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Document d’information

Cet examen porte sur le Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM ou le Programme) d’Affaires mondiales Canada (AMC). L’examen a été réalisé compte tenu du fait que le PERSM représente une composante importante de la présence d’AMC à l’étranger en matière de sécurité et de renseignement. En effet, une trentaine d’agents sont affectés à des postes répartis à travers le monde et financés dans le but de collecter de l’information ouvertement liée à la sécurité. Les clients du PERSM ont rapporté que le Programme était à la fois unique et utile pour le gouvernement du Canada. Le présent examen est le premier consacré au PERSM, mais aussi le premier que l’OSSNR consacre à AMC.

Bon nombre des États accréditaires où les agents du PERSM sont appelés à travailler ont un piètre bilan en matière de droits de la personne et/ou constituent des environnements où la surveillance des étrangers et des citoyens est monnaie courante. Ainsi, la façon dont ces États accréditaires perçoivent les activités du PERSM a une incidence directe sur les risques d’atteinte à la réputation du Canada et de ses alliés, à celle des ministères et organismes canadiens (notamment le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS]), à celle des agents du PERSM et, enfin, à celle des contacts locaux qui aident à la collecte d’information du Programme.

L’examen montre que certains aspects du Programme pourraient être améliorés, notamment, par le renforcement des structures de gouvernance et de responsabilisation, l’élargissement des moyens de contrôle et une sensibilisation accrue aux pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information.

Date de publication :

La lettre du ministre d'AMC à l’OSSNR à suivre

Sommaire

Cet examen porte sur le Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM ou le Programme) d’Affaires mondiales Canada (AMC). L’examen a été réalisé compte tenu du fait que le PERSM représente une composante importante de la présence d’AMC à l’étranger en matière de sécurité et de renseignement. En effet, une trentaine d’agents sont affectés à des postes répartis à travers le monde et financés dans le but de collecter de l’information ouvertement liée à la sécurité. Les clients du PERSM ont rapporté que le Programme était à la fois unique et utile pour le gouvernement du Canada. Le présent examen est le premier consacré au PERSM, mais aussi le premier que l’OSSNR consacre à AMC

Bon nombre des États accréditaires où les agents du PERSM sont appelés à travailler ont un piètre bilan en matière de droits de la personne et/ou constituent des environnements où la surveillance des étrangers et des citoyens est monnaie courante. Ainsi, la façon dont ces États accréditaires perçoivent les activités du PERSM a une incidence directe sur les risques d’atteinte à la réputation du Canada et de ses alliés, à celle des ministères et organismes canadiens (notamment le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS]), à celle des agents du PERSM et, enfin, à celle des contacts locaux qui aident à la collecte d’information du Programme.

L’examen montre que certains aspects du Programme pourraient être améliorés, notamment, par le renforcement des structures de gouvernance et de responsabilisation, l’élargissement des moyens de contrôle et une sensibilisation accrue aux pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information.

Plus important, l’examen conclut que même si le PERSM est assujetti à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (CVRD), il fonctionne sans recourir à des conseils juridiques qui permettraient d’évaluer les activités exercées dans le cadre du Programme. De même, les agents du PERSM ne reçoivent pas de formation adéquate relativement à leurs obligations juridiques. En l’occurrence, les activités menées à l’étranger par certains agents du PERS suscitent des préoccupations voulant que certaines d’entre elles ne soient pas exercées selon les fonctions et obligations établies en vertu de la CVRD.

Même si les agents du PERSM se servent de la CVRD comme d’un bouclier destiné pour leurs actions, certains d’entre eux n’ont semblé ni apprécier les limites de cette immunité ni comprendre la portée réelle de leurs fonctions et obligations. De plus, il n’était pas certain que tous les agents comprennent qu’une fois déchus de leur immunité diplomatique, ils s’exposaient à des mesures de rétorsion de la part des États accréditaires. L’examen a relevé l’absence d’évaluations de risques, de protocoles de sécurité et de conseils juridiques à l’égard des contrôles accrus que les agents du PERSM peuvent susciter de par la nature de leurs priorités en matière de rapports.

En tant que partenaires gouvernementaux à l’étranger, le SCRS et le PERSM interagissent fréquemment entre eux, dans la mesure où leurs mandats respectifs se recoupent. On observe que la coordination entre les missions et les administrations centrales du SCRS et d’AMC sont lacunaires, ce qui donne lieu à une gouvernance incohérente lorsqu’il s’agit [caviardé].

L’examen a également permis de constater que le Programme ne s’était pas doté de mesures de protection apte à garantir la sûreté des contacts à l’étranger. Or, bien que la plupart des interactions entre les agents et les contacts soient sans graves conséquences, le Programme ne semble pas en mesure d’apprécier les risques liés à certaines de ces interactions. Significativement, l’examen a relevé quelques sources de préoccupation potentielles concernant la façon dont les renseignements identificateurs canadiens sont gérés. En conséquence, il est recommandé qu’AMC soumette le Programme à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

La création d’une entité de renseignement étranger au sein d’AMC, ou encore le consentement à un changement d’orientation de la mission du PERSM permettant de collecter secrètement de l’information, contreviennent aux principes de la CVRD. Par conséquent, l’OSSNR croit qu’il est important que le gouvernement réfléchisse aux questions soulevées par le présent examen et en vienne à prendre une décision quant aux moyens à privilégier pour la collecte de ce type d’information. L’OSSNR reconnaît que le présent enjeu ne relève pas de son champ de compétence et qu’il pourrait plutôt nécessiter l’attention du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR). Nous avons l’intention de mettre le présent rapport à la disposition de nos homologues en matière d’examen de sorte à amorcer la démarche de réflexion.

Pouvoirs

Le présent examen a été réalisé au titre des dispositions visées aux alinéas 8(1)a) et 8(1)b) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.

Introduction

Le Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM) d’Affaires mondiales Canada (AMC) collecte et dissémine de l’information en soutien aux priorités du Canada en matière de renseignement. Au fil de ses quelque vingt années d’existence, le Programme a considérablement évolué, et les produits du PERSM en sont venus à retenir l’attention non seulement des ministères et organismes du gouvernement du Canada (GC), mais aussi des États alliés.

