment critiquée par des organisations non gouvernementales, des groupes de défense des libertés civiles et d’autres, dont l’Association du Barreau canadien. La principale critique était qu’elle n’interdisait pas clairement la communication ou la demande de renseignements comportant un « risque substantiel » de mauvais traitements, mais autorisaient plutôt les ministères à évaluer la valeur des renseignements en fonction du risque de mauvais traitements.

En 2017, la DM de 2011 a été remplacée par une nouvelle « Instruction du ministre : Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères » (IM de 2017). La DM de 2017 a été donnée au SCRS, au CST, à l’ASFC et à la GRC – les ministères qui avaient reçu l’IM de 2011 – ainsi qu’au MDN et aux FAC et à AMC. Elle comprenait de nombreuses modifications, mais les plus importantes étaient l’interdiction claire de communiquer et de demander des renseignements entraînant un risque substantiel de mauvais traitements ainsi que les nouvelles limites fixées pour l’utilisation de renseignements vraisemblablement obtenus à la suite d’un mauvais traitement infligé par une entité étrangère. De plus, la nouvelle DM exigeait que les ministères tiennent à jour des politiques et des procédures afin d’évaluer les risques liés aux relations avec des entités étrangères.

L’IM de 2017 obligeait en outre les ministères à collaborer pour évaluer les pays étrangers et les entités étrangères. En réponse, Sécurité publique Canada (SP) a mis sur pied le Groupe de coordination d’échange de renseignements (GCER), composé de SP et des six ministères qui avaient reçu la DM de 2017. L’objectif était d’encourager les discussions interministérielles à l’appui d’une approche coordonnée de la mise en œuvre de la DM.

La Loi est entrée en vigueur le 13 juillet 2019. Elle prévoit que le gouverneur en conseil donne des instructions aux six ministères qui avaient reçu l’IM de 2017 et laisse à sa discrétion la décision d’en donner à d’autres ministères. Le 4 septembre 2019, la gouverneure en conseil a donné des instructions en vertu de la Loi à douze ministères. En plus des six ministères obligatoires, des instructions ont été données à SP, au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), à Transports Canada, à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), à l’Agence du revenu du Canada (ARC) et au ministère des Pêches et des Océans (MPO). Ces six nouveaux ministères font maintenant aussi partie du GCER présidé par SP.

En pratique, le régime d’échange d’information prévu par la Loi et les instructions subséquentes du gouverneur en conseil ressemblent beaucoup à la DM de 2017. Les limites fondamentales des possibilités d’échange d’information des ministères fédéraux sont restées les mêmes. Il est cependant intéressant de noter que le nouveau régime omet certains aspects de la DM de 2017. Ni la Loi ni les instructions connexes n’exigent des ministères, comme le faisait la DM de 2017, qu’ils tiennent à jour des politiques et des procédures internes afin d’évaluer les risques liés aux relations avec des entités étrangères, en collaboration avec d’autres ministères. Plus important encore, le nouveau régime ne définit pas le critère du « risque sérieux ». Les ramifications de ces choix sont examinées ci-après.

5. Observations et recommandations

Rapports

Une des nouvelles obligations imposées aux ministères dans la DM de 2017 était qu’ils présentent un rapport annuel à leur ministre comprenant :

Tous les ministères qui ont reçu la DM de 2017 se sont acquittés de leur obligation de faire rapport à leurs ministres respectifs, c’est-à-dire qu’ils ont produit un rapport à la fin de 2018 ou au début de 2019 décrivant leur première année d’activité sous le régime de la DM. Au moment de la rédaction du présent rapport, cependant, les ministères n’avaient pas tous publié un rapport public. Comme il procédait à un examen de base, l’OSSNR n’a pas évalué les rapports d’un œil critique.

Ministère Rapport au ministre Rapport public Cas approuvés Cas refusés
ASFC Présenté Publié 0 0
SCRS Présenté Publié 1 1
GRC Présenté Publié 25 4
CST Présenté Publié 1 0
MDN et FAC Présenté Non publié 0 0
AMC Présenté Non publié 0 0

Mise en œuvre de la directive ministérielle de 2017

Lorsque la DM de 2017 a été donnée, les ministères qui s’étaient déjà dotés de politiques et de procédures sur l’échange d’information conformément à la DM de 2011 se sont trouvés à bénéficier d’un avantage considérable. Le SCRS, le CST et la GRC, plus particulièrement, ont pu adapter rapidement leur système existant à la DM de 2017. Par contre, pour les ministères qui n’avaient pas reçu la DM de 2011 – ou qui ne l’avaient pas mise en œuvre –, l’arrivée de la DM de 2017 s’est révélée plus difficile.

CST : L’OSSNR observe que le CST a pleinement mis en œuvre tous les éléments de la DM de 2017. Les exigences de la DM ont été intégrées directement dans les politiques et les processus opérationnels du CST15. L’annexe D contient un aperçu détaillé du cadre d’échange d’information du CST et les résultats de l’étude de cas examinée par l’OSSNR.

GRC : En réponse à la DM de 2017, la GRC a révisé son cadre d’échange d’information et créé le Groupe d’évaluation de l’application de la loi (GEAL) qui, entre autres, évalue les antécédents en matière de droits de la personne des pays et tient un système de répartition des demandes d’échange d’information en fonction du risque. La GRC travaille actuellement à intégrer ces processus dans son Manuel des opérations. L’annexe E contient un aperçu détaillé du cadre d’échange d’information de la GRC et les résultats de l’étude de cas examinée par l’OSSNR.

SCRS : Après avoir reçu la DM de 2017, le SCRS a rapidement mis à jour ses politiques et procédures. En 2018, il a également instauré un nouveau système, comprenant trois niveaux de restriction selon la gravité du problème, pour mettre en œuvre l’exigence de la DM de limiter les échanges d’information avec des entités étrangères qui participent au mauvais traitement de personnes. Le SCRS a informé l’OSSNR qu’il révise ses politiques et procédures actuelles. L’annexe F contient un aperçu détaillé du cadre d’échange d’information du SCRS et les résultats de l’étude de cas examinée par l’OSSNR.

MDN et FAC : Bien qu’ils n’aient pas reçu la DM de 2011, le MDN et les FAC avaient des directives internes régissant les échanges d’information avec des entités étrangères depuis 2010. Après avoir reçu la DM de 2017, le MDN et les FAC ont mis à jour l’ensemble de leurs politiques et processus sur l’échange d’information afin de les rendre conformes aux nouvelles exigences. Le MDN et les FAC soumettent les forces partenaires à des vérifications, mais ils n’ont pas encore de système complet d’évaluation et de gestion des risques associés à l’échange d’information avec des entités étrangères. Toutefois, ils élaborent actuellement des profils de risque par pays plus détaillés ainsi qu’un processus d’évaluation uniformisé qui sera utilisé pour évaluer les risques associés aux échanges d’information avant qu’une entente d’échange d’information soit conclue. L’annexe G contient un aperçu détaillé du cadre d’échange d’information du MDN et des FAC.

AMC : Après avoir reçu la DM de 2017, AMC a créé le Comité de conformité à la directive ministérielle (CCDM) en décembre 2018. L’objectif du CCDM est d’examiner les demandes d’échange d’information auxquelles la DM pourrait s’appliquer. Il s’agit cependant de tout ce dont AMC dispose en fait de politiques et de procédures conformément à la DM. Il n’a pas de politiques ou de procédures expliquant la façon dont les employés doivent évaluer les cas d’échange d’information possibles de façon à ce que le CCDM soit saisi de tous les cas pertinents. Il ne suffit pas de simplement informer les employés qu’il leur revient d’évaluer un critère juridique complexe – le concept du « risque sérieux » de mauvais traitements au cœur des DM de 2011 et de 2017 ainsi que de la Loi – sans les orienter sur la façon dont ils doivent procéder. À ce titre, l’OSSNR observe qu’AMC n’a pas encore pleinement mis en œuvre la DM de 2017.

