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L’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) a bien pris note de la décision rendue par la Cour fédérale le 16 juillet 2020 quant à la légalité de certaines des activités faisant appel à des sources humaines de renseignement du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et au non-respect de son obligation de franchise envers la Cour.
La Cour fédérale a examiné l’application par le SCRS de la doctrine juridique de l’immunité de la Couronne aux activités faisant appel à des sources humaines dans le contexte des demandes de mandat présentées par le SCRS. Jusqu’au début de 2019, le SCRS invoquait la doctrine de l’immunité de la Couronne pour justifier diverses mesures normalement considérées comme illicites et prises pendant la collecte de renseignement par les employés du SCRS et par des personnes agissant sous leur direction.
Examens du csars des activités du scrs faisant appel à des sources humaines
Dans sa décision, la Cour a cité le rôle du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS), qui a attiré l’attention sur les problèmes que posait l’invocation de l’immunité de la Couronne par le SCRS. Le CSARS, qui a été créé parallèlement au SCRS en 1984, a attentivement examiné les activités du SCRS jusqu’à ce qu’il soit remplacé par l’OSSNR, en juillet 2019. Pendant cette période, le CSARS a régulièrement examiné le recours à des sources humaines par le SCRS pour obtenir des renseignements. Exemples :
- Dans l’examen du 12 mai 2015 La relation et les échanges entre le SCRS et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement,Note de bas de page (1) le CSARS attirait l’attention sur les contraintes juridiques auxquelles le SCRS faisait face en ce qui concerne ses opérations faisant appel à des sources humaines, en soulignant que certaines des opérations du SCRS à l’étranger pouvaient contrevenir au Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban et à des lois semblables. Le CSARS a par la suite demandé au SCRS d’examiner ses propres activités afin de s’assurer de leur conformité.
- Dans Un examen de l’enquête du SCRS sur les « combattants étrangers » canadiensdu 27 mai 2016 (2), le CSARS notait les risques juridiques liés à certaines opérations du SCRS et recommandait que le SCRS demande des éclaircissements sur le plan juridique pour savoir si les employés du Service et ses sources humaines bénéficient d’une protection, sous le régime de la règle de common law de l’immunité de la Couronne, en ce qui concerne les infractions liées au terrorisme aux termes du Code criminel.
Le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, a été déposé le 20 juin 2017, il a reçu la sanction royale le 21 juin 2019 et est maintenant en vigueur. Le projet de loi C-59 comprenait de nouvelles dispositions autorisant le SCRS à réaliser des activités faisant appel à des sources humaines en bénéficiant d’une protection juridique explicite. Ces dispositions ne s’appliquent toutefois pas rétroactivement.
Le CSARS a poursuivi son examen des activités du SCRS faisant appel à des sources humaines après la présentation du projet de loi C-59. Dans son rapport annuel de 2016-2017, le CSARS a souligné que le SCRS continuait de mener des opérations avec des sources humaines et que ces opérations risquaient d’enfreindre le droit canadien. Le CSARS mentionnait également qu’il surveillerait les mesures prises par le SCRS pour atténuer les risques juridiques liés aux opérations faisant appel à des sources humaines en attendant l’entrée en vigueur du projet de loi C-59.
Certification par le csars du rapport 2017-2018 du directeur du scrs
Dans la certification du rapport annuel 2017-2018 que le directeur du SCRS a préparé à l’intention du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le CSARS concluait qu’à son avis certaines des activités faisant appel à des sources humaines menées par le SCRS ne pouvaient se justifier par la doctrine de l’immunité de la Couronne. Il précisait que le SCRS avait réalisé des activités faisant appel à des sources humaines même s’il savait que ces activités n’étaient pas conformes à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité ni à l’instruction ministérielle qui précise que la règle de droit doit être observée. Le CSARS a également précisé que le directeur devait rendre compte de ces activités au ministre et au procureur général du Canada en vertu de l’article 20 de la Loi sur le SCRS. Le certificat du CSARS du 21 mars 2019 a été remis au ministre et au directeur du SCRS.
L’OSSNR abordera la question du certificat du CSARS dans son premier rapport annuel, qui sera publié l’automne prochain. Compte tenu de la décision récemment rendue par la Cour fédérale, l’OSSNR a également publié une version caviardée du certificat, que l’on peut consulter ici.
Pour en savoir plus sur l’OSSNR et son mandat, veuillez consultez notre site Web.
Dans sa décision, la Cour fédérale souligne que le SCRS a omis de fournir de l’information importante au CSARS (3). En outre, le SCRS a tardé à communiquer au CSARS un avis juridique essentiel sur l’immunité de la Couronne pendant près de deux ans, soit jusqu’en janvier 2019, date à laquelle le CSARS a été informé de l’affaire à l’examen par la Cour fédérale. Le CSARS a également noté dans le certificat que des faits essentiels avaient été omis dans des notes d’information et des rapports traitant de ce sujet et soumis au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Prochaines étapes
Les membres de l’OSSNR sont fermement convaincus que le SCRS doit absolument faire preuve de la plus grande franchise envers les personnes et les institutions chargées d’examiner et de surveiller ses activités pour que le cadre de reddition de compte en matière de sécurité nationale fonctionne efficacement. Ces institutions comprennent non seulement la Cour fédérale, mais également des organismes de surveillance comme l’OSSNR.
L’examen indépendant du SCRS est une exigence légale pour l’OSSNR. L’OSSNR examine les activités du SCRS pour s’assurer qu’elles sont conformes aux lois et aux instructions du ministre et pour vérifier le caractère raisonnable et nécessaire des activités du SCRS.
Dans sa décision, la Cour fédérale recommande qu’un examen externe exhaustif soit effectué afin de cerner les lacunes et défaillances systémiques, culturelles et relatives à la gouvernance qui ont mené le SCRS à prendre des mesures illégales et à ne pas respecter son obligation de franchise envers la Cour. L’OSSNR a été saisi d’examiner ces questions par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et le ministre de la Justice en vertu de l’alinéa 8(1)(c) de la Loi sur l’OSSNR.
Par conséquent, l’OSSNR procédera immédiatement à un examen exhaustif dans la même veine de ce qui est recommendé par la Cour. Cet examen portera principalement sur le SCRS et le ministère de la Justice. L’OSSNR pourra également examiner d’autres aspects appropriés reliés aux évènements, en conformité avec le mandat de notre organisation. Cet examen se déroulera sous la direction de deux membres actuels de l’OSSNR : l’honorable Marie Deschamps, C.C., ancienne juge de la Cour suprême du Canada, et Craig Forcese, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. L’OSSNR s’attend à un accès complet et sans entraves à tous les renseignements jugés pertinents pour compléter son examen, tel que prévu par la Loi sur l’OSSNR.
Coordonnées
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Relations avec les médias
OSSNR
media-medias@nsira-ossnr.gc.ca
Notes de bas de page
(1) Cet examen (2014-07) a ensuite été publié dans le rapport annuel du CSARS 2014-2015.
(2) Cet examen (2015-09) a ensuite été publié dans le rapport annuel du CSARS 2015-2016.
(3) Voir les paragraphes 56 et 126 de la décision de la Cour fédérale.