Le présent examen était le premier que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) réalisait de façon autonome relativement à des activités exercées par AMC. D’ailleurs, pendant qu’il examinait les activités du programme unique et complexe que représente le PERSM, l’OSSNR a eu l’occasion de mieux connaître le mandat, les politiques et les autorisations juridiques d’AMC.

L’OSSNR s’est donné pour objectif d’établir si les activités du PERSM étaient menées conformément aux dispositions de la loi et des politiques ainsi qu’aux procédures en vigueur, et de déterminer si les activités étaient justes et nécessaires. De plus, l’examen de l’OSSNR avait également pour objet d’établir si les politiques et procédures du Programme étaient suffisamment élaborées pour soutenir des activités à l’étranger.

La période d’activité visée par la présente étude s’étend du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, quoique l’OSSNR s’est également penché sur de l’information concernant des éléments antérieurs ou postérieurs à cette période. L’OSSNR a aussi examiné un échantillon significatif des missions du PERSM, lequel a offert une diversité de perspectives quant à la nature et la portée des activités du Programme.

Compte tenu des circonstances particulières attribuables à la création récente de l’OSSNR et aux difficultés connexes sur le plan de la logistique et des procédures associées à cette transition, il convient de rappeler que le présent examen n’a été rendu possible que grâce au soutien du personnel d’AMC, plus particulièrement celui des membres de l’Unité de liaison avec les organismes de surveillance externe. De plus, l’OSSNR tient à remercier le SCRS et son équipe Examen externe et Conformité pour avoir facilité le déroulement de l’examen. En outre, le présent rapport devait être achevé au cours de l’été de 2020, mais l’échéance a été reportée en raison de la pandémie de COVID-19, laquelle a débuté au moment où l’OSSNR en était au stade initial d’établissement de la portée de l’examen.

Historique du PERSM

Pendant la Guerre froide, l’établissement des rapports de sécurité était intégré à la production des rapports politiques effectués par les diplomates Canadiens en poste à l’étranger,. Pour combler ses besoins en matière d’information en matière de sécurité, la collectivité de la sécurité et du renseignement (S et R) du Canada misait principalement sur ces rapports. Une fois la Guerre froide terminée, l’établissement des rapports de sécurité n’était plus régulièrement incorporé à la production des rapports politiques par les diplomates affectés à l’étranger. En outre, ce changement témoigne de ce qui suit :

« un ordre mondial en évolution et ponctué de défis de sécurité inédits; des priorités nouvelles et évolutives au niveau national et ministériel; une perte d’expertise se manifestant à mesure que les diplomates et les gestionnaires quittaient leurs postes ou partaient à la retraite; et d’importantes réductions de personnel dans la fonction publique conjuguées aux restrictions budgétaires strictes des années 1990 sont autant de facteurs qui ont eu une incidence sur les activités et les priorités d’AMC. »

Le PERSM a été créé peu après les événements du 11 septembre 2001. Dans sa forme actuelle, le Programme compte un personnel d’une trentaine de diplomates appelées à se consacrer ouvertement aux rapports fondés sur une seule source – à partir d’un réseau principalement constitué de contacts « non traditionnels » – portant sur des enjeux d’intérêt pour la collectivité canadienne de la sécurité, du renseignement, de la défense et des politiques étrangères. Les agents du PERSM (ou les agents) exercent leurs fonctions à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur des capitales des États hôtes, et se déplacent régulièrement vers les zones moins fréquentées par les diplomates. Depuis 2009, ces rapports (qui alimentent les décideurs canadiens et alliés) sont en phase avec les priorités du GC en matière de renseignement.

Les agents du PERSM se rapportent à la Direction d’analyses et de rapports de renseignement (INA), laquelle relève de la Direction générale du renseignement dont le responsable est le SMA, Sécurité nationale et affaires politiques. Le PERSM s’est doté d’une structure de gestion matricielle : au niveau de la mission, les agents relèvent du gestionnaire, Service de la politique étrangère et de la diplomatie (SPED) ou du chef de mission (CDM), alors que l’Administration centrale (AC) du PERSM détermine principalement les priorités s’appliquant aux agents en matière de collecte. De plus, l’AC du PERSM établit les attentes à l’égard du Programme.

Conclusions et recommendations

Utilité du PERSM

Le PERSM est le seul programme diplomatique canadien qui soit financé dans le but de collecter de l’information de sécurité officielle. Le PERSM fonctionne comme une ressource réservée dans la mesure où la majeure partie du temps (dans une proportion de 90 %), un agent se consacre à la production de rapports à une seule source. Aucun autre programme d’AMC ne consacre autant de ressources à la « collecte pure ».

Les clients du PERSM ont maintes fois indiqué que les rapports fournissaient de l’information pertinente qui répond aux besoins de leurs ministères ou organismes respectifs en matière de collecte. De fait, les rapports du PERSM offrent des perspectives « pragmatiques » produites par un groupe diversifié, ce qui est unique lorsqu’on compare ces rapports à ceux des autres modalités de collecte du GC. Les destinataires ont indiqué que les rapports fournissaient de l’information utile concernant les menaces et les tendances générales dans les nouveaux secteurs d’intérêt.

Des clients ont souligné que l’un des principaux atouts du PERSM était la priorité accordée à la formation linguistique, laquelle prévoit, dans certains cas, plus d’une année de formation comprenant des périodes d’immersion dans le pays en question. Les clients du PERSM ont remarqué que la maîtrise des langues était une valeur sûre pour le Programme.

De plus, les clients ont salué la capacité du Programme à affecter rapidement des agents à la couverture de questions, de secteurs ou d’événements particuliers qui sont d’une grande valeur pour le GC. Or, malgré ces avantages, un examen des documents du PERSM révèle le besoin d’améliorer les mécanismes de rétroaction sur les produits, ce qui permettrait d’établir dans quelle mesure les rapports répondent aux besoins des clients.