AMC (suite) : Il convient de noter qu’AMC produit des rapports sur la situation des droits de la personne dans les différents pays qui sont couramment utilisés au gouvernement pour faciliter l’évaluation des risques associés aux échanges avec des entités étrangères. Depuis 2018, AMC consacre une nouvelle partie de ces rapports à la question des mauvais traitements. L’annexe H contient un aperçu détaillé du cadre d’échange d’information d’AMC et les résultats de l’étude de cas examinée par l’OSSNR.

ASFC : En octobre 2018, l’ASFC a publié une version révisée d’un document stratégique de haut niveau en réponse à la DM de 2017. Ce document ne contenait cependant aucun processus concret de détection et de traitement des cas d’échange d’information associés à un risque de mauvais traitements. Les employés de l’ASFC n’ont donc pas de directives sur la façon de s’acquitter de leurs responsabilités en vertu de l’IM. L’ASFC n’a pas non plus de processus d’évaluation des risques associés à certains pays étrangers et entités étrangères, comme l’exige la DM. Elle a rédigé des processus et des politiques additionnelles depuis, qu’elle n’a cependant pas encore arrêtés définitivement ou appliqués. Étant donné ces lacunes importantes, l’OSSNR observe que l’ASFC n’a pas encore opérationnalisé la DM de 2017. Toutefois, l’ASFC a informé l’OSSNR qu’elle a l’intention d’apporter des améliorations importantes au cours de la prochaine année. L’annexe I contient un aperçu détaillé du cadre d’échange d’information de l’ASFC.

Les annexes propres à chaque ministère mentionnées ci-dessus contiennent des observations additionnelles. Il convient aussi de signaler que l’examen des politiques et des processus ministériels effectué par l’OSSNR se situait à un niveau élevé et qu’à ce titre les examens futurs pourraient donner lieu à des constatations et à des recommandations additionnelles. De plus, un certain nombre de ministères ont entrepris de réviser leurs pratiques d’échange d’information, dont plus particulièrement le SCRS et le MDN et les FAC.

Dans son tour d’horizon des ministères, l’OSSNR a constaté que les niveaux de rigueur et de cohérence varient au chapitre de la tenue de dossiers. Des comptes rendus justes et détaillés des délibérations et des raisonnements à l’appui des décisions prises concernant l’échange d’information avec des entités étrangères sont nécessaires pour renforcer la responsabilisation, étant donné surtout la décision que la Cour suprême a rendue récemment dans l’affaire Vavilov. L’OSSNR pourrait revenir sur cette question ultérieurement.

En juin 2019, la GRC a effectué un examen interne du cadre et des politiques en place en matière d’échange d’information. Cet examen lui a permis de mettre au jour diverses lacunes liées aux politiques, aux processus, à la formation et à la répartition des ressources. En se fondant sur la version provisoire de ce document qui lui a été remise, l’OSSNR constate que l’examen a été franc et approfondi. Il est actuellement utilisé pour orienter les améliorations à apporter. Des examens internes périodiques – comme celui que la GRC a effectué – devraient être considérés comme une pratique exemplaire.

Recommandation no 1 : Les ministères devraient effectuer des examens internes périodiques de leurs politiques et de leurs processus en matière d’échange d’information avec des organismes étrangers afin de repérer les lacunes et les éléments qui ont besoin d’être améliorés.

Processus décisionnel indépendant

Le concept d’atténuation des risques est déterminant dans les cadres d’échange d’information des ministères. Lorsqu’un échange d’information entraînerait un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés à un individu, l’information ne peut être échangée que si le ministère prend des mesures pour atténuer le risque de mauvais traitements de telle façon que le risque résiduel ne soit plus sérieux. Cela dépend donc beaucoup de la personne qui, au sein des ministères, est autorisée à prendre des décisions sur les points suivants :

  • les cas proposés d’échange d’information qui entraîneraient un risque sérieux de mauvais traitements
  • la suffisance des mesures d’atténuation proposées.

Lorsqu’il a examiné les divers processus décisionnels adoptés par les ministères, l’OSSNR a constaté que les niveaux d’indépendance face au personnel opérationnel varient. Il s’est particulièrement intéressé aux processus dans lesquels les personnes qui prennent les décisions ont un intérêt opérationnel direct dans l’échange d’information, créant un éventuel conflit entre les impératifs opérationnels et les obligations du ministère de respecter la DM.

Au CST, tout le processus d’évaluation des risques de mauvais traitements est effectué par des équipes non opérationnelles. La centralisation du processus décisionnel en matière d’échange d’information à l’intérieur d’une seule direction réduit au minimum les pressions opérationnelles directes tout en facilitant la prise de décisions éclairées et objectives.

Le processus de la GRC repose sur d’autres mécanismes pour assurer un processus décisionnel indépendant. Lorsqu’ils veulent échanger de l’information, les enquêteurs doivent consulter une liste de pays et de types d’échanges d’information pour lesquels la GRC a déterminé à l’avance qu’ils représentent un risque suffisant de mauvais traitements. Si l’échange proposé correspond à la liste, le cas est automatiquement soumis au Comité consultatif sur les risques – Information de l’étranger (CCRIE). Le CCRIE est constitué de plusieurs cadres supérieurs de la direction générale de la GRC qui ne sont pas directement liés à la première ligne opérationnelle. Le système de renvoi au CCRIE repose sur des critères clairs et retire leur pouvoir discrétionnaire aux agents qui ont un intérêt direct dans l’échange d’information. Il est possible que ces agents ne comprennent pas bien le contexte géopolitique de l’échange d’information proposé et ne soient donc pas les mieux placés pour évaluer si un risque sérieux de mauvais traitements pourrait en découler.

AMC demande que les directeurs généraux et les chefs de mission soumettent au CCDM tous les cas où un échange d’information proposé pourrait entraîner un risque sérieux de mauvais traitements. Le CCDM, qui est composé de cadres supérieurs de tout le ministère ainsi que d’un représentant des services juridiques, décide centralement s’il est possible d’atténuer ce risque sérieux. Comme il a déjà été signalé, cependant, AMC n’a pas encore donné de directives à ses fonctionnaires sur la façon de déterminer si le critère de renvoi au CCDM est respecté.

Comparativement à ceux du CST, d’AMC et de la GRC, les processus décisionnels du SCRS et du MDN et des FAC sont beaucoup plus proches des opérations. Le SCRS donne aux modules des orientations de haut niveau sur la façon de déterminer si un échange d’information pourrait entraîner un risque sérieux de mauvais traitements, mais laisse au sous-directeur général ou au directeur général de chacune des directions la responsabilité de décider, en dernière analyse, si la situation représente effectivement un risque sérieux et si ce risque peut être atténué. Ce n’est que si le SCRS a fortement restreint les échanges d’information avec l’entité étrangère en question – ou encore si la direction n’est pas certaine que le risque sérieux peut être atténué – que le dossier doit être soumis au Comité d’évaluation des échanges d’information (CEEI) qui tranchera. Par conséquent, la majorité des décisions du SCRS d’échanger de l’information – même celles qui sont associées à un risque sérieux de mauvais traitements – sont prises par des fonctionnaires qui ont un intérêt direct dans le résultat de l’échange d’information proposé.

Dans le cas du MDN et des FAC, les décisions relatives aux échanges d’information relèvent d’officiers de la chaîne de commandement militaire. L’OSSNR a été informé que les échanges d’information courants sont approuvés par les officiers subalternes désignés sur le théâtre des opérations, les cas associés à des circonstances inhabituelles ou dans lesquels il est difficile de déterminer avec certitude s’il existe un risque sérieux de mauvais traitements ou si ce risque peut être atténué sont soumis aux échelons supérieurs. Une fois qu’un dossier est transmis aux échelons supérieurs de la chaîne de commandement, les officiers supérieurs reçoivent des conseils de divers représentants officiels au quartier général.