Fonctions et obligations en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques

Les fonctions que les missions diplomatiques sont légalement tenues d’exercer ainsi que les obligations incombant aux diplomates qui jouissent de privilèges et d’une immunité dans un État accréditaire sont établies en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (CVRD). En vertu du droit international coutumier, la CVRD est généralement acceptée en tant que codification du droit, des règlements et des pratiques en matière de diplomatie. Selon AMC, les fonctions du PERSM correspondent à celles qui sont exercées par les missions diplomatiques et qui sont décrites à l’article 3 de la CVRD. Conformément à l’énoncé de l’alinéa 3(1)d)17, il exerce une partie des fonctions de la mission diplomatique en s’informant par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution des événements dans l’État accréditaire et en faisant rapport à ce sujet au gouvernement de l’État accréditant. L’alinéa 3(1)d) exige précisément que les rapports diplomatiques soient produits « par des moyens licites ».

D’après le paragraphe 41(1) de la CVRD, les diplomates qui exercent les fonctions énumérées à l’article 3 et qui bénéficient des privilèges et immunités dans l’État accréditaire ont le devoir « de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire » et de « ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État ». Tout manquement à ces obligations constitue un abus de privilège ou d’immunité (ce que l’on appelle également abus des fonctions diplomatiques).

Recours applicables en cas d’abus de l’immunité diplomatique et des privilèges connexes

Tel qu’il est indiqué dans la CVRD, les recours en cas d’abus de privilège ou d’immunité comprennent les suivantes : informer l’État accréditant que le diplomate en question est persona non grata (article 9 de la CVRD) et, dans quelques cas extrêmes, rompre les relations diplomatiques, lesquelles sont établies par consentement mutuel, comme l’explique l’article 2 de la CVRD.

Il importe de noter qu’en pareil cas, l’État accréditeur n’est pas tenu de justifier le recours qu’il exerce. Ainsi, la perception d’abus peut constituer un motif d’expulsion d’un diplomate ou de rupture des relations diplomatiques tout autant que l’abus avéré. Dans l’affaire des otages détenus à Téhéran, la Cour internationale de justice a expliqué la discrétion qui est ancrée dans ce régime de la façon suivante :

L’article 9 […] de la convention […] tien[t] compte de la difficulté qu’il peut y avoir en pratique à prouver de tels abus dans chaque cas ou même à déterminer exactement quand l’exercice de la fonction diplomatique […] peut être considéré comme se traduisant par des actes d’« espionnage », ou d’« ingérence dans les affaires intérieures ». Le paragraphe 1 de l’article 9 prend en compte ce type de difficulté en déclarant expressément, dès la phrase initiale que « [l’]État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision », informer l’État accréditant que tout membre du personnel diplomatique de la mission est « persona non grata » ou n’est « pas acceptable. »En plus de ce moyen de remédier aux abus de la fonction diplomatique que peuvent commettre les membres d’une mission à titre individuel, l’État accréditaire dispose d’un remède plus radical si les abus prennent de graves proportions. C’est le pouvoir discrétionnairequ’a tout État accréditaire de rompre les relations diplomatiques avec un État accréditant et de demander la fermeture immédiate de la mission coupable. (Soulignement ajouté par l’OSSNR)

L’immunité dont jouissent individuellement les diplomates cesse « au moment où [ils] quittent le pays ou à l’expiration d’un délai raisonnable qui [leur] aura été accordé à cette fin […] ». En certaines circonstances, l’État accréditaire peut intenter une poursuite contre un diplomate en cas d’infraction à son droit interne, une fois que l’immunité personnelle du diplomate en question a cessé.

Les actes accomplis par un diplomate « dans l’exercice de ses fonctions comme membre de la mission » continuent de bénéficier de l’immunité même lorsque l’immunité personnelle du diplomate a cessé. Toutefois, les actes qui ne font pas partie des fonctions légitimes d’un diplomate ne continueront pas de bénéficier de l’immunité. En l’occurrence, le diplomate peut être passible de poursuites pour les infractions qu’il aurait commises en cours de mission s’il devait retourner dans le pays accréditaire sans avoir préalablement obtenu la protection de l’immunité diplomatique ou s’il omet de quitter le pays accréditaire avant l’expiration du délai raisonnable qui aurait été fixé.

Bien entendu, il y a d’autres moyens plus modérés dont dispose l’État accréditaire pour réagir aux abus de fonctions d’un diplomate, et ce, sur le plan tant juridique que politique. Hormis les risques plus improbables d’expulsion ou de rupture des relations diplomatiques, il existe plusieurs types de dommages à la réputation qui peuvent résulter des atteintes aux dispositions de la CVRD. L’OSSNR insiste sur le fait que les agents du PERSM devraient se montrer hésitants avant de placer un État accréditaire à exercer un recours.

Lorsque les activités du PERSM s’écartent du cadre juridique s’appliquant aux fonctions diplomatiques régies par le droit international, il conviendrait aussi de savoir si ces activités respectent le droit canadien. Les relations diplomatiques se poursuivent en vertu de la prérogative de la Couronne sur la conduite des relations internationales, laquelle est assujettie au droit international. L’on considère que les règles prohibitives du droit international coutumier, lesquelles englobent les règles prohibitives du droit diplomatique, sont intégrées dans la common law canadienne, à moins qu’une loi stipule le contraire. De même, la prérogative de la Couronne est partie intégrante de notre common law. Il faut donc prendre en compte la façon dont l’exercice de la prérogative de la Couronne se concilie avec ces règles prohibitives.

Perceptions

Fonctions diplomatiques vs fonctions du renseignement

Au sein de la Direction générale du renseignement d’AMC, les directives en matière d’établissement de rapports du PERSM découlent des priorités du Canada en matière de renseignement. Néanmoins, AMC présente le Programme à l’OSSNR comme une entité répondant aux normes habituelles en matière de production de rapports diplomatiques. En fait, l’OSSNR perçoit le Programme comme une entité naviguant en zone grise, pris entre deux éléments d’une même dichotomie.

Les agents du PERSM sont postés dans divers pays pour y collecter de l’information répondant aux priorités du GC en matière de renseignement. Ces pays se distinguent souvent par leurs piètres bilans en matière de droits de la personne; un haut degré de méfiance de la part des étrangers; ils se montrent généralement implacables en matière de sécurité interne; et ils tendent à recourir à des mécanismes de surveillance de masse à l’endroit des étrangers et citoyens. Voilà pourquoi la perception que les États accréditaires ont des activités du PERSM constitue un facteur que le Programme doit prendre en compte.

Lorsque l’OSSNR a demandé de quelle manière le Programme expliquait les écarts entre ce qui constitue des activités permises et les lois de l’État accréditaire, les agents du PERSM ont fait valoir qu’ils exerçaient leurs fonctions en vertu de la CVRD27. Même s’ils reconnaissaient avoir le droit d’exercer leurs fonctions au titre du droit diplomatique, les agents savaient très bien que l’État accréditaire pouvait percevoir leur rôle autrement. Certains agents ont indiqué qu’ils atténuaient ce risque en évitant de faire rapport sur des sujets sensibles.

Certes, le PERSM établit ses rapports en fonction des priorités en matière de renseignement et obtient de l’information de la part de contacts humains, mais les agents croient qu’ils se distinguent des praticiens du renseignement dans la mesure où ils agissent ouvertement à titre de membres accrédités d’une mission diplomatique et qu’ils ne rémunèrent ou ne préposent pas leurs contacts. En dépit de ces affirmations, la question de savoir si les actions d’un agent du PERSM sont « ouvertes » ou « secrètes » et si les agents rémunèrent les contacts ou les affectent à des tâches ou non est sans effet, lorsqu’il s’agit d’évaluer des allégations d’abus de privilège et d’immunité au titre de la CVRD. En fait, dans bon nombre de cas, les activités d’ingérence qui ont attiré l’attention des États accréditaires avaient manifestement été menées ouvertement.

Le risque

Les agents du PERSM doivent se montrer vigilants à l’égard de toute activité pouvant être perçue, par les États accréditaires, comme exclue des fonctions officielles d’une mission diplomatique. La présente partie de rapport fait brièvement état de certains des risques liés à ce facteur.

Risques encourus par le gouvernement du Canada et ses alliés

L’OSSNR s’attendait à découvrir un cadre de gouvernance du PERSM qui soit en mesure de faire clairement état des politiques internes et de fournir aux agents des directives sur la façon d’exercer leurs fonctions d’établissement des rapports diplomatiques. Or, le PERSM ne dispose pas d’un tel cadre.

Lorsqu’on l’a questionné au sujet de l’absence d’un cadre de gouvernance, le PERSM a indiqué qu’un ensemble de politiques n’était pas nécessaire puisque les agents [traduction] « font ce que les diplomates ont toujours fait ». Bien que la gestion du PERSM ait signifié que son personnel œuvrait à professionnaliser le Programme, la politique est actuellement :

established by the Head of the GSRP, exercising their judgement and discretion, and drawing on specialized expertise, including support from legal, human resources and finance divisions, and seeking formal or informal approval from senior executives as required and when appropriate.

Les orientations politiques fournies par le chef du PERSM sont communiquées aux agents par courriels. Il n’existe aucun registre central qui permette de gérer cette information. Outre l’insuffisance des structures de gestion de l’information, on note des lacunes sur le plan de la gestion de l’information dans d’autres secteurs. Entre autres, on a relevé des incompatibilités entre divers systèmes, sans compter les disparités qui persistent entre les missions sur le plan des accréditations de sécurité. Au reste, une partie de l’information est conservée à la mission exclusivement, ce qui limite la visibilité de l’AC et la capacité de celle-ci à suivre de près les activités des missions.

En conséquence de l’absence d’une structure de gouvernance adéquate, aux difficultés liées à la gestion de l’information et aux contraintes qui limitent la surveillance des activités des missions, le Programme n’a pas toujours été en mesure de gérer convenablement les risques.

À titre d’exemple, les responsables de l’examen ont relevé des cas où des alliés du Canada avaient mépris des agents du PERSM pour des représentants des services de renseignement canadiens.

Même si l’OSSNR n’a observé aucun cas où les agents du PERSM auraient intentionnellement induit les États accréditaires en erreur, il faut tout de même rappeler que dans un cas, le manque de compréhension concernant le mandat du Programme [caviardé].

Certains des destinataires des rapports du PERSM ont également indiqué que d’autres destinataires (particulièrement ceux dont les antécédents en matière de sécurité et de renseignement sont plutôt limités) n’ont pas vraiment compris que ces produits provenaient d’une seule source et qu’ils n’avaient été ni validés ni corroborés. En l’occurrence, cet élément est particulièrement pertinent, puisque par le passé, des agents du PERSM ont involontairement relayé de l’information dont on a ensuite conclu qu’il s’agissait de la mésinformation et de la désinformation40. Il convient de noter que le PERSM a produit un peu plus de cinq mille rapports pendant la période visée par le présent examen, parmi lesquels on a compté deux occurrences de désinformation avérée pour dix rapports. De plus, les destinataires ont maintes fois souligné la mésinformation se trouvant dans les rapports du PERSM, mais l’OSSNR n’a pas été en mesure de vérifier tous les rapports du programme pendant le déroulement de l’examen.

Comme il a été noté précédemment, l’une des difficultés qui se posent au Programme est l’absence d’une surveillance qui soit suffisante. À l’AC, quatre employés à temps complet sont responsables de la gestion d’environ trente agents, de la vérification d’approximativement deux mille rapports chaque année, de la communication informelle d’orientations en matière de politique et de l’exercice de mesures de liaison avec les intervenants concernés43. Cette charge de travail prive l’AC de la capacité d’appliquer des contrôles de qualité adéquats sur les activités des agents.

Constatation no 1 : L’OSSNR conclut que les structures de gouvernance et de responsabilisation du PERSM ne sont pas suffisamment élaborées.

Constatation no 2 : L’OSSNR conclut que les activités du PERSM comportent le potentiel de risque inutile d’atteinte à la réputation et de préjudice politique pour le gouvernement du Canada.

Constatation no 3 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne maintient pas adéquatement des registres centraux ou applique les des pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le PERSM se dote prioritairement d’un cadre de gouvernance.