À l’heure actuelle, l’ASFC n’a pas de processus pour évaluer le risque sérieux ou pour décider si un tel risque peut être atténué. En pratique, donc, il incombe à ses agents, qui agissent sans directives, de repérer les cas auxquels la DM de 2017 s’applique et de gérer les risques connexes. L’ASFC a rédigé une ébauche de procédure pour les cas dans lesquels il est difficile de déterminer avec certitude si un risque sérieux de mauvais traitements peut être atténué, mais cette procédure n’a pas encore été mise en œuvre.

Recommandation no 2 : Les ministères devraient faire en sorte que, dans les cas où le risque de mauvais traitements se rapproche du niveau « sérieux », les décisions soient prises indépendamment des employés des secteurs opérationnels ayant un intérêt particulier dans le résultat.

Évaluations des pays

Comme il a déjà été signalé, la DM de 2017 comprenait un ajout important, soit l’exigence imposée aux ministères de tenir à jour des politiques et des procédures afin d’évaluer les risques liés aux relations d’échange d’information qu’ils entretiennent avec des entités étrangères. Fait intéressant, la DM exigeait que les ministères évaluent le bilan des pays étrangers en matière de droits de la personne dans l’ensemble, et pas seulement celui d’entités précises (c.-à-d. services de police ou de renseignement) dans ces pays. La DM n’interdisait pas l’échange d’information avec des entités étrangères dans des pays dont les antécédents en matière de respect des droits de la personne sont inquiétants. Elle donnait à entendre que les relations du Canada avec de telles entités étrangères ne pourraient pas être envisagées séparément du contexte plus général des droits de la personne dans lequel ces entités travaillent.

Dans plusieurs cas, l’OSSNR a remarqué que les ministères mentionnaient l’absence de renseignements directs du gouvernement du Canada sur les mauvais traitements infligés par une entité étrangère donnée à l’appui d’une proposition d’échange d’information, ou encore à l’appui d’une politique moins restrictive sur l’échange d’information avec l’entité en question – malgré un nombre amplement suffisant de rapports du domaine public sur les violations systématiques des droits de la personne. L’OSSNR fait remarquer qu’un manque de rapports internes du gouvernement du Canada sur les mauvais traitements infligés par une entité étrangère donnée ne constitue pas une preuve que l’entité n’inflige pas de mauvais traitements. Les ministères doivent tenir compte de tout l’éventail des sources dans leur évaluation du risque, y compris des sources ouvertes comme les médias et les organisations non gouvernementales (ONG).

AMC, le SCRS, le CST et la GRC ont tous leur propre série de profils de pays étrangers ou d’entités étrangères, tandis que le MDN et les FAC sont en train d’établir les leurs. L’existence de multiples évaluations différentes constitue un dédoublement inutile. Elle pourrait également introduire d’importantes incohérences, les ministères arrivant parfois à des conclusions très différentes sur les bilans de pays étrangers et d’entités étrangères en matière de droits de la personne ainsi que sur les risques associés à l’échange d’information. Maintenant que des instructions ont été données en vertu de la Loi à douze ministères, ce problème prendra probablement de l’ampleur. Ce point est discuté plus longuement à l’annexe F.

Le GCER cherche à orienter les ministères dans l’élaboration de leurs processus d’évaluation de la question des droits de la personne en offrant une tribune pour discuter de pratiques exemplaires. SP a informé l’OSSNR que le GCER n’avait pas discuté de projet en vue d’uniformiser ces évaluations.

Recommandation no 3 : Les ministères devraient :

  • se doter d’un ensemble unifié d’évaluations de la situation des droits de la personne dans les pays étrangers, notamment d’un niveau uniforme de classification du risque de mauvais traitements pour chaque pays;
  • des évaluations normalisées des risques de mauvais traitements posés par les échanges d'information avec les entités étrangères , dans la mesure où plusieurs ministères traitent avec les mêmes entités étrangères d'un pays donné.

La recommandation qui précède n’empêche pas les ministères d’adopter des approches qui leur sont propres pour atténuer les risques de mauvais traitements. Par exemple, un ministère pourrait être en mesure de tirer parti de certains aspects de sa relation avec une entité étrangère pour réduire le risque de mauvais traitements, ce dont d’autres ministères ne pourront pas profiter. Ces différences ne devraient toutefois pas avoir d’incidence sur la détermination initiale du risque sous-jacent de mauvais traitements associé à l’échange d’information avec une entité étrangère.

Dans India v. Badesha (2017), la Cour suprême du Canada a récemment fourni des conseils sur les facteurs contextuels à examiner dans l’évaluation de la fiabilité des assurances demandées à des entités étrangères sur la question des mauvais traitements. Sans être exhaustif, cet arrêt offre aux ministères quelques conseils sur le caractère adéquat des assurances reçues.

Devoir de diligence

Pendant l’examen du cadre d’AMC, l’OSSNR a constaté une tension entre l’adhésion à la DM de 2017 et le devoir de diligence d’AMC, qui doit assurer la sécurité des employés en poste dans les missions à l’étranger. Effectivement, les deux cas d’échange d’information soumis au CCDM en 2019 portaient sur des menaces pesant sur la sécurité de missions. Dans l’un de ces cas, l’information a été communiquée à une entité étrangère avant que le CCDM ait eu la chance d’évaluer le risque de mauvais traitements. Le fonctionnaire d’AMC avait alors invoqué la nécessité d’assurer la sécurité des employés de la mission (voir l’annexe H).

L’OSSNR reconnaît l’importance de la sécurité de la mission et la gravité des dilemmes qui se posent lorsque les besoins liés à la sécurité de la mission entrent en conflit avec les obligations d’AMC en matière d’échange d’information. Néanmoins, le climat tendu d’une mission qui fait face à une menace n’est peut-être pas le meilleur endroit pour prendre rapidement une décision sur le risque de mauvais traitements.

Risque sérieux

Comme la DM de 2017, la Loi et les instructions qui en découlent interdisent les échanges d’information qui entraîneraient un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés. Cependant, ni la Loi ni les instructions connexes ne comprennent une définition du terme « risque sérieux », malgré le rôle central que ce concept joue dans le régime. Le terme « risque substantiel » était défini dans les DM de 2011 et de 2017. L’absence d’une telle définition suscite des inquiétudes sur l’interprétation qui sera donnée à ce critère à l’avenir.

En consultation avec d’autres ministères, SP élabore un document stratégique dans lequel il reprend la définition de risque substantiel des DM de 2011 et de 2017 pour l’appliquer à « risque sérieux ». Le document contient aussi d’autres exigences qui figuraient dans la DM de 2017, mais qui ont été omises dans la Loi et dans les instructions connexes. Lorsque l’OSSNR le leur a demandé, les six ministères qui avaient reçu la DM de 2017 ont tous dit qu’ils avaient l’intention de continuer de respecter la définition établie de risque sérieux. Cette intention est rassurante et devrait limiter le risque d’incohérences entre les ministères. Néanmoins, les divers ministères ne devraient pas avoir à déterminer chacun de leur côté ce que signifie un concept aussi essentiel.

Recommandation no 4 : La définition de « risque sérieux » devrait être codifiée dans la loi ou dans les instructions publiques.

La définition de risque substantiel de la DM de 2017 prévoit que les mauvais traitements sont prévisibles. Comme il est décrit dans l’annexe G, l’évaluation que font le MDN et les FAC de la prévisibilité comprend plusieurs facteurs, mais un élément clé est que le risque de mauvais traitements doit être une « conséquence causale » de l’échange d’information du MDN ou des FAC. L’OSSNR observe que la façon dont le MDN et les FAC interprètent le critère de la prévisibilité risque de restreindre la définition de risque sérieux et par conséquent l’application de la DM de 2017. Étant donné l’importance d’une compréhension claire et uniforme du « risque sérieux » entre les ministères, au cours des prochaines années, l’OSSNR pourrait examiner l’application du critère du « risque sérieux » par le MDN et les FAC – ainsi que d’autres ministères – à l’échange d’information avec des entités étrangères.