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande qu’AMC applique, sur le plan de la conservation des données et de la gestion de l’information, les pratiques qui sont déjà énoncées dans les politiques du GC.

Partenariat opérationnel entre AMC et le SCRS

Le SCRS dispose d’un cadre qui énonce les attentes de l’État accréditaire sur le plan tant politique qu’opérationnel44. La Loi sur le SCRS fait état, à l’article 17, de la façon dont des ententes doivent être régies. De plus, il y a des Instructions ministérielles qui orientent la conduite du SCRS à l’étranger. Ce cadre de gouvernance structure les opérations du SCRS de sorte qu’elles respectent les lois nationales et internationales. Dans la plupart des cas, le SCRS préfère être le principal interlocuteur des partenaires étrangers de la sécurité et du renseignement, au même titre qu’AMC préfère être le principal allocutaire des représentants diplomatiques.

Dans au moins un cas, le PERSM – et non le SCRS – a constitué le principal point de contact auprès des services de renseignement de l’étranger. En l’occurrence, AMC a refusé d’approuver une relation au titre de l’article 17 entre le SCRS et [caviardé] en raison d’un dossier diplomatique sensible qui était toujours en cours. Toutefois, l’OSSNR n’a rien relevé qui puisse indiquer que d’autres relations concernant, entre autres, la GRC ou le PERSM aient été interdites de la sorte. Quoi qu’il en soit, bien qu’il arrive que le SCRS se voie refuser l’autorisation d’établir un lien avec un organe étranger en raison des termes d’une entente avec une entité étrangère, AMC n’impose pas ce genre de restriction.

En outre, il convient de rappeler que les obligations juridiques du SCRS et d’AMC au titre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (LECCMTIEE) sont exactement les mêmes, mais qu’elles risquent d’être appliquées différemment. À titre d’exemple, tandis que le SCRS peut exercer un contrôle sur ceux avec qui il peut ou ne peut pas assurer la liaison uniquement dans la mesure où les Instructions du ministre le permettent (c.-à-d. art. 17, Loi sur le SCRS), AMC n’est pas assujetti à de telles restrictions. AMC mise plutôt sur des processus d’atténuation interne lorsqu’il échange de l’information avec des entités étrangères, ce qui, pour le SCRS, n’est pertinent que si le ministre permet déjà au Service d’entrer en contact avec ladite entité.

Certes, la gestion du PERSM a affirmé qu’il ne revenait pas aux agents d’assurer la liaison avec les services étrangers de sécurité et de renseignement, mais il faut savoir que les agents du PERSM n’ont pas toujours exposé ce facteur à l’OSSNR. Par exemple, certains agents ont interagi avec des membres des services de renseignement locaux, pendant que d’autres considéraient que ces interactions ne faisaient pas partie de leurs fonctions.

En plusieurs occasions, des États accréditaires ont demandé au SCRS de fournir des éclaircissements concernant ce qu’il percevait comme étant des activités inappropriées de la part d’agents du PERSM. Dans ces cas de figure, le SCRS a tenté de rassurer ces partenaires en faisant valoir que le PERSM n’était pas un programme secret de collecte. L’OSSNR a également relevé certaines difficultés dans les régions où les activités du SCRS et celles du PERSM se chevauchent (p. ex. les répertoires de contacts).

L’OSSNR a entendu bon nombre d’agents du PERSM dire qu’ils trouvaient que les partenaires de mission issus du SCRS étaient généralement ouverts et enclins à prodiguer des conseils en matière de sécurité. Dans un autre cas, l’agent du PERSM a signalé une relation hostile avec son homologue du SCRS.

L’OSSNR a aussi remarqué plusieurs cas où rien ne semblait indiquer que les agents du PERSM avaient établi de relations suffisamment productives avec le SCRS au sein de la mission. En l’occurrence, même si les personnes se montraient cordiales les unes envers les autres, on s’en tenait à très peu d’interactions, et les agents du SCRS se montraient plutôt réservés. Certes, l’OSSNR comprend bien les protections juridiques s’appliquant aux échanges d’information auxquels le SCRS participe, mais tout indique qu’il y aurait des lacunes sur le plan de la coordination et des interactions entre le PERSM et le SCRS sur le terrain.

Lorsque l’OSSNR a soulevé la question de la coordination à l’étranger, la direction du PERSM a soutenu que sur ce plan, aucun mécanisme ne serait nécessaire dans la mesure où le SCRS était un client du Programme et non un partenaire. En effet, c’est bien en tant que client que le SCRS reçoit les rapports du PERSM, mais ce qui est dit plus haut indique clairement qu’à l’étranger, le PERSM et le SCRS exercent leurs fonctions en grande proximité, ce qui nécessite de gérer les facteurs qui complexifient la coexistence.

Le SCRS et AMC font partie d’une même équipe de cogestion (EC) dont les membres travaillent au niveau des directeurs généraux et des sous-ministre. Or, l’OSSNR constate que même si l’EC peut très bien servir d’organe de coordination, rien n’indique que les leçons tirées à ce jour auraient été mises à profit sur le plan de la collaboration entre le PERSM et le SCRS. De plus, l’EC ne se réunit que rarement, ce qui réduit considérablement l’influence qu’il peut avoir.

Constatation no 4 : L’OSSNR conclut que les mesures de coordination entre le SCRS et le PERSM sont insuffisantes, ce qui donne lieu à des incohérences sur le plan de la gouvernance lorsqu’il s’agit de traiter avec des entités étrangères.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande l’élaboration de lignes directrices claires en matière de coordination entre le SCRS et le PERSM. Il recommande également que le SCRS et le PERSM s’entendent sur l’approche à adopter lorsqu’il s’agit d’interagir avec des entités étrangères à l’extérieur du Canada.

Risques encourus par les agents

AMC a indiqué qu’il ne disposait d’aucune opinion juridique quant au cadre juridique s’appliquant au PERSM. L’OSSNR remarque qu’on n’a suffisamment établi ni la portée des fonctions exercées au titre de l’alinéa 3(1)d) au sein des missions diplomatiques ou au titre du paragraphe 41(1) de la CVRD ni les types d’activités suivant lesquels les agents du PERSM risquent d’être déclarés persona non grata par l’État accréditaire. Au nombre des éléments particulièrement ambigus, il faut compter la notion plutôt large d’ingérence diplomatique telle qu’elle figure au paragraphe 41(1), laquelle notion n’est pas clairement définie dans le contexte du droit diplomatique et mériterait qu’on s’y attarde plus avant. Plus le comportement d’un agent du PERSM est sensible, plus l’État accréditaire aura tendance à percevoir ce comportement comme de l’ingérence. D’autre part, le seuil de ce qui constitue de l’ingérence ne sera pas le même d’un État à un autre.

De même, lorsque leurs activités revêtent certains des aspects que l’on interprète généralement à l’espionnage, les agents du PERSM risquent d’outrepasser leur mandat, de violer les lois intérieures de l’État accréditaire et d’outrepasser les fonctions diplomatiques qu’ils sont légalement appelés à exercer en tant qu’agents du PERSM. L’équipe responsable des questions juridiques et stratégiques à AMC devra analyser ces risques en profondeur, comme l’expliquent les paragraphes qui suivent.

Les risques de ne pas créer des cadres juridique et stratégique pourrait porter atteinte à la réputation du Canada et de préjudice aux relations diplomatiques, sans compter les risques encourus par les agents du PERSM concernés. L’OSSNR a remarqué que plusieurs agents du PERSM se servaient régulièrement de la CVRD comme d’un bouclier protecteur de leurs actions. En effet, les agents n’ont pas eu l’air d’apprécier qu’un manquement aux obligations leur incombant au titre de la CVRD en vienne à constituer un abus de leur immunité et de leurs privilèges diplomatiques. L’alinéa 3(1)d) de la CVRD reconnaît les rapports fondés sur l’information obtenue par des moyens licites. Par conséquent, tout écart par rapport à cette exigence pose le risque que l’agent du PERSM ne jouisse plus d’aucune immunité dès lors que son affectation au poste diplomatique prend fin.

Le Code de conduite à l’étranger d’AMC reconnaît explicitement que les normes locales de l’État accréditaire doivent être respectées par les représentants du Canada et que les perceptions à l’égard de ces représentants peuvent avoir une incidence négative sur la réputation du Canada. En outre, les activités des agents du PERSM sont également régies par d’autres protocoles, lesquels portent notamment, sur les risques de catastrophes naturelles, les problèmes locaux en matière de santé, la criminalité et la sécurité matérielle de la mission.

Pour collecter de l’information pertinente, les agents du PERSM sont souvent appelés à se déplacer vers des régions dangereuses qui ne sont que rarement fréquentées par les autres diplomates. De plus, les agents du PERSM traitent également avec des contacts susceptibles de défendre des positions considérées comme étant délicates par les États accréditaires. À l’évidence, ces contacts n’auraient que peu de valeur pour le Programme si l’information qu’ils possèdent ou les points de vues qu’ils adoptent pouvaient être recueillis ailleurs. Certes, les diplomates sont d’emblée susceptibles d’attirer l’attention des autorités locales, mais il faut rappeler qu’en raison de la nature du mandat du PERSM, les agents du Programme courent un risque accru d’être surveillés par les États accréditaires.

Il semble y avoir une divergence entre l’AC du PERSM et la gestion de la mission. En effet, il semble n’y avoir aucune structure de responsabilisation qui soit partagée. Par conséquent, la prépondérance de l’un ou l’autre des groupes de gestion s’en trouve affaiblie. Par exemple, l’OSSNR a remarqué plusieurs cas où la structure hiérarchique n’était claire ni pour les partenaires du Programme ni pour la direction d’AMC. À titre d’exemple, le laps de temps qui s’est écoulé avant la réception de directives essentielles a placé un agent dans une situation où la poursuite des activités comportait désormais le risque d’être perçue comme une entorse aux dispositions de la CVRD.

Les formations ou les séances d’information que les agents du PERSM reçoivent concernant les paramètres qui déterminent les privilèges et les immunités diplomatiques ne sont pas adéquates. Ce manque de connaissance peut avoir des répercussions considérables sur l’aptitude des agents du PERSM à se conduire dans le respect du cadre de leurs fonctions diplomatiques. De plus, à partir du moment où l’immunité diplomatique d’un agent du PERSM prend fin, un État accréditaire pourrait vouloir imposer des mesures de représailles.

Étude de cas : acceptation et rapport concernant de l’information classifiée

À plusieurs reprises pendant le déroulement de l’examen, l’OSSNR a entendu les agents du PERSM dire qu’ils possédaient une bonne compréhension des balises juridiques qui régissent leurs actions. Cependant, un certain cas qui a eu lieu a mis en évidence la nécessité de veiller à ce les agents du PERSM soient suffisamment au fait de leurs obligations juridiques. En l’occurrence, un agent du PERSM a reçu, de la part de l’un de ses contacts, ce qui semblait être [caviardé] classifié [caviardé].

À l’instar du Canada, [caviardé] dispose de lois interdisant la divulgation d’information classifiée. Dès lors, les actions des agents du PERSM doivent être conformes à [caviardé]. De plus, l’article 41 de la CVRD stipule clairement que les diplomates sont tenus de respecter les lois et règlements de l’État accréditaire. Or, l’OSSNR n’a rien remarqué qui puisse indiquer que des consultations auprès d’un conseiller juridique auraient eu lieu en rapport avec ce cas particulier.

Dans un autre cas, un agent du PERSM à [caviardé] a demandé et reçu ce qui était probablement de l’information classifiée de la part d’un contact. L’information reçue comprenait des [caviardé].

Dans les deux cas examinés plus haut, les deux agents du PERSM semblaient croire que leurs actions se distinguaient des activités des agents de renseignement au motif qu’ils n’offraient aucune rémunération en échange de l’information. Comme il a été dit précédemment, ce motif n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit de conformité aux dispositions de la CVRD. Qui plus est, les cas précités soulèvent des préoccupations quant aux abus de privilèges diplomatiques.