Selon la définition, l’existence d’un risque sérieux est établie s’il est plus probable qu’improbable que des mauvais traitements soient infligés. Une nuance est cependant apportée, c’est-à-dire que l’existence d’un risque sérieux peut être établie à un niveau de probabilité inférieur « lorsqu’une personne risque de subir un préjudice grave ». Cette nuance traduit une réalité plus large : l’évaluation du risque sérieux n’est pas censée être un processus strictement mécaniste de pondération des probabilités. Il est précisé dans la DM de 2017 que le gouvernement du Canada « ne veut pas participer aux actions qui impliquent le recours à la torture ou à d’autres formes de peines et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Associer sciemment le gouvernement du Canada à une telle action nuirait à la crédibilité et à l’efficacité de tout ministère ou organisme qui y serait associé. » Lorsqu’ils interprètent le critère du risque sérieux, les ministères devraient toujours être attentifs à l’objectif plus général du cadre d’échange d’information du Canada avec des entités étrangères.

Afin de donner vie à ce cadre, il incombe aux ministères, premièrement, de faire en sorte que les employés reçoivent la formation nécessaire pour bien comprendre leurs obligations légales et, deuxièmement, de se doter de processus clairs et bien établis qui favorisent et facilitent la conformité au sens le plus large du terme.

6. Conclusion

L’examen visait à permettre à l’OSSNR d’acquérir des connaissances sur les processus d’échange d’information adoptés par les ministères conformément à la DM de 2017. L’OSSNR a noté des différences importantes entre les ministères examinés en ce qui a trait au niveau de mise en œuvre des processus d’échange d’information. L’indépendance du processus décisionnel varie également beaucoup.

Les cadres ministériels d’échange d’information continueront d’évoluer au fil du temps, mais le présent examen fournira une base de référence à des fins de comparaison lorsque des éléments nouveaux seront apportés en vertu de la Loi. L’examen a aussi servi à repérer des éléments qui pourraient susciter des préoccupations que l’OSSNR pourrait réexaminer au cours des années à venir.

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Date de modification :

LECCMTIEE (examen des IM de 2017)

Dernière mise à jour :

Statut :

Publié

Numéro de l'examen :

19-06

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Review of federal institutions’ disclosures of information under the Security of Canada Information Disclosure Act in 2021: Report

Examen des communications d’information par des institutions fédérales au titre de la loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du canada en 2021


Date de publication :

Résumé

1. Le présent rapport présente les résultats d’un examen réalisé par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) relativement aux communications d’information faites par des institutions fédérales au titre de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC), dans le contexte de la troisième année de la mise en application des dispositions de la LCISC. En l’occurrence, l’examen de l’OSSNR porte plus particulièrement sur les communications proactives d’Affaires mondiales Canada (AMC).

2. La LCISC vise à encourager et à faciliter la communication d’information entre les institutions fédérales afin de protéger le Canada contre des activités qui menacent la sécurité nationale ou qui y portent atteinte, sous réserve de certaines conditions. La LCISC impose un critère en deux temps qui doit être respecté avant toute communication d’information : la communication d’information doit aider à l’exercice de la compétence ou des attributions de l’institution destinataire à l’égard des activités portant atteinte à la sécurité du Canada ; l’incidence de la communication d’information sur le droit à la vie privée d’une personne doit se limiter à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. La LCISC comporte également des dispositions et des principes directeurs s’appliquant à la gestion des communications d’information, notamment, aux déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité ainsi qu’aux obligations en matière de conservation des documents.

3. L’OSSNR a relevé des sources de préoccupation qui mettent en évidence la nécessité d’améliorer les formations. En outre, l’OSSNR est d’avis qu’il existe des risques de méprise, lorsqu’il s’agit d’établir si la LCISC constitue le mécanisme devant s’appliquer à certaines communications d’information relative à la sécurité nationale. Certaines communications ont posé problème dans la mesure où elles ne remplissaient pas le critère en deux temps imposé par la LCISC avant que les informations soient communiquées. Il s’avère qu’à défaut de répondre à ce critère, certaines communications de renseignements personnels contrevenaient aux dispositions de la LCISC. Du reste, deux des communications ne comprenaient aucunedéclaration relative à l’exactitude et à la fiabilité, ce qui est contraire aux prescriptions de la LCISC. Pour ce qui concerne la conservation des documents, l’OSSNR recommande que les ministères documentent de façon simultanée l’information contenant les éléments appelés à garantir que la communication d’information n’aura, sur le droit à la vie privée d’une personne, qu’une incidence se limitant à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

4. L’OSSNR déclare avoir eu accès à tous les renseignements nécessaires à la conduite du présent examen.

2. Introduction

5. Lorsque les ministères fédéraux omettent de communiquer cohéremment, responsablement et en temps opportun des informations relatives à la sécurité nationale, des conséquences graves et tragiques risquent de s’ensuivre; c’est d’ailleurs ce que montrent les enquêtes réalisées dans l’affaire Maher Arar et l’affaire Air India5. En tant qu’organe chargé de surveiller l’application du cadre de reddition de comptes en matière de sécurité nationale du Canada, l’OSSNR doit préparer un rapport portant sur les communications d’information sous le régime de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC) réalisées durant l’année civile précédente. La présente est le seul rapport d’examen de l’OSSNR qui doive être rendu public et déposé devant la Chambre des communes et le Sénat, ce qui témoigne de l’importance que le Parlement accorde aux examens indépendants et à la responsabilisation, lorsqu’il s’agit des communications d’information relative à la sécurité nationale.

6. D’ailleurs, le titre intégral de la LCISC décrit très bien la fin officielle de cette loi : Loi visant à encourager et à faciliter la communication d’information entre les institutions fédérales afin de protéger le Canada contre des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada.

7. La LCISC régit les modalités selon lesquelles les institutions fédérales communiquent les informations, y compris les renseignements personnels, qui ont trait aux activités portant atteinte à la sécurité du Canada, à un groupe restreint d’institutions fédérales exerçant un mandat de protection de la sécurité nationale. Les communications d’information sont faites soit proactivement, à l’instigation d’une institution fédérale, soit en réponse à une demande présentée par une institution autorisée à recevoir de l’information au titre de la LCISC.

8. Il importe de noter que la LCISC n’est qu’un simple outil. Elle n’est utile que dans la mesure où elle est reconnue et appliquée en temps réel. À l’évidence, ses effets positifs reposent sur la façon dont les individus et les institutions en interprètent et en appliquent les dispositions. Les institutions fédérales autorisées à communiquer de l’information au titre de la LCISC doivent donc demeurer vigilantes lorsqu’il s’agit d’information pouvant avoir une incidence sur la sécurité nationale, même dans le cas d’activités exécutées aux moins élevés des niveaux opérationnels. Après avoir reconnu des informations ayant trait à des enjeux relevant de la sécurité nationale, les ministères doivent d’abord établir s’ils sont autorisés à communiquer ces informations. Ils doivent ensuite déterminer à quelles entités ces informations peuvent être communiquées en s’assurant de faire le nécessaire pour minimiser toute incidence sur le droit à la vie privée des personnes.

9. Lorsqu’il est question de communiquer de l’information à d’autres institutions nationales, les ministères et organismes fédéraux dont le mandat principal est de veiller sur la sécurité nationale peuvent généralement s’appuyer sur leur propre cadre juridique et ne sont donc pas tenus de s’en remettre aux dispositions de la LCISC. Dans certains de ses rapports précédents, l’OSSNR a d’ailleurs noté que pour plusieurs de ces institutions, les communications d’information au titre de la LCISC ne représentaient qu’une faible part de leurs communications d’information à l’intention d’organisations nationales.