Les agents du PERSM ne disposent pas de lignes directrices claires sur la façon de procéder lorsqu’ils sont exposés à de l’information qui se trouve au-delà des limites qui circonscrivent la collecte diplomatique. L’OSSNR a relevé une occurrence où un agent du PERSM aurait reçu de l’information dont on soupçonnait qu’elle fût classifiée et l’aurait retournée à la source, comme il se devait. Toutefois, tout indique que le résultat était une conséquence du bon jugement affiché par l’agent plutôt que l’effet d’une directive explicite.

Constatation no 5 : L’OSSNR constate l’absence d’évaluation des risques et de protocoles portant précisément sur la surveillance accrue dont les agents du PERSM pourraient faire l’objet en raison de leurs priorités en matière d’établissement de rapports.

Constatation no 6 : L’OSSNR conclut que même s’il exerce ses fonctions en vertu de la CVRD, le PERSM agit sans tirer parti de conseils juridiques, lesquels lui permettraient d’évaluer les activités du Programme.

Constation no 7 : L’OSSNR conclut que les agents du PERSM ne reçoivent pas une formation adéquate sur leurs obligations juridiques.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore des protocoles sur les risques ainsi que des lignes directrices en matière de sécurité qui soient adaptés au PERSM

Recommandation 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise une évaluation juridique approfondie des activités du PERSM. Par la suite, les agents du PERSM devraient recevoir une formation consécutive aux résultats de ladite évaluation.

Risques encourus par les contacts

Comme il a été expliqué précédemment, plus les agents du PERSM agissent de façon sensible, plus leur conduite risque d’être perçue comme de l’ingérence par l’État accréditaire. C’est particulièrement vrai dans le cas des interactions entre les agents et les contacts. Il importe de souligner que les protections diplomatiques censément offertes par la CVRD aux agents du PERSM ne s’appliquent pas aux contacts. Ainsi, tout dépend a) de la mesure dans laquelle un contact est réellement libre de communiquer de l’information à un État étranger et b) de la mesure dans laquelle les activités d’un agent PERSM pourraient éveiller des soupçons importuns à propos de cette interaction.

Les agents du PERSM ont signalé diverses expériences vécues avec leurs contacts dans leurs environnements opérationnels respectifs, sur le plan du risque et de la sécurité. Compte tenu de la nature ouverte de la collecte, la plupart des agents du PERSM, tous environnements confondus, croyaient qu’il n’y avait pas vraiment lieu de se faire du souci pour les contacts. Dans les cas où ils reconnaissaient que certaines régions et/ou certaines circonstances posaient un risque élevé pour les contacts, les agents ont répondu que ces situations étaient fréquemment atténuées en suivant la piste proposée par le contact. En d’autres termes, comme le contact était celui qui connaissait le mieux l’environnement, l’agent du PERSM se rendait particulièrement attentif à ces aspects délicats.

Dans certains cas, des agents du PERSM ont exprimé leurs préoccupations quant à la sécurité de leurs contacts en raison de risques qu’il serait difficile d’atténuer. L’un des agents du PERSM a souligné, en cours d’entrevue, que son contact l’avait informé que leurs interactions attireraient une attention non voulue de la part des autorités locales. De même, un autre contact du PERSM a été mis en détention par les autorités locales et questionné concernant son interaction avec un agent du PERSM. En d’autres occurrences, des agents du PERSM ont évoqué un soulèvement politique ou un renforcement des mesures de sécurité pour expliquer pourquoi leurs contacts avaient abruptement cessé de leur parler.

Pendant le déroulement du présent examen, l’effet des distinctions entre contacts ouverts et sources clandestines a été omniprésent. À plusieurs égards, le désaccord de la gestion du PERSM sur le fait qu’un contact ne peut être perçu de la même façon qu’une source de renseignement est fondé. Certes, la plupart des interactions que les agents du PERSM peuvent avoir avec les contacts sont sans danger. Toutefois, compte tenu de la nature des exigences en matière de rapports dans le contexte du Programme, il y a eu des cas où les interactions entre le contact et l’agent ont comporté des risques considérables. À titre d’exemple, citons un cas où le PERSM [caviardé] s’est entretenu avec diverses personnes [caviardé].

Ces questions et ces régions ne sont pas reconnues comme étant hautement sensibles pour les États accréditaires, mais en revanche, elles correspondent largement aux enjeux par rapport auxquels on peut demander à une source secrète de collecter de l’information.

Le problème avec lequel le Programme doit composer sur le plan de la « gestion des contacts » est que tout ce qui, à première vue, s’apparente à ce qui relève d’un programme de « gestion des sources » prête le flanc aux critiques d’usage selon lesquelles les activités visées seraient associées de trop près aux rapports non diplomatiques. Par exemple, le Programme aurait certainement intérêt à s’inspirer des pratiques exemplaires s’appliquant à la gestion du HUMINT. Il n’en demeure pas moins que la possibilité de reconnaître les aspects qui comporteraient les plus grands avantages, spécialement dans le contexte d’un programme diplomatique, n’est pas évidente.

En l’absence d’une structure de gouvernance devant s’appliquer à la « gestion des contacts », les agents sont contraints de miser uniquement sur leur bon jugement pour savoir ce que ces interactions finiront par donner. Entre autres, l’agent doit déterminer qui il rencontrera, où la rencontre aura lieu et quels seront les protocoles de sécurité qu’il conviendra d’appliquer compte tenu des circonstances.

Il est arrivé que l’agent tente par ses propres moyens de renforcer la sécurité du contact, notamment, en décidant à la dernière minute de l’endroit de la rencontre, ce qui permet de réduire les risques qu’une tierce partie sache où la rencontre doit avoir lieu. Dans un autre exemple, l’agent a tenté de bloquer la localisation des dispositifs mobiles au moyen d’un sac Faraday.

Même si les mesures ont été prises dans l’intérêt des contacts rencontrés, les services de renseignement qui observent ces mesures pourraient avoir une tout autre perception quant à l’intention desdites mesures. Plus particulièrement, ce type de situation pose le risque que les contacts du PERSM soient perçus, par les États accréditaires, comme les éléments d’un service de renseignement hostile.

Quel que soit l’environnement ou le degré d’aisance avec le contact, on a remarqué des incohérences dans la façon dont les agents du PERSM donnaient des garanties à leurs contacts. Par exemple, certains agents garantissent à leurs contacts que les rapports du PERSM sont anonymisés ou confidentiels, alors que d’autres agents n’offrent aucune garantie de la sorte. Rien n’indiquait que les agents pouvaient montrer une compréhension commune quant aux garanties pouvant être offertes aux contacts ou que les contacts avaient une compréhension suffisante de ce qui pouvait advenir de l’information qu’ils fournissaient.

Les destinataires des rapports du PERSM ont maintes fois évoqué l’aisance avec laquelle ils étaient en mesure de reconnaître les contacts à partir des descriptions contenues dans les rapports. Fait à noter, la majorité des agents ont affirmé qu’ils produisaient des rapports à la suite de leurs rencontres avec des contacts canadiens. L’anonymisation de l’information sur les Canadiens est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de veiller à ce qu’AMC remplisse ses obligations au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou d’autres dispositions législatives applicables. L’OSSNR envisage de se pencher sur la question à savoir si le PERSM remplit ses obligations en matière d’échange d’information relativement aux contacts canadiens.

Constatation no 8 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne dispose pas de mesures qui permettent de protéger adéquatement les interactions avec les contacts à l’étranger.

Recommandation 6 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore, suivant une consultation auprès des conseillers juridiques d’AMC, un ensemble de pratiques exemplaires qu’il pourra appliquer aux interactions avec les contacts.

Recommandation 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC soumette le PERSM à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

Conclusion

Le PERSM évolue dans une zone clairement grise; la vision du PERSM, quant au Programme, prévoit [traduction] « une intégration accrue, au sein du PERSM, des normes et des pratiques exemplaires en vigueur au sein de la collectivité du renseignement, tout en continuant d’incarner les valeurs cardinales de la diplomatie ». Le défi qu’il conviendra de relever dans l’immédiat sera de concilier ces valeurs et ces principes, et de produire les modalités permettant de les appliquer efficacement sur le terrain.

Le principe de réciprocité est un élément important de la diplomatie. Or, les activités de certains agents du PERSM à l’étranger soulèvent des préoccupations quant au fait que des diplomates du Canada ne se comportent pas conformément au cadre de leurs fonctions et obligations au titre de la CVRD, ce qui peut, au passage, avoir une incidence sur la façon dont ces États étrangers exercent leurs activités au Canada.

Le renseignement étranger collecté par les Canadiens est très recherché. Or, les universitaires et les hauts responsables de divers ministères ont clairement indiqué que les alliés du Canada souhaitent vivement que le Canada s’implique davantage.

La création d’une entité de renseignement étranger au sein d’AMC, ou le fait de permettre au PERSM de modifier l’orientation de la mission vers cette sphère de collecte, irait à l’encontre des principes de la CVRD. Ainsi, il serait important que le GC prenne en compte les enjeux soulevés par le présent examen et en vienne à établir les moyens les plus appropriés de collecter ce type d’information. L’OSSNR estime que les enjeux soulevés en cours d’examen devront susciter une réflexion approfondie sur la pertinence d’un service canadien consacré exclusivement au renseignement étranger. Or, ne relevant pas du mandat de l’OSSNR, cet enjeu pourrait nécessiter l’attention du CPSNR.

Annexe A: Constatations et recommandations

Constatation no 1 : L’OSSNR conclut que les structures de gouvernance et de responsabilisation du PERSM ne sont pas suffisamment élaborées.

Constatation no 2 : L’OSSNR conclut que les activités du PERSM comportent le potentiel de risque inutile d’atteinte à la réputation et de préjudice politique pour le gouvernement du Canada.

Constatation no 3 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne maintient pas adéquatement des registres centraux ou applique les des pratiques exemplaires en matière de gestion de l’information

Constatation no 4 : L’OSSNR conclut que les mesures de coordination entre le SCRS et le PERSM sont insuffisantes, ce qui donne lieu à des incohérences sur le plan de la gouvernance lorsqu’il s’agit de traiter avec des entités étrangères.

Constatation no 5 : L’OSSNR constate l’absence d’évaluation des risques et de protocoles portant précisément sur la surveillance accrue dont les agents du PERSM pourraient faire l’objet en raison de leurs priorités en matière d’établissement de rapports.

Constatation no 6 : L’OSSNR conclut que même s’il exerce ses fonctions en vertu de la CVRD, le PERSM agit sans tirer parti de conseils juridiques, lesquels lui permettraient d’évaluer les activités du Programme.

Constation no 7 : L’OSSNR conclut que les agents du PERSM ne reçoivent pas une formation adéquate sur leurs obligations juridiques.

Conclusion no 8 : L’OSSNR conclut que le PERSM ne dispose pas de mesures qui permettent de protéger adéquatement les interactions avec les contacts à l’étranger.

Recommandation no 1 : L’OSSNR recommande que le PERSM se dote prioritairement d’un cadre de gouvernance.

Recommandation no 2 : L’OSSNR recommande qu’AMC applique, sur le plan de la conservation des données et de la gestion de l’information, les pratiques qui sont déjà énoncées dans les politiques du GC.

Recommandation no 3 : L’OSSNR recommande l’élaboration de lignes directrices claires en matière de coordination entre le SCRS et le PERSM. Il recommande également que le SCRS et le PERSM s’entendent sur l’approche à adopter lorsqu’il s’agit d’interagir avec des entités étrangères à l’extérieur du Canada.

Recommandation no 4 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore des protocoles sur les risques ainsi que des lignes directrices en matière de sécurité qui soient adaptés au PERSM

Recommandation 5 : L’OSSNR recommande qu’AMC réalise une évaluation juridique approfondie des activités du PERSM. Par la suite, les agents du PERSM devraient recevoir une formation consécutive aux résultats de ladite évaluation.

Recommandation 6 : L’OSSNR recommande que le PERSM élabore, suivant une consultation auprès des conseillers juridiques d’AMC, un ensemble de pratiques exemplaires qu’il pourra appliquer aux interactions avec les contacts.

Recommandation 7 : L’OSSNR recommande qu’AMC soumette le PERSM à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.

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