10. L’OSSNR comprend le rôle important que tient la LCISC dans le cadre général de la sécurité nationale. Or, l’OSSNR soulève quelques réserves quant à l’application rigoureuse des dispositions de la LCISC, notamment, de ses principes directeurs, et quant à la communication de renseignements personnels. Qui plus est, l’OSSNR a la compétence voulue pour examiner toutes les communications d’information dans l’ensemble du gouvernement du Canada et, de ce point de vue, l’OSSNR est en mesure de reconnaître les tendances et les enjeux récurrents. Cette perspective ؘ– dont aucun des autres ministères fédéraux ne peut se prévaloir en soi– permet à l’OSSNR de tirer des conclusions et de formuler des recommandations aptes à renforcer les mesures de communication d’information dans la sphère de la sécurité nationale.

Objet de l’examen

11. Lorsqu’il s’est agi d’établir l’objectif du présent examen, l’OSSNR a tenu compte des préoccupations soulevées lors de l’examen réalisé l’année précédente. Or, dans le cadre de l’examen visant les communications d’information au titre de la LCISC en 2020, un examen que l’OSSNR a mené conjointement avec le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP), on a remarqué que la majorité des communications faites par les ministères fédéraux – près de 99 % – respectaient les exigences minimales s’appliquant aux communications d’information au titre de la LCISC. Autrement dit, les institutions à l’origine des communications avaient recueilli suffisamment de preuves pour être convaincues du bien-fondé des communications, pour savoir que l’information à communiquer allait aider à l’exercice de la compétence ou des attributions de l’institution destinataire à l’égard des activités portant atteinte à la sécurité du Canada, et pour être rassurées sur le fait que l’incidence des communications d’information sur le droit à la vie privée d’une personne se limiterait à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

12. Or, les quelques communications d’information qui ont soulevé des préoccupations étaient celles qui avaient été fournies proactivement à l’institution destinataire11. C’est pourquoi l’OSSNR a choisi de se concentrer sur cette catégorie pour l’examen des communications d’information réalisées en 2021 au titre de la LCISC. En 2021, la majorité des communications proactives étaient issues d’Affaires mondiales Canada (AMC). L’OSSNR s’est donc penché plus particulièrement sur les communications proactives faites par AMC en 2021, lesquelles constituaient un échantillon suffisamment représentatif.

13. En plus d’analyser ces communications d’information du point de vue des exigences minimales de la LCISC, le présent examen a évalué d’autres exigences importantes prévues à la LCISC, lesquelles ont pour objet de veiller à ce que les communications d’information relatives à la sécurité nationale se fassent responsablement. Au nombre de ces exigences, notons que les communications d’information doivent s’accompagner d’énoncés attestant l’exactitude et la fiabilité de l’information communiquée, sans compter que les institutions à l’origine des communications sont tenues de préparer et de conserver les documents comportant une description des renseignements sur lesquels elles s’appuient pour être convaincues que lesdites communications répondent aux critères d’autorisation énoncés dans la LCISC.

14. L’échantillon examiné n’était composé que de communications issues d’AMC, mais il faut savoir que bon nombre des conclusions et des recommandations ont été formulées à titre indicatif et dans des termes généraux, et qu’elles peuvent, dans plusieurs cas, s’avérer utiles à toutes les institutions appelées à communiquer de l’information au titre de la LCISC.

Objectifs de l’examen

15. Le présent examen avait principalement pour objectif d’évaluer les communications d’information proactives au titre de la LCISC.

16. Plus précisément, l’examen visait à établir si AMC :

  • a) était convaincu, avant toute communication d’information, que ladite communication aiderait à l’exercice de la compétence ou des attributions de l’institution fédérale destinataire prévues par une loi fédérale ou une autre autorité légitime à l’égard d’activités portant atteinte à la sécurité du Canada, tel qu’il est stipulé à l’alinéa 5(1)a) de la LCISC;
  • b) était convaincu, avant toute communication d’information, que l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée d’une personne serait limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances, tel qu’il est stipulé à l’alinéa 5(1)b) de la LCISC;
  • c) avait fourni, au moment de procéder à la communication d’information, des renseignements sur l’exactitude de l’information et la fiabilité quant à la façon dont celle-ci avait été obtenue, tel qu’il est stipulé au paragraphe 5(2) de la LCISC;
  • d) avait conservé les documents contenant une description des renseignements sur lesquels le ministère s’était appuyé pour être convaincu que lesdites communications répondaient aux critères d’autorisation énoncés dans la LCISC, tel qu’il est stipulé à l’alinéa 9(1)e) de la LCISC.

Méthodologie

17. L’OSSNR a eu accès à 195 communications d’information auprès de ministères fédéraux ayant déclaré avoir communiqué ou reçu de l’information au titre de la LCISC entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021. L’OSSNR a donc procédé à un examen préliminaire de toutes les communications auxquelles il avait eu accès.

18. L’OSSNR s’est concentré, pour les besoins du présent examen, sur les communications d’information proactives d’AMC uniquement. AMC a recensé 16 communications d’information proactives sur les 44 communications faites au titre de la LCISC en 2021. Toutefois, pendant l’examen du matériel fourni par AMC, l’OSSNR a remarqué que trois de ces dossiers étaient en fait des demandes d’information présentées par un autre ministère, et non des communications d’information au titre de la LCISC. Par conséquent, l’OSSNR a retiré ces trois dossiers de l’échantillon d’examen et n’a donc analysé que les 13 communications restantes, qu’AMC avait déclarées comme étant des communications d’information proactives.

19. En outre, l’OSSNR a envoyé à AMC cinq demandes d’information complémentaires concernant les communications d’information à examiner et a évalué tous les documents fournis.

3. Analyse

20. . En cours d’examen, l’OSSNR a relevé des éléments positifs au sujet des communications d’information, éléments qu’il se propose de mettre en évidence dans le présent rapport. Or, les communications d’information proactives constituent un aspect important du régime de la LCISC, et les conclusions et recommandations formulées dans la présente auront ainsi pour objet d’accroître le degré de conformité aux dispositions de la LCISC.

Seuils à respecter avant de communiquer de l’information aux institutions fédérales au titre de la LCISC

a) Compétence ou attributions relatives aux activités portant atteinte à la sécurité du Canada

21. L’alinéa 5(1)a) de la LCISC exige que les ministères fassent le nécessaire pour être convaincus qu’une communication d’information « aidera à l’exercice de la compétence ou des attributions de l’institution fédérale destinataire prévues par une loi fédérale ou une autre autorité légitime à l’égard d’activités portant atteinte à la sécurité du Canada ».

22. La définition du terme « activité portant atteinte à la sécurité du Canada » est énoncée au paragraphe 2(1) de la LCISC et vise, notamment, l’espionnage et le terrorisme. Or, elle exclut des activités, notamment, les activités de défense d’une cause ou de protestation qui ne sont pas menées en conjonction avec des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada.

23. Pendant le présent examen, l’OSSNR a analysé chacune des communications d’information dans l’échantillon ainsi que les documents connexes pour établir si AMC avait fait le nécessaire, avant toute communication d’information, pour être convaincu que l’information à communiquer contribuerait au champ de compétence du ministère destinataire à l’égard des activités portant atteinte à la sécurité du Canada, tel qu’il est énoncé dans la LCISC.

24. Dans 12 des 13 communications d’information examinées, AMC avait acquis la certitude que la communication d’information répondait à ces exigences. De plus, pour chacune de ces 12 communications d’information, AMC avait non seulement documenté que le destinataire avait la compétence requise, mais avait également établi dans quelle mesure l’information aiderait l’exercice de cette compétence à l’égard des activités portant atteinte à la sécurité du Canada, tel qu’il est exigé par la LCISC. À titre d’exemple, voir l’encadré 1. L’information contenue dans le dossier de communication d’information appuie le propos de cet énoncé.

Encadré 1 : Exemple d’un énoncé tiré d’une communication d’information montrant qu’AMC avait la conviction que les dispositions énoncées à l’alinéa 5(1)a) de la LCISC avaient été respectées

La communication d’information d’AMC aidera le SCRS à s’acquitter de ses responsabilités au titre de l’article 12 de la Loi sur le SCRS, lesquelles requièrent que le SCRS enquête sur des activités dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles posent une menace pour la sécurité du Canada. L’alinéa 2a) de la Loi sur le SCRS stipule que la notion de « menaces envers la sécurité du Canada » englobe les menaces ou les actes « [d]'espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d’espionnage ou de sabotage ». Le SCRS recueille, analyse et conserve des renseignements dans la mesure où il est strictement nécessaire de le faire, pour ensuite faire rapport auprès du gouvernement du Canada et lui prodiguer des conseils. Dans la présente situation, la communication d’information d’AMC permettra au SCRS d’exercer sa responsabilité au titre de l’article 12 de la Loi sur le SCRS, à savoir d’enquêter et de produire un rapport sur les menaces pour la sécurité du Canada, tel qu’il est énoncé à l’alinéa 2a) de la Loi sur le SCRS. Plus précisément, la communication d’information permettra d’évaluer le risque d’une menace d’espionnage [contre les intérêts du Canada à l’étranger].

25. Toutefois, l’OSSNR a observé que pour une des douze communications d’information, AMC a consulté plus d’information que ce qui était nécessaire pour déterminer si la communication d’information était autorisée en vertu de la LCISC. Cette communication d’information est décrite ci-dessous.

Communication 1

26. Un pays étranger a fourni de l’information à l’Administration centrale d’AMC concernant une personne ayant des liens avec le Canada. Ce pays a également demandé qu’AMC achemine l’information aux autorités compétentes. AMC a ensuite rencontré des représentants du SCRS et leur a montré l’information qu’il détenait de sorte à établir si celle-ci permettrait au SCRS d’exercer son mandat à l’égard de la sécurité nationale. Le SCRS a examiné l’information et a confirmé que celle-ci s’avérait utile pour son enquête. Le SCRS n’a pas enregistré cette communication dans son fonds d’information.

27. À la suite de cette consultation, AMC a conclu que certains des documents n’avaient pas trait à une activité portant atteinte à la sécurité du Canada dans la mesure où ces documents contenaient [Traduction] « une part importante de renseignements personnels n’ayant aucun lien avec [le sujet de l’enquête] et se rapportant à des facteurs considérés comme étant conformes à la loi canadienne, notamment, la liberté d’expression (sans intention déclarée de commettre des actes de violence) et la liberté de réunion pacifique. » Par la suite, AMC a formellement communiqué au SCRS seulement une partie des documents consultés précédemment. Pour ce qui a trait à cette communication formelle, AMC s’est déclaré convaincu par rapport aux exigences stipulées à l’alinéa 5(1)a) de la LCISC.

28. AMC a indiqué à l’OSSNR que le guide de Sécurité publique Canada sur la communication d’information responsable (guide de SP) constituait son principal document d’orientation en matière de politique relativement à la LCISC. L’OSSNR note que le guide de SP encourage les institutions fédérales à [Traduction] « contacter l’institution destinataire désignée avant la communication de l’information afin de déterminer non seulement si l’information est liée à des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada, mais aussi comment cette information contribue au mandat de sécurité nationale de l’institution destinataire. » Il ne faut pas interpréter cet énoncé comme s’il donnait l’autorisation de consulter plus d’information que nécessaire, compte tenu de la possibilité que de l’information n’étant aucunement visée par les dispositions de la LCISC soit inclue.

29. Au cours de sa consultation auprès du SCRS, AMC s’est enquis d’information qu’il a ensuite évaluée comme n’ayant rien à voir avec des activités portant atteinte à la sécurité du Canada, tel qu’il est énoncé dans la LCISC, et qui a été retirée de la communication d’information formelle au titre de la LCISC. La consultation consistait, entre autres, à montrer l’intégralité du fonds d’information d’AMC au SCRS, ce qui représentait une information plus que suffisante pour obtenir, de la part du SCRS, la conviction que l’information était pertinente. L’information utilisée dans les consultations devrait être limitée à l’information nécessaire pour obtenir une confirmation par le destinataire potentiel que l’information contribue à la réalisation de son mandat et a trait aux activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada.

30. En outre, quoique 12 des 13 communications d’information satisfaisaient aux exigences énoncées à l’alinéa 5(1)a) de la LCISC, une d’entre elles n’y satisfaisait pas. L’OSSNR aborde cette communication d’information ci-dessous.

Communication 2

31. De son propre chef, une personne à l’étranger a déclaré être membre du gouvernement de ce pays et a fourni de l’information à un responsable de l’ambassade du Canada concernant une menace alléguée. AMC a communiqué cette information ainsi que les renseignements personnels, notamment, les coordonnées de ladite personne, au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) en faisant valoir que cette communication d’information était autorisée en vertu de la LCISC. Toutefois, AMC n’a pas tenté de savoir si la communication d’information respectait les deux seuils exigés aux alinéas 5(1)a) et 5(1)b) de la LCISC avant de communiquer l’intégralité de ladite information. Au cours du présent examen, AMC a expliqué à l’OSSNR que c’est à tort que la communication d’information avait été faite au titre de la LCISC et qu’en la circonstance, celle-ci aurait dû s’appuyer sur une autre source d’autorité pour se justifier, à savoir la Loi sur la protection des renseignements personnels ou encore la prérogative de la Couronne. L’OSSNR n’a pas vérifié si l’un ou l’autre de ces deux mécanismes aurait pu être évoqué à juste titre. Néanmoins, cet exemple montre deux choses : a) qu’il y a un risque de confusion lorsqu’il s’agit d’établir si la LCISC constitue le mécanisme qu’il convient d’appliquer dans certains cas de communication d’information ayant trait à la sécurité nationale; b) que la confusion, dans le cas présent, a mené à une invocation inappropriée de la LCISC pour justifier la communication d’information.

Conclusion no 1 : L’OSSNR conclut que dans 12 des 13 communications d’information examinées, AMC avait acquis la certitude que la communication d’information aiderait l’exercice de la compétence ou des attributions de l’institution fédérale destinataire à l’égard d’activités portant atteinte à la sécurité du Canada, tel qu’il est exigé à l’alinéa 5(1)a) de la LCISC

Conclusion no 2 : L’OSSNR conclut que, sans qu’ils aient d’abord mené une analyse en application de l’alinéa 5(1)a) de la LCISC, les ministères risquent de communiquer de l’information qui n’est pas liée au mandat en matière de sécurité nationale de l’institution bénéficiaire ou à l’égard des activités portant atteinte à la sécurité du Canada.

Conclusion no 3 : L’OSSNR conclut que dans une 1 des 13 communications d’information, AMC a consulté plus d’information que nécessaire pour obtenir une confirmation que la communication contribuait au mandat du SCRS ou qu’elle avait trait aux activités portant atteinte à la sécurité du Canada.

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que les consultations soient limitées à l’information nécessaire pour obtenir une confirmation par le bénéficiaire potentiel que l’information contribue à son mandat et a trait aux activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada.

b) Le droit à la vie privée n’est pas touché plus que ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances

32. L’alinéa 5(1)b) de la LCISC exige que les institutions qui communiquent soient convaincues que l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée d’une personne sera limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

33. Les 13 communications proactives comprenaient des renseignements personnels, définis dans la Loi sur la protection des renseignements personnels 16 , c’est-à-dire de l’information permettant d’identifier un individu, comme un nom, des coordonnées, des antécédents ou des soupçons sur l’individu.

34. Le Guide de SP oriente le type d’analyse nécessaire avant la communication de renseignements personnels. Plus particulièrement, le Guide de PS indique que la [traduction] « question de savoir si l’information ayant une incidence sur le droit à la vie privée d’une personne est considérée comme “raisonnablement nécessaire” dépendra des circonstances propres à chaque cas. Les considérations pertinentes incluent les facteurs contextuels, comme le type et la nature de l’information en question et l’objectif de la communication. »

35. À la suite de la demande d’information additionnelle de l’OSSNR, AMC a expliqué être convaincu que l’incidence des communications proactives en question sur le droit à la vie privée d’une personne est limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

36. Entre autres, AMC a expliqué que dans 8 des 13 communications, AMC a déterminé qu’une partie de l’information qu’il envisageait de communiquer ne s’inscrivait pas dans le mandat de l’institution destinataire. Pour les mêmes communications, AMC a ajouté avoir déterminé qu’une partie de l’information dans ses fonds d’information n’aidait pas à l’enquête de l’institution ou ne correspondait pas à la demande d’information initiale de l’institution destinataire. Par exemple, dans l’une des communications, seul le déplacement d’un individu à l’étranger a été communiqué au SCRS puisque l’information touchait ses responsabilités relativement à une question de sécurité nationale. D’autre information dans les fonds d’information d’AMC, comme l’information concernant d’autres individus, n’a pas été incluse dans la communication puisqu’AMC a déterminé qu’elle n’était pas pertinente.

37. De même, AMC a expliqué que dans 2 des 13 communications, AMC a déterminé qu’une partie de l’information devait être communiquée au ministère destinataire et a donc été incluse dans la communication. L’information plus détaillée qui n’était pas liée aux activités portant atteinte à la sécurité du Canada n’a pas été communiquée. Par exemple, dans l’une des deux communications, seule l’information relative à une présumée activité d’espionnage a été communiquée au SCRS, tandis que l’information détaillée sur certaines activités personnelles et certains comportements a été retenue.

38. L’OSSNR a constaté que des 13 communications d’information contenues dans l’échantillon, trois communications ne satisfaisaient pas aux exigences énoncées à l’alinéa 5(1)b) de la LCISC

39. Dans la Communication 2, décrite ci-dessus, AMC a communiqué de l’information reçue d’un individu qui, de son propre chef, a fourni de l’information à un représentant d’une ambassade du Canada à l’étranger. AMC n’a pas mené d’analyse au titre de la LCISC, notamment à savoir si l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée est limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances, et a donc communiqué l’information en entier au SCRS. AMC a expliqué à l’OSSNR que c’est à tort que la communication d’information avait été faite au titre de la LCISC et a été autorisée en vertu d’une autre source d’autorité pour se justifier, à savoir la Loi sur la protection des renseignements personnels ou encore la prérogative de la Couronne. L’OSSNR n’a pas vérifié si l’un ou l’autre de ces deux mécanismes aurait pu être évoqué à juste titre.

Communications 3 et 4

40. Une ambassade du Canada à l’étranger a reçu des captures d’écran provenant d’un groupe privé sur les médias sociaux. Les captures d’écran comprenaient de l’information sur un mouvement politique dans un autre pays. Elles comprenaient aussi les coordonnées de tous les membres du groupe. Or, même si le groupe publiait des affiches sur le mouvement et de l’information sur des manifestations au Canada, aucune menace, précise ou générale, n’était présente dans le matériel. Cependant, d’après l’information contenue dans les captures d’écran et le contexte général des manifestations, des événements antérieurs et des médias libres, AMC a déterminé que l’information contribuait à l’exercice de la compétence ou des attributions de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et du SCRS, à l’égard des activités portant atteinte à la sécurité du Canada.

41. AMC a communiqué toute l’information à la GRC et au SCRS. Le seul élément caviardé était le nom et les coordonnées de l’individu qui a fourni l’information à AMC

42. GAC explained to NSIRA that it concluded that paragraph 5(1)(b) of the SCIDA was met because it did not identify a reasonable expectation of privacy in the content of the private social media group. NSIRA observes that GAC did not consider all of the relevant factors that would allow it to satisfy itself that the disclosure would not affect any person’s privacy interest more than is reasonably necessary in the circumstances. As such, the disclosure of information did not meet the second threshold requirement under subsection 5(1) of the SCIDA. Therefore, the disclosure of personal information of the group members did not comply with the requirements of the SCIDA.

Conclusion no 4 : L’OSSNR conclut que, dans 10 des 13 communications, AMC était convaincu que l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée d’une personne serait limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances, tel qu’il est stipulé à l’alinéa 5(1)b) de la LCISC.

Déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité

43. Dans le Rapport Arar, on indique que « [l]e fait de partager de l’information non fiable ou inexacte ne permet guère de repérer les menaces réelles et graves envers la sécurité nationale et d’y parer, et peut causer un préjudice irréparable à des particuliers. »

44. La communication d’information responsable et efficace est un élément central des principes directeurs de la LCISC. Les institutions qui communiquent doivent fournir, au titre du paragraphe 5(2) de la LCISC, des renseignements sur l’exactitude de l’information et la fiabilité quant à la façon dont celle-ci a été obtenue, au moment de la communication.

45. Étant donné la valeur contextuelle qu’apportent les déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité aux communications, les déclarations précises et complètes qui se rapportent précisément aux circonstances de la communication peuvent contribuer à empêcher de fausses perceptions et à veiller à ce que les institutions destinataires comprennent bien l’exactitude et la fiabilité de l’information communiquée.

46. AMC s’appuyait sur le Guide de SP comme principal document d’orientation stratégique relatif à la LCISC. Le Guide de SP stipule que de veiller à ce que l’information communiquée soit le plus exacte, complète et à jour que possible est un élément clé de la communication d’information responsable et efficace.

47. AMC a informé l’OSSNR que les organismes partenaires peuvent mieux vérifier l’exactitude de l’information et la fiabilité de sa source qu’AMC. L’OSSNR convient que, dans certaines circonstances, AMC possède des moyens limités pour effectuer les vérifications. Néanmoins, la LCISC exige que chaque communication soit accompagnée de déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité; ces déclarations doivent être claires et propres au contexte pour être satisfaisantes.

48. Comme exemple d’une déclaration complète, AMC a fourni le paragraphe suivant : [traduction] L’information communiquée par AMC a été obtenue dans le cadre de contacts entre des représentants d’AMC et la [source connue et crédible X et une autre personne]. AMC n’est pas en mesure de déterminer l’exactitude et la fiabilité de l’information ci-dessus fournie aux représentants d’AMC par [ces personnes]. AMC estime que [la source X] est très crédible et qu’elle fournit probablement de l’information fiable.

49. Dans l’ensemble, 11 des 13 communications étaient accompagnées de déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité. Toutefois, deux communications ne comprenaient pas la déclaration exigée par la LCISC. Ces omissions n’étaient pas liées à l’incapacité d’AMC de vérifier l’exactitude et la fiabilité de l’information.

Conclusion no 5 : L’OSSNR conclut que 2 des 13 communications ne comprenaient aucune déclaration relative à l’exactitude et à la fiabilité, ce qui est contraire au paragraphe 5(2) de la LCISC.

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande que les déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité soient claires et propres aux circonstances de la communication afin d’offrir le contexte le plus utile et satisfaisant pour l’institution destinataire.

Conservation de documents

50. L’alinéa 9(1)e) de la LCISC demande que les institutions qui communiquent de l’information préparent une description des renseignements sur lesquels elles se sont fondées pour conclure que la communication était autorisée par la LCISC, y compris que l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée sera limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances, dans le cadre de leurs obligations en matière de conservation de documents énoncées dans la LCISC.

51. Le Guide de SP définit les étapes d’une communication, qui comprennent la création d’un document décrivant les renseignements sur lesquels se fonde une institution qui communique de l’information pour conclure que la communication était autorisée par la LCISC. De plus, l’Annexe A : Gabarit pour la conservation des dossiers à l’intention des institutions communiquant de l’information en vertu de la LCISC du Guide de SP, qui aide les ministères à répondre aux obligations en matière de conservation de documents des institutions qui communiquent de l’information en vertu de la LCISC, comporte un champ permettant aux ministères de décrire ces renseignements. Elle réitère les exigences stipulées aux alinéas 5(1)a) et b) de la LCISC selon lesquelles l’institution qui communique de l’information doit être convaincue que la communication aidera au mandat de l’institution destinataire en matière de sécurité nationale et que l’incidence de la communication sur le droit à la vie privée de la personne sera limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

52. L’examen des communications au titre de la LCISC réalisé en 2020 a révélé que les documents d’AMC décrivant les renseignements sur lesquels il se fonde pour conclure que certaines communications d’information au SCRS faites en réponse à une demande étaient robustes. Cette observation était fondée sur le fait que les documents d’AMC contenaient des renseignements fournis par le SCRS pour faciliter l’évaluation d’AMC, y compris des détails sur les répercussions possibles sur le ou les sujets de la demande.

53. Durant l’examen de cette année, l’OSSNR a demandé qu’AMC décrive la façon dont elle a été convaincue que la communication était autorisée conformément aux deux exigences minimales L’OSSNR a aussi demandé qu’AMC fournisse tous les documents justificatifs sur lesquels AMC s’est appuyé dans son évaluation. AMC a fourni des explications à la suite des demandes de l’OSSNR à ce sujet, renvoyant à des documents justificatifs. En fonction d’un examen des documents fournis, l’OSSNR observe qu’AMC pourrait améliorer ses pratiques s’il articulait simultanément et expressément les renseignements sur lesquels il s’est fondé pour être convaincu que l’incidence des communications sur le droit à la vie privée d’une personne sera limitée à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande que tous les ministères communiquant de l’information préparent simultanément des descriptions des renseignements sur lesquels ils se sont fondés pour conclure que les communications étaient autorisées par la LCISC.

Formation sur la LCISC

54. AMC a eu recours à quatre documents PowerPoint distincts en 2021 pour former les employés au sujet de la LCISC.

55. Le cours Gouvernance, accès, sécurité technique et espionnage (GATE) était offert à tous les employés qui partent en affectation comme cours préparatoire centré sur la sensibilisation à la sécurité de l’information à AMC. Le cours ne donnait pas d’exemples ou de scénarios pratiques, mais expliquait que toute communication d’information en vertu de la LCISC devait passer par l’administration centrale d’AMC.

56. De plus, un exposé fourni par le directeur général de la Direction générale du renseignement à la majorité des chefs de mission partant en affectation comme cours préparatoire sur la sécurité et le soutien du renseignement ne fournissait aucun exemple explicatif ou scénario, mais indiquait que toute communication d’information en vertu de la LCISC devait passer par l’administration centrale.

57. Enfin, les services juridiques du ministère de la Justice ont fourni deux exposés : un pour les agents du Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM) partant en affectation afin de présenter les politiques et pratiques en matière de communication de l’information, y compris plusieurs diapositives sur la LCISC, et l’autre pour des groupes d’employés à l’Administration centrale pour présenter les politiques et pratiques en matière de communication de l’information. L’OSSNR fait remarquer que chaque exposé ne comprenait qu’un ou deux exemples illustrant les éléments à prendre en considération dans le cadre d’une communication au titre de la LCISC

58. Des quatre exposés, trois comprenaient un éventail d’information sur les exigences en matière de conservation de documents. Cependant, l’information présentée dans les exposés se limitait principalement à réitérer les exigences stipulées dans la LCISC, et aucun exemple pratique ou scénario n’a été présenté. De même, bien que ces exposés aient réitéré les exigences stipulées dans la LCISC d’inclure des déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité, aucun exemple pratique n’a été fourni.

Conclusion no 6 : L’OSSNR conclut que la formation d’AMC sur la LCISC est dépourvue des exemples illustratifs nécessaires pour fournir aux employés les principes sur lesquels s’appuyer pour répondre à leurs obligations au titre de la LCISC.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande d’ajouter des exemples et des scénarios illustratifs dans la formation sur la LCISC, y compris sur les exigences minimales sur la communication, les déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité et les exigences en matière de conservation de documents

4. Capacité de répondre aux attentes et fourniture de l'information

59. Tous les ministères ont respecté la date limite pour la fourniture de l’information à l’OSSNR.

60. Les paragraphes 9(1) et 9(2) de la LCISC énoncent les obligations en matière de conservation de documents pour les institutions destinataires et qui communiquent l’information. Le paragraphe 9(3) de la LCISC oblige tous les ministères à fournir tous les documents préparés en application de ces paragraphes à l’OSSNR, afin que l’Office prépare son examen annuel des communications au titre de la LCISC. La conservation de documents rigoureuse est une exigence légale à laquelle sont assujetties les institutions destinataires et qui communiquent de l’information; qui plus est, l’OSSNR ne peut exercer son obligation de rédiger un examen annuel sans tous les documents de tous les ministères.

61. Le présent examen portait sur les communications proactives d’AMC. L’OSSNR a comparé le nombre de communications signalées par AMC et le nombre de communications reçues des institutions destinataires et souligne que les nombres correspondent. L’OSSNR n’a pas vérifié de façon indépendante l’intégralité des documents fournis par AMC. Néanmoins, l’évaluation au titre de la LCISC exige qu’AMC fasse preuve de conformité. Des demandes d’information additionnelle au cours de la période d’examen ont mené l’OSSNR à conclure qu’il avait reçu tous les renseignements nécessaires pour mener l’examen. Enfin, AMC a pu examiner une ébauche provisoire du rapport et fournir des renseignements additionnels. C’est pourquoi l’OSSNR juge qu’il a reçu toute l’information nécessaire pour réaliser l’examen.

5. Conclusion

62. La LCISC est un outil législatif qui vise à encourager et à faciliter la communication responsable et efficace d’information liée à la sécurité nationale entre les institutions fédérales gouvernementales. Des treize communications de l’échantillon à l’examen, trois ne respectaient pas au moins l’une des deux exigences minimales en matière de communication et deux n’étaient pas accompagnées de déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité. Avant de consulter les communications potentielles, les ministères devraient déterminer les renseignements qu’ils sont tenus d’inclure dans la consultation. Par ailleurs, les ministères devraient étayer simultanément les motifs sur lesquels ils se sont fondés pour décider que les communications étaient autorisées par la LCISC. De plus, on recommande d’apporter des améliorations à la formation continue pour fournir des exemples plus illustratifs afin d’aider les employés à remplir leurs obligations au titre de la LCISC. L’OSSNR attend avec intérêt de revisiter l’application de la LCISC dans les années à venir et espère noter une amélioration de la conformité, de la conservation de documents et de la prestation de programmes de formation.

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Review of federal institutions’ disclosures of information under the Security of Canada Information Disclosure Act in 2021: Backgrounder

Examen des communications d’information par des institutions fédérales au titre de la loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du canada en 2021


Fiche d'information

Le présent rapport présente les résultats d’un examen réalisé par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) relativement aux communications d’information faites par des institutions fédérales au titre de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC), dans le contexte de la troisième année de la mise en application des dispositions de la LCISC. En l’occurrence, l’examen de l’OSSNR porte plus particulièrement sur les communications proactives d’Affaires mondiales Canada (AMC). 

La LCISC vise à encourager et à faciliter la communication d’information entre les institutions fédérales afin de protéger le Canada contre des activités qui menacent la sécurité nationale ou qui y portent atteinte, sous réserve de certaines conditions. La LCISC impose un critère en deux temps qui doit être respecté avant toute communication d’information : la communication d’information doit aider à l’exercice de la compétence ou des attributions de l’institution destinataire à l’égard des activités portant atteinte à la sécurité du Canada ; l’incidence de la communication d’information sur le droit à la vie privée d’une personne doit se limiter à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. La LCISC comporte également des dispositions et des principes directeurs s’appliquant à la gestion des communications d’information, notamment, aux déclarations relatives à l’exactitude et à la fiabilité ainsi qu’aux obligations en matière de conservation des documents.

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Examen des communications d’information par des institutions fédérales au titre de la loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du canada en 2021

Examen des communications d’information par des institutions fédérales au titre de la loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du canada en 2021


Dernière mise à jour :

Statut :

Publié

Numéro de l'examen :

22-06